Mignet, qu’ayant aujourd’hui à en traiter plus en particulier, nous pourrons nous abstenir de reprendre le fond des choses et nous en tenir à juger la manière de l’écrivain. […] C’est que, si dans les deux écrivains la manière de concevoir l’histoire de cette époque est au fond à peu près semblable, leur manière de la présenter ne l’est pas. […] Thiers ; je croirais plutôt qu’en les rencontrant sous sa plume l’écrivain a dédaigné de les éviter, et que, dans sa vigueur de composition, il a mieux aimé sciemment forcer la tournure de sa phrase que gêner l’allure de sa pensée.
Nous n’avons rien ici à objecter à ces doctrines inégalement évidentes pour nous, sinon cette inégalité même et les rapports peu nécessaires, à ce qu’il semble, qu’elles ont réciproquement entre elles : on s’en aperçoit à l’espèce de fatigue qu’éprouvent par moments les écrivains à les préciser et à les lier. Aussi, tout en félicitant les écrivains de la Revue de leur noble effort pour replanter un véritable arbre encyclopédique au milieu de notre sol poudreux et tant de fois balayé, nous les louons de ne pas négliger les morceaux de science et de littérature positive qui s’adressent à tous les bons esprits, et qui sont, d’ici à un assez long temps encore, les seuls produits toujours possibles et d’une culture qui ne trompe jamais. […] Avec la capacité philosophique éminente qui distingue les écrivains de cette école, s’ils savent tempérer leur ardeur à généraliser, ne pas forcer les conséquences encore lointaines de principes seulement entrevus, ne pas les étendre dès l’abord à tout ; s’ils continuent d’exercer cette faculté de comprendre, cette chaleur sympathique de leur esprit, sur les sujets nombreux susceptibles de solutions partielles et incontestables, nul doute qu’ils ne fondent un honorable centre où bien des esprits se rallieront et où l’élite du public s’habituera de plus en plus.