/ 2432
566. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Mais, en dehors de ces génies tout individuels de Rabelais et de Montaigne, le xvie  siècle nous montre une quantité d’excellents et vigoureux esprits, de graves et énergiques personnages, qui usèrent vaillamment ou sainement des ressources de la langue à cette époque de confusion et de lutte, et qui, en l’appliquant selon les besoins divers, y mirent encore moins l’empreinte de leur génie propre que celle du parti et de la classe auxquels ils appartenaient. […] Jusqu’à l’année 1564, où Pasquier, âgé de trente-cinq ans, se trouva soudainement porté au pinacle de sa profession comme avocat, par le choix que fit de lui l’Université dans son grand procès contre les Jésuites ; jusqu’à cette époque pour lui décisive, il vivait dans le travail et dans le monde, dans celui de l’Université et du Palais, ayant beaucoup d’amis et les cultivant, plaidant honorablement et avec un succès d’estime, marié depuis 1557 à une cliente reconnaissante à qui il avait fait gagner son procès. […] C’est Ovide qui lui est tombé sous la main, et qu’il a lu en deux ou trois endroits ; et il interprète l’oracle gaiement, concluant de l’un de ces passages qu’il ne faut suivre, en matière de vertu et de maniement de fortune, ni la secte trop dissolue des épicuriens, ni celle, trop rigide et trop nue, des stoïques ou des cyniques, mais se rapporter tant qu’on peut, ici-bas, à la maxime du sage mondain Aristote, qui est de jouir de la vertu en affluence de biens : « Voilà comment, petit père, ajoute-t-il en parlant de lui-même, j’ai commencé à dorloter mon enfant. » Les Lettres de Pasquier, qu’il commença lui-même de publier en dix livres (1586), et qui ont été complétées après lui jusqu’au nombre de vingt-deux livres, sont d’une lecture très instructive, plus attachante à mesure qu’on s’y enfonce, et qui nous le rend tout entier avec son monde et son époque. […] Venu dans une forte époque, mais pleine de conflit et de confusion, il nous offre, à travers quelques défauts de forme et de goût, l’exemple de l’un des plus excellents, des plus solides et des plus ingénieux entre les esprits modérés.

567. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

En repoussant avec indignation le nom de transfuge, il acceptait le nom de réfugié ou même d’émigré français pour cette époque de sa vie. […] Nous avons distingué celles des opinions de Saint-Simon dont l’application est déjà possible, de celles qu’une prévision trop active n’a pu entourer de certitude, et dont la réalisation appartient à une époque beaucoup plus éloignée de nous. […] Quand une époque est finie, le moule est brisé, et il suffit à la Providence qu’il ne se puisse refaire ; mais des débris restés à terre, il en est quelquefois de beaux à contempler. […] Sautelet, qui avait pris le même parti et qui y persévérait, ayant recueilli en 1829 les Œuvres complètes de Paul-Louis Courier, demanda à Carrel une notice qui est un des bons morceaux de la littérature critique de cette époque.

/ 2432