Et ici sa merveilleuse rapidité de goût trompa plus d’une fois Voltaire lui-même ; les Latins et Horace, il les sentait vivement, les entendait à demi-voix, leur répondait en égal ; d’Auguste à Louis XV on se donnait la main. […] Mais je ne saurais croire que ce soit là le cas d’appliquer le mot tant cité : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. » Je conçois que dans le genre d’esprit de Voltaire, c’est-à-dire pour un certain bon sens critique et railleur, tout le monde, c’est-à-dire encore l’élite de Paris, puisse fournir l’équivalent.
Voltaire écrivait alors14 : « La plupart des livres ressemblent à ces conversations générales et gênées dans lesquelles on dit rarement ce que l’on pense. » Notre siècle a donc eu raison de ne pas négliger la biographie des auteurs. […] Qu’est-ce que Candide, si l’on isole ce roman de Voltaire des circonstances où il est né ? […] Quiconque reprocherait à Voltaire d’avoir agrémenté d’une intrigue amoureuse le terrible sujet d’Œdipe roi s’exposerait à l’accuser injustement ; il fut forcé par les comédiens et plus encore par les comédiennes de coudre à sa tragédie cet oripeau qui lui déplaisait.