Étienne Pasquier a été, dans ces dernières années, l’objet d’études nouvelles et approfondies. […] Voyons donc un peu ce qu’était un avocat et un magistrat au xvie siècle ; donnons-nous quelque idée d’une telle vie : cela réconforte et relève au milieu de tant de faiblesses qui affectent les études, les caractères et les mœurs de nos jours. […] Ses Lettres, auxquelles je m’attacherai surtout ici, nous le montrent au vrai dans la succession de ses âges, dans la variété de ses goûts et la solidité diversifiée de ses études. […] Je n’ai pu que choisir, en courant, quelques points dans la carrière de Pasquier, dans cette existence si remplie et qui prêterait pour l’étude à tant d’aspects différents. […] Une lettre admirable de lui, et qui le peint dans la sérénité de son rajeunissement final, est celle qu’il adresse à Achille de Harlay, retiré également des charges publiques, sur les douceurs de la retraite, sur les charmes d’une étude paisible et variée, désormais toute confinée à l’intérieur du cabinet, et dont on se dit qu’on ne sortira plus : « J’ai d’un côté mes livres, ma plume et mes pensées ; d’un autre, un bon feu tel que pouvoit souhaiter Martial quand, entre les félicités humaines, il y mettoit ces deux mots : focus perennis.
Partagé jusqu’à la fin entre des fonctions graves et le goût des lettres, dispersé avec originalité dans des études diverses, il n’a jamais donné à aucun de ses ouvrages ce feu continu, cette fusion égale, ce poli qui fait l’éclat ; avec des idées de tout genre, des vues vastes, des saillies pénétrantes, et une masse de connaissances précises, il n’a jamais eu la mise en œuvre et la mise en valeur, ce soin de la forme et de l’achèvement par où le talent s’accommode avec bonheur au goût de la société présente, et la ravit ou la domine en s’en rapprochant. […] Né à Dijon le 7 février 1709, d’une ancienne et noble famille originaire de Savoie, et qui n’avait pris la robe qu’après avoir porté l’épée, le jeune de Brosses fit des études brillantes en sa ville natale, qui avait alors toutes ses ressources au complet, et qui sentait de tout point sa capitale. […] Le président Bouhier, qui prolongeait les grandes études du xvie siècle jusque dans le xviiie , érudit, critique, antiquaire, créateur, de vastes collections et possesseur libéral de la plus belle bibliothèque, continuait la race des magistrats illustres qui unissaient l’amour de leur état au culte de l’Antiquité. […] De telles études, ennoblissement et délices de la vie, ne sont jamais une erreur ; mais celle-ci, avec la forme qu’il y donna, fut au moins un anachronisme. […] La dispersion d’études chez le président de Brosses n’était donc pas celle d’un érudit ordinaire qui ne gouverne pas ses idées et que la poursuite même égare, mais plutôt le signe d’activité d’un amateur ardent et libre, qui travaillait selon l’occasion et la veine, pour son plaisir et non pour la gloire.