Eh bien, je vous laisse à penser l’effet que produisit, dans un temps de pareille littérature historique, l’histoire de Carlyle, de ce singulier humouriste anglais qui ne se gênait pas, qui se permettait tout en fait de sans-gêne britannique ; de Carlyle, le hoax anglais incarné, mais incarné dans le vrai, et qui ressemblait, par sa gaieté funèbre, en piochant les tombes de l’Histoire, au fossoyeur de Shakespeare. […] tandis que Carlyle, qui ne crée pas, mais qui raconte, et qui n’a qu’une goutte du génie de Rabelais, la verse insolemment, dans l’Histoire sérieuse et bégueule, sur des fronts qui se croient faits pour inspirer la terreur. — Et cette goutte du génie de Rabelais dans une tête anglaise, voilà son originalité ! […] Il en a pourtant de très nombreux qui ne sont pas tous anglais. […] Carlyle, qui a fait son éducation intellectuelle chez les Allemands, ajoute à son brouillard anglais le brouillard germanique. […] Et ce sera sa gloire, à cet Anglais !
Les Anglais et les Allemands ont, sans doute, souvent imité les anciens. […] Ce défaut existe moins dans les diverses poésies qui dérivent de la sienne, celle des Anglais et des Allemands. […] Les grands effets dramatiques des Anglais, et après eux des Allemands, ne sont point tirés des sujets grecs, ni de leurs dogmes mythologiques. Les Anglais et les Allemands excitent la terreur par d’autres superstitions plus analogues aux crédulités des derniers siècles. […] Il se peut que Pétrarque ait été plus amoureux dans sa vie que l’auteur de Werther, que plusieurs poètes anglais, tels que Pope, Thomson, Otway.