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1001. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

On avait devant les yeux non pas l’historien, mais la victime de dix années d’exil, la personne qui avait soutenu au prix de tant de douleurs, un long défi contre le pouvoir absolu, avait compté en désespérant chacun de ses victorieux progrès, avait souffert ses rigueurs croissantes, les avait pressenties plus dures encore, et s’était enfin délivrée du mal par une fuite hardie, semant sur sa route de Genève à Londres, en passant par la Russie et la Suisse, la protestation contre la conquête universelle et le serment d’une résistance à vie. […] « En ce moment le tourment d’angoisse et de douleur de madame de Staël paraissait extrême, mais sans incertitude, et sa résolution était invariablement prise pour être exécutée sur l’heure, soit qu’elle sût déjà l’événement de Lons-le-Saulnier et toutes ses conséquences, soit quelle eût conclu de l’état intérieur des Tuileries, d’où elle venait, la perte absolue de toute espérance.

1002. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

A lui nous avons dû l’absolu chef-d’œuvre de la peinture émotionnelle, cette biographie prétendue de Marie de Médias ; un merveilleux mépris du sujet à décrire ; et la paradisiaque luxure des éblouissements, le halètement irréfléchi et languide de notre âme, comme sous les allégros finals de Beethoven, ou cette glorieuse Marche de Fête, qu’a dressée, par-dessus les musiques, à jamais, notre glorieux maître Richard Wagner. […] Si la Déesse, couronnant de roses sa noire chevelure retenue par une résille grecque sur une nuque que penche la volupté, croisant sur ses pieds d’albâtre les bandelettes purpurines de ses sandales, exerçant tous les pouvoirs et déployant tous les charmes renfermés sous ses paupières demi-closes et dans cette ceinture qui tantôt reluit, tantôt échappe aux yeux, avait pu sembler au Poète enivré la beauté même, la beauté absolue, inégalée et inégalable, la princesse Elisabeth devait ravir son âme par une beauté suprême et surprenante, qu’on eût dit descendre du haut de l’Empyrée, pour le disputer à celle qui, de l’insondable profondeur des îlots amers, était montée au séjour des hommes.

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