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1529. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il allait travellant et chevauchant, querant de tous côtés nouvelles », souvent appelé par les princes ou les barons, qui lui demandaient une place dans ses chroniques, écrivant leurs prouesses presque sous leur dictée, et risquant fort d’exagérer ; car je n’imagine pas que les chevaliers du moyen âge parlassent de leurs exploits plus sobrement que les gens de guerre d’aujourd’hui. […] Celui qui qualifiait ainsi Chastelain et qui, ailleurs, l’appelle son père en doctrine, son maître en science, « la perle et l’estoile de tous les historiographes de son temps et de pieça », est Olivier de la Marche. […] Et toutesfois entre mes amers gousts, je treuve un assouagement et une sustance à merveilles grande en une herbe appelée memoire, qui est celle seule qui me fait oublier peines, travaux, miseres et afflictions, et prendre plume, et empleyer ancre, papier et temps, tant pour moy desennuyer comme pour accomplir et achever (si Dieu plaist) mon emprise, espérant que les lisans et oyans suppléeront mes fautes, agréeront mon bon vouloir, et prendront plaisir et délectation d’ouyr et sçavoir plusieurs belles, nobles et solennelles choses advenues de mon temps, et dont je parle, par veoir, non pas par ouyr dire. » Olivier de la Marche écrivait ces touchantes et nobles paroles en 1491. […] Les Mémoires de Comines sont l’histoire de sa vie, de ses débuts à la cour du duc de Bourgogne contre la France, puis de sa désertion, qu’expliquent les mœurs du temps, à la cour de Louis XI, dont il devint le confident et le conseiller de ses services publics et secrets ; de ses disgrâces sous Charles VIII, de son emprisonnement à Loches dans une de ces cages de fer imaginées par Louis XI, et qu’on appelait les fillettes du roi ; de sa rentrée en grâce ; de la part qu’il prit aux guerres d’Italie, et de ses dernières années, sous le règne de Louis XII. […] Comines aime l’adresse, ce qu’il appelle dans Louis XI sagesse, et qui n’était que l’art d’avoir l’avantage en toute affaire, par tous les moyens.

1530. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Papias, qui se rattachait à l’école de Jean, et qui, s’il n’avait pas été son auditeur, comme le veut Irénée, avait beaucoup fréquenté ses disciples immédiats, entre autres Aristion et celui qu’on appelait Presbyteros Joannes, Papias, qui avait recueilli avec passion les récits oraux de cet Aristion et de Presbyteros Joannes, ne dit pas un mot d’une « Vie de Jésus » écrite par Jean. […] De là, tant de petits traits de précision qui semblent comme des scolies d’un annotateur : « Il était six heures » ; « il était nuit » ; « cet homme s’appelait Malchus » ; « ils avaient allumé un réchaud, car il faisait froid » ; « cette tunique était sans couture. » De là, enfin, le désordre de la rédaction, l’irrégularité de la marche, le décousu des premiers chapitres ; autant de traits inexplicables dans la supposition où notre évangile ne serait qu’une thèse de théologie sans valeur historique, et qui, au contraire, se comprennent parfaitement, si l’on y voit, conformément à la tradition, des souvenirs de vieillard, tantôt d’une prodigieuse fraîcheur, tantôt ayant subi d’étranges altérations. […] Le parsisme, l’hellénisme, le judaïsme auraient pu se combiner sous toutes les formes ; les doctrines de la résurrection et du Verbe auraient pu se développer durant des siècles sans produire ce fait fécond, unique, grandiose, qui s’appelle le christianisme. […] La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent. […] « S’il est permis de l’appeler homme. » 11.

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