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707. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Par exemple, dans un tas de pierres, les deux forces, la Pesanteur et l’Impénétrabilité, existent, mais à l’état de germes seulement ; pour Schopenhauer, elles n’acquièrent l’absolue réalité que lorsque dans une œuvre d’art, un portique par exemple, elles se révèlent comme impression esthétique sur l’ame contemplative. […] À Bayreuth, nous voyons « l’ideé même de l’Art, en sa réalisation idéale. » X : Le style de Bayreuth. — Nous entendons par style « la conformité absolue entre le contenu et la forme, et, de plus, la concordance, également absolue, des divers éléments expressifs, par lesquels le contenu manifeste sa forme ». — La Musique : la forme (dans le drame musical) est le Motif, simple, incomparablement suggestif, plastique ; le Motif agit comme la force vitale, intime, d’une forme idéale déterminée ; « ici, le contenu et la forme sont identiques ». — Le Drame : la forme est la Parole chantée ; cette parole chantée est le trait d’union : « par elle, l’essence idéale de la Musique, qui avait pris forme dans le motif, devient un fait dramatique, tandis que le Drame pénètre, comme élément actif, dans le domaine de l’Idéal ».

708. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Ainsi, aux chers jours de Bayreuth dont l’anniversaire maintenant se solennise, ainsi, pendant que l’orchestre bayreuthien en cette salle privilégiée chantait le flux de ces véhémentes harmonies ; par fois, tournant le dos à la risible scène, oubliant les balourds occupés à représenter celui-ci un sieur Tristan, celle-là une dame Isolde, celui-là un Kurwenal graisseux et ventru ; négligeant les cocasseries du navire en carton peint et des matelots en zinc et tant de sottes polychromies ; oui, les yeux clos à ces sottises, et solitaire en mon attention tout dévouée aux uniques sonorités qui d’un centre invisible dans l’absolue nuit de mes sens s’éparsemaient : ainsi, parfois, ai-je écouté, ai-je quéri, ai-je entendu la symphonie qui se nomme Tristan et Isolde… Alors le préludial appel résumateur des suggestions où voguera ce conte d’âmes, et son apaisement. […] Gœtterdæmmerung écrite en la pleine tempête de l’édification du théâtre de Bayreuth, est l’essor d’un génie las de compromis, las de mauvaises luttes, las de se contrarier, las des obstacles, las d’être autre chose que le pur musicien qu’il devait être, et las par les matérielles batailles presque autant que par les intellectuelles ; c’est l’essor d’une âme qui se libère au dehors des contingences vers l’absolu natal de son art. […] — L’être tend à croître dans son être ; et cette tendance, tantôt elle se nomme tendance à la perfection, tantôt désir du salut, tantôt progrès ; c’est la montée vers l’idéal, la recherche de l’absolu, le besoin de l’assouvissement, la complétude des fonctions ; encore, l’entrée en Dieu, l’absorption en l’infini, l’effacement en le néant ; encore, la suprême sagesse, l’ataraxie ; et cet éternel formulement, l’aspiration à l’idéal ; la nommerons-nous encore le désir de l’accomplissement.

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