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486. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

La pensée court sans pouvoir s’arrêter sur les idées principales. […] Il s’allonge, il s’accourcit, il tombe, il court, il s’arrête, selon tous les mouvements de l’âme. […] « Il dit qu’il portait pour nous seuls les fruits les plus pesants du labeur des années ; parcourant sans s’arrêter de long cercle de peines qui ramène dans nos champs, en revenant sur soi, ce que Cérès nous donne et ce qu’elle vend aux animaux ; que cette suite de fatigues avait, de tous tant que nous sommes, pour récompense force coups, peu de gré ; puis que, quand il était vieux, on croyait l’honorer toutes les fois que les hommes achetaient l’indulgence des cieux au prix de son sang. » Il fallait faire ainsi « le peseur de syllabes et le regratteur » de consonnes, et se hasarder jusqu’à la critique de Batteux et de Denys d’Halicarnasse, pour montrer que l’instinct d’un poète, même bonhomme, est aussi savant que la réflexion d’un philosophe.

487. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Chandoux s’enfonce, Chandoux tripote, s’associe avec un homme d’affaires qui n’est qu’un coquin, mange la grenouille, est arrêté… Ses parents se sont ruinés pour lui, et sa sœur, à cause de lui, n’a pu épouser un brave garçon qui l’aime. […] On a l’illusion, lorsqu’on n’est pas un grand philologue, de lire un texte du moyen âge sans être arrêté par les perpétuelles difficultés des textes authentiques ; on goûte le charme combiné de la mièvrerie de la forme et de la simplicité des sentiments ; et, comme il est convenu que le moyen âge est naïf, comme son langage nous paraît tel (peut-être parce qu’il est en général plus lent et plus empêtré que le nôtre, ) on savoure de bonne foi cette naïveté. […] Et il reste aussi dans la mémoire, André Fleuse, le grand berger. « Le grand berger s’arrête au sommet de la colline… » C’est la silhouette entrevue par Sully Prudhomme : Dans sa grossière houppelande, Le pâtre, sur son grand bâton Penché, les mains sous le menton, Est ramant rêveur de la lande.

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