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727. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

C’est un de ces livres comme la postérité les aime, et dont les contemporains ne soupçonnent pas le prix. […] Il ne s’empresse pas à acquérir l’estime et l’amitié des uns et des autres ; il choisit ceux qu’il veut connoître et qu’il veut aimer ; et, pour peu qu’il trouve de bonne volonté, il s’aide après cela de sa douceur naturelle et de certains airs de discrétion qui lui attirent la confiance… « Il a un caractère d’esprit net, aisé, capable de tout ce qu’il entreprend. […] Comme un autre prélat de sa connaissance, le docte Huet, Fléchier aimait les romans et les traitait avec indulgence, en ami de mademoiselle de Scudéry. […] Ce prédicateur habile a lu l’Astrée, il a volontiers sur sa table l’Art d’aimer traduit par le président Nicole ; en un mot, il sait par principes les règles du jeu, la carte du Tendre, mais surtout il excelle à tout voir finement autour de lui, et à démêler du coin de l’œil les nuances du cœur. […] Mais j’aime mieux finir par la conclusion sérieuse, qu’il est impossible d’éluder en fermant ce livre : c’est que, s’il faisait beau écrire et parler comme chez M. de Caumartin au xviie  siècle, il fait bon de vivre au xixe , sous nos lois, sans Grands-Jours, sous notre Code civil et notre régime d’égalité, même lorsqu’on est gentilhomme comme lorsqu’on ne l’est pas.

728. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Rien ne fait éprouver une plus douce sensation que de rentrer par la lecture dans le cours habituel de ses rêveries : et si l’on veut se rappeler les morceaux qu’on aime dans les divers écrits de toutes les langues, on verra qu’ils ont presque tous un même caractère d’élévation et de mélancolie. […] L’Angleterre est le pays du monde où les femmes sont le plus véritablement aimées. […] Tous les autres romans français que nous aimons, nous les devons à l’imitation des Anglais. […] Ce sont eux qui ont osé croire les premiers, qu’il suffisait du tableau des affections privées, pour intéresser l’esprit et le cœur de l’homme ; que ni l’illustration des personnages, ni l’importance des intérêts, ni le merveilleux des événements n’étaient nécessaires pour captiver l’imagination, et qu’il y avait dans la puissance d’aimer de quoi renouveler sans cesse et les tableaux et les situations, sans jamais lasser la curiosité. […] chacun des deux n’embrasse-t-il pas, dans l’objet qu’il aime, tout ce que l’imagination peut se créer, tout ce qu’un cœur abandonne à l’espérance pourrait souhaiter ?

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