que d’émotions dans le public ! […] que d’efforts pour retenir les émotions de l’âme ! […] Une théorie sur le beau et le bon peut être comparée à ces arcs de triomphe, monuments d’un autre âge : si l’art contemporain n’y passe pas, l’émotion en croupe, ce n’est plus qu’une ruine ! […] L’homme de goût se laisse prendre au style du virtuose, l’homme du peuple, au ton de vérité ou au comique du récit tous les deux à l’émotion bien sentie du chanteur. […] La vérité est que ce soir-là, soit émotion bien naturelle après une absence assez longue, soit fatigue ou enrouement qui avait saisi le chanteur à la gorge, jamais Roger ne fut moins le maître d’une voix momentanément altérée.
Mais, direz-vous peut-être, ce qui empêche ici l’émotion tragique, c’est que, ce que perdent Arnolphe et Alceste, Arnolphe surtout, ils le perdent par leur faute, pour en avoir maladroitement choisi les moyens les plus contraires à leurs intentions. […] Pas de tragédie sans lutte ; pas d’intérêt dans la lutte si ceux qui la livrent ne se croient pas libres ; et pas de noblesse ou de grandeur, — ni pour nous, spectateurs, de véritable émotion, — s’il n’y va de quelque chose d’autre et de plus que la vie13. […] Un art dans lequel il a excellé, c’est celui d’épuiser ce qu’une situation dramatique donnée peut contenir d’intérêt, d’émotion ou d’horreur, et quand on croirait qu’il a tout dit, de trouver le moyen d’y ajouter encore. […] Et quand enfin en 1688 pour les demoiselles de Saint-Cyr, Mme de Maintenon lui demandera quelque sujet de pièce, plus moral, ou d’une vivacité d’émotion moins communicative et moins contagieuse qu’Andromaque, lequel Racine ira-t-il choisir, parmi tant d’autres que lui offrait la Bible ? […] Vous connaissez cette « cause célèbre » et si par hasard vous l’aviez oubliée, vous en retrouveriez au besoin l’émotion toute palpitante encore, dans les Lettres de Mme de Sévigné.