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305. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Ce second recueil, le véritable titre de Bertaut, se compose de paraphrases de psaumes, de chants funèbres sur les morts royales, de diverses pièces en vers héroïques sur des sujets élevés. […] Mais la seule faveur, sous une robe feinte, Régner es jugements sur la raison éteinte ; La justice, au palais, sa balance employer, A peser, non le droit, mais, l’argent du loyer L’ignorance élevée aux dignités suprêmes… Plus loin, la charité du saint roi ne l’inspire pas moins heureusement : Maints rois s’armant les bras d’un fer victorieux Rendent par l’univers leur renom glorieux, Brident de saintes lois la populaire audace, Laissent de leur prudence une éternelle trace, Et gagnent tout l’honneur qu’on s’acquiert ici-bas Par les arts de la paix et par ceux des combats Mais peu daignent tourner leur superbe paupière Vers le pauvre étendu sur la vile poussière Et penser qu’en l’habit d’un chétif languissant C’est Christ, c’est Christ lui-même, hélas ! […] Il fallait rendre la poésie populaire, appeler le plus grand nombre aux pures délices et aux sévères enseignements de l’art ; trouver, pour un pays encore partagé en classes, une langue qui ne fût ni au-dessous de la délicatesse des classes élevées, ni au-dessus de l’intelligence de la foule, une langue commune à la cour, à la ville et au peuple. […] Malherbe prit une à une toutes les pièces de l’édifice grotesque élevé par Ronsard, et il les brisa.

306. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Quand il s’agit de littérature ancienne, la critique et l’érudition rentrent de droit dans le cadre de la philologie ; au contraire, celui qui ferait l’histoire de la philologie moderne ne se croirait pas sans doute obligé de parler de nos grandes collections d’histoire civile et littéraire, ni de ces brillantes œuvres de critique esthétique qui se sont élevées au niveau des plus belles créations philosophiques 69. […] Il se peut qu’aux yeux de l’avenir, tel esprit lourd et médiocre, mais patient, qui a fourni à cette œuvre gigantesque une pierre de quelque importance occupe une place plus élevée que tel spéculatif de second ordre, qui s’intitulait philosophe et n’a fait que bavarder sur le problème, sans fournir une seule donnée nouvelle à sa solution. […] Je ne parle point ici de ces œuvres où la plus solide érudition s’unit à une critique fine ou élevée, comme les derniers volumes de l’Histoire littéraire de la France, comme l’Essai sur le bouddhisme de M.  […] La philologie n’est pas chez nous, comme dans l’école d’Alexandrie, une simple curiosité d’érudit ; c’est une science organisée, ayant un but sérieux et élevé ; c’est la science des produits de l’esprit humain.

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