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2163. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Les nouveautés de l’idéologie et du sentiment avaient un air un peu aventureux, à peine aventureux, un air d’aimable hardiesse, un air de bohème bien élevée. […] Il s’est d’abord élevé très haut dans l’orgueil : et, aux étapes du martyre qu’il a mérité, qu’il accepte, l’orgueil qu’il s’est procuré en route le soutient. […] Avec beaucoup de goût, de simplicité, de grâce, il notait l’émoi, les souvenirs, les ferveurs, l’inquiétude d’un enfant pieux, élevé selon le bon usage, et qui est à l’abri des plus terribles malheurs, non de toute mélancolie, et qui rêve dans les limites où on le garde, et qui souffre, mais qui n’exagère, ni pour lui ni pour les autres, sa douleur. […] Orphelin, élevé par sa grand’mère, il a deux oncles, un ancien officier de marine et un ancien officier de l’armée, deux surprenants bonshommes qui, premièrement, se ruinent et enfin le laissent sans argent, — qu’importe ? 

2164. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Précipice élevé d’où tombe mon honneur ! […] Pendant ce temps dans les Horaces il avait atteint à un faîte plus élevé encore, à plus de grandeur, mais à une grandeur temporelle, à un faîte de grandeur temporelle, à un faîte d’héroïsme : Mourir pour le pays est un si digne sort, Qu’on brigueroit enfouie une si belle mort. […] Simore ; et il y a déjà vingt-cinq ans, et les droits d’auteur ne courront plus que vingt-cinq ans, pas même) ; vingt-cinq petits vingt-cinq ans ; (et ces deuxièmes vingt-cinq ans diminuent hélas tous les jours, et les autres augmentent) ; qu’un homme que nous avons vu ( Fit, nous l’avons tous vu ), que nous avons tous vu garder, veiller des nuits et des nuits par des cuirassiers armés de torches dans cette inoubliable veillée funèbre, dans cette inoubliable veillée des armes, dans cette inoubliable veillée, (païenne), dans cette inoubliable cérémonie (païenne) de l’Arc de Triomphe, par ces soirs inoubliables, par ces soirs sereins de mai ou de juin, de fin mai ou du commencement de juin, et il n’y a jamais eu d’aussi beaux soirs, J’aime les soirs sereins et beaux, j’aime les soirs, qu’un homme que nous avons vu enterrer au Panthéon (et enfin nous avons au moins vu Leconte de Lisle, qui fut son successeur), et lui-même, si nous avions été à Paris seulement, par hasard, au lieu d’être à Orléans, né à Paris, grandi, élevé à Paris, lui-même nous le voyions, lui et son enterrement, fût un des plus grands poètes païens qu’il y ait jamais eu dans le monde ; et sinon par le cœur du moins par le génie un des plus grands poètes, un des plus grands païens qu’il y ait jamais eu ; qu’un homme qui était sénateur de la troisième République, qui portait un haut de forme comme tout le monde, quand il fallait, et un parapluie quand il pleuvait fût en même temps dans les temps modernes un homme situé aussi près de la source charnelle, sinon plus près, un homme qui buvait dans le creux de sa main, à la source de la création charnelle, d’aussi près, sinon de plus près que les plus grands des Anciens, que les plus anciens des païens, et que les premiers des Premiers, c’est là un de ces défis que la France tient, et que seule elle peut tenir, que seule elle peut porter, c’est là un de ces cadeaux que de temps à autre elle apporte à l’univers, que seule elle peut apporter ; qu’elle fait au monde, pour l’ébahissement du monde ; on aurait presque la tentation, on serait presque tenté de dire : C’est une de ces fantaisies qu’elle se passe de temps à autre, et que seule dans le monde, seule dans l’univers elle peut se passer.

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