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168. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Arrivés devant le roi, les bouchers couchèrent le taureau sur le flanc et lui lièrent les quatre membres puis un d’eux s’approcha avec son coutelas pour l’égorger ; mais le coutelas ne coupa même pas un poil de l’animal, car Takisé avait le pouvoir d’empêcher le fer d’entamer sa chair. […] Arrivée là, elle déposa graisse et boyaux dans un grand canari, car elle ne se sentait pas le courage de manger de l’animal qu’elle avait élevé et à qui elle avait tant tenu.

169. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Dans les traditions religieuses, ethniques, historiques qui sont la matière de la poésie celtique, ce ne sont que voyages au pays des morts, étranges combats et plus étranges fraternités des hommes et des animaux, visions fantastiques de l’invisible ou de l’avenir, hommes doués d’une science ou d’une puissance surnaturelles, qui commandent aux éléments et savent tous les mystères, animaux plus savants et plus paissants que les hommes, chaudrons, lances, arbres, fontaines magiques, et longs écheveaux d’aventures et d’entreprises impossibles à quiconque n’est pas prédestiné pour les accomplir, servi par les êtres ou maître des objets prédestinés à en assurer l’accomplissement. […] Un sens profond du mystère et de la vie universelle, une large sympathie qui attache l’homme à tout ce qui est, et qui fait dégager des animaux, des arbres, de toute la nature l’intime frémissement d’une sensibilité humaine, l’inquiétude irréparable de l’au-delà, l’âpre curiosité du monde inconnu, effrayant et attirant, qui reçoit les fugitifs du monde des vivants, imprègnent toute cette poésie, et lui prêtent un inoubliable accent52. […] Il dira pourtant, sans sourciller, mais d’un ton qui ôte toute envie d’y croire, l’aventure d’Yvain et du lion reconnaissant : comment, délivré du serpent qui lui mordait la queue, le brave animal s’attache au chevalier, l’assiste dans tous ses combats, et comment une fois le croyant mort, tout pleurant, il prend entre ses grosses pattes l’épée de son bienfaiteur, et fait tous les préparatifs du suicide. […] Ainsi fait Yvain, qui s’en va vivre au fond d’une forêt, nu, comme « un homme sauvage », n’ayant gardé qu’un instinct tout animal qui lui fait chercher sa nourriture.

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