Par un prodige d’identification avec le personnage de ce récit, Poe réalise, dans l’ordre strict où le narrateur fictif a pu les apercevoir, des scènes qui cessent d’être imaginaires. […] En d’autres termes, étant donnés les caractères résumés plus liant, nous essayerons de construire un mécanisme intellectuel hypothétique dont les principales activités correspondent à ces propriétés saillantes, apercevoir en ses gros rouages l’âme que Poe dut avoir pour écrire comme nous l’avons montré. […] De même que chaque artiste aperçoit plus vivement et conserve plus obstinément dans la mémoire, certaines formes, certains êtres, certains ensembles, et, de ces spectacles, un caractère spécifique et abstrait, que Michel-Ange avait l’âme pleine de torsions de muscles, Rembrandt de dégradations de lumières, Beethoven de rythmes héroïques, Poe dut accumuler en lui tous les objets de l’épouvante humaine.
Le flanc de la montagne tourné au couchant ne voit le soleil que plus tard ; cette pente ruisselle, à ces heures de la matinée, de fraîcheur et de rosée ; ce n’est qu’aux extrémités des coudes et des caps élevés, formés par les sinuosités de la rampe, qu’on aperçoit à sa gauche les vagues éclairées du fleuve roulant dans la vallée à travers les brumes roses, les scintillations et les éblouissements du soleil levant. […] J’avoue que j’étais ivre seulement de bruit avant d’avoir aperçu le précipice. […] Je m’avançai, sans être aperçu, un peu au-dessus de la petite pelouse où elle s’appuyait sur le parapet de rochers pour contempler la chute.