Les livres des femmes tirent leur distinction, quand ils en ont, bien plus des sentiments que des idées, et ces sentiments s’y entassent et s’y mêlent un peu comme dans leurs âmes. […] Mais, tel qu’il est, ce livre a un accent à lui, et n’en a pas deux, qui vous attache et vous pénètre, et que vous retrouvez sous tous les spectacles qu’il étend devant la pensée, et cet accent unique, c’est l’âme de l’auteur, une âme plutôt lasse qu’apaisée et qui vide simplement son calice de vie, comme on boit tranquillement un verre d’eau à la fin du jour. […] L’esprit et la science peuvent n’en pas tenir un grand compte, mais toute âme vivante et mourante encore plus, comprendra qu’il y a ici un charme secret, une intime originalité. […] Et si vous mettez par-dessus tout cela ce que j’ai dit au commencement de ce chapitre, la mélancolie de la fin des choses qui teint tout de son or mourant, vous avez quelque chose de sui generis qui pourrait être bien plus intellectuel sans doute, et ce serait dommage, mais qui est cordial, car ce soleil d’Asie, tamisé par un cœur triste, cette Asie enveloppée dans le crêpe d’une âme, qui, comme l’a fait sa voyageuse, s’enveloppe aussi pour s’en aller, nous entre au plus profond du cœur. […] On se dit que dans l’âme de cette femme qui traverse indolemment l’étincelante Asie les yeux mi-clos, les ouvrant plus grands sur sa jeune fille qui l’accompagne que sur cette magnifique nature effleurée des pieds de son cheval, l’heure de la chaleur est passée et que l’admiration pour les belles choses visibles est à son reflux.
que trop à rire, qu’il a découvert une de ces choses qui n’avaient, croyait-on, jamais existé… l’âme de Sismondi ! […] Découvrir l’âme de Sismondi, voilà, en effet, un fier tour de force d’acuité naturelle ou de lunettes… car qui ne sait ce qu’était Sismondi ? […] Tel fut Sismondi, littérateur et homme ; tel fut cet honnête chroniqueur, qui n’eut pas même d’esprit, et dont Saint-René Taillandier, ce chercheur de perles dans les huîtres, se vante d’avoir retrouvé l’âme ! Si cette âme a jamais existé, elle devait être, du reste, assez pesante pour qu’on la retrouvât à la place où elle avait vécu et qu’elle ne pût pas s’envoler. […] L’âme qui se mêle à tout, s’y est mêlée.