— une émotion profonde sous ces paupières, qui se fermèrent bien vite, effaçant la vision exquise, une émotion douce et sans doute heureuse, telle que je ne pensais plus en voir jamais se trahir sur le visage si las et si clos. » C’est un jeudi, c’est le jour qu’Yvonne va au cimetière. […] S’il n’est pas ému, il le dit : et le badinage remplace l’émotion, le badinage souvent le plus comique. […] « L’émotion se sert d’un paysage comme d’un mot… » Tout de même, cette émancipation n’est qu’une servitude nouvelle, si les apparences de la réalité ne sont plus que des images à traduire, fût-ce librement.
. — La déformation lyrique exagère les sentiments et les émotions de l’auteur et de ses amis, pour les faire paraître plus intenses : on doit en tenir compte dans les études qui prétendent reconstituer « la psychologie » d’un personnage. […] Sous l’influence du mouvement romantique, les historiens cherchèrent des procédés d’exposition plus vivants que ceux de leurs prédécesseurs, propres à frapper, à « émouvoir » le public, à lui donner une impression poétique des réalités disparues. — Les uns s’efforcèrent de conserver la couleur des documents originaux, en les adaptant : « Charmé des récits contemporains, dit Barante, j’ai tâché de composer une narration suivie qui leur empruntât l’intérêt dont ils sont animés » ; cela mène directement à supprimer toute critique, et à reproduire ce qui fait bien. — Les autres professèrent qu’il faut présenter les faits passés avec l’émotion d’un spectateur. « Thierry, dit Michelet qui l’en loue, en nous contant Klodowig, a le souffle intérieur, l’émotion de la France envahie récemment… » Michelet a « posé le problème historique comme la résurrection de la vie intégrale dans ses organismes intérieurs et profonds ». — Le choix du sujet, du plan, des preuves, du style est dominé chez tous les historiens romantiques par la préoccupation de l’effet, qui n’est pas assurément une préoccupation scientifique.