Mais, selon la tradition du genre, les hommes ne sont pas à l’ordinaire présentés dans leurs formes et leurs actes d’hommes : toute la nature fournit de transparents symboles, où le poète enferme ce que son analyse a découvert de nos vices et de nos travers. […] Et par un raisonnement que nous faisons tous les jours à propos de nos semblables, du profil et de l’aspect de l’animal, il en induit le caractère, c’est-à-dire un caractère humain, qu’il lui attache : il en explique les actes familiers par les motifs et les mobiles qui rendent compte des actes des hommes. […] Chaque personnage est caractérisé dramatiquement, par ses actes, et par son langage : rien de vague, rien d’abstrait ; le type est général, la forme qui l’exprime est concrète ; tout est précis, individuel et vivant.
Retz, qui sait mieux que personne son ménage de Paris, étale à nu au duc de Bouillon toutes les divisions et les causes probables de ruine : « Le gros du peuple qui est ferme, dit-il, fait que l’on ne s’aperçoit pas encore de ce démanchement des parties. » Mais lui, il sent ce démanchement très prochain si l’on n’y prend garde, et il le fait toucher au doigt dans ses paroles meilleures que ses actes. […] En plus d’un cas, Retz se voit compromis et manque de se décréditer parmi le peuple et parmi les exaltés du Parlement en s’opposant à des mesures absurdes ou à des actes de rapine et de vandalisme, tels que la vente de la bibliothèque du cardinal Mazarin. […] Comme Mirabeau, Retz ne pouvait rendre des services à la reine qu’en maintenant son crédit auprès de la multitude ; et, pour maintenir ce crédit, il lui fallait faire ostensiblement des actes et tenir des discours qui sentaient la sédition, et qui semblaient en sens inverse des engagements qu’il venait de prendre. […] Nous avons vu de nos jours un homme de vertu pratique, d’intégrité et de foi, un archevêque de Paris comme l’était Retz, sincèrement ému des malheurs et des erreurs du peuple et de la dissension civile, aller droit avec simplicité au danger, ouvrir les bras et donner sa vie pour le bien de tous : et Retz, retiré vers la fin des troubles dans son cloître Notre-Dame, retranché à l’ombre des tours de sa cathédrale, et abrité, comme il disait, sous le chapeau, hésitait, avec toutes ses lumières et ses générosités mondaines, à faire un acte public qui hâtât l’issue et mît fin à la souffrance universelle.