Amour passionné. — Didon. […] Ce n’est que dans les siècles modernes qu’on a vu se former ce mélange des sens et de l’âme, cette espèce d’amour, dont l’amitié est la partie morale. […] Mais pénétrons dans ce sujet : et, avant de parler de l’amour champêtre, considérons l’amour passionné. Cet amour n’est ni aussi saint que la piété conjugale, ni aussi gracieux que le sentiment des bergers ; mais, plus poignant que l’un et l’autre, il dévaste les âmes où il règne. […] Ni notre amour, ni cette main que je t’ai donnée, ni Didon prête à étaler de cruelles funérailles, ne peuvent arrêter tes pas !
Ce que Racine a fait pour l’amour tragique, principe de folie, de crime et de mort, Marivaux le fait pour l’amour qui n’est ni tragique ni ridicule, principe de souffrance intime ou de joie sans tapage, pour l’amour simplement vrai, profond, tendre. […] Il n’avait pas fait de l’amour le sujet de sa comédie. […] L’amour des comédies de Marivaux n’est en son fond ni mystique ni romanesque, il est simplement naturel. […] La vanité d’inspirer une passion, la bonne mine du passionné, les contradictions de l’entourage mènent Araminte de l’inclination à l’amour. […] C’est d’abord à propos de l’amour, de l’amitié, que ce goût s’exerce : puis la philosophie inonde les esprits ; à la place de l’amour de Dieu, elle met l’amour de l’humanité ; à la place de la nature corrompue, elle offre la nature toute bonne.