Je n’insisterais pas à ce degré sur Carrel, si ce n’avait pas été l’homme le plus remarquable de l’opposition antidynastique dans la presse sous Louis-Philippe, l’adversaire le plus élevé et le plus redoutable, et celui qu’on dut regretter le plus de s’être aliéné ; si, à travers ses violences mêmes, il n’y avait pas en lui un fonds d’esprit juste et de bon sens sévère ; si, dans l’expression et dans le style enfin, il ne se trouvait pas être un écrivain de vieille roche et de la meilleure qualité. […] Mais on peut croire que Chateaubriand eût moins loué Carrel écrivain, si celui-ci eût eu dans le talent quelque chose de cet éclat particulier qui, de loin, signalait aux yeux l’épée de Roland dès qu’elle apparaissait dans la mêlée. […] Il y a eu là un travers qui a barré et finalement brisé sa forte vie ; qui a rendu inutile son noble caractère, et qui ne laisse aujourd’hui apparaître et survivre que son talent d’écrivain.
Un écrivain de nos jours qui s’est fait connaître avec distinction dans le genre de la biographie, M. de Loménie, professeur suppléant au Collège de France, a consacré cette année plusieurs leçons à Beaumarchais, et il a éclairé le caractère de ce personnage extraordinaire à l’aide de documents particuliers qu’il tient de la famille même. […] Beaumarchais est le premier de nos écrivains qui ait ainsi porté la verve, et, jusqu’à un certain point, l’attendrissement, dans l’idée de spéculation financière et de fortune. […] Si Beaumarchais avait réellement écrit ces pages dès 1764, il était dès lors un écrivain et un metteur en scène consommé.