Le crime capital pour un écrivain c’est le conformisme, l’imitativité, la soumission aux règles et aux enseignements. L’œuvre d’un écrivain doit être non seulement le reflet, mais le reflet grossi de sa personnalité. […] Il y avait en lui deux écrivains essentiellement dissemblables : le romantique et l’ironiste. […] Paul Adam est pourtant un précoce, mais il y a des limites à la précocité, surtout chez un écrivain destiné à raconter la vie telle qu’il la voit et telle qu’il la sent. […] C’est ainsi qu’un écrivain nullement érotique peut être, par des sots ou par des malveillants, accusé devant le public de stupides attentats.
. — Nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes. » Tout ce qu’on peut dire de juste, c’est : « Je suis en train de les connaître. » XXIII Assembler, soutenir et mettre en jeu à la fois dans un instant donné le plus de rapports, agir en masse et avec concert, c’est là le difficile et le grand art, qu’on soit général d’armée, orateur ou écrivain. Il y a des généraux qui ne peuvent assembler et manœuvrer plus de dix mille hommes, et des écrivains qui ne peuvent manier qu’une ou tout au plus deux idées à la fois. Il y a des écrivains qui ressemblent au maréchal de Soubise dans la guerre de Sept Ans : quand il avait toutes ses troupes rassemblées sous sa main, il ne savait qu’en faire, et il les dispersait de nouveau pour mieux se faire battre. Je connais ainsi des écrivains qui, avant d’écrire, congédient la moitié de leurs idées, et qui ne savent les exprimer qu’une à une : c’est pauvre.