En effet, à ne le prendre que dans cette carrière déjà si pleine qu’il a fournie durant treize années au sein de la Chambre des pairs, je vois en lui un orateur des plus distingués, l’avocat ou plutôt le champion, le chevalier intrépide et brillant d’une cause ; mais tous ses développements d’alors roulent sur deux ou trois idées absolues, opiniâtres, presque fixes : il défend la Pologne, il attaque l’Université, il revendique une liberté illimitée pour l’enseignement ecclésiastique, pour les ordres religieux ; il a deux ou trois grands thèmes, ou plutôt un seul, la liberté absolue. […] Berryer lui donnait en le félicitant : « Vous êtes un esprit non absolu ; mais résolu. » Généreux éloge que nous le supplions de justifier de plus en plus et toujours. […] Il put y faire entendre en toute franchise les accents les plus passionnés pour cette liberté dont l’amour fut le seul excès de sa jeunesse ; il put y développer sans interruption ses théories absolues, qui eussent fait frémir dans une autre bouche, mais qui plaisaient presque dans la sienne. […] M. de Montalembert, dès le premier jour, entra en lice, je l’ai dit, avec une idée absolue. […] Par exemple, l’orateur, au milieu de tout ce qu’il signalait de dangers, continuait de faire ses réserves en faveur de la liberté entière et absolue.
Le premier, inflexible et étroit, ne comprend rien d’autre que la société de l’ancien régime : pour lui c’est la société absolue. […] Il a une vraie admiration pour les institutions anglaises, et, sans être, comme on l’a dit récemment, un libéral, il aime à faire remarquer dans l’ancienne constitution de la France les éléments de résistance qu’elle opposait au pouvoir absolu. […] Les doctrinaires considéraient le gouvernement mixte, composé de monarchie, d’aristocratie et de démocratie, comme le bien absolu ; ils y voyaient un régime définitif ; les libéraux, au contraire, semblaient considérer ce régime comme un acheminement à quelque autre chose. […] Mais ce n’est que substituer à l’ancien joug des corporations un joug nouveau, le joug de l’État, vaste unité abstraite, impersonnelle, irresponsable, qui a hérité de tous les pouvoirs de la monarchie absolue. […] Mais à l’origine, ils étaient presque seuls à se défendre du prestige exercé sur les esprits par cette notion vague et obscure de l’État, non moins chère aux démocrates qu’aux partisans du pouvoir absolu.