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952. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Alors le correspondant du Times, mais le correspondant du Times, avec un traitement de 75 000 francs et la considération d’un ambassadeur, était lord Oliphant, ce personnage extraordinaire qui avait été une espèce de Brummel, un familier de princes, un diplomate en Chine et au Japon, un martyr portant encore aux deux poignets les stigmates de la martyrisation, le fondateur d’une religion à laquelle il avait donné toute sa fortune, un homme, pendant quelque temps, descendu à être un brouetteur de feuilles mortes, et redevenu dans le Times, l’intermédiaire entre l’Angleterre et la France, au moment où la France traversait ces années tragiques. […] a fait la mère, il y a deux fois par semaine, à la mairie de Passy, un cours fait par les Femmes de France pour soigner les malades, les blessés, et la bête voudrait y aller !  […] Vendredi 18 avril En ce temps tout pratique, un groupe de Français intelligents devrait afficher ce programme aux prochaines élections : « Nous nous foutons de la Légitimité, de l’Orléanisme, de l’Impérialisme, de la République opportuniste, radicale, socialiste ; — ce que nous demandons, c’est un gouvernement de n’importe quelle couleur au rabais : le gouvernement qui s’engagerait dans une soumission cachetée, à gouverner la France au plus bas prix. » Dimanche 20 avril Montegut, le peintre passionné de musique, est allé, avec une bande de dilettantes, exécuter du Wagner dans la forêt de Fontainebleau, la nuit, sur des partitions éclairées par des bougies, tenues par les jeunes et jolies filles de Risler, et c’est un plaisir de l’entendre parler du velours de la musique, en plein air, sous des sapins. […] Voici le petit morceau de prose qu’il a dû mettre en dialogue, sans y changer, sans y ajouter rien : — Vous avez lu l’interview de La France à propos de votre Journal sur le siège de Paris et la Commune ? […] Puis pour moi, la France commençant à Avricourt, n’est plus la France, n’est plus une nation dans des conditions ethnographiques qui lui permettent de se défendre contre une invasion étrangère, et j’ai la conviction que fatalement, et malgré tout, il y aura un dernier duel entre les deux nations : duel qui décidera si la France redeviendra la France, ou si elle sera mangée par l’Allemagne.

953. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

En Angleterre, on se contentait que Newton fût le plus grand génie de son siècle ; en France, on aurait aussi voulu qu’il fût aimable. […] Du moins l’honneur qu’ils nous font de venir chercher en France nos goûts, nos airs, et jusqu’à nos préjugés, est une sorte d’éloge tacite et involontaire, dont la vanité française doit s’accommoder mieux que d’aucun autre. […] C’est principalement à certains journalistes étrangers que ce reproche s’adresse (car je n’ose croire que parmi ceux de France, il y en ait aucun qui le mérite). […] Pour ne parler ici que des étrangers, tous ceux qui ont connu en France M. le marquis Lomellini, envoyé extraordinaire de la république de Gênes, savent que la vérité seule a dicté l’éloge que l’auteur en a fait, en lui dédiant ses Recherches sur la précession des Équinoxes. […] Puissent, monseigneur, les sciences et les lettres, fidèles à conserver le souvenir de ceux qui les ont aimées, célébrer d’une manière digne de la France et de vous, tant d’établissements glorieux à votre ministère, qui laisseront à vos successeurs l’honneur de les faire fleurir !

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