Le Roi, l’excellent bibliothécaire de Versailles, qui a publié ce document, est lui-même un sérieux autant que sagace érudit, et certes il n’a pas voulu faire œuvre comique ni acte de révolutionnaire au sujet de Louis XIV, dont il a si bien étudié le règne et la royale demeure. […] Quoi qu’il en soit, l’histoire, aujourd’hui qu’elle en a les moyens, est désormais tenue à une chose, à noter si, pour certains actes peu expliqués de la conduite de Louis XIV, par exemple de brusques retours de l’armée, des revirements de détermination dans les campagnes, il n’y a pas coïncidence d’un de ces accidents, — de ces menaces d’accidents si soigneusement relatées par les médecins du roi.
Il y est dit, entre autres griefs, que Foucault se servait, pour la conversion du menu peuple, d’un homme de néant nommé Archambaud, que cet Archambaud menait des gens de sa sorte au cabaret et trouvait le moyen de les enivrer ; que le lendemain, lorsqu’ils étaient revenus à eux-mêmes, il leur allait dire, ou qu’ils avaient promis d’aller à la messe, et que s’ils prétendaient s’en dédire, il les ferait traiter comme des relaps ; ou qu’ils avaient mal parlé du gouvernement et des mystères catholiques, et que le seul moyen de se racheter d’une sévère punition était de se ranger à la religion romaine ; que l’affaire, ainsi amorcée et entamée sur des gens du commun, se poursuivit ensuite sur ceux d’une condition supérieure ; qu’en général l’artifice de l’intendant était de faire faire aux réformés, sous quelque prétexte, un premier acte extérieur qui pût être interprété pour une adhésion à la communion romaine, comme d’assister à un sermon, par curiosité ou par intimidation, et qu’ensuite, moyennant la peur d’être déclarés relaps et traités comme tels, il avait raison de son monde ; que, sans avoir eu besoin de demander des troupes, il s’était servi de celles qu’on faisait filer alors sur la frontière de l’Espagne et que commandait le marquis de Boufflers, et qu’il avait été commis par ces troupes, lui les dirigeant et les conduisant de ville en ville, de village en village, de véritables horreurs et cruautés. Et ces cruautés exercées comme des gentillesses par d’indignes soldats nous sont décrites de point en point, j’en fais grâce : « C’était là, nous dit la Relation protestante, le plus fort de leur étude et de leur application que de trouver des tourments qui fussent douloureux sans être mortels, et de faire éprouver à ces malheureux objets de leur fureur tout ce que le corps humain peut endurer sans mourir. » Je fais la part des exagérations et des invectives vengeresses chez des âmes ulcérées, et pourtant on n’invente pas absolument de pareils actes dans leur détail et avec toutes leurs circonstances.