Magnin des airs superbes, et il se sentait pour lui quelque dédain qu’il ne dissimulait pas ; il riait de lui voir des velléités de savoir en tous sens quand les instruments pour cela lui manquaient en partie ; il ne se prêtait pas toujours à le satisfaire, quand on le questionnait au nom de son curieux et friand collaborateur, sur les choses et les hommes d’au-delà du Rhin : « Ce sont des envies, des caprices d’érudition, disait-il ; il peut attendre. » Il triomphait avec supériorité de son accès aux hautes sources germaniques et de sa première nourriture de moelle de lion. […] On n’a qu’à le suivre et à se laisser guider ; on se donne aisément ensuite les airs de s’y connaître, en l’arrêtant sur quelque point de détail où il se montre un peu vétilleux. […] Rien qu’en y entrant, le respect et le génie des graves études vous saisissaient ; l’air qu’on y respirait n’était plus celui du dehors ; la lumière elle-même y prenait une teinte égale et monotone.
Après un court voyage à Paris (vers 1800), où il retrouve, sans lui parler, Laurence en proie aux dissipations du monde, et après avoir aussi conçu une rapide et profonde idée de la renaissance du siècle, Jocelyn s’enfuit à la hâte vers ses montagnes et se replonge en cet air âpre et vivifiant dont il a besoin pour ne pas défaillir. […] Mais, le corps étendu, n’oublions pas que l’âme, De même que l’oiseau monte sans agiter Son aile, ou qu’au torrent, sans fatiguer sa rame, Le poisson sait tout droit en flèche remonter, — L’âme (la foi l’aidant et les grâces propices) Peut monter son air pur, ces torrents, ses délices ! […] Dans la région où Jocelyn habite, à la hauteur de Valneige, le mal cesse par degrés ; les miasmes des villes expirent et se dissipent dans cet air vif des sapins et des mélèzes.