Il mena une vaste enquête qui aboutit à classer, à trier, parmi l’immense et confus apport de ces cent années qui avaient trouvé le nouveau monde et ressaisi l’ancien, ce qui pouvait être utile, à Montaigne sans doute d’abord, mais du même coup à ses concitoyens, et à tous les hommes qui auraient la tête faite comme lui : tout ce qu’il garda fut soigneusement expertisé, « contre-rôlé », ajusté, adapté, pour l’usage de l’intelligence. […] Au sacrifice près, qui, en quelque mesure que ce soit, n’est pas la pente de sa nature, c’est un excellent et aimable homme, de charmant commerce, ami exquis et vrai, d’autant que le libre choix, dans l’amitié, assure son ombrageuse indépendance : on sait sa liaison de quatre années avec La Boétie, et la chaleur qui lui en resta toujours au cœur. […] Il joua un certain rôle pendant les troubles, d’abord pour préserver la ville de Bordeaux pendant les quatre années de sa mairie, mais aussi pour préserver la ville de Bordeaux pendant les quatre années de sa marie, mais aussi dans la politique générale comme négociateur, intermédiaire et confident : les chefs des partis le recherchaient pour sa modération, sa sûreté et sa pénétration. […] Il avait eu une particulière amitié avec Pierre Charron, qui passa avec lui une partie de l’année 1589, et avec Mlle de Gournay, sa fille d’alliance, qu’il vit pour la première fois à Paris en 1588.
Il m’est impossible d’exprimer l’effet physiologique et psychologique que produit sur moi ce genre de parodie niaise devenu si fort à la mode en province depuis quelques années. […] Des générations jeunes et vives et parfois des races nouvelles viennent sans cesse lui donner de la sève, et d’ailleurs ce mal, par sa nature même, ne saurait durer plus de quelques années comme mal social. […] Semblables aux estomacs usés qui se dégoûtent vite et pour lesquels il faut tenter sans cesse de nouvelles combinaisons culinaires, ils attachent tout leur intérêt à la succession des manières qui toutes les dix années se supplantent les unes les autres. […] Qu’aurait dit Tacite, si on lui eût annoncé que tous ces personnages qu’il fait jouer si savamment seraient alors complètement effacés devant les chefs de ces chrétiens qu’il traite avec tant de mépris ; que le nom d’Auguste ne serait sauvé de l’oubli que parce qu’en tête des fastes de l’année chrétienne on lirait : Imperante Caesare Augusto, Christus natus est in Bethlehem Juda ; qu’on ne se souviendrait de Néron que parce que, sous son règne, souffrirent, dit-on, Pierre et Paul, maîtres futurs de Rome ; que le nom de Trajan se retrouverait encore dans quelques légendes, non pour avoir vaincu les Daces et poussé jusqu’au Tigre les limites de l’Empire, mais parce qu’un crédule évêque de Rome du VIe siècle eut un jour la fantaisie de prier pour lui ? […] Augustin Thierry, Dix Années d’Études historiques, préface.