Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] mon ami, je crois qu’il faut que je continue à vivre comme j’ai vécu… Défais-moi des propositions de mariage et laisse-moi la liberté : j’appelle assurément liberté que d’être garçon. […] Depuis que le roi appelait Catinat son cousin, Croisilles ne se permettait plus de tutoyer son illustre frère. […] Camille Rousset est des plus piquantes et souvent des plus comiques ; ces lettres d’un homme de qualité que Mme de Maintenon appelait « la politesse même » font le plus parfait contraste avec le ton et le sans-façon assez rudes de celles de Catinat. […] C’était, du reste, si l’on excepte cette gendarmerie d’élite arrivée de l’avant-veille, une armée toute formée par lui, toute dans sa main ; elle avait pleine et entière confiance dans son guide, le père La Pensée, comme on l’appelait familièrement.
Lui qu’on a appelé d’Argenson la bête, il continue le portrait en refusant au comte de Saxe l’esprit : « Il a peu d’esprit, dit-il, il n’aime que la guerre, le mécanisme12, et les beautés faciles. […] N’en déplaise à d’Argenson, Maurice avait ce que l’ami Fabrice dans Gil Blas appelle l’outil universel, le grand outil de l’esprit : il avait la connaissance des hommes, l’art de les mener, de les manier, le tact. […] Il savait qu’il n’est pas vrai que tous les hommes soient braves, ni que les braves eux-mêmes le soient toujours, que la valeur des troupes est journalière ; que les mêmes qui sont victorieux en attaquant seront battus si on les retient sur la défensive : il est perpétuellement en garde contre ces défaillances de la nature et ce qu’il appelle l’imbécillité du cœur. […] Je tâcherai aussi d’engager un homme raisonnable à faire un tour en Saxe ; mais les Français sont paresseux de sortir de Paris : j’entends ceux qui valent quelque chose, et ils sont au désespoir quand il s’agit d’aller seulement sur la frontière. » Il nous connaissait bien : et c’est ainsi qu’il est bon quelquefois de ne pas être de la nation qu’on sert et où l’on sera appelé à commander : on sait les défauts, on les corrige ; on combine les qualités et les mérites de deux races. […] J’en appelle au tressaillement national et universel qui salua ce soudain revirement de la fortune.