Ne s’est-il pas rencontré chez nous des grammairiens, amoureux de parallèles, pour assimiler les trois tragiques grecs aux trois tragiques français et pour retrouver Euripide dans Voltaire ! […] Moi, tel que vous me voyez, je me suis fait flanquer à la porte d’un salon, autrefois, en province, pour avoir fait l’éloge de Voltaire. […] Il est des écrivains, — Rabelais, Montaigne, Molière, Voltaire, — qui évidemment n’ont pas eu toute la délicatesse et toute la pureté de sentiments que nous pouvons concevoir, qui ont gravement manqué à la règle des mœurs, et dont les écrits peuvent offenser es âmes qui nous sont le plus chères et le plus précieuses et qui réalisent le mieux, autour de nous, l’idéal moral… Mais ces hommes aux dures railleries, ces hommes d’esprit trop clair et de cœur trop peu religieux, et par là peut-être incomplets, je les vénère cependant, je veux les vénérer par-dessus tous, parce que je leur dois, en somme, des parcelles de ma liberté, et que cela est sans prix… Un Moliériste M. […] Rousseau a fait irruption dans la civilisation et dans les lettres de son temps, un peu avec l’allure et les sentiments de l’excellent Huron de Voltaire. […] Or, ce qu’on jouait alors sur nos scènes, c’était, avec les tragédies de Corneille et de Racine, celles de Voltaire et de Crébillon, et c’était les comédies si élégantes et si « polies » de Marivaux, de Boissy, de Destouches, de Gresset et de Piron.
À quel titre devons-nous ranger Voltaire parmi les aïeux de Béranger ? […] C’est de Voltaire, à mon avis, qu’il tient le goût de la clarté. […] Le mérite dominant de la prose de Voltaire, c’est la clarté. […] Je ne doute pas que Béranger n’ait étudié longtemps la prose de Voltaire. […] Molière, La Fontaine, Voltaire lui ont enseigné ce qu’il voulait savoir.