J’ai eu des prix, j’ai eu des amis qui ont fait campagne pour moi, j’ai fait quelques visites, et je me suis aperçu que les membres de ces jurys n’étaient ni plus, ni moins consciencieux que les éditeurs, les électeurs, les médecins, et pas plus injustes que Dieu qui distribue au petit bonheur la beauté, l’intelligence et la fortune. […] Ils ont étendu aux écrivains la bêtise qu’on faisait déjà pour les peintres, les sculpteurs, les architectes ; les plus fatales conséquences sont à craindre : elles s’aperçoivent déjà. […] [Les adversaires] Après les partisans des prix littéraires, partisans qui, comme on a pu s’en apercevoir, ne sont en général pas très enthousiastes, passons aux adversaires.
Il s’en aperçoit bien un peu ; comme il a été à l’école, qu’il a beaucoup lu et qu’il a la mémoire des mots, il fait des descriptions qui, quelquefois, peuvent tromper le grand nombre. […] Ils sont conduits par une idée, et malgré eux, sans même s’en apercevoir, pour le plaisir de ne point blesser cette idée, ils faussent toutes les notions qu’ils reçoivent. […] Nietzsche, comme Schopenhauer, est un moraliste plein d’aperçus ingénieux, singuliers, ce n’est pas un philosophe ; j’entends par là qu’il n’a pas une conception neuve ni unique du monde, qu’il ne se soucie pas de se contredire de page en page.