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1973. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Au fait, bien que tout problème littéraire dont on se donne la peine d’analyser la prime donnée, requière implicitement une solution transcendante, il est inutile de soulever les voiles qui cachent à nos yeux de myopes le très délicat mécanisme de la connaissance. […] Seule, la coïncidence avec la personne même me donnerait l’absolu24 ». […] À descendre dans le particulier, il n’est pas deux hommes qui aiment d’identique façon, même dans une âme plusieurs amours peuvent se donner carrière ou se sérier sans conserver aucune ressemblance psychologique. […] Mithouard, dans la dernière pièce de son recueil, Récital mystique, pièce intitulée : le Mari de la forêt, a donné un très bel exemple de ce procédé immanent. […] Citons encore la vision qui fut donnée au prophète Élie : « Une voix lui dit : “Sors et tiens-toi devant l’Éternel” ; et en effet l’Éternel passa.

1974. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Palissot se donne trop de peine pour enlever cette conquête à l’incrédulité ; on peut la lui abandonner, sans qu’elle ait droit de s’en appuyer & de s’en glorifier. […] Dans les matieres philosophiques ou théologiques, c’est un homme qui ressuscite des erreurs pour les combattre ou leur donner de la force, selon ses caprices, & pour exercer sa démangeaison continuelle de raisonner sur tout & contre tout. On est souvent tenté de rire, en le voyant s’échauffer pour donner de l’existence & du poids à de vieilles erreurs, à de faux systêmes décrédité depuis plusieurs siecles.

1975. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Sans lui rien ôter de sa sublimité, il lui donne plus de tendresse. […] Notre religion à nous, c’est notre histoire : c’est pour nous que tant de spectacles tragiques ont été donnés au monde : nous sommes parties dans les scènes que le pinceau nous étale, et les accords les plus moraux et les plus touchants se reproduisent dans les sujets chrétiens. […] C’est aussi la religion qui nous a donné les Claude le Lorrain, comme elle nous a fourni les Delille et les Saint-Lambert135.

1976. (1896) Études et portraits littéraires

Depuis la Bible et Homère, quels noms n’a-t-on pas donné à cette rumeur des eaux ? […] Car cette plume qui le nourrit lui donne, en outre, le succès, presque la gloire. […] … Combien, dans sa compagnie, pouvaient lui donner la réplique ? […] Elle donne moins une loi qu’un principe intime d’harmonie. […] Il me donnait à dîner et à coucher dans l’unique coin habitable, la bibliothèque.

1977. (1920) Action, n° 2, mars 1920

D’ailleurs, on se retrouve au plus pur et plus beau de soi à force de tout donner. […] Une œuvre avortée nous donne le désir de la musique. […] Mais il se fait sentir ; il conquiert les cœurs ardents et jaloux de se donner totalement. […] Il donnera aux Paraboles la gloire aristocratique qu’il leur faut. […] Une lettre encyclique est une lettre circulaire destinée à circuler dans un milieu donné (vieilli).

1978. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Reste une dernière couleur, le noir, qui n’est pas une sensation, mais le manque ou le minimum de toute sensation de lumière en un point donné et à un moment donné quand on compare ce point et ce moment à d’autres où la sensation de lumière est présente. […] — Et cependant, de cette seule donnée qu’il est chimique, nous pouvons conclure quelque chose sur la composition des sensations que, par l’entremise du nerf, il éveille en nous. […] L’alun est frais, acide et surtout styptique lorsqu’il est broyé en avant de la bouche, tandis qu’il donne en arrière une saveur douceâtre sans la moindre acidité. […] Car les nerfs des muscles comme ceux de la peau peuvent donner naissance aux sensations de contact, de froid et de chaud, de plaisir et de douleur98. […] En attendant, la théorie des sensations est comme un édifice dont une partie est achevée et une partie indiquée. — Mais cette construction incomplète suffit pour nous donner une idée de l’ensemble.

1979. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

La conscience est, parce qu’elle est comme Dieu lui-même ; c’est une faculté innée de notre âme donnée par Dieu, qui est à elle-même sa propre démonstration. […] Il y a là une contradiction apparente, qui donne naissance à la philosophie des deux principes, de Zoroastre ; mais Zoroastre oubliait que, pour juger l’œuvre de Dieu, il faut la voir dans son ensemble et dans son éternité. […] « — Laissez-le dire, et qu’il prépare son breuvage comme s’il devait me donner la ciguë deux fois, et même trois fois, s’il est nécessaire, répond Socrate. […] Il leur parla quelque temps en présence de Criton et leur donna ses dernières instructions. […] Ce qui donne par-dessus tout son caractère et son autorité à cette philosophie, c’est la conscience, supérieure encore ici à la philosophie.

1980. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Au même moment pouvait-on donner le nom d’homme au Christ ? […] Et Thiers dit alors à Cousin : « Je donnerai ma voix à M.  […] Sur la proposition de Faret, elle se donnait pour tâche de « nettoyer la langue des ordures qu’elle a contractées dans la bouche du peuple et les impuretés de la chicane. » Elle prétendit donner la liste des mots de bel usage, exercer en matière de vocabulaire et de grammaire une sorte de magistrature. […] Cela est si vrai que l’Académie finit toujours par céder, quand le public s’obstine à lui donner tort. […] On parle des enseignements de l’histoire ; je vois bien ceux qui les donnent ; je cherche ceux qui en profitent.

1981. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Ce qu’il y a de singulier pourtant dans cette fortune et cette sorte d’apothéose de Bossuet, c’est qu’il devient ainsi de plus en plus grand pour nous sans, pour cela, qu’on lui donne nécessairement raison dans certaines controverses des plus importantes où il a été engagé. […] Mais moralement il retrouve ses avantages ; il s’efforce à tout moment de rendre son commentaire utile en l’appliquant à notre temps, à nous-mêmes, aux vices de la société et à la maladie de nos cœurs : « Bossuet est surtout l’homme de l’âge où nous sommes », pense-t-il ; et il en donne les raisons, qui sont plutôt de sa part d’honorables désirs que des faits manifestes et concluants pour tous. […] M. de Bausset, il y a quarante ans, a donné de Bossuet une Histoire agréable, riche même de détails, et qui, à certains égards, ne sera pas refaite ; mais, sur bien des parties, il y a lieu à plus de recherches et à des investigations que les hommes de lettres distingués et les académiciens s’épargnaient volontiers alors. […] Il montra que ces sermons, si bien appréciés par l’abbé Maury au premier moment de leur publication (1772), n’avaient point d’ailleurs été donnés alors, ni réimprimés depuis, avec toute l’exactitude qu’on aurait pu exiger. […] J’essaierai de donner idée de cette première manière par quelques exemples.

1982. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Ce fut bien pis après sa charge et ce mariage (avec Mlle de Loewenstein) : sa fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan et crépie de l’orgueil du seigneur postiche, fit un composé que combla la grande maîtrise de l’ordre de Saint-Lazare que le roi lui donna. Saint-Simon rappelle le mot de La Bruyère et en donne hautement la clef, si on l’avait pu ignorer : C’était un plaisir, dit-il, de voir avec quel enchantement Dangeau se pavanait en portant le deuil des parents de sa femme et en débitait les grandeurs. […] Soulié, Dussieux, de Chennevières, Mantz, de Montaiglon, qui, par une coalition désintéressée et fraternelle, se sont entendus pour nous donner cette fois, avec l’aide d’une honorable maison de librairie, une édition complète du Journal de Dangeau. […] Le journal commence le dernier jour du carême de 1684 : Samedi 1er avril. — Le roi fit ses dévotions et donna plusieurs abbayes. […] On se demande d’abord comment il a l’idée de noter de pareilles choses, des minuties telles que celles qu’il enregistre : Monseigneur prit médecine et me donna deux petits tableaux de sa propre main, etc. — Le roi alla tirer dans son parc ; Mme la Dauphine se fit saigner et garda le lit tout le jour.

1983. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Henri Estienne et Amyot, eux, gens du métier, lisaient Homère à livre ouvert quand ils le voulaient, et leur belle et bonne langue en a profité comme de toute la Grèce ; Amyot même a cela de particulier que, sans le savoir, il a donné un air homérique à Plutarque, et il le fait parler un peu comme Nestor. […] Le poète lyrique du xvie  siècle chercha aussi, comme l’ancien Thébain, à enchaîner ses rythmes à la musique, et à leur donner ces ailes qui font courir une parole chantante sur les lèvres des hommes : mais il eut beau s’efforcer, sa tentative interrompue, son échafaudage ne sert qu’à marquer sa ruine et à mieux faire mesurer l’infinie distance qu’il y a entre cette ode publique chantée et presque jouée de Pindare, et cette emphase moderne toute métaphorique, plus apparente ici dans une langue roide, neuve, et tout exprès fabriquée. […] Et c’est ainsi que les trois poètes, en présence d’un ancien, nous donnent tour à tour la mesure de leur procédé et de leur goût. […] Avec tout cela, je ne le tiens nullement méprisable, et je trouve chez lui, parmi cette affectation de paraître savant, toute une autre noblesse que dans les afféteries ignorantes de ceux qui l’ont suivi ; et jusqu’ici, comme je donne à ces derniers l’avantage dans les ruelles de nos dames, je crois qu’on le doit donner à Ronsard dans les bibliothèques de ceux qui ont le bon goût de l’Antiquité. […] Blanchemain, à la suite de la vie du poète, a donné quelques vers extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale, et qui paraissent inédits, et d’autres qui avaient été retranchés dans les éditions dernières.

1984. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Albert Blanc avait commencé de donner les dépêches confidentielles écrites par le comte de Maistre pendant qu’il représentait le roi de Sardaigne à Pétersbourg. […] Quand vous voudrez nous donner du Joseph de Maistre, donnez-nous-en, nous vous en remercierons, mais ne vous mettez pas en travers et devant nous en guise d’écran avec votre opacité philosophique. […] Albert Blanc nous a donné du de Maistre tout pur, et nous lui en savons gré11. […] Il donne aux moindres choses un tour original. […] [NdA] Cependant l’éditeur a passé d’un extrême à l’autre, en n’indiquant même pas à qui les lettres sont adressées, en ne mettant aucune note qui serait de nature à éclaircir le texte, en laissant de simples initiales aux noms propres là où il coûtait bien peu de les donner en entier (par exemple, tome ii, page 218), et quand il les donne, en permettant à l’imprimeur d’écorcher ces noms de diplomates très connus (tome ii, page 278 et ailleurs).

1985. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

L’entrée d’un petit vieillard d’assez chétive mine dans le temple, l’adresse qu’il met à se faire admettre, à se faufiler, les airs d’aveugle qu’il se donne, puis, tout d’un coup, dès qu’il se voit à portée de l’autel, son brusque élan, son attaque à la statue de la Superstition ou du Fanatisme dont il déchire le voile, tout cela est ingénieux et symbolise bien Socrate ; mais ce Socrate lui-même, en mourant victime de son zèle pour la vérité, n’adresse-t-il pas à cette statue odieuse qu’il n’a pu que dévoiler sans la renverser, une espèce d’hommage un vœu de sacrifice : est-ce ironie ? […] Après le témoignage de force et d’intrépidité qu’il venait de donner, il reprit son discours avec la même douceur qu’auparavant ; il peignit l’amour des hommes et toutes les vertus avec des traits si touchants et des couleurs si aimables que, hors les officiers du temple, ennemis par état de toute humanité, nul ne l’écoutait sans être attendri et sans aimer mieux ses devoirs et le bonheur d’autrui. […] À peine, dans sa vie errante, commençait-il à être installé quelque part, qu’il se croyait en butte à des poursuites, à des curiosités intéressées et malignes, à un espionnage continuel : la misérable compagne qu’il s’était donné avait l’art, selon qu’elle se déplaisait plus ou moins vite dans un lieu, d’entretenir et d’exciter ces inquiétudes qui avaient parfois des redoublements où toute la raison menaçait de périr. […] Monsieur, cela n’y fait rien ; je prendrai tout de même… » — « Non, monsieur, je n’ai pas l’habitude de livrer de la musique en cet état ; j’ai voulu vous donner cette explication, car je ne manque jamais à ma parole. » — « Mais, monsieur… » — « Non, monsieur ; je vous demande seulement quelques jours pour refaire la copie. » Le jeune homme avait peine à sortir : Rousseau lui-même s’oublie ; la conversation se renoue et s’engage. « Jeune homme, à quoi vous destinez-vous ?  […] Comme la plupart de ces lettres qu’on donne aujourd’hui sont adressées à son compatriote Coindet, il se passe les locutions genevoises, et il en gardera dans son parler, même là où il y songera le moins.

1986. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Henri Delaborde, et pour cinquième compagnon, Ampère, qui, accomplissant son Voyage dantesque s’y était rencontré avec eux : « On eut alors ce spectacle vraiment digne d’intérêt, de cinq jeunes hommes habitués à l’élégance de la vie parisienne, exilés de leur plein gré dans cette pauvreté, et vivant de la dure existence des anachorètes qui leur donnaient l’hospitalité. […] Il n’était pas orateur ; son débit, d’une extrême lenteur et sans grâce, impatientait l’auditoire et donnait même le change aux moins mal disposés, sur la portée de ses paroles. […] Rien n’égale, à cet égard, la sincérité du premier jet : je donnerai donc ici les notes mêmes ; c’est tout un portrait d’Halévy, pris sur le vif, saisi dans l’intérieur et dans la familiarité : « Il avait un don naturel d’écrire, cultivé, perfectionné par l’étude, par un goût de lecture qu’il satisfaisait partout, dans son cabinet, pendant l’intervalle des travaux, des conversations d’affaires, dans les voitures publiques, dans les réunions d’amis, dans le monde même. […] Il donnait une foule d’étymologies. — Il avait une passion pour les dictionnaires. […] Pourquoi n’avoir pas rendu plus souvent à l’auteur la plénitude de joie qui suit une grande victoire, et qui inspire le désir, et qui donne la force d’en remporter une nouvelle, au moins égale, sinon supérieure ?

1987. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Pline le Jeune peut pourtant nous en donner une favorable idée, et aussi le philosophe Favorinus chez Aulu-Gelle, et cet autre philosophe Nigrinus, de qui Lucien a parlé avec tant d’affection et d’enthousiasme, et cet Hérode Atticus qui unissait à la fois tant de doctrine, d’éloquence suave et d’humanité. C’est lui qui, accosté, au milieu d’un groupe d’amis, par un philosophe soi-disant stoïcien ou cynique qui lui demandait arrogamment, au nom de sa barbe et de son manteau, de lui donner de quoi acheter du pain, répondait : « Qu’il soit ce qu’il veut, donnons-lui pourtant quelque chose, si ce n’est comme à un homme, du moins comme étant homme nous-mêmes… tanquam homines, non tanquam homini. » C’est là une charmante application encore du sentiment et du mot de Térence. […] « Donnez à celui qui vous demande et ne rejetez point celui qui veut emprunter de vous… « Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il se soumettra à l’un et méprisera l’autre. […] considérez comment croissent les lis des champs… etc. » Nous savons tous dès l’enfance ces belles paroles, nous sommes nourris de ces innocentes et virginales images ; l’idée pourtant qui y est exprimée ou plutôt touchée si légèrement, le conseil qui y est donné d’un air si aisé et d’un si engageant appel, n’est pas seulement un renchérissement sur la nature, c’est plutôt un renversement de cette nature humaine tout égoïste et du sens commun ordinaire, en vue d’une idéale et surnaturelle perfection. […] Darenbert, qui a donné ses soins à la correction de ce texte même, a paru regretter que pour les dessins, au lieu de s’adresser à des artistes, et quelques-uns très distingués, qui ont traduit l’auteur sacré dans des formes plus ou moins modernes, on ne se soit pas reporté aux anciennes peintures qui se voient encore dans les Catacombes.

1988. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Ne pouvant accorder ce titre de reine à la charmante princesse, on s’arrangea toutefois pour lui donner de la reine et de la souveraine sous une forme quelconque, galante et courtoise. […] à une peau très-blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un tel éclat qu’il était difficile, à sa vue, de ne pas sentir tout à coup saisi et subjugué. […] mais à sa douce et charmante femme qui n’en pouvait mais, il donnait, quand il était ivre, tous les noms injurieux et humiliants, accompagnés de traitements cruels, de coups et une certaine nuit, à la fête de Saint-André qu’il avait célébrée en buvant encore plus qu’à l’ordinaire, il tenta de l’étouffer et de l’étrangler. […] Après y avoir mis d’abord quelque mystère et s’être donné des rendez-vous l’été, en Alsace, au pied des Vosges, à Bade et au bord du Rhin, ils se réunirent pour ne plus se quitter, soit dans leurs voyages, soit dans les séjours qu’ils firent à Paris et à Londres, à la veille et dans les premières années de la Révolution française, soit en dernier lieu dans leur installation à Florence, le cher théâtre de leur première rencontre et leur vraie patrie. […] Ils se donnèrent l’un à l’autre dès le premier jour, et le lien fut noué entre eux.

1989. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Cette comparaison doit donner de la modestie aux poëtes qui réussissent, à l’égard de leurs généreux frères qui échouent ; mais elle doit donner aussi à penser à ces derniers : dans les arts, dans la poésie, rien ne dure, rien n’est véritablement beau, sans la qualité de finesse. […] Quinet a donné carrière à ses sympathies de moyen âge, en les relevant et les rachetant par ses vues philosophiques sur l’avenir du monde, sur la guerre dont il voit en Napoléon le dernier grand représentant, et sur la démocratie dont il le considère également comme le héros : « La poésie, dit-il, n’a pas seulement pour but de représenter Napoléon tel qu’il s’est montré aux contemporains. […] Donne, donne aux vivants ce que les morts possèdent ; De frères nouveau-nés qui l’un l’autre s’entr’aident Remplis les états dépeuplés. […] Quinet : annonçant, dans le Globe du 12 octobre 1830, son livre De la Grèce moderne et de ses rapports avec l’Antiquité, je disais : « Cet ouvrage, qui doit être demain mis en vente, est dû au jeune et remarquable écrivain qui nous a donné déjà, il y a deux ans, la traduction des Idées de Herder, et qui l’avait enrichie d’une Introduction si pleine et, pour ainsi dire, si grosse de philosophie et de poésie. […] Aujourd’hui nous ne voulons que citer, extraire, pour donner une idée du livre, et certes les pages à choisir ne nous manqueront pas… » (Suivaient les citations.

1990. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

On perdait des batailles en Flandre ; on donnait droit de préséance aux bâtards légitimés sur les ducs ; on applaudissait Campistron. […] Or, Rousseau, après quelques essais lyriques peu goûtés, avait donné en 1696, au Théâtre-Français, la comédie du Flatteur, qui n’avait eu qu’un demi-succès, et en 1700, le Capricieux, qui réussit encore moins. […] Au lieu de la feuille séchée, le texte donne : « Mon pèlerinage est fini ; il a été emporté comme la tente du pasteur. » Qu’est devenue cette tente du désert, disparue du soir au matin, et si pareille à la vie ? […] S’il rime avec soin, c’est presque toujours aux dépens du sens et de la précision ; la rime ne lui donne jamais l’image, comme il arrive aux vrais poëtes ; mais elle l’induit en dépense d’épithètes et de périphrases. […] Le caractère de la magicienne est aussi celui d’une Circé ou d’une Médée d’opéra ; elle ne ressemble pas même à Calypso, et ne sort pas des fadaises et des frénésies dont Quinault a donné recette.

1991. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Cette fin lamentable des gens qui les mystifiaient ou les exaspéraient en leur parlant d’idéal, de dons inaccessibles, de vocation et de beauté intangible à leurs intelligences bornées, cette fin leur donne raison dans toute leur conception de la vie. […] Si sa place dans l’État était nettement délimitée, il deviendrait immédiatement homme du monde, il ne permettrait même pas à un bourgeois riche de revendiquer sur lui cette pauvre supériorité des « manières », l’élégance qu’il donne à ses peintures ou à ses poèmes rehausserait immédiatement son attitude. […] Les romantiques se réjouissaient de se donner en spectacle aux bourgeois. […] Leur vie privée a donné souvent prise aux critiques cinglantes de la bourgeoisie. […] Il y aurait à donner le coup de grâce à des créations aussi funestes que celle de Murger ; avant de contribuer de nouveaux ouvrages d’imagination à la bibliothèque des auteurs actuels, il y aurait à écrire un livre de première nécessité sur l’organisation sociale des créateurs eux-mêmes.

1992. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Causer avec Rabelais, si on le pouvait en effet, s’il était donné de le saisir un instant tel qu’il fut en réalité, et de l’entendre, que ne donnerait-on point pour cela ? […] La débauche de Rabelais se passait surtout dans son imagination et dans son humeur : c’était une débauche de cabinet, débauche d’un grand savant, plein de sens, et qui s’en donnait, plume en main, à gorge déployée. […] Après toutes les folies du début, la naissance de Gargantua par l’oreille gauche, la description mirifique de sa layette, les premiers signes qu’il donne de son intelligence et certaine réponse très coquecigrue qu’il fait à son père et à laquelle celui-ci reconnaît avec admiration le merveilleux entendement de son fils, on lui donne un maître, un sophiste en lettres latines ; et c’est alors que commence la satire la plus ingénieuse et la plus frappante de la mauvaise éducation de ce temps-là. […] Arago ait donné le signal dans ses Leçons de l’Observatoire, l’enseignement journalier n’y a rien gagné. […] Ils n’avaient plus d’autres impulsions vers le bonheur que celles que leurs princes voulaient leur donner, si leurs Princes alors avaient été capables d’en avoir.

1993. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Question délicate et dont, selon les âges et les saisons, on aurait pu donner des solutions assez diverses. […] Je ne me dissimule pas que cette définition que je viens de donner du classique excède un peu l’idée qu’on est accoutumé de se faire sous ce nom. […] Et en effet, avant de fixer et d’arrêter ses idées à cet égard, j’aimerais à ce que tout libre esprit fit auparavant son tour du monde, et se donnât le spectacle des diverses littératures dans leur vigueur primitive et leur infinie variété. […] Les plus grands noms qu’on aperçoit au début des littératures sont ceux qui dérangent et choquent le plus certaines des idées restreintes qu’on a voulu donner du beau et du convenable en poésie. […] Ce n’est certes pas moi qui médirai de Pope ni de ses excellents disciples, surtout quand ils ont douceur et naturel comme Goldsmith ; après les plus grands, ce sont les plus agréables peut-être entre les écrivains et les poètes, et les plus faits pour donner du charme à la vie.

1994. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il avait foi à la science expérimentale et à ses découvertes croissantes ; il regrettait souvent, vers la fin de sa vie, de n’être pas né un siècle plus tard, afin de jouir de tout ce qu’on aurait découvert alors : Le progrès rapide que la vraie science fait de nos jours, écrivait-il à Priestley (8 février 1780), me donne quelquefois le regret d’être né sitôt. […] Nous apprendrons peut-être à dégager de grandes masses de leur pesanteur et à leur donner une légèreté absolue, pour en faciliter le transport. […] Sa perspicacité, d’assez bonne heure, dut l’éclairer sur l’avenir inévitable ; mais il n’en continua pas moins jusqu’au bout, et avec une patience inébranlable, de tenir pied et de tirer parti des moindres circonstances qui pouvaient procurer l’accord et donner jour à l’arrangement. […] Le nouveau ministère du marquis de Rockingham semblait s’adoucir pour l’Amérique et se décider à lui donner quelque satisfaction en retirant l’acte du Timbre : Franklin fut mandé devant la Chambre pour répondre à toutes les questions qui lui seraient faites, tant sur ce point particulier que sur la question américaine en général, soit de la part des ministres anciens et nouveaux, soit de la part de tout autre membre du Parlement. […] Le lendemain, il fut destitué de sa place de maître général des Postes en Pennsylvanie, pour laquelle on lui avait, à plus d’une reprise, insinué de donner sa démission : mais il avait pour principe de ne jamais demander, refuser, ni résigner aucune place.

1995. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Je donnerais tout ce fatras pour le seul incident du tableau d’un peintre ancien où l’on voyait la calomnie, les yeux hagards, s’avançant, une torche ardente à la main, et traînant par les cheveux l’innocence sous la figure d’un jeune enfant éploré, qui portait ses regards et ses mains vers le ciel. […] Et croyez-vous que la scène d’un agonisant à qui l’on donne l’extrême-onction fût plus facile à arranger que la vôtre ? […] Quoi qu’il en soit, le lieu du corps lumineux étant donné, il faut que l’art obéisse ; il n’en peut circonscrire, altérer ou changer la nature, la direction, les reflets, la dégradation ou l’éclat. […] On dirait qu’ils se sont donné le mot pour s’agencer ainsi et que c’est une chûte pour rire. […] C’est le génie qui fait la belle esquisse, et le génie ne se donne pas ; c’est le temps, la patience et le travail qui donnent le beau faire, et le faire peut s’acquérir.

1996. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Parce qu’elle embrasse à la fois tout le domaine de la science, l’Année a pu, mieux qu’aucun ouvrage spécial, donner le sentiment de ce que la sociologie doit et peut devenir. […] Elle nous les fait bien connaître jusqu’à un certain point, mais seulement comme les sensations nous font connaître la chaleur ou la lumière, le son ou l’électricité ; elle nous en donne des impressions confuses, passagères, subjectives, mais non des notions claires et distinctes, des concepts explicatifs. […] Mais, d’abord, la majeure partie des institutions sociales nous sont léguées toutes faites par les générations antérieures ; nous n’avons pris aucune part à leur formation et, par conséquent, ce n’est pas en nous interrogeant que nous pourrons découvrir les causes qui leur ont donné naissance. […] Ainsi, alors même que la psychologie individuelle n’aurait plus de secrets pour nous, elle ne saurait nous donner la solution d’aucun de ces problèmes, puisqu’ils se rapportent à des ordres de faits qu’elle ignore. […] Il est inutile de montrer comment, de ce point de vue, la nécessité d’étudier les faits du dehors apparaît plus évidente encore, puisqu’ils résultent de synthèses qui ont lieu hors de nous et dont nous n’avons même pas la perception confuse que la conscience peut nous donner des phénomènes intérieurs.

1997. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

L’édition Conard nous donne enfin celui de 1849. […] Jules Lemaître semble donner satisfaction au vulgaire. […] Il ne faudrait pourtant pas le donner pour entièrement inconnu. […] Louis Bertrand donne dans la turlutaine de l’art populaire. […] Seulement, il n’a pas donné le mot de l’énigme.

1998. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Même, par le jeu magique de son art, le poète peut donner aux mots qu’il manie un sens inattendu. […] Mais son œuvre lui donne une illusion d’éternité, mieux, crée, pour elle, réellement cette éternité qu’elle désire. […] … Cette nuit m’est donnée… Éternelle douceur de la douceur qui fuit ! […] C’est que l’amour, en ses minutes de mutuelle concordance, donne à la chair, à l’être tout entier, un rythme parfait. […] Mais elle sait transformer cérébralement cette douleur en volupté, et se donner des raisons de croire à son décevant amour.

1999. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Furpille… Ces noms me donnent froid dans le dos. […] Alors, j’ai donné au sacristain l’ordre de fermer l’église. […] Enfin, on lui donne l’absoute. […] Le Louvre lui donna des leçons de style. […] Je me donne toute, pour toujours, vous le sentez bien.

2000. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Le dernier des classiques donnait le premier les mains avec une joie généreuse à la consécration de la Muse enhardie, et lui-même il s’éclairait du triomphe. […] L’Almanach des Muses de 1778 nous donne les premières nouvelles littéraires du poëte. […] Les lumières de la philosophie ont donné plus de confiance aux fondateurs de notre république. […] Les choses entre eux en restèrent là, dans une mesure parfaitement décente, plus froide pourtant que ces témoignages ne donneraient à penser. […] Il eut le temps, avant de mourir, de lire les premières Méditations  : je doute qu’il se soit donné celui de les apprécier.

2001. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

À son aise et c’est le moins qu’il se donne pour exploit ingénu d’avoir considéré, seul, dans l’orgueilleux repli des conséquences, le Monstre, Qui ne peut Etre ! […] La Cité, qui donna à cette expérience sacrée un théâtre, imprime à la terre le Sceau universel. […] Ô du gouffre aqueux, sages Sœurs, nageuses filles du Rhin, je vous dois l’honnête conseil : ce que vous désirez, je vous le donne : de mes cendres, pour vous, prenez le. […] Wagner a donné au monde un drame alliant formes plastiques, littéraires et musicales à travers le mythe. Il a aussi donné un théâtre, un temple pour participer à des révélations non à des œuvres de divertissement à l’instar de Parsifal.

2002. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Il me donne froid ! […] La porte vitrée qui donne sur la boutique des syndicats importants s’ouvre. […] Il t’a donné un spécimen du grand Art de l’époque. […] … Tiens, je te la donnerai. […] Pour eux, je me « donne un genre » et j’essaie, ridiculement, de me distinguer.

2003. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Ils mettaient aussi moins de gravité étudiée dans leurs manifestes et ne s’embarrassaient pas de leur donner un tour scientifique, une saveur d’axiome, le piquant d’une formule algébrique. […]  » C’était pour protester contre tant de solennelle gravité que le Décadent insérait des échos dans ce goût : « Notre ami Piombino s’étant laissé barboter son manuscrit en tramway, n’a pu nous donner, en temps utile, sa chronique hebdomadaire. […] Et ce qui donnerait une valeur à cet argument, c’est qu’ils avaient commencé par substituer aux mythes helléniques qui forment le plus clair de notre patrimoine lyrique, les mythes scandinaves.

2004. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 120-124

Ses Observations en général nous ont paru très-judicieuses, mais un peu trop séveres ; car si, comme il le dit lui-même dans un Ouvrage qu’il a donné depuis, les anciens Poëtes ne sauroient jamais être traduits que très-difficilement & toujours très-imparfaitement, on doit avoir de l’indulgence pour un Traducteur qui a su faire passer dans notre langue une partie des beautés de son original. […] Peut-être a-t-il cru donner, par ce titre, une recommandation à son Ouvrage, très-éloigné de faire honneur à la Philosophie*. […] Il est bon de transcrire ce sublime morceau, pour donner à nos Lecteurs une nouvelle preuve de la véracité, de la bonne foi & de l’honnêteté des Philosophes.

2005. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

Né avec des talens propres à le faire exister par lui-même, après avoir donné deux bons Ouvrages de son propre fonds, il s’est attaché à des Compilations, & par malheur il ne paroît pas avoir su bien choisir ses matériaux. […] Elle n’a ni expressions triviales, ni images basses, parce que le Peuple y donne le ton, & qu’une Langue qui n’est point sujette au caprice des Cours & des Académies, ne peut ni s’appauvrir, ni dégénérer*. […] C’est ce qui fit donner le nom de Poëtes Provençaux aux Troubadours & autres Poëtes de la Gaule Narbonnoise.

2006. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Or, en répandant sur les peuples cette uniformité et, pour ainsi dire, cette monotonie de mœurs que les lois donnaient à l’Égypte, et donnent encore aujourd’hui aux Indes et à la Chine, le christianisme a rendu nécessairement les couleurs de l’histoire moins vives. […] Donnons-nous de garde de nous en plaindre ; l’homme moral parmi nous est bien supérieur à l’homme moral des anciens.

2007. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

» Et, si j’ai bien compris, il finit par se faire à lui-même cette réponse ou à peu près : « Si la vie a un sens, elle a celui que lui donnent les honnêtes gens et les braves gens, quels que soient, d’ailleurs, l’espèce et le degré de leur culture. » Seulement il a l’air de songer tout le temps : « Peut-être bien que la vie n’a pas de sens du tout. » Et c’est pourquoi son livre est triste, aussi triste, en vérité, que la Course à la mort. […] Il a lu les romans de Tolstoï et de Dostoiewski, et cela lui a donné un coup  comme si ces Russes avaient découvert la charité et comme s’il n’en eût jamais entendu parler avant. […] Ce mot de « dilettantisme », si vague et si commode, je pense que c’est Paul Bourget qui en a donné la meilleure définition : « C’est, dit-il, une disposition d’esprit très intelligente à la fois et très voluptueuse, qui nous incline tour à tour vers les formes diverses de la vie et nous conduit à nous prêter à toutes ces formes sans nous donner à aucune. » Eh bien, pourquoi cette disposition d’esprit serait-elle nécessairement funeste ? […] En voici un que je vous donne pour ce qu’il vaut et qui, d’ailleurs, n’est pas original (mais un credo ne doit pas être original).

2008. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Théodore de Banville Ce poète a un profil digne d’être gravé sur une médaille, car avant qu’il ait atteint sa trentième année, la pensée, qui visiblement habite son front large et bien construit, et la bonne déesse pauvreté, qui fut sa première nourrice, lui ont donné des traits arrêtés à un âge où on n’en a pas encore. […] Francisque Sarcey Le Gymnase a donné, cette semaine, l’Abandonnée, de M.  […] C’est la mélancolique aventure d’un vieux garçon, qui croit son cœur usé et flétri, lorsqu’il rencontre, une fillette qui lui donne des émotions sur lesquelles il ne comptait plus guère. […] Le conteur, sans égaler le poète, a donné des pages exquises. […] Non seulement il nous donne à nous, ses contemporains, un plaisir dramatique que nous ne connaîtrions plus sans lui, mais il est certain que la postérité prêtera grande attention à la part de son œuvre oh ce parnassien a continué le mouvement romantique.

2009. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

On alla jusqu’à prétendre que la mesure eût gâté le chef-d’œuvre de Fénélon ; & que la plus grande louange qu’on pût donner à des vers, étoit de dire qu’ils valent de la prose. […] Il donna, en confirmation de ses principes, la décomposition de la première scène de Mithridate de Racine, On nous faisoit Arbate, &c. : jamais beauté ne fut plus défigurée. […] Il les parcourut tous, & donna successivement de pareils exemples. […] Un arrangement heureux de spondées & de dactiles donne autant de peines que nos hémistiches & le nombre déterminé de nos syllabes. […] Le tourment qu’elle donne, le tort qu’elle fait quelquefois au stile, ne sont pas une raison pour la rejetter.

2010. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Les françois sont en possession de donner au mot esprit, des significations bien plus abusives. […] Voilà pourquoi des artisans éclairez consultent quelquefois des personnes qui ne sçavent point les regles de leurs arts, mais qui sont capables néanmoins de donner des décisions sur l’effet d’un ouvrage composé pour toucher les hommes, parce qu’elles sont doüées d’un naturel très-sensible. […] Mais dès que les mouvemens de leur coeur qui opere mécaniquement, viennent à s’exprimer par leur geste et par leur contenance, elles deviennent, pour ainsi dire, une pierre de touche qui donne à connoître distinctement si le mérite principal manque ou non dans l’ouvrage qu’on leur montre ou qu’on leur lit. […] Mais, comme je l’ai déja dit, je ne crains pas que mon lecteur se trompe sur l’extention qu’il conviendra de donner à la signification du mot de public, suivant les occasions où je l’emploïerai. […] Tous les hommes doivent donc être en possession de donner leur propre suffrage, quand il s’agit de décider si les poëmes ou les tableaux font l’effet qu’ils doivent faire.

2011. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Otez la fausse manière qui gâte son esprit, Blaze de Bury aurait du talent, et dans ce cas il nous eût donné un petit chef-d’œuvre, car c’est vraiment de la matière à chef-d’œuvre que le sujet qu’il a choisi. […] Sur ce point, le livre de Blaze de Bury, qui a fouillé profondément les cours d’outre-Rhin, nous donne les détails les plus scandaleux et les plus difficiles à récuser. […] — dans la donnée des mœurs de ce temps ; car les mœurs de ce temps étaient immondes, et, comme tous les fumiers des civilisations avancées, elles ne produisaient que des empêchements d’agir ou des lâchetés. […] Blaze de Bury, qui se souvient trop des types officiels et classiques quand il faudrait analyser, creuser ou peindre, appelle tour à tour madame de Platen Phèdre, Médée ou Messaline, pour nous donner une juste idée des fureurs d’amour, de jalousie et de vengeance, qui luttèrent en elle. […] Quel magnifique soufflet à donner aux idées matérialistes qui règnent encore en histoire que cet épisode exceptionnel dans l’histoire du xviie siècle !

2012. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Ils ont donné de la densité et de la fixité à cet éclair. […] Ceci peut donner assez exactement la mesure de Thureau-Dangin et le ton de ses opinions. […] À partir de la Révolution française, de cette révolution qui, en faisant souvent mine de mourir, mais ne mourant jamais, nous a légué, pour nous consoler de sa perte momentanée, le parlementarisme, ce joli enfant de sa façon, qui nous ramènera toujours, dans un temps donné, à sa mère, si nous sommes assez aveugles pour nous fier à ce charmant petit, Thureau-Dangin a compté sur ses doigts le nombre de fois que la pierre de ce Sisyphe infortuné, qui a tant essayé de la mettre en équilibre, lui est retombée sur les pieds, mais il n’a jamais pensé que ce fût la faute de l’équilibriste ou de la pierre. […] Depuis qu’il y a des partis, ils se sont toujours comptés avant la patrie, et voilà pourquoi ce qu’il faut contre eux, c’est un genre de gouvernement qui ne s’imagine pas se les concilier, mais qui les dompte ; et le gouvernement parlementaire, qui traite avec eux, qui leur fait même une place au soleil de ses institutions, leur donne une importance qu’ils ne manquent jamais de retourner contre lui. […] Prenez-le, de Montesquieu qui en fut le précurseur, et de Louis XVIII qui en fut le parrain et lui donna possession d’état par sa Charte, jusqu’à ce misérable moment où, mutilé dans son organisation même, éclopé par la République, il va, si on n’y remédie (et on a senti la nécessité d’y remédier !)

2013. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard sera certainement — car ses travaux ne sont pas épuisés par les deux publications qu’il nous donne — l’honneur et l’agrément de cette science, coiffée de grec, qui est, après tout, moins abstraite et moins aride que celle-là dont elle est un démembrement. […] III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile ! […] C’est que l’effort acharné et la hardiesse ne sont peut-être pas dans la nature de Quitard, esprit avisé, curieux, ingénieux, mais placide, et qui ne nous a donné depuis son Dictionnaire que le volume de cette Étude. […] — ne nous donne pas l’idée d’un tempérament bien dévorant, bien absorbant et bien ardent. […] Je ne connais pas Quitard, mais son livre me donne, intellectuellement du moins, sa silhouette.

2014. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Ce fut tout à la fois un assassinat et un suicide (deux lâchetés en une seule) ; car, en ne frappant pas la Révolution, les royautés d’Europe se frappèrent elles-mêmes, et, dans un temps donné, elles pourraient bien en mourir ! […] Or, en France, dans le parti même qui aurait dû donner l’exemple de l’ordre et de la cohésion, personne ne s’entendait avec personne. […] on savait cela, mais en gros ; mais le détail de cela, parle menu et comme la Correspondance de Fersen nous le donne, on ne le savait pas, et on le sait maintenant ; et à présent on ne l’oubliera plus ! […] Le joueur qui avait été obligé d’engager la partie avec de telles cartes et de tels partners ne pouvait pas croire la gagner… Et c’est cela particulièrement qui donne aux lettres de cet homme, qui fit entrer dans son dévouement à la Reine jusqu’au calme qui voile le désespoir, je ne dis pas un accent, mais une profondeur soupçonnée, malgré l’accent qu’il n’a pas voulu leur donner.

2015. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Après le libre dialecticien du Moyen Âge, on nous donne le personnage romanesque, l’Abailard de la passion et de la célèbre catastrophe. […] Pour notre part, nous l’avouerons sans honte, nous aussi, nous avons donné dans la grande piperie qui est le trébuchet séculaire au fond duquel les Imaginations et les Sensibilités viennent chuter. […] voilà enfin le dernier mot de cette orgueilleuse empoisonnée par la science, et que la Philosophie, qui se mêle d’ausculter les cœurs, nous donne pour le type le plus tendre et le plus élevé de l’amour ! […] Femme de lettres, ayant cette considération de la pensée qui donne aux femmes moins d’aptitude à vivre de la vie des sentiments que des idées, elle doit avoir naturellement, et elle les a, quelques entrailles pour Abailard (un professeur éloquent !) […] C’est un passionné qui a sans doute une puissance d’amour si formidable qu’il en donne à ceux qui n’en ont pas.

2016. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Et on en est d’autant plus surpris que les noms qui pavoisent la porte de ce livre d’un mort inconnu ne sont pas faits pour donner l’envie d’y entrer. On y a entassé, comme Pélion sur Ossa, d’Haussonville sur Sacy et Sacy sur Cuvillier-Fleury, un amphithéâtre, en balcon, d’académiciens qui ne représentent pas précisément, en littérature, la vie, la grâce, la légèreté, l’ondoyance, la fantaisie aimable, mais qui, dans leurs Notices, n’en donnent pas moins un brevet de tout cela à leur mort inconnu ; et (le croirez-vous ?) […] Il donnerait un plaisir bien plus vif encore que celui qu’il donne, si Joubert n’avait pas existé. […] Mais elles doivent l’être comme l’expression d’un homme qui a une âme charmante, capable de faire oublier, en lisant ses lettres, les erreurs et les débilités de son esprit, — et c’est ici que la Critique va prendre son cœur à deux mains pour dire toute la vérité sur un livre qui lui a donné tant de plaisir… Doudan est, en effet, sur bien des points, un débile et un erroné.

2017. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

II Quand Ballanche les publia, ces lettres, pour la première fois, non seulement il donnait à ce qui restait de cœurs purs en France, après les impuretés du xviiie  siècle, une sensation divine bien au-dessus de toutes les sensations que le Génie lui-même peut donner, mais en plus il préservait Mademoiselle de Condé des derniers outrages de ce xviiie  siècle expirant… L’amour de Mademoiselle Louise de Condé pour La Gervaisais, d’une princesse du sang de France pour un petit officier des carabiniers de Monsieur, cet admirable et chaste amour, discret, englouti dans deux âmes d’élite qui eurent également leur renoncement dans l’amour, cette chose rare qui achève l’amour dans ce qu’il a de plus sublime, avait transpiré comme un parfum qu’on percevrait mieux dans une atmosphère empestée, et cette transpiration d’un sentiment ineffablement pur au milieu d’une société corrompue, cette société avait dû en faire ce qu’elle faisait de tout. […] Mademoiselle de Condé ne donna que Dieu pour rival à l’homme qu’elle aimait, mais elle emporta son amour pour cet homme jusque dans le sein de Dieu même… Sa vie, quand elle prit le parti héroïque de ne plus voir l’homme trop aimé qu’elle ne pouvait pas épouser, devint aussi héroïque que le parti qu’elle avait pris. […] Lui seul, qui a dit si grandement celle d’Henriette d’Angleterre cherchant par toute l’Europe des poitrines et des canons qu’elle pût envoyer à son mari, Charles Ier, combattant pour sa couronne et pour sa race, serait digne de raconter cette autre Odyssée de Mademoiselle de Condé, errante aussi par toute l’Europe pour trouver un monastère dans lequel elle pût rester agenouillée devant Dieu et attendre ainsi son éternité… S’être immolée dans son amour lui avait donné la soif de toutes les immolations. […] Le plus grand mérite de La Gervaisais, en fin de compte, fut d’être aimé de Mademoiselle de Condé et de lui obéir quand elle lui demanda, avec de si nobles larmes, de ne pas la revoir ; mais, franchement, je ne puis me faire à l’idée que l’homme à qui une telle femme avait pu donner le bonheur d’un pareil amour se soit prosaïquement marié et ne soit pas resté, comme le chevalier de Malte, d’une fidélité immortelle, avec sa croix, non pas sur le cœur, mais dedans !

2018. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Après le libre dialecticien du Moyen Âge, on nous donne le personnage romanesque, l’Abailard de la passion et de la célèbre catastrophe. […] Pour notre part, nous l’avouerons sans honte, nous aussi, nous avons donné dans la grande piperie qui est le trébuchet séculaire, au fond duquel les Imaginations et les Sensibilités viennent chuter. […] voilà enfin le dernier mot de cette orgueilleuse empoisonnée par la science et que la Philosophie, qui se mêle d’ausculter les cœurs, nous donne aujourd’hui pour le type le plus tendre et le plus élevé de l’amour ! […] Femme de lettres, ayant cette considération de la pensée qui donne aux femmes moins d’aptitude à vivre de la vie des sentiments que des idées, elle doit avoir naturellement, et elle les a, quelques entrailles pour Abailard (un professeur éloquent !) […] C’est un passionné qui a sans doute une puissance d’amour si formidable qu’il en donne à ceux qui n’en ont pas.

2019. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Mais le bonheur de rencontrer un manuscrit, oublié et authentique, d’un grand homme, ne recommence pas tous les jours… Quand Chateaubriand nous donna ses quatre grandes pages sur Milton, il l’avait traduit où il allait le traduire, mais après Chateaubriand, le vieux lion littéraire qui essaya d’imprimer ses ongles sacrés sur le poème intraduisible de Milton, y aurait-il quelqu’un d’assez hardi pour vouloir casser les siens sur ce marbre ? […] Et si cela était, son livre ne serait plus qu’une manière de pressentir et de préparer l’opinion, et de repassionner cette gloire froidie dans laquelle il a donné le coup de fourgon qui tire du brasier encore un dernier flamboiement. […] En racontant la vie de Milton, c’est Milton — et pas plus — que M. de Guerle a prétendu nous donner ; c’est cette toute-puissante unité humaine qui s’appelle Milton, et qu’il compare, dans sa préface, non sans éloquence, au chêne tordu et dépouillé qui s’élève seul sur une colline aride et désolée, dans le plus saisissant des paysages de Ruysdaël. […] Eh bien, — on en dira ce qu’on voudra, — c’est là un très noble spectacle, et le livre de M. de Guerle, qui nous le donne, nous l’a ravivé ! […] À côté des pédants de la Critique, il y a les pédants de la Politique, — une race nouvelle, — il y a les caporaux de la Démocratie, qui donnent, depuis quelque temps, le mot d’ordre contre la Poésie, qui lui refusent le droit d’exister, à cette sublime fille de la tête humaine, et qui la traitent comme une amusette de peuple enfant, comme un polichinelle cassé.

2020. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Mais Balzac ne nous a cependant donné que des profils de prêtres, ou des trois quarts superbes ; car Véronique, dans Le Curé de campagne, est plus forte que le curé, et elle absorbe et garde tout de l’imagination émue. […] sans avoir dit son dernier mot complet sur le prêtre, et peut-être est-ce ce dernier mot, qui n’a pas été dit, qui a tenté Ferdinand Fabre et lui a donné l’idée de faire, de face, lui, une grande figure de prêtre, comme il l’a faite dans son Abbé Tigrane, candidat à la Papauté ! […] C’est un surnom qui lui fut donné par ses condisciples de séminaire, un jour où sa violence révéla qu’il y avait du tigre dans l’antre de cette âme profonde. […] Il donnerait sa voix, s’il faisait partie du conclave, à son candidat à la Papauté, et il aurait raison de la lui donner.

2021. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Nos soldats ont eu dans le sacrifice et dans la douleur une attitude mentale propre, selon qu’ils étaient animés par telle ou telle croyance, mais chez tous, en dépit de cette coloration que leur donnaient des doctrines contraires, les traits étaient pareils, au point qu’on eût pu les superposer : c’étaient les traits éternels de la France.‌ […] Votre mort vous rend à Celui qui a dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie ».‌ […] Pour équilibrer ces divers chapitres, il me fallut chercher des « textes » que mes correspondants spontanés ne me donnaient pas, et ces documents qui me vinrent de « familles » avec lesquelles je suis moins parent, je dus me préoccuper de les comprendre exactement dans l’esprit ou ils avaient été écrits. […] » Ces morts que nous savons meilleurs que nous-mêmes et dont nous entendrons la voix jusqu’à la fin de nos jours, pouvons-nous accepter qu’ils se taisent désormais et qu’ils ne donnent aucun avis dans la reconstruction de la patrie qu’ils ont sauvée ? ‌ […] » En conséquence, nous demandons que la législation électorale soit modifiée de manière à donner satisfaction à la gratitude et à l’équité envers les familles décapitées et les régions décimées.‌

2022. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Toutes les expressions de l’un sont des tableaux ; l’autre, sans coloris, donne trop peu d’éclat à ses idées. Son génie austère et dépourvu de sensibilité comme d’imagination, était trop accoutumé à la marche didactique et forte du raisonnement pour en changer ; et il ne pouvait répandre sur une oraison funèbre cette demi-teinte de poésie qui, ménagée avec goût et soutenue par d’autres beautés, donne plus de saillie à l’éloquence. […] La vieillesse de Louis XIV et les fléaux de la guerre achevaient son éducation commencée par la vertu : Si Dieu me donne la vie, disait-il, c’est à me faire aimer que j’emploierai tous mes soins. […] Enfin, prêt à commencer son éloge et à rassembler en lui tout ce qui peut caractériser un grand homme, il s’arrête, et demande pardon à son héros de respecter si peu le dégoût qu’il avait pour les louanges et le soin qu’il se donnait de les fuir autant que de les mériter. […] Enfin, c’est peut-être de tous les orateurs celui qui a le plus approché de la marche de Bossuet ; mais il est loin de son élévation, comme de ses inégalités : il n’est pas donné à tout le monde de tomber de si haut.

2023. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Ce n’est pas tout ; les premiers juges de Marillac l’admettent à se justifier ; le cardinal fait casser l’arrêt et lui donne d’autres juges. […] Pour voir maintenant s’il travailla pour l’État ou pour lui-même, il suffit de remarquer qu’il était roi sous le nom de ministre ; que, secrétaire d’état en 1624, et chef de tous les conseils en 1639, il se fit donner pour le siège de La Rochelle les patentes de général ; que, dans la guerre d’Italie, il était généralissime, et faisait marcher deux maréchaux de France sous ses ordres ; qu’il était amiral, sous le titre de surintendant-général de la navigation et du commerce ; qu’il avait pris pour lui le gouvernement de Bretagne et tous les plus riches bénéfices du royaume ; que, tandis qu’il faisait abattre dans les provinces toutes les petites forteresses des petits seigneurs, et qu’il ôtait aux calvinistes leurs places de sûreté, il s’assurait pour lui de ces mêmes places ; qu’il possédait Saumur, Angers, Honfleur, le Havre, Oléron et l’île de Rhé, usurpant pour lui tout ce qu’il était aux autres ; qu’il disposait en maître de toutes les finances de l’État ; qu’il avait toujours en réserve chez lui trois millions de notre monnaie actuelle ; qu’il avait des gardes comme son maître, et que son faste effaçait le faste du trône. […] Le clergé, qui sous Henri IV donnait avec peine treize cent mille livres, sous les dix dernières années du cardinal, paya, année commune, quatre millions. […] On peut donc lui reprocher d’avoir prodigieusement augmenté cette maladie épidémique des emprunts, qui devient de jour en jour plus mortelle ; d’avoir donné l’exemple de la multiplication énorme des impôts ; d’avoir aggravé tour à tour et la misère par le despotisme, et le despotisme par la misère ; de n’avoir jamais vu que je ne sais quelle grandeur imaginaire de l’État, qui n’est que pour le ministre, et dont le peuple ne jouit point ; et d’avoir sacrifié à ce fantôme les biens, les trésors, le sang, la paix et la liberté des citoyens. […] Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde.

2024. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

On ignore dans le monde celui que je tiens de ma famille et celui que la religion m’a donné le jour de ma naissance. […] vous connaissez peu ce monde, qui ne m’a jamais donné le bonheur. […] Si je pouvais vous faire lire dans mon âme, et vous donner du monde l’idée que j’en ai, tous vos désirs et vos regrets s’évanouiraient à l’instant. […] j’ai quelquefois serré dans mes bras les arbres de la forêt, en priant Dieu de les animer pour moi, et de me donner un ami ! […] Un seul trait pourra vous donner une idée de sa tendresse pour moi.

2025. (1930) Le roman français pp. 1-197

Vigny donne La Maréchale d’Ancre. […] Donner tout à Dieu. […] Elle aussi, la contrainte, le sacrifice, ne lui ont pas donné le bonheur. […] Drieu la Rochelle donne à l’un de ses romans, est justement le qualificatif que M.  […] Mais, s’il y revient, que ne peut-il donner ?

2026. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Écrivain, il l’est, dans toute l’étendue que nous donnons à ce mot. […] » Et il aura donné la gloire à M.  […] Et comme il savait donner au moindre récit un tour passionnant et distingué ! […] Elle exige absolument qu’on lui donne le sexe de l’homme. […] … s’écrie Jéhovah ; je n’ai plus de glaise… C’est fort ennuyeux… Je ne puis pourtant pas laisser cette forme sans tête… Si petite que je la lui donne, il faut bien que je lui en donne une !

2027. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Le but principal de cet écrit, tout de circonstance, était de donner des notes exactes et de rapporter de fraîches informations sur ces mouvements politiques auxquels l’opinion prenait alors tant d’intérêt. […] Thiers, ministre de l’intérieur, donnait à dîner au capitaine Laplace, qui revenait de son expédition avec son monde décimé par les fatigues et les maladies. […] Ce fut lui-même qui rédigea la protestation ; il y mit l’idée essentielle : « Les écrivains des journaux, appelés les premiers à obéir, doivent donner l’exemple de la résistance. » Là était le signal. […] Guizot), que ce qu’il avait appris de ce matin, il avait l’air de le savoir de toute éternité, tant sa haute réflexion donnait vite à chaque connaissance une teinte profonde et comme reculée. […] Dans ce qu’il nous a été donné de lire, il n’est pas un point qui ne porte sur un fait, sur une notion précise ; quelques réflexions sobres, quelques maximes d’expérience et de morale sociale, jetées à propos, ne font que donner jour aux idées qui naissent en foule dans l’âme du lecteur.

2028. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Hommes et femmes, on les a choisis un à un ; ce sont tous des gens du monde accomplis, ornés de toutes les grâces que peuvent donner la race, l’éducation, la fortune, le loisir et l’usage ; dans leur genre, ils sont parfaits. […] Cela fait, le roi prescrit l’ordre de la journée, et passe avec les premiers de sa cour dans son cabinet, où parfois il donne des audiences. […] L’hiver suivant, la reine donne chaque semaine bal masqué, où la « composition des habillements, les contredanses figurées en ballets et les répétitions journalières prennent tant de temps que toute la semaine y passe ». […] Sauf en quelques maisons princières, il n’est pas grand en meubles de campagne : on laisse cet étalage aux financiers. « Mais il est prodigieux en toutes les choses qui peuvent donner des jouissances à autrui, en chevaux, en voitures, en tables ouvertes, en logements donnés à des gens qui ne sont point attachés à la maison, en loges aux spectacles qu’on prête à ses amis, enfin en domestiques beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui. » — Par ce frottement mutuel et continu, les nobles les plus rustiques perdent la rouille qui encroûte encore leurs pareils d’Allemagne ou d’Angleterre. […] Cabinet des Estampes, Histoire de France par estampes, passim, notamment plans et vues de Versailles par Aveline, « et dessin de la collation donnée par M. le Prince dans le milieu du Labyrinthe de Chantilly, le 29 août 1687 ».

2029. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

« Aujourd’hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche et de son ennui ; son talent mieux connu, une vie littéraire qui ressemble à un combat, lui ont donné de l’importance et l’ont sauvé de l’affaissement. […] Les raisons, si on les cherchait en dehors du talent même, seraient longues à donner, et elles sont de telle nature qu’il faudrait toute une confession nouvelle pour les faire comprendre. […] ………… Mareste cependant avait consenti à donner à Beyle une lettre d’introduction pour moi ; il vint. […] que les colombes de Dodone quand l’aigle fond du haut des airs. » Puis il donne à entendre qu’il s’en est fallu de peu que Ménalque, cet aimable chantre de la contrée, n’eût perdu la vie : “Et qui donc alors eût chanté les Nymphes ? […] Ainsi des chagrins de famille, le goût des champs, un amour-propre en souffrance et des passions non satisfaites s’unirent pour lui donner cette rêverie qui nous charme dans ses écrits.”

2030. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Allons, Sûzel, bois un petit coup, cela te donnera du courage. […] « Donne-moi ton cœur, ou je vas mourir !  […] » cela lui donnait une ardeur, mais une ardeur vraiment incroyable ; il ne se sentait plus de bonheur. […] C’est maintenant que nous allons nous en donner ! […] faisait-il en se rengorgeant, oui, oui, ce n’est pas mauvais. » Il aurait donné tous les vins de France et d’Allemagne pour danser encore une fois le treieleins.

2031. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Toutes les fois que vous donnerez à choisir à une société entre un échafaud ou un trône, elle choisira le trône ; et qui osera s’en étonner ? […] La nature ne lui avait pas donné de voix, mais une volonté qui se passe de la nature. […] Je n’ai jamais donné un conseil pervers à un gouvernement ou à un prince ; mais je ne m’écroule pas avec eux. […] C’était une leçon de diplomatie donnée par un vieux ministre à un jeune poète. […] Donnez-lui du temps, on ne fonde pas un gouvernement en une séance ! 

2032. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il s’y donnait un peu glorieusement pour fils d’un conseiller au parlement de Normandie, tandis que son père n’était que conseiller au présidial : « petit mensonge d’amour-propre, nous dit M. de Gournay, par lequel il élevait son père d’un échelon dans la magistrature ». […] Elle trouvait un honnête homme et sensé, et qui, s’il ne lui donna pas tous les agréments, la mit désormais hors d’état de déchoir et l’ennoblit. […] Il s’attacha à lui, prit ses conseils, ne réussit jamais à le satisfaire entièrement, car il avait bien des ignorances involontaires et des nonchalances, mais il réussit une ou deux fois par ses accès de talent à lui donner, honneur insigne ! […] Sa pièce n’est, si l’on veut, qu’une paraphrase de l’épode d’Horace : « Beatus ille qui procul negotiis… » Racan, qui ne lisait pas Horace dans l’original, avait sous les yeux une traduction en prose que lui en avait donnée son parent et cousin le chevalier de Bueil. […] On raconte que Malherbe conçut un peu de jalousie de Racan pour cette belle stance ; et Boileau disait que, pour avoir fait les trois derniers vers, il donnerait les trois meilleurs des siens : ce que Daunou, qui n’entend bien que la prose, ne comprend pas.

2033. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

M. le duc de Noailles avait déjà, il y a quelques années (1843), donné sur ce sujet un intéressant opuscule par lequel il préludait à son Histoire de Mme de Maintenon : mais aujourd’hui M.  […] Elle eut l’abord des jeunes filles dont elle payait la pension à Montmorency, puis à Rueil, où elle donna plus de développement à sa bonne pensée. […] Il était donc essentiel, après le succès d’Esther et l’éveil donné à la Cour, de faire un pas en arrière et de rentrer dans l’esprit de la fondation en le fortifiant par des règlements plus sévères. […] Elle aidait à peigner et à habiller les petites, passait deux ou trois mois de suite à une classe, y faisait observer l’ordre de la journée, leur parlait en général et en particulier, reprenait l’une, encourageait l’autre, donnait à d’autres les moyens de se corriger. […] Pendant la paix, au retour des chasses, il vient souvent trouver Mme de Maintenon en ce lieu de retraite, mais toujours après s’être donné le temps de mettre, par respect pour les Dames, un habit décent.

2034. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Le seigneur de ce domaine fermé a permis à Cowper de le traverser librement, ce qui veut dire qu’il lui a donné une clef une fois pour toutes. […] Tu n’es point connue là où le Plaisir est adoré, cette chancelante déesse à la ceinture dénouée et aux yeux errants, toujours appuyée sur le bras de la Nouveauté, son volage et fragile soutien ; car tu es tendrement patiente (meek) et constante, haïssant le changement, et trouvant dans le calme d’un amour éprouvé des joies que les orageux transports ne donnent jamais. […] Ici le cœur peut donner une utile leçon à la tête, et la Science devenir plus sage sans ses livres. […] Tout le monde connaît en Angleterre sa pièce à Mme Unwin, malade et infirme, intitulée À Marie, et quoique je vienne de dire que je ne citerai plus rien de Cowper, je ne puis m’empêcher de donner quelques strophes ou plutôt quelques versets de cette tendre et incomparable plainte, écrite avec des larmes. […] William Hughes, comme pour quelques-uns des autres morceaux. — Mes amis et moi, dans cette étude déjà ancienne de Cowper, à laquelle j’aurais pu donner bien plus de développement, nous avons cherché à lutter d’exactitude et de fidélité de ton en présence de l’original 25.

2035. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Pendant que Frédéric s’appliquait, après tant de désastres, à rétablir toutes les parties de l’État qui avaient souffert, soignant l’agriculture et l’industrie, attirait chez lui les populations voisines, faisait bâtir des villages, rendait à l’armée sa discipline et le ton de solidité qu’elle avait autrefois, et, en cela comme dans le veste, moins inventeur et novateur que praticien, « se bornait à donner par la routine, par de continuels exercices, aux officiers et aux troupes, l’intelligence et la fermeté dans tous les mouvements, pour être sûr d’eux à l’occasion s’il était nécessaire de les employer dans le sérieux » ; pendant que chaque jour, depuis le matin jusqu’à la nuit, il remplissait ainsi en conscience son devoir de chef et de tuteur de peuple, il fut atteint de la plus cruelle des douleurs. […] Mais après quelques jours (le 9 juin), il revenait sur cette douleur par une lettre trop belle, trop à l’honneur de sa sensibilité pour ne pas être donnée tout entière : Mon cher frère, vous avez bien de la bonté de participer au chagrin qui me ronge. […] Je me complaisais dans les espérances qu’il me donnait ; il avait la sagesse d’un homme formé, avec le feu de son âge ; il avait le cœur noble et plein d’émulation, se poussant à tout de lui-même, apprenant ce qu’il ne savait pas avec passion. […] Il est faible, il est vague, il est enflé ; lui si sincèrement ému, il donne l’idée de l’affectation de la douleur. […] Il ne se contentait pas d’appliquer envers la grande souveraine, femme pourtant par bien des côtés, le précepte de conduite que lui donnait crûment son frère : « Les Indiens disent qu’il faut adorer le diable pour l’empêcher de nuire. » Il y mettait plus de façon et d’art.

2036. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

« … Votre dernière lettre m’a donné de grands scrupules relativement à Charlotte. […] L’histoire d’un cœur est celle de beaucoup ; une âme d’élite hors de ses voies, si elle est bien étudiée et connue, donne la clef de bien des âmes. […] « Si le démon de la procrastination ne vous saisit pas, vous devriez bien me donner de vos nouvelles le plus vite que vous pourrez. Vous devriez aussi m’en donner de Mme de Condorcet, au souvenir de laquelle je vous prie de me rappeler. […] Les pages que je donne ici ne sont que le supplément de cette petite publication.

2037. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Mme Roland aurait pu vivre jusqu’au bout dans cette donnée première de la destinée et n’y point paraître trop déplacée encore. […] Bonaparte, à la veille de 95, peut donner idée de quelque chose d’approchant, lorsqu’il est sans emploi et qu’il va suffoquer de ses bouffées originales Bourrienne ou Mme Permon. […] l’amitié virginale ne se donne-t-elle pas le change ? […] mais devaient-elles me donner de la confusion ? […] Adieu, adieu. » L’amitié pour Sophie et les lettres qu’elle lui adresse durant tous les premiers mois de 1776 profitent de ce concours et de ce conflit d’émotions ; elle-même l’avoue et nous donne la clef de ce redoublement : « Ah !

2038. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Mais, en vérité, est-il besoin de faire leur portrait, et ne suffit-il pas des détails qu’on vient de donner sur leur condition ? […] Un intendant748 écrit que, dans sa province, le gouvernement doit opter, et opter dans le sens populaire, se détacher des privilégiés, abandonner les vieilles formes, donner au Tiers double vote. […] De 1783 à 1787, dans le Quercy, deux bandes alliées de soixante à quatre-vingts contrebandiers fraudent la ferme de quarante milliers de tabac, tuent deux douaniers et défendent, fusil en main, leur entrepôt de la montagne ; il faudrait pour les réprimer des soldats que les commandants militaires ne donnent pas. […] Au-dessous de seize ans, les enfants iront à l’hôpital. « Un mendiant qui s’est exposé à être arrêté par la maréchaussée, dit la circulaire, ne doit être relâché qu’avec la plus grande certitude qu’il ne mendiera plus ; on ne s’y déterminera donc que dans le cas où des personnes dignes de foi et solvables répondraient du mendiant, s’engageraient à lui donner de l’occupation ou à le nourrir, et indiqueraient les moyens qu’elles ont pour l’empêcher de mendier. » Tout cela fourni, il faut encore, par surcroît, l’autorisation spéciale de l’intendant. […] De province en province, on les suit à la trace : quatre mois plus tard, aux environs d’Étampes, quinze brigands forcent trois fermes avant la nuit, et les fermiers, menacés d’incendie, sont obligés de donner, l’un trois cents francs, l’autre cent cinquante, probablement tout l’argent qu’ils ont en coffre774. « Voleurs, galériens, mauvais sujets de toute espèce », ce sont eux qui, dans les insurrections, feront l’avant-garde, « et pousseront le paysan aux dernières violences775 ».

2039. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Quand la Révolution éclata, quand les luttes de l’Assemblée constituante occupèrent l’attention de l’Europe, Mallet du Pan, dans le Mercure, fut le seul écrivain qui sut, sans insulte ni flatterie, donner une analyse raisonnée de ces grands débats. […] On sent, dans tout ce qu’il écrit, « la raison mâle et cette énergie d’intelligence que donnent la réflexion, la liberté et la conviction ». […] Quelques lecteurs des Annales trouvèrent étonnant que Mallet, qui se donnait pour le continuateur de Linguet, ne s’élevât point contre l’entreprise révoltante de cette édition. […] Il est tout simple que l’adversité dérange des esprits qui n’y ont pas été élevés ; il est tout simple qu’elle ne leur ait donné ni une leçon, ni une idée, ni une notion de rien. […] Des conseils de cet ordre, en effet, n’ont chance de réussir que quand ils rencontrent à la tête des États des hommes qui sont de force à s’en passer et à se les donner eux-mêmes.

2040. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Raynouard se sentait pour les lettres un de ces amours de patriarche, de ces amours vivaces et robustes, et qui résistent au temps : il alla donc plaider et donner des consultations pendant sept ans à Draguignan ; puis, après une interruption forcée, il y retournera cinq ou six autres années encore. […] Mais le grand et incomparable succès de Raynouard fut au Théâtre-Français, quand on donna, le 14 mai 1805, sa tragédie des Templiers. […] « C’est un Provençal original et surtout indépendant », il faut encore s’en tenir à cette définition que Fontanes donnait de lui à l’Empereur3. […] Stanislas Girardin, qui rapporte ce fait, ajoute, après avoir donné une analyse détaillée de la pièce : « Une chose passablement singulière est de l’avoir vu représenter devant l’Empereur. Il est probable qu’elle ne sera pas donnée à Paris.

2041. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Elles ont l’air toutes banales, semblent ne rien dire, et en effet elles disent beaucoup moins qu’elles n’insinuent, ne suggèrent, ne donnent à penser, à entrevoir, à deviner. […] Entre les partis de repousser l’affection qui se donne à lui, ou d’agir et de séduire son amante, comme elle le veut, il se trouve incapable de se déterminer. […] « La nature m’a beaucoup donné, écrit-il, mais je mourrai sans avoir rien fait. […] La rudesse de son œuvre, cette tension continuelle de son énergie vacillante, lui donne des étourdissements, et finit par l’alanguir. […] Marianne ne se donnera à lui que s’il éprouve pour elle « un amour qui lie pour la vie ».

2042. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

La différence est que l’un ne peint qu’une sorte de personnages, n’éprouve de sympathie artistique que pour un côté de l’âme humaine, et un genre de catastrophes, tandis que l’autre de sa vaste et souple cervelle embrasse le monde en tous ses aspects, réfléchit, affectionne et reproduit toutes les âmes, respecte leur complexité et donne d’une société à une époque, une image qui lui équivaut. […] Zola de voir et de rendre entièrement toute la nature : son individualité qui, dans l’ensemble totale des faits pyschologiques et matériels, l’a porté à en préférer une série douée d’un caractère commun, à modifier certains rapports, à dénaturer certains aspects, à donner de tout ce qu’il décrit une image notablement altérée dans le sens de ses sympathies, c’est-à-dire de sa nature d’esprit. […] Doué d’un tempérament combatif que marquent ses polémiques, ayant opiniâtrement lutté contre la misère, contre l’insuccès, contre le mépris et l’inintelligence publics, possédant la tête massive et les épaules carrées des entêtés, sa volonté tenace, son amour-propre lui ont donné l’instinct et l’adoration de la force. […] Il vaut mieux %99 %faire observer qu’un précepte de facture reste une simple recette, que peindre d’une certaine façon ne veut jamais dire peindre bien de cette façon, que l’important est de peindre bien et que la façon n’y est pour rien, que Velasquez et Rubens se valent, que toutes les querelles et les gros mots sur les procédés manuels de l’art ne signifient rien, que la seule chose nécessaire est d’avoir du génie, que les procédés même de Cabanel, de Bouguereau, de Tony Robert Fleury, de Delaroche et d’Horace Yernet donneraient de magnifiques œuvres s’ils étaient employés par des artistes ayant le don, qu’enfin la formule du plein air est la dernière qu’il faille défendre, puisque, à l’heure actuelle, elle n’a pas encore donné un seul chef-d’œuvre ? […] Zola est le seul à donner cette sensation d’humanité vivante et souffrante, et il y parvient, comme tous les grands artistes, en nous montrant des âmes, des êtres moraux.

2043. (1904) Zangwill pp. 7-90

La terre, un peu sèche et pierreuse, ne leur donne guère que du pain et du vin ; encore ce vin est-il léger, si léger que les gens du Nord, pour y prendre plaisir, le chargent d’eau-de-vie. […] L’aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts, Les rendit, en disant : Je le donne aux plus forts. […] L’une de ces fonctions est un affaiblissement de l’autre ; ce qui est donné à l’une est enlevé à l’autre. […] Cette vallée, ces eaux, ces arbres, ces rochers voulaient crier vers Dieu, mais n’avaient pas de voix ; l’abbaye leur en donnait une. […] C’est par elle qu’on peut le mesurer et lui donner son rang.

2044. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Cela seul lui donnerait la mesure de notre intelligence. […] Ils ont donné la préférence aux mots sur les faits. […] L’expérience borne la carrière qu’elle nous ouvre ; elle nous a donné notre but ; elle nous donne aussi nos limites. […] On ne passe pas, en les découvrant, d’une donnée à une donnée différente, mais de la même à la même, du tout à la partie, du composé aux composants. […] On réduit une donnée infiniment complexe à deux éléments.

2045. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Cet élément de certitude que nous donne le sentiment s’appelle d’un beau nom. […] Vous ne pouvez ni ne voulez me donner l’oubli ? […] donne-moi ta main. […] La donnée de Mickiewicz me semble la meilleure. […] Donne-moi l’empire des âmes.

2046. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Cette dernière donnée, négligeable chez tous les écrivains qui ne furent qu’« hommes de lettres », prend ici une importance première. […] Les termes spéciaux — parfois très finement spécieux — abondent dans son œuvre totale et donnent à son verbe une truculence et une saveur non pareilles. […] Nous signalerons pourtant ici la note de pittoresque et de vérité historique qu’il a su donner à chacune de ses métaphores médicales. […] Ainsi croyons-nous qu’il arriva lors d’une représentation donnée à Bordeaux des Revenants, d’Ibsen : le rôle d’Oswald, qui ne comporte de la part de l’auteur aucun indice de diagnostic volontaire, nous paraît relever des troubles de la paralysie générale, pour l’issue, et plus simplement d’un d’éthylisme banal pour son entrée au deuxième acte.

2047. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Les sensations viennent du dehors, et tous les talents qui dépendent immédiatement des sensations, ont besoin de l’impulsion donnée par les autres. […] Quelques écrits de Fielding et de Swift, Peregrin Pickle, Roderick Random, mais surtout les ouvrages de Sterne, donnent l’idée complète du genre appelé humour. […] Comme les formes brusques donnent quelquefois plus de piquant à la louange, la gaieté de la plaisanterie ressort par la gravité de son auteur51. […] Une remarque singulière, c’est que les peuples oisifs sont beaucoup plus difficiles sur l’emploi du temps qu’ils donnent à leurs plaisirs, que les hommes occupés.

2048. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

De là vient que la même idée peut être traduite par une infinité de phrases métaphoriques, dont chacune lui donnera une nuance particulière, et affectera différemment la sensibilité ou l’imagination. […] Et dans la critique littéraire, quand on a comparé ses auteurs aux aigles, aux lions, aux papillons, aux abeilles, aux prairies émaillées de fleurs, aux montagnes abruptes, aux clairs ruisseaux, aux torrents furieux, quelle idée a-t-on donné aux lecteurs de leur talent et de leurs œuvres ? […] Les joueurs aiment à appeler une partie du nom de bataille, ils livrent combat au hasard ; un coup heureux est une victoire ; un coup malheureux est une défaite, et quand ils ont tenu longtemps, quand ils se sont obstinément, stupidement acharnés à se ruiner, ils se donnent le mérite d’une héroïque résistance et ne sont pas bien sûrs de n’avoir pas déployé la même espèce de courage que Wellington à Waterloo : s’ils nommaient les choses par les mots propres, peut-être auraient-ils moins de complaisance pour leur passion ; du moins elle ne se colorerait pas à leurs yeux d’une telle beauté ; ils céderaient peut-être autant, ils s’en feraient moins honneur. […] Il n’y aurait point d’images, de métaphores, de grands mouvements de style, qui me donneraient de Turenne une idée plus haute, plus complète, qui me le feraient mieux voir et plus admirer, que le très sobre portrait que Bussy-Rabutin en a tracé : c’est comme une ligne légère et ferme qui, par un léger relief, exprime toute la vie et toute la beauté du modèle.

2049. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Et des journaux donnent le bulletin de l’état d’âme de la jeunesse française, comme ils donneraient, sous une monarchie, le bulletin de la santé de l’héritier présomptif. […] Je fais réflexion qu’elle est vaine ; que je dois compter non seulement sur une sympathie dont vous m’avez donné la meilleure preuve en m’invitant à vous présider, mais sur quelque chose de plus extraordinaire encore : sur votre tolérance. […] Et, si Valmiki n’est pas encore un bon terrain de conciliation, si nous ne pouvons décidément pas communier dans le même beau, communions dans le même amour de la beauté, dans les plaisirs que cet amour donne et dans les vertus qu’il inspire.

2050. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je voudrais que l’état de torpilleur devînt la profession noble par excellence, celle des grands idéalistes, à qui l’on donnerait le moyen de rêver tranquillement en ce monde, sauf à les engager, aux heures héroïques, avec quatre ou cinq chances contre une de n’en pas revenir. […] On m’ajouta qu’il avait tout donné à l’Église, ce qui ne m’étonna pas ; mais je voulus savoir comment il avait gagné ce capital énorme. […] J’ai été un torpilleur à ma manière ; j’ai donné quelques secousses électriques à des gens qui auraient mieux aimé dormir. […] Une race donne sa fleur, quand elle émerge de l’oubli.

2051. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Cet esprit, malgré l’appareil de réflexion & de dignité qu’il s’efforce de se donner, n’a jamais pu se débarrasser d’un je ne sais quel air de petitesse qui en décrédite les créations ; ces connoissances, pour être annoncées d’une maniere affectée & présomptueuse, tombent inévitablement dans les disgraces attachées â l’ignorance & au pédantisme ; ce talent, pour n’avoir pas été sagement cultivé, pour afficher trop de confiance, décele continuellement sa foiblesse, & révolte plus qu’il n’attache ; en deux mots, on peut, d’après l’expression de son premier Maître, M. de Voltaire, comparer l’esprit de M. de la Harpe, à un four qui ne cuit point. […] Toujours malheureux dans ses élucubrations littéraires, cet Ecrivain a donné une Traduction de Suétone, qui n’a fait que le jeter dans un autre genre de déconvenue. […] C’est là qu’il peut dire, avec bien plus de raison, ce que disoit le Fou du Roi Jacques, en s’asséyant sur le Trône de son Maître : Je regne ; c’est là qu’il prononce en Juge souverain sur nos trois Spectacles, qu’il donne des loix aux Poëtes & des leçons aux Comédiens ; c’est là, en un mot, qu’il dispense à son gré les honneurs ou les disgraces littéraires. […] l’amitié la plus solide & la plus éclairée pourroit-elle lui donner des conseils plus nécessaires & plus avantageux ?

2052. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

in-8°. de plus de quatre cents pages, offrent différentes Pieces de Prose & de Vers, qui lui donnent le droit de figurer avantageusement parmi les personnes qu’une naissance illustre n’a point empêchées de cultiver les Lettres & de grossir le nombre des Auteurs. […] Ces Réflexions, composées pour l’instruction de ses enfans, donnent une idée avantageuse de son ame, qui s’y montre sensible, élevée, pleine d’indulgence & de philanthropie. […] « Telles que soient ces Réflexions sommaires, mes chers enfans, je les crois suffisantes pour vous donner une notion claire des objets que j’ai fait passer tour-à-tour sous vos yeux ; c’est à vous à vous approprier ces idées, à les éten dre, & à suppléer de vous-mêmes les détails que j’ai passés sous silence. […] « Vous êtes appelés à des places que j’espere que vous mériterez, & qui pourront vous donner quelque autorité sur d’autres hommes : souvenez-vous plus que jamais alors, que vous avez obéi ; souvenez-vous de ce grand précepte émané de la Divinité même : Fais à autrui ce que tu voudrois qu’il te fût fait.

2053. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

La petite chose finie et baptisée : La Nuit de la Saint-Sylvestre, Janin nous donne une lettre pour Mme Allan. […] Elle est en train de donner le dernier coup à sa toilette devant une psyché à trois battants, presque refermée sur elle et qui l’enveloppe d’un paravent de miroirs. […] Elle nous donne rendez-vous pour le lendemain. […] Aussitôt, de chez Lireux nous nous précipitons chez Brindeau qui doit donner la réplique à Mme Allan.

2054. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Montaigne et Rousseau nous ont donné leurs Confessions. […] « Il était toujours en sa solitude d’Arianze, dans son pays natal, dit Fleury : un jardin, une fontaine, des arbres qui lui donnaient du couvert, faisaient toutes ses délices. […] Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine.

2055. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

J'ai tout regardé descendre ; je me suis donné le plaisir de la parodie jusqu’au bout. […] Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir : Donne-nous un regret, donne-leur un espoir ; Sors avec une larme, entre avec un sourire.

2056. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

Le temps qu’on lui donne est une détente dont on jouit, ou une interruption qu’on écourte. […] Une conversation souvent donne l’idée d’un étrange pot-pourri musical où tous les chanteurs exécuteraient des airs d’opéras différents, où Faust donnerait la réplique à Valentine, où Vasco de Gama ferait sa partie à côté de Rachel.

2057. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schwob, Marcel (1867-1905) »

Aussi je ne crois pas donner une médiocre louange à M.  […] Marcel Schwob est, dès aujourd’hui, un maître dans l’art de soulever tous les fantômes de la peur et de donner à qui l’écoute un frisson nouveau. […] Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]

2058. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

Je ne dois pas vous laisser ignorer la satisfaction qu'il m'a donnée. […] Vous rendez par cet Atlas un service essentiel à tous ceux qui désireront avoir une idée juste de la constitution de l'Allemagne, & les notions élémentaires que vous en donnez faciliteront les moyens d'en faire une étude suivie, en remontant aux sources où vous avez puisé. […] « C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.

2059. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Il n’y a dans le triumvirat de Nisard que trois Lépide (Lepida capita), et on s’étonne du choix singulier qu’il a fait des trois hommes qu’il nous donne pour le triumvirat intellectuel de leur époque. Son livre, qui trompe par la majesté de son titre, trompe aussi par ce qu’il renferme ; car les trois biographies qu’il contient n’ont point de lien large et puissant qui les rattache ensemble et leur donne cette unité que les hommes qui ont plus que de petits détails dans la tête impriment naturellement à leurs œuvres. […] C’est Scaliger, qui la donna à son époque, à force d’exhilarante vanité.

2060. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ainsi tous ont la main sur quelque rouage social, grand ou petit, principal ou accessoire, ce qui leur donne le sérieux, la prévoyance et le bon sens. […] Si l’un d’eux, avec le titre de gouverneur, allait dans une province, on a vu que c’était pour la montre ; pendant que l’intendant administrait, il représentait avec grâce et magnificence, recevait, donnait à dîner. Recevoir, donner à dîner, entretenir agréablement des hôtes, voilà tout l’emploi d’un grand seigneur ; c’est pourquoi la religion et le gouvernement ne sont pour lui que des sujets d’entretien. […] L’archevêque de Paris, qu’on poursuivra à coups de pierres, a donné cent mille écus pour améliorer l’Hôtel-Dieu. […] Les courtisans qui donnent le ton à ce théâtre trouvent le chanoine de Reims délicieux. » (Bachaumont, IV, 174, novembre 1768.)

2061. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Mais ils donnent le sens des poèmes wagnériens, le mouvement général, la portée ; ils suivent exactement l’original ; ils sont d’une lecture aisée, agréable : ils présentent au public quelque chose qu’il peut et qu’il doit entendre ; et, à ce point de vue, ils sont ce qu’ils doivent être. […] … … Pourquoi ne construirait-on pas dans une ville de plaisance comme Aix-les-Bains, une salle spéciale où l’on donnerait en été des représentations de l’oeuvre dramatique de Victor Hugo. […] C’est sous ces fâcheux auspices que Tristan vit le jour : il y eut en tout quatre représentations, toutes quatre admirablement dirigées par Hans de Bülow et toutes quatre applaudies avec frénésie : aux deux premières, c’est le roi lui-même qui donnait, après chaque acte, le signal des acclamations. […] Elle avait la peinture et la statuaire, elle avait Cornélius, Kaulbach et Schwanthaler ; mais Glück manquait encore à son bonheur : on le lui donne. […] Adolphe Jullien a bien voulu nous donner la « primeur de ces pages extraites de son grand ouvrage : Richard Wagner, sa vie et ses œuvres qui va paraître à la Librairie de l’Art.

2062. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Elle aimait Parce qu’il faut aimer, comme les fleurs de mai Ont une âme pour la donner à ceux qui passent. […] Mme Rachilde donna l’exemple. […] Paissent les vrais chercheurs nous donner l’année prochaine cette joie singulière de célébrer l’avènement du neuf !” […] c’est, cette fois, pour ouvrir le siècle neuf, une femme de vingt ans. » Depuis elle a donné Ferveur et Horizons. […] Elle est habile aux jeux du rythme, le manie avec dextérité et lui donne des souplesses insoupçonnées.

2063. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

La grande querelle des anciens et des modernes lui donna le signal. […] Découvrir une vérité et lui donner la vogue sont deux talents très divers et rarement unis. […] Voyez-vous le sceptre du bon goût, la réputation des poètes, des romanciers, des historiens, des artistes, donnés comme un hochet à ce Geoffroy de vingt ans ! […] Comment satisfaire à tant d’exigences, donner audience à tant de clients ? […] Mais la première forme, moins éloquente et moins parfaite, donne peut-être une idée plus juste de la doctrine et de la méthode adoptées alors par le professeur.

2064. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

On sait la donnée de la comédie de M.  […] Il ne tua pas la mélancolie, mais il lui donna des ailes et la tourna vers le ciel. […] Clorinde lui faisait croire l’absurde et nier l’évidence ; il donnait, le nez en avant, dans tous ses panneaux. […] Cependant, madame de Rohan a mandé Diane et son frère pour les remercier de l’hospitalité donnée à sa filleule. […] Le pré donne sur l’échafaud et le jeune homme est pendu en effigie, à l’heure qu’il est, sur la place de Grève.

2065. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Il apparaît en effet, que le drame de Flaubert, en ce qu’il a de psychologiquement essentiel, ne sera pas changé si l’on en intervertit les circonstances et la donnée. […] Ce Bovarysme métaphysique donne à cette partie de l’œuvre de Flaubert une apparence pessimiste. […] Quelle influence singulière nous arrache ainsi à nous-mêmes et à l’heure présente, dressant l’idée en face de l’instinct, créant, à côté de nos besoins réels, des besoins imaginaires auxquels nous donnons l’avantage ? […] C’est à ce prix qu’il se pourra donner la preuve de son pouvoir de connaître sans limites. […] Par ces moyens, par l’artifice de ses conventions et de ses définitions, tandis, qu’il se donne l’illusion de quelques certitudes partielles, il entretient l’espoir de posséder des certitudes plus vastes.

2066. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et voir laver la planche, la voir noircir, la voir nettoyer, et voir mouiller le papier, et monter la presse, et étendre les couvertures, et donner les deux tours, ça vous met des palpitations dans la poitrine, et les mains vous tremblent à saisir cette feuille de papier tout humide, où miroite le brouillard d’une image à peu près venue. […] Au fond de ce monologue à bâtons rompus, je sens la préoccupation et la terreur du au-delà de la mort, que donne aux esprits les plus émancipés l’éducation religieuse. […] D’une main elle cueille un œillet donné par le Régent, et qui serait, d’après une légende de famille, le prix de sa livraison. […] Nous avons donné ces jours-ci à vendre de la rente pour l’impression de nos Hommes de lettres. […] Chennevières nous donne l’adresse du dessin, et nous courons rue des Bourdonnais nº 13.

2067. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Toute mère du peuple veut donner, et à force de se saigner aux quatre veines, donne à ses enfants l’éducation qu’elle n’a pas eue, l’orthographe qu’elle ne sait pas. […] * * * — Le confortable anglais est l’admirable entente du bonheur matériel du corps, mais d’une espèce de bonheur d’aveugle, où rien n’est donné au sens artiste de l’homme, à l’œil. […] Puis, à propos de l’Académie, qualifiée la plus ancienne, Louis-Philippe dit que ce n’était pas elle, mais l’Académie della Crusca, et donna la date de sa fondation. […] Ni l’un ni l’autre n’avait lu l’adresse donnée, dans la lettre d’invitation. […] * * * — La France a un tel besoin de gloire militaire, que le roi de la paix a été obligé de lui donner cette gloire à Versailles, — en effigie.

2068. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Paul Margueritte sur les couvents : elle ne nous est pas donnée. […] Et comment fera-t-il pour que son lecteur n’attende pas, des simples mots, ce qu’ils donnent habituellement, non ce que donne l’orchestre ? […] Vintras la lui donna. […] Que donne-t-elle ? […] Plutôt, l’enquête la plus méticuleuse et vaste nous donne un certain nombre de faits ; elle nous donne beaucoup de faits : elle ne nous les donne pas tous.

2069. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

 ; son père lui avait donné une assez forte teinture des beaux-arts. […] XVII) ne nous donne ni une opinion très-avantageuse, ni une idée très-défavorable de Méla. […] » Le philosophe qui donne le précepte sans l’exemple, ne remplit que la moitié de sa tâche. […] Suis-je donc si coupable d’avoir donné naissance à un héritier légitime des Césars ? […] Quelle preuve a-t-il donnée de ce vice, et quelle preuve en apporte-t-on ?

2070. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

On peut en donner un exemple historique frappant. […] Cependant la lecture me donnait une impression tout autre. […] Il faut mieux donner à réfléchir que de tout dire. […] Après avoir bataillé sur les ouvrages avancés, il lui faut donner l’assaut au corps de place. […] À un moment donné, un train de chemin de fer traversait la scène à l’arrière-plan.

2071. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer est un des nobles types des esprits sérieux qui croient à une vérité absolue, qui, même lorsqu’ils ont le sourire fin, ne l’ont pas léger et moqueur ; et quand il ne nous le déclarerait pas, on sent, en le lisant, qu’il signerait volontiers cette pensée du théosophe Saint-Martin : « La vie nous a été donnée pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité. » Voilà une vocation. […] L’homme qui a écrit le chapitre de Joseph de Maistre n’a plus besoin qu’on lui donne de conseils : c’est un maître de qui nous pouvons plutôt nous-même en recevoir. […] Pour une ou deux qui ont réussi, toutes les autres portent à faux et ont été démenties par les événements : le courant du siècle lui donne de plus en plus tort. M. de Lamartine, dans une conclusion éloquente qui termine ses Entretiens sur de Maistre, a également relevé cette suite de démentis éclatants donnés au prophète du passé ; et, comme pour les consommer et les résumer en un seul, la vieille Savoie elle-même, avec ses glaciers, ses rochers et ses chalets, ne vient-elle pas de rouler, de glisser vers la France ? […] Au point de vue religieux et quand il s’y plaçait lui-même, son système du consentement universel donné comme base et mesure de l’orthodoxie était une invention insoutenable, tout au moins une innovation étrange ; et cependant il ne paraissait pas se douter qu’il y eût lieu seulement de la mettre en question, de la discuter.

2072. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Rappelé à l’âge de vingt ans à l’île Bourbon par sa famille, Parny y trouva ce qui lui avait manqué jusqu’alors pour animer ses vers et leur donner une inspiration originale, la passion. Il y connut la jeune créole qu’il a célébrée sous le nom d’Éléonore ; il commença par lui donner des leçons de musique ; mais le professeur amateur devint vite autre chose pour son Héloïse ; les obstacles ne s’aperçurent que trop tard, après la faute, après l’imprudence commise ; l’heure de la séparation sonna ; il y eut ensuite un retour, suivi bientôt de refroidissement, d’inconstance. […] Que ceux qui arrivent à conquérir et à admirer ces fortes choses à la sueur de leur front, en aient la satisfaction et l’orgueil, je ne trouve rien de mieux ; mais que des esprits médiocres et moyens se donnent les airs d’aimer et de préférer par choix ce qu’ils n’eussent jamais eu l’idée de toucher et d’effleurer en d’autres temps, voilà ce qui me fait sourire. […] Il n’en est pas moins vrai que nous tenons tous plus ou moins de cette nouvelle et rude éducation que l’on s’est donnée ; nous avons repris à la scholastique et au gothique par quelque bout ; le Moyen Âge s’impose à nous, il nous domine : un peu de Sic et non a bien son charme ; nous avons tous, à doses plus ou moins inégales, avalé de l’Ozanam, de cet ardent et vigoureux écolier dont ils sont en train de faire un grand homme. […] Quand on lit Parny, il ne donne pas l’idée ni l’inquiétude de ce talent plus puissant.

2073. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Des incidents récents et fort imprévus sont venus la lui donner et l’ont jeté, pour ainsi dire, dans le flot d’une popularité pour laquelle il ne semblait pas fait, et que certainement il n’ambitionnait pas. […] Un tel genre de vie anéantit l’esprit faible, mais donne une singulière énergie à l’esprit capable de penser par lui-même. » Ses premiers doutes lui vinrent à Issy, et ils lui arrivèrent par les études naturelles, par les sciences, pour lesquelles il se sentait du goût, et qu’il commençait à cultiver. […] Renan fit ses dernières réflexions ; toutes les études historiques et critiques de l’année précédente avaient donné une forme précise et arrêtée aux objections qui flottaient auparavant dans son esprit. […] Il préféra bientôt se retirer dans une pension du quartier Saint-Jacques, où il donnait des répétitions. […] Il y réussit jusqu’à un certain point, et donna preuve de sa science et de son art dans une quantité, d’essais ingénieux et neufs, hautement et finement pensés, sur tout sujet.

2074. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les beaux-arts ne sont pas perfectibles à l’infini ; aussi l’imagination, qui leur donna naissance, est-elle beaucoup plus brillante dans ses premières impressions que dans ses souvenirs même les plus heureux. […] Vous perfectionnez par les nuances ; mais celui qui a pu s’emparer avant tous les autres des couleurs primitives, conserve un mérite d’invention, donne à ses tableaux un éclat que ses successeurs ne peuvent atteindre. […] Donnons encore à cette opinion quelques nouveaux développements. […] Pindare donne ce nom à l’art de triompher dans les courses de char aux jeux olympiques : ainsi les succès, les plaisirs, la volonté des dieux, les devoirs de l’homme, tout se confondait dans ces têtes ardentes, et l’existence sensitive laissait seule des traces profondes. […] Les Athéniens ne cherchaient point à établir une forte garantie dans leur législation ; ils voulaient seulement alléger tous les jougs, et donner aux chefs de l’état le besoin continuel de captiver les citoyens et de leur plaire.

2075. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

— Notez qu’il n’est pas ordinaire ni convenable qu’une mère donne à téter à son enfant dans une église : tout ce septième vers est donc parasite. Et notez aussi qu’on ne donne pas « l’absoute » aux enterrements des petits enfants  La mère embrasse du regard son enfant tout entier : il est donc bien grand, ce petit ? […] L’essentiel est que ces mots cherchés, et qui ne s’imposaient pas plutôt que d’autres, paraissent venus spontanément, ou que, s’ils semblent tirés d’un peu loin, ce défaut de naturel soit compensé par le plaisir que donne le sentiment de la difficulté vaincue, ou par quelque effet de rythme, d’harmonie, de sonorité. […] j’oubliais   Là-bas, six grosses tours en, pierre de liais, la cheville est patente, insolente, énorme ; mais on la lui passe parce qu’elle est amusante et donne une rime rare. […] La sécurité que donne un traitement fixe est aussi très bonne pour cela.

2076. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

C’est pourquoi, depuis Baudelaire, beaucoup de poètes et de romanciers se sont plu à mêler les choses de la religion à celles de la débauche et à donner à celle-ci une teinte de mysticisme. […] Il plaît et règne par les apparences qu’il donne à sa personne physique, comme l’écrivain par ses livres. […] Comme il fait quelque chose avec le néant, comme ses inventions consistent en des riens parfaitement superflus et qui ne valent que par l’opinion qu’il en a su donner, il nous apprend que les choses n’ont de prix que celui que nous leur attachons, et que « l’idéalisme est le vrai ». […] Mais l’outrance énorme et continue de son expression donne à tous ses livres un air théâtral, une apparence d’artifice. […] C’est de l’héroïsme tout simplement, et je vous prie de donner au mot tout son sens.

2077. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Puis, il ne s’agit guère, chez eux, que de l’amour-maladie, — ou de l’amour-libertinage, — quelques noms qu’ils lui donnent ; bref, d’un amour dans lequel il y a toujours un principe de haine. […] Aimer, c’est se donner plus que vouloir prendre ou retenir ; c’est se donner avec son cœur, son esprit et son âme : et ce don ne se peut faire qu’à une autre âme, à un autre esprit, à un autre cœur, dont un corps gracieux et désirable n’est, après tout, que l’enveloppe et le signe. […] La physiologie conseille et veut en quelque façon la monogamie. « La fécondation s’étend bien au-delà du présent immédiat ; l’acte générateur ne donne pas un résultat unique, mais il a des effets multiples, durables, et souvent continués longtemps dans l’avenir. » Les enfants de l’amant ressemblent au mari. […] Elle lui donne le calme ; elle lui affine et lui « harmonise l’esprit » ; elle lui est une source inépuisable de rajeunissement. […] » Il pose cet axiome qu’« il n’y a point de vieille femme », et le développe en un chapitre dont le sommaire tout seul est déjà bien joli : « … Le visage vieillit bien avant le corps. — L’ampleur des formes est favorable à l’expression de la bonté. — Une génération qui n’aimerait que la première jeunesse et ne serait pas policée par le commerce des dames resterait grossière. — Une femme qui aime et qui est bonne peut, à tout âge, donner le bonheur, douer le jeune homme. » Il vous apparaîtra de nouveau, si vous pesez les mots de cette dernière phrase et si vous en cherchez le commentaire dans le texte du chapitre, que le naturisme de Michelet n’est pas précisément le naturisme de Molière.

2078. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Pauvre Samaritain, à travers ton babil d’enfant et tes hoquets de malade, il t’a été donné de prononcer des paroles célestes. […] Telles sont les images, évidemment incomplètes, qui me viennent à l’esprit au moment où j’évoque le crâne chauve, la barbe hirsute, les petits yeux obliques, le nez kalmouk, le visage ravagé, l’âme sensuelle et dolente de Paul Verlaine… Il a donné du jour, de l’air, et une sorte de fluidité frémissante aux vers et à la strophe, qu’avait durcie et glacée la discipline des Parnassiens. […] Camille Mauclair Verlaine a apporté ici le lied, créé une littérature d’ingénuité sentimentale, ennobli l’aveu individuel, mêlé la musique à l’émotion des lettres, donné l’exemple d’un génie se jouant librement, lumineux, tragique ou tendre, puéril et profond, énonçant le moi avec une multiplicité verbale inattendue. […] Un faune, plein de malice et d’esprit, déguisé en frère mendiant, disant qu’il a la foi du charbonnier et, à force de le dire, finissant par le croire, me donne un spectacle qui ne me touche guère, et devant lequel j’abandonne volontiers les amateurs de conversions faciles et de fausse simplicité.

2079. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La conséquence immédiate de cette proposition : « Jésus est le Messie », était cette autre proposition : « Jésus est fils de David. » Il se laissa donner un titre sans lequel il ne pouvait espérer aucun succès. […] Son Père lui a donné tout pouvoir. […] Le besoin que Jésus avait de se donner du crédit et l’enthousiasme de ses disciples entassaient les notions contradictoires. […] Nous verrons qu’il y fut traité comme « séducteur. » Le Talmud donne la procédure suivie contre lui comme un exemple de celle qu’on doit suivre contre les « séducteurs », qui cherchent à renverser la Loi de Moïse. […] Il est vrai que certains docteurs, tels que Hillel, Gamaliel, sont donnés comme étant de la race de David.

2080. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le Fils naturel Quelques lignes suffiront à résumer la donnée et à retracer les traits essentiels du Fils naturel. […] Sternay, qui se porte à la députation, voit dans ce fils arrivé un protecteur donné par la nature, et c’est lui maintenant qui sollicite humblement la faveur de le reconnaître. […] Dumas, c’est la forme incomplète et presque frivole qu’il a donnée à une question scabreuse et dramatique entre toutes, encore pleine de catastrophes et de larmes : celle du fils naturel, et de sa position, offensive et défensive à la fois, vis-à-vis de la loi qui le déshérite et du père qui l’a délaissé. […] Le bonheur, dont il est un enfant gâté, veut que la jeune fille qui lui a donné son cœur soit armée d’une volonté inflexible et résolue à l’épouser de par le Code, lorsque l’heure de sa majorité sonnera. […] La leçon donnée, elle le fait asseoir à son côté, bien bas, très bas, au niveau de sa table, où il aura désormais son couvert mis tous les jours.

2081. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Le ministre n’avait pas de raison à donner. […] Enfin le mot d’ordre que la censure a donné a la police, et que l’on balbutie depuis quelques jours autour de nous, le voici tout net : C’est que la pièce est immorale. […] Il est bon que la leçon de dignité et de sagesse soit donnée par le particulier au gouvernement, par celui qui est persécuté à celui qui persécute. […] Aussi, quand il donne une pièce au théâtre, ce qui lui importe avant tout, ne pouvant espérer un auditoire calme ès la première soirée, c’est la série des représentations. […] On veut attendre les tardifs qui sont restés en arrière et leur donner le temps de rejoindre.

2082. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il trouva la poësie scandaleuse, s’appliqua fortement à la décrier, & donna un ouvrage dans lequel il la maintenoit non seulement inutile, mais très-dangereuse. […] Les écrivains les plus ardens à crier contre un projet aussi bisarre, furent ceux qui n’avoient jamais rien donné qu’en prose. […] On lui donna le gouvernement d’une province de l’Appennin, qui s’étoit révoltée, & qu’infestoient des bandits & des contrebandiers, d’autant plus difficiles à réduire, qu’après avoir commis toutes sortes d’excès, ils se retiroient dans leurs montagnes, & n’y craignoient personne. […] Mais partout ailleurs où il ne sera point question de ce monstrueux mélange, quel inconvénient y a-t-il qu’un poëte, qui cherche à nous instruire ou à plaire, emploie quelquefois, pour parvenir à son but, & la fable & ces fictions ingénieuses, qui, par la vie qu’elles donnent à tout, font plus d’effet souvent que la réalité même ? […] Le jeune homme étant obligé de convenir que non, Allez l’étudier , lui dit-il, avant que de vous donner pour sçavant .

2083. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Le fait qui soulève ces questions en donne la réponse. […] La prière est un fait humain, nécessaire, universel ; mais ce fait est inexplicable dans l’hypothèse d’une Providence générale ou abstraite qui se serait contentée de donner des lois générales à l’univers. […] Guizot ne craint pas de donner à ce dogme son vrai caractère. […] Voici les raisons que donne M.  […] Donne-t-il le remède ?

2084. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

que ces âmes inflammables, auxquelles la nature donne de si vigoureuses colères contre le vice, de si éloquents ressentiments de l’injustice, portent en elles le châtiment de leur propre délicatesse, et sont destinées à expier dans leurs personnes les vices qu’elles châtient ? […] et, excepté quelques intéressés de l’Académie, tout le reste lui donnait les mains. […] 12 L’abbé d’Olivet, dans le complément qu’il a donné à la galerie des portraits académiques de Pélisson, étend sur le cadre destiné à Furetière le crêpe noir des Doges décapités. […] L’édition que nous en donnons, collationnée avec soin sur celle imprimée du vivant de l’auteur (Paris, Barbin et Billaine, 1666), n’offrira, nous l’espérons, grâce aux notes dont elle est accompagnée, d’obscurité pour aucune classe de lecteurs. […] Non, bien loin de vouloir donner une pareille idée de Furetière, j’avouerai toujours qu’il est un des meilleurs satyriques que nous ayons, et qu’il ne le cède en rien de ce côté à M. 

2085. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Seulement, parce qu’il a fait son métier de prêtre, désintéressé de gloire humaine, et profond d’intention religieuse, est-ce une raison pour que nous, les critiques mondains, nous soyons dispensés de faire le nôtre, en ne portant pas la lumière sur ce qui est beau de la beauté humaine… et littéraire, la plus nette, la plus pathétique, la plus impérieusement incontestable, et cela indépendamment du sujet sur lequel s’est produite cette beauté inouïe et de l’explication surnaturelle qu’il faut en donner ? […] Pour ceux donc qui lurent la traduction que M. l’abbé Cazalès en donna, il y a quelques années, et qui en furent émus, cette émotion de la première lecture sera certainement ravivée dans toute sa profondeur à la seconde ; mais les récits nouveaux qu’on nous donné, quoique très curieux souvent, très beaux toujours et partout marqués du caractère particulier et distinctif de ce que j’ai osé appeler le talent de la sainte Mystique, n’ajouteront rien à cette émotion ravivée et à la connaissance qu’on avait déjà de ce talent, qui, ne le fût-il pas d’une autre manière, par l’intensité seule de sa touche, serait encore surnaturel ! […] Et voilà pourtant ce qu’a fait la sœur Emmerich, et avec une telle certitude, une telle sûreté d’elle-même, qu’elle a réussi de manière à ce que les théologiens l’absolvent, tout au moins, quand ils ne la glorifient pas, et que nous, critiques littéraires, nous admirons au nom de la beauté, telle que l’art la conçoit, l’intuition, quelle qu’elle fût, qui fut en elle et qui nous a donné ces trois livres, comme on n’en avait pas vu encore dans la littérature sacrée, — ces trois livres d’histoire qui, en définitive, sont trois poëmes ; car l’histoire se puise à des sources, et ici il n’y a pas d’autre source qu’une âme en extase, — ces trois livres enfin dont on peut dire : « théologiquement, il n’est pas de rigueur d’y croire », mais dont on n’oserait dire cependant : « théologiquement, ils sont faux ! » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde ! […] IV Malheureusement de ces trois livres, dont un seul a trois ou quatre volumes (la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ), on ne peut rien citer, parce que, pour donner une idée de cette manière et de ce langage, il faudrait citer plus que la dimension d’un chapitre.

2086. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Là est ce qui donne tant de fraîcheur à la poésie tourangelle de M.  […] Barre ne nous donne, sur le seuil du mystère, cette émotion de pensée qui fut, n’en déplaise à M.  […] Barre, pour « orchestrer des poèmes comme Wagner », mais pour donner au vers, mot intégral, toute sa densité adamantine, pour en éliminer, comme la paille qui le briserait, tout soupçon de déjà vu, pour le ramener à une pureté d’essence. […] Il en donne des raisons bien singulières : « le vers libéré, dit-il, n’a qu’un mérite, celui d’avoir rénové les mètres impairs. En un certain sens, l’usage classique paraît bien ici avoir donné des indications précises.

2087. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

On l’a déjà dit, il ne peut y avoir de grande éloquence sans de grands intérêts ; et il faut convenir que pour célébrer la barrette donnée à un prélat d’Ostie ou de Faenza, ou pour louer un pape à son installation, il ne faut pas autant d’éloquence qu’il en fallait à César pour gouverner le sénat et le peuple de Rome. […] Bientôt après cette décoration passagère, destinée à orner une pompe funèbre d’un jour, on lui éleva un mausolée plus durable, et dont les marbres furent donnés par le grand-duc. […] À l’égard des vivants, rien n’est plus commun en Italie que les éloges ; mais on les distribue en sonnets ; c’est pour la louange la monnaie courante du pays : chacun la vend, la donne, l’achète ou la reçoit. […] Sa tache généreuse commence ou l’intérêt finit, etc. » Dans un endroit où il parle de la protection que Talbot donnait aux arts : « Bien différent, dit-il, de ces hommes vains qui, usurpant le nom de protecteur qu’ils avilissent, osent sacrifier un homme de mérite à leur orgueil, et répandre la rougeur de la honte sur un front honnête, quand il accordait une grâce, c’était une dette qu’il semblait payer au mérite, à la nation et à l’être qui est la source éternelle de tout bien. […] D’ailleurs, ma muse acquitte un devoir ; elle rend ce qu’elle doit à la vertu, à la patrie, au genre humain, à la nature immortelle et souveraine qui lui a donné, comme à sa prêtresse, la charge honorable de chanter des hymnes en l’honneur de tout ce qu’elle forme de grand et de beau dans l’univers. » On voit quel est le ton et la noblesse de ces éloges ; la vigueur d’âme qui y règne, vaut bien notre délicatesse et notre goût.

2088. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Là s’éleva le grand prêtre Manéthon15, qui donna à toute l’histoire de l’Égypte l’interprétation d’une sublime théologie naturelle, précisément comme les philosophes grecs avaient donné à leurs fables nationales un sens tout philosophique. […] Diodore de Sicile, qui vivait du temps d’Auguste, et qui traite les Égyptiens trop favorablement, ne leur donne que deux mille ans d’antiquité, encore a-t-il été réfuté victorieusement par Giacomo Cappello dans son Histoire sacrée et égyptienne. […] Ces derniers doivent précéder les Égyptiens, puisque, selon la tradition, ils leur ont transmis les connaissances astronomiques qu’ils avaient tirées de la Chaldée, et qu’ils leur ont donné en outre les caractères alphabétiques, comme nous devons le démontrer.   Si nous ne donnons aux Égyptiens que la cinquième place dans cette table, nous ne profiterons pas moins de leurs antiquités. […] On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

2089. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

J’allais trouver Sainte-Beuve, pour qu’il me donnât une lettre de recommandation. […] Petits et grands viennent, de temps en temps, donner un coup d’œil à leur immeuble aimé. […] La lecture de ses articles donne à ses lecteurs une espèce d’alacrité. […] Le chagrin m’a abêti, m’a donné la manie d’un vieux boutiquier, retiré des affaires. […] Et, le repas vite achevé, la vieille femme court donner à un pauvre la portion de son fils.

2090. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Ces Essais en langue russe lui donnèrent la révélation de son talent. […] Que Dieu te donne toutes les joies de ce monde !  […] Il les soignait et leur donnait à manger. […] Mais la baruinia espère que tu lui donneras d’autres habitudes. […] Est-il possible de se donner tant de peine pour un chien ?

2091. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

C’est là le terrain national, très-bon pour certaines plantes, mais très-mauvais pour d’autres, incapable de mener à bien les graines du pays voisin, mais capable de donner aux siennes une sève exquise et une floraison parfaite, lorsque le cours des siècles amène la température dont elles ont besoin. […] C’est par elle qu’on peut le mesurer et lui donner son rang. […] Son oeuvre nous tient lieu des expériences personnelles et sensibles qui seules peuvent imprimer en notre esprit le trait précis et la nuance exacte ; mais en même temps elle nous donne les larges idées d’ensemble qui ont fourni aux événements leur unité, leur sens et leur support.

2092. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Blémont donne ses chansons normandes, qui ont la saine senteur de la terre des bons pommiers. […] Théodore de Banville Rapidité et variété de l’image, harmonies bien pondérées, éclat et originalité de la rime, telles sont les qualités qui donnent aux vers de M.  […] On me permettra de donner un échantillon du genre : Lorsque les vierges des campagnes Voguent sur les flots du lac bleu, Les fleurs lèvent la tête un peu Et disent : « Voici nos compagnes ! 

2093. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Désormeaux auroit dû éviter, est une affectation trop sensible dans les louanges qu’il donne à ses Héros, une application trop marquée à passer légérement sur les foiblesses & les fautes dont ils n’ont pas été exempts. […] L’Amiral de Joyeuse lui donna pour un Sonnet l’Abbaye de Tiron, qui rapportoit alors trente mille livres ; ce qui doit faire penser que Desportes vécut au siecle d’or de la Poésie. […] Il se contenta de dire à ses amis : Si l’Auteur de cette Critique m’eût prévenu, je lui aurois donné de quoi grossir son Livre ; car j’ai pris beaucoup plus de choses des Italiens qu’il ne pense.

2094. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

Il est le premier qui nous ait donné une Traduction du Paradis perdu, généralement préférée à celle qu’en a donnée depuis l’Auteur du Poëme de la Religion. […] Après avoir donné plusieurs Ouvrages utiles sur des matieres de Jurisprudence & d’Administration, il a publié des Mémoires historiques, qui lui assurent le droit de figurer parmi les Littérateurs estimables de ce siecle.

2095. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

La plus ingénieuse de ses petites Poésies est une espece de Poëme lyrique, à qui le Poëte a donné le nom de Philosophisme. […] Votre indulgence pour ma foiblesse va jusqu'à lui donner une douce épithete : je regarde cette charitable absolution comme un présage de la rémission d'en-haut ; elle m'en donne un avant-goût dont je ne puis trop vous remercier.

2096. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IX. Des Epistolaires ou Ecrivains de Lettres. » pp. 265-269

On a donné un extrait de ses Lettres sous le titre de Sevigniana, in-12. […] On y voit un homme qui forcé d’habiter une retraite & d’avoir un correspondant à Paris, donne à ce correspondant des éloges que le cœur ne paroît pas dicter. […] On trouve dans les mémoires de Racine le pere, publiés par son fils un grand nombre de Lettres, qui donnent de ce poëte une idée beaucoup plus avantageuse.

2097. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

L’horreur qu’inspirent les discours d’Oénone nous rend plus sensibles à la malheureuse destinée de Phédre ; le mauvais effet des conseils de cette confidente que le poëte lui fait toujours donner à Phedre, quand elle est prête à se repentir, rend cette princesse plus à plaindre, et ses crimes plus terribles. […] On peut donc introduire des personnages scelerats dans un poëme, ainsi qu’on met des bourreaux dans le tableau qui répresente le martyre d’un saint : mais comme on blâmeroit le peintre qui dépeindroit aimables des hommes ausquels il fait faire une action odieuse, de même on blâmeroit le poëte qui donneroit à des personnages scelerats des qualitez capables de leur concilier la bienveillance du spectateur. Cette bienveillance pourroit aller jusqu’à faire plaindre le scelerat, et à diminuer l’horreur du crime par la compassion que donneroit le criminel.

2098. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Sans les révolutions auxquelles elle a été mêlée et qui lui ont donné l’effroyable importance de leurs résultats, cette malheureuse littérature métaphysico-politique, ou de tout autre nom qu’on voudra la nommer, aurait trouvé depuis longtemps dans le mépris de tout le monde la place qu’elle n’occupe aujourd’hui que dans le mépris des hommes supérieurs. […] Ce principe, que nous avons tous plus ou moins rencontré, plus ou moins coudoyé, plus ou moins senti dans la vie historique, soit du présent, soit du passé, Mancel a eu le mérite de le formuler en une phrase d’une brièveté lapidaire et dont tout son livre est la justification rationnelle : « Le pouvoir se prend et ne se donne pas », nous dit-il avec une simplicité qu’il a l’art de rendre féconde. […] ce n’est pas dans une appréciation comme la nôtre, écrite au pas de course, que nous pouvons creuser l’idée mère de l’ouvrage de Mancel et exposer après lui tous les développements et les applications qu’il lui donne.

2099. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

S’il nous était donné de voir dans la conscience d’autrui, dit. […] La nature s’engage envers la destinée ; L’aube est une parole éternelle donnée. […] je ne donne pas à la mort ceux que j’aime ! […] Mais ce ne sont pas les religions, selon lui, ni leurs prêtres qu’il faut consulter ; car on ne peut donner une forme à l’absolu. […] L’idéal rend « les esprits fermes », parce qu’il leur montre un but et leur donne une loi ; il rend « les cœurs grands » parce qu’il leur communique la force de l’espérance.

2100. (1885) L’Art romantique

Croiriez-vous que la nécessité d’écrire une page me donne la migraine ?  […] Alors, semblable aux médecins d’un esprit libéral et généreux, qui tantôt font payer leurs soins et tantôt les donnent, il donnait ses tableaux ou les cédait à n’importe quel prix. […] Il donnera prochainement des œuvres nouvelles. […] Le stéréoscope, qui donne en ronde bosse une image plane, est de ce nombre. […] On donnait ainsi plein droit à la passion ; on lui attribuait une sorte d’infaillibilité.

2101. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

et Racine a donné là Thébaïde et Alexandre. […] l’amère sottise, quand on y réfléchit, de donner la forme… à quoi ? […] La masse, et plus encore la continuité de la production, c’est, en critique, ce qui impose, ce qui donne l’autorité. […] Mais donner l’immortalité à notre pensée et à la forme de notre pensée ! […] Il fournit, en effet, le plus admirable type qu’il nous soit donné de concevoir ; celui du génie conscient.

2102. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 Cette époque est celle où la littérature a donné l’impulsion à la philosophie. […] Bossuet et Fénelon doivent sans doute être cités comme les premiers qui aient donné l’exemple de réunir dans un même langage tout ce que la prose a de justesse, et la poésie d’imagination. […] La régularité de la versification donne une sorte de plaisir auquel la prose ne peut atteindre ; c’est une sensation physique qui dispose à l’attendrissement ou à l’enthousiasme ; c’est une difficulté vaincue dont les connaisseurs jugent le mérite, et qui cause même aux ignorants une jouissance qu’ils ne peuvent analyser. […] Du moment où la littérature commence à se mêler d’objets sérieux ; du moment où les écrivains entrevoient l’espérance d’influer sur le sort de leurs concitoyens par le développement de quelques principes, par l’intérêt qu’ils peuvent donner à quelques vérités, le style en prose se perfectionne. […] Toutes les récompenses de la monarchie, toutes les distinctions qu’elle peut offrir, ne donneront jamais une impulsion égale à celle que fait naître l’espoir d’être utile.

2103. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Comment donc forcer l’esprit humain à rétrograder, et lors même qu’on aurait obtenu ce triste succès, comment prévenir toutes les circonstances qui pourront donner aux facultés morales une impulsion nouvelle ? […] Dès que vous donnez à l’âme une impulsion forte, vous ne pouvez arrêter son essor. […] Tel qu’il est cependant, je le publie, cet ouvrage : alors qu’on a cessé d’être inconnue, encore vaut-il mieux donner de ce qu’on peut être une idée vraie, que de s’en remettre au perfide hasard des inventions calomnieuses. […] Qu’il importe de veiller sur la première impulsion qu’on donne au cours de sa destinée ! […] Je sais combien il est facile de me blâmer de mêler ainsi les affections de mon âme aux idées générales que doit contenir ce livre ; mais je ne puis séparer mes idées de mes sentiments ; ce sont les affections qui nous excitent à réfléchir, ce sont elles qui peuvent seules donner à l’esprit une pénétration rapide et profonde.

2104. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Invitation à la danse120 Donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans ce chapitre, aux sons du violon de Jean-Paul, le bal humoristique et romantique du dogmatisme littéraire121. […] Il annuité ce qui est, donne l’être et l’empire à ce qui n’est pas, précipite au fond de son creuset tout ce qui a le moindre semblant d’apparence, et pulvérise la grandeur à l’infini. […] La réalité a pour symbole une planche partagée en cases sur laquelle le poète peut jouer le vulgaire jeu de dames ou le royal jeu d’échecs, selon qu’il ne possède que de simples morceaux de bois rond, ou des figures artistement taillées164 — Le besoin d’effacer en soi toute originalité pour se faire une surface unie a donné aux Français pour les termes généraux un goût contraire au vrai style comique. […] Voici comment Jean-Paul conclut le Prologue-Programme de son Titan : Maintenant donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans cet ouvrage ce grand bal de la vie ; moi à la tête d’un quadrille, et vous en sautant en mesure derrière moi, accompagnés par le chant des Muses et par la lyre d’Apollon, dansons de volume en volume, de cycle en cycle, de digression en digression, d’une pensée à une autre… (Traduction de M.  […] Donnez donc une unité organique à un volume d’épigrammes !

2105. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Car   et c’est la première clarté que ces pages nous donnent sur leur auteur  le journal de Stendhal n’est pas un épanchement involontaire et nonchalant ; c’est un travail utile. […] Chaque jour, il note ce qu’il a fait dans telle circonstance et ce qu’il aurait dû faire où éviter, étant donné les desseins qu’il poursuit et que nous verrons tout à l’heure, Pour lui, s’analyser, c’est agir. […] « Si quelqu’un s’étonne de ce fragment, il n’a qu’à me le dire, et, parlant de la définition de la vertu, qu’il me donnera, je lui prouverai par écrit, aussi clairement que l’on prouve que toutes nos idées arrivent par nos sens, c’est-à-dire aussi évidemment qu’une vérité morale puisse être prouvée, que mon père à mon égard a eu la conduite d’un malhonnête homme et d’un exécrable père, en un mot d’un vilain scélérat. » Ce défi est assez bizarre. […] Cela donne à ma conversation une physionomie inimitable », etc., etc… Cela est continuel. […] C’est l’impression que m’a laissée ce journal — dont je n’ai pu vous donner, par ces quelques lignes, qu’une idée fort imparfaite.

2106. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Après Michelet, après Victor Hugo, la Mer nous donne ce que nous exigeons des poètes : une interprétation personnelle, nouvelle, variée, de la nature. […] Rabelais et Régnier ne pouvaient pas lui donner. […] Malgré l’apparence calme d’une philosophie nihiliste dont Pierrot, dans la conférence même qui termine ce volume, nous donne la formule familière et abrégée, M.  […] L’Odéon nous a donné le Chemineau, drame en vers, de M.  […] Jean Richepin sut, en se servant des éléments traditionnels, donner à certaines de ses poésies la verdeur et le mouvement qui conviennent.

2107. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Les italiens qui évitent autant qu’ils le peuvent de nous donner des sujets de vanité, peut-être parce qu’ils se croïent tous chargez du soin de notre conduite, ont rendu justice au mérite de nos poetes. […] Les jeunes gens à qui l’on a donné de l’éducation connoissent autant Despreaux qu’Horace, et ils ont retenu autant de vers du poete françois que du poete latin, à La Haye, à Stockholm, à Coppenhague, en Pologne, en Allemagne et même en Angleterre. […] Je ne parle ici que des traductions qu’on donne pour ce qu’elles sont, car il arrive souvent que les traducteurs anglois nient de l’être, et qu’ils veulent donner leur copie pour un original. […] Les étrangers nous diront eux-mêmes que ce sont nos poëmes et nos livres, qui plus qu’aucun autre évenement ont contribué à donner à la langue dans laquelle ils sont écrits un si grand cours, qu’elle a presque ôté à la langue latine l’avantage d’être cette langue que les nations apprennent par une convention tacite pour se pouvoir entendre.

2108. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Il ne me persuadera point surtout que j’aie tort par cela seul que tout le monde me donne raison.‌ […] Le lecteur ne nous pardonnerait pas de rouvrir ce débat, Je crois avoir suffisamment réfuté ces objections dans mon dernier volume le Travail du style, et j’avoue qu’il y a peu de choses qui m’aient donné autant de plaisir à écrire. […] En disant par exemple : « Ce vieillard noble et majestueux, son teint frais et vermeil, … sa démarche douce et légère, les prés fleuris, ses fougueux désirs, la sombre demeure de Pluton, … les mains glacées de la mort », etc., Fénelon aurait expressément voulu signifier ceci : Ce vieillard était noble et majestueux et non pas sordide et vulgaire ; ce teint était frais et vermeil, et non pas fané et pâle ; la demeure de Pluton est sombre, et non pas claire ; sa démarche est douce et légère, et non pas insolente et lourde, Quand il dit : « Ce secret s’échappa du fond de son cœur », ce serait pour donner plus de force que s’il eût dit : « Ce secret s’échappa de son cœur », Quand il remplace « troupeaux » par « tendres agneaux », c’est pour mieux accentuer l’innocence des victimes ; quand il dit : « Comme un serpent sous les fleurs », c’est pour peindre l’astuce et le danger, et lorsqu’il répète six fois par page (voir nos citations) le mot doux, c’est probablement encore pour souligner l’idée de douceur.‌ […] Pour finir de réhabiliter Télémaque, on prétend que Fénelon a écrit comme on écrivait de son temps. « En prose et en vers, dit-on, les écrivains du dix-septième siècle évitaient soigneusement l’éclat, la violence, tout excès d’imagination. » Ceci est peut-être vrai en général, et encore pourrait-on discuter ; mais la preuve que tous les écrivains de son époque n’écrivaient pas comme Fénelon, c’est qu’il y a eu des gens comme Bossuet, qui incarne précisément la violence, l’éclat, l’imagination, qui ne recule devant aucune audace, crée son style et donne à sa langue l’originalité de la Bible et des meilleurs Pères de l’Eglise. […] Je le donne pour ce qu’il vaut.

2109. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Il y a bien encore çà et là dans ce livre, qu’il a écrit pour la tête blonde de sa fillette, de ces touches honnêtes, tendres et rosées du Greuze qu’il fut dans ses meilleurs jours ; mais ce qui domine le livre, ce qui lui donne sa physionomie, c’est le philosophe, et le philosophe qui ne doute pas une minute de son fait et qui morgue le lecteur de son aplomb suprême ! […] …) je te parle au nom de la nature, qui est la même partout, chez les civilisés comme chez les sauvages, à Constantinople comme à Paris, et que les hommes ont violée partout par des lois particulières, malheur des femmes… » Or, c’est cette nature interrogée, cette physiologie bien apprise, qui donneraient à la jeune fille de Weill, s’il avait vraiment une fille à marier, les notions nécessaires pour résister à tout, même à l’infidélité de son mari, s’il était jamais infidèle. […] Une leçon donnée en termes nets, qui pourraient bien faire lever de dégoût, dans sa poitrine virginale, ce jeune cœur divin de fille innocente. […] Le grain de poésie qui est en lui, et qui l’a fait peintre d’intérieur et de paysages dans quelques nouvelles et quelques romans, l’empêchera toujours de se donner entièrement aux idées de ce monstre d’abstraction… et de concrétion, qui comparait les étoiles, ces radieuses fleurs du ciel, à une éruption de petite vérole. […] Or, jamais il n’en a donné une preuve plus frappante qu’en écrivant ce livre, qui semble, ma foi !

2110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Charles d’Héricault a enfin abordé l’histoire politique, et ce livre atteste des facultés si sûres d’elles-mêmes, si gouvernées, si réfléchies, que le troublant et passionnant sujet d’histoire qu’il a choisi pour le traiter — La Révolution de Thermidor — ne l’a entraîné ni dominé une seule minute, et qu’il nous a donné l’exemple d’une fermeté d’esprit inconnue à tous les historiens, dans une mesure quelconque, de la Révolution française, — de cette Révolution dont la bouleversante influence ne s’arrête pas à ceux qui l’ont faite, mais va jusqu’à ceux qui l’écrivent… Car elle va jusque-là. […] En action historique, les idées générales, les influences sociales ont besoin d’un homme… Quoique la France fût éperdue d’égalité, à cette heure maudite, et qu’elle eût commencé déjà le nivellement par l’échafaud, elle n’en reconnut pas moins la supériorité et la souveraineté de l’homme qui, à un jour donné, avait créé cette chose inouïe, universelle et compacte, qui s’étendit tout à coup sur la France entière comme une voûte qui ne permettait plus de respirer, et qu’on appela du même nom que le sentiment dont elle transissait les âmes : la Terreur ! M. d’Héricault donne même la date du jour où cette effroyable chose se produisit. […] Il a pénétré sous la peau du monstre, et il nous a donné un écorché. […] — plus sot et plus lâche que ce lâche et ce sot… Quelque mépris qu’on ait pour les hommes, on répugne à donner sa démission de l’humanité… L’imagination grandit les êtres qui ont été des fléaux, et voilà ce qui a grandi ce petit homme de Robespierre, même après sa chute… Comme son maître Rousseau, c’était une âme de laquais qui voulait devenir grand seigneur, et qui s’y prenait mal pour cela.

2111. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Nulle idéale lourdeur ne pourrait y avoir, en effet, un succès plus grand que cette mince chose transparente, à travers laquelle on voit si bien… ce qui n’y est pas, et qui nous donnerait presque à croire que les Allemands, à force de sauter par les fenêtres pour se faire vifs, ont enfin réussi à devenir légers. […] comme tout Allemand se doit de l’être, au lieu de nous donner un livre savant, paradoxal et obscur auquel nous avions le droit de nous attendre, l’œuf d’autruche que tout Allemand est obligé de pondre à sa majorité pour peu qu’il soit passablement organisé, s’est contenté d’un œuf de linotte, c’est-à-dire d’un petit traité dans le format des petits livres de Flourens ! […] Adrien Delondre, c’est d’une évidence qui saisit d’autant plus que son Étude (comme on dit) a été mise à la tête du livre par les éditeurs très intelligents, — ce qui, par parenthèse, fait un double emploi assez inattendu, et c’est même la seule chose assez inattendue qu’il y ait dans cette petite publication de lieux communs qu’on nous donne là pour un ouvrage original, neuf et pensé avec énergie. […] Il aurait vu alors que même la religion ne guérit que nos vices, et qu’elle nous donne souvent des maladies sublimes, — les maladies de nos vertus ! […] Il est vrai que Henri Heine se soucie peu de la précision scientifique, tandis que le baron de Feuchtersleben, qui s’en préoccupe, nous donne une idée de la sienne en écrivant sur Salvandy cette bonne phrase, par laquelle je veux finir : « Ce fut l’homme le plus moral des temps modernes. » Certes !

2112. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Heredia a donné là un très beau support d’écusson aux armoiries du vieux chroniqueur Diaz, avec ces deux resplendissants morceaux. […] On voit, sous ce pinceau qui n’est jamais une plume, l’Espagne à cette date de 1513 à 1514 ; on la voit, en masse, comme si on y était, ou plutôt on y est, dans cette Espagne dont on partage les sensations, comme le peintre qui, s’il n’en vibrait pas lui-même, ne pourrait pas nous les donner ! […] Les assignations secrètes se donnaient alors volontiers dans la calle de Chicarreros, qui est la rue des Orfèvres, ou dans la galerie des Merciers. […] Il a conquis la naïveté qu’on ne conquiert pas d’ordinaire, ce verre d’eau de source que le plus brillant ou le plus charmant talent n’a pas toujours à nous offrir, et qui est le meilleur breuvage, pour nos esprits et pour nos âmes, que le génie lui-même puisse nous donner ! […] José-Maria de Heredia se contentera-t-il de publier le second volume de sa traduction, — de cette traduction dont il n’a pas eu besoin de nous donner le texte original, tant elle est pénétrante et tant nous sentons dans notre âme, en la lisant, qu’elle est exacte et sincère ?

2113. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Dans un roman qui devrait être, comme tout roman, une profonde ou riche étude du cœur humain, il nous a donné beaucoup de cabotinisme, suffisamment de Bade, beaucoup de Pologne, un peu de Californie, et, pour terminer la chose, une brûlure de danseuse en plein théâtre. […] … Que cette littérature de feuilleton fût restée modestement au bas de ces journaux que le vent de chaque jour emporte vers ces cabinets où s’en allait le Sonnet d’Oronte, la Critique n’aurait point à en parler… Mais, après le succès fait par les portières de loge ou de salon, que l’auteur nous donne comme des œuvres cette littérature de feuilleton, aussi éphémère que les articles de mode de madame de Renneville, la Critique a vraiment le droit de s’instruire en faux contre tant d’aplomb, et de dire à ces trois volumes : « Vous ne passerez pas !  […] Non pas l’exactitude qui arrive à temps dans ce qu’elle fait, — qui donne, par exemple, son feuilleton à heure fixe (sur mon âme, je l’ai cru un moment !)  […] Quoique toute âme mérite son coup de pinceau ou son coup de lumière, pour certaines âmes cependant il faut que le coup de pinceau soit vite donné, que le coup de lumière n’ait pas plus que la durée d’un éclair ! […] que les événements de la vie, et qui donnent à l’œuvre de l’art tout le décousu de la réalité.

2114. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Le pouvoir des nobles, qui pendant plusieurs siècles combattit le pouvoir des rois, ne donnait point aux âmes l’élévation et le genre d’activité dont elles ont besoin pour les lettres. […] J’ajouterai encore à ce nom celui de ce célèbre Gustave-Adolphe, qui, au commencement du dix-septième siècle, fit trembler le Danemark, la Pologne et la Russie, parcourut ensuite l’Allemagne en conquérant, ébranla le trône de Ferdinand second, vengea la liberté germanique écrasée, donna à la Suède l’ascendant sur l’empire, créa plusieurs grands hommes, fit tous ces prodiges en deux ans, et mourut dans une victoire. […] Chez un peuple barbare ou qui cesse de l’être, et où l’on commence à écrire, les orateurs et les poètes sont avertis de leurs talents par leurs passions, et par les secousses que des objets extraordinaires donnent à leur âme. […] Ce sont les mœurs d’un peuple qui donnent la vie à son langage. […] L’orateur qui, au bout de quinze cents ans, veut ou croit employer cette langue, a donc deux torts ; il ne peut bien apprécier la valeur des signes, et les signes ne peuvent recevoir l’empreinte de son esprit et de son âme, qu’il voudrait leur donner.

2115. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

(Nous n’en possédons malheureusement pas le texte, qu’il donna, je crois, à Liszt.) […] Car ma connaissance de Wagner me donne la certitude que la création d’une partition était, chez lui, toujours une œuvre « d’après coup », un travail en un certain sens mécanique. […] Les « Schwsermer » au dehors se répandaient dans la presse avec des points d’exclamation, le Figaro donnait son approbation. […] Quant aux livres propres à donner une connaissance générale et en même temps précise de Wagner, il n’en existe pas un seul. […] Jullien trace de Wagner, de sa vie, de son caractère, l’énoncé qu’il fait ce ses théories, l’analyse qu’il donne de ses œuvres, les jugements qu’il porte à chaque moment… tout est faux, archi-faux !

2116. (1894) Textes critiques

Cette attention donnée, tous les Hommes seraient beaux et quelques femmes.‌ […] Il n’est pas artificiel en ce sens qu’il ne donne pas à l’artiste la réalisation de l’extérieur vu à travers soi ou mieux créé par soi. […] Nous n’en donnons pas d’exemple, parce qu’elles varient selon l’essence première du masque, et que tous ceux qui ont su voir un Guignol ont pu les constater. […] Lugné Poe, avec quelques amis, donna à Presles, au bord de la forêt de l’Isle-Adam, sur un théâtre naturel creusé dans la montagne, la Gardienne. […] Depuis quand, en poésie, le sens strictement analytique cesserait-il d’être donné pour sens psychologique ?

2117. (1926) L’esprit contre la raison

N’a-t-il pas donné en 1922 l’impulsion à la période pré-surréaliste dite des « sommeils hypnotiques », en relatant comment une dame D… a découvert ses talents de médium lors d’une séance d’expérience métapsychique alors à la mode ? […] Pour donner tout son sens au simple geste humain, son principe, il doit pousser hors de la réalité quotidienne la créature qui lui sert de truchement. […] Et cet égoïsme morbide de vouloir se donner de grands airs. […] Desnos publie en réponse à Massis son « Pamphlet contre Jérusalem » dans La Révolution surréaliste qui donne un texte de Théodore Lessing dans le n°3, 15 avril 1925, « L’Europe et l’Asie ». […] », illustrée d’un dessin représentant Napoléon et d’une liste de noms de critiques, écrivains, peintres, cinéastes qui « s’en donnent à cœur-joie ».

2118. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

En parcourant les papiers du fonds Mézeray à la Bibliothèque impériale, j’ai rencontré27 cette première dédicace non employée et mise au rebut, et j’en donnerai quelque chose ici, parce que c’est justice et que l’inspiration de cette grande œuvre historique, qui ne parut que sous la régence, doit se rapporter à l’âge et au règne précédent. […] Les siècles passés donnèrent le nom de Sage au roi Charles cinquième pour ce qu’il combattait heureusement les Anglais dans son cabinet : de quel titre donc devons-nous vous honorer, vous qui avez si généreusement vaincu l’Espagnol dans votre lit ? […] Louis XI avait donné un grand avancement à ce dessein, et, s’il se fût trouvé de suite deux ou trois princes tels que lui (j’entends en conduite pour les affaires de dehors, non pas certes pour l’administration du peuple), ils l’auraient heureusement achevé. […] Indépendamment de la narration qui devient pleine, variée et nourrie, et qui est d’un mouvement facile et continu, Mézeray est un grand peintre de portraits dans les résumés qu’il donne à la fin de chaque règne et où il retrace en abrégé le caractère, les mérites ou les défauts du roi dont on a lu l’histoire Un sentiment non seulement équitable, mais humain et, autant qu’il se peut, loyal et fidèle, domine dans ces jugements et en tempère la rigueur ; s’il y a quelque circonstance atténuante ou touchante pour les monarques même les plus désastreux et les plus funestes, Mézeray ne l’omet pas. […] [NdA] On lit dans un chapitre de Huet (Origines de Caen), où il donne l’étymologie des noms de plusieurs lieux de Normandie tirés du latin : « Mazure, Maceries. — Mézeray, Maceriatum, lieu bâti à pierre sèche. » 27.

2119. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

J’avais d’ailleurs donné mes meilleures raisons et mes preuves. […] Mais cela n’a été donné qu’au seul Fénelon. […] Lui et ses amis ils avaient conjuré ensemble pour que la langue française eût enfin une haute poésie, et ils se mirent incontinent à l’œuvre pour la lui donner (1550). […] Il s’est éloigné d’eux tant qu’il a pu, « prenant style à part, sens à part, œuvre à part. » Une louange donnée pour la forme à Marot mort, à Héroet, à Scève et à Mellin de Saint-Gelais vivants, ne contredit pas cette prétention qu’il a de marcher le seul et le premier par un sentier inconnu. […] [NdA] Dans toutes les éditions que j’ai vues on lit : « Tant que le froid hiver lui ait donné sa force… », ce qui est contraire au sens.

2120. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

On lui donna M. de La Valette pour l’accompagner, et il s’embarqua le 20 juillet 1629 à Toulon, non sans écrire au roi une lettre où il témoignait de sa reconnaissance et de son repentir. […] Les Grisons, alliés des cantons suisses, possédaient en Italie la Valteline, pays d’importance au point de vue militaire, puisqu’il donne le passage entre l’Allemagne et le Milanais, et qu’il pouvait servir à la jonction des deux bras de la maison d’Autriche. […] L’armée qu’on lui donnait présentement à conduire avec le titre de lieutenant général était plus considérable ; il n’en devait garder qu’une partie. […] Cette honte était telle qu’elle ne pouvait être réparée, et, quelque excuse qu’il pût donner à sa faute, et le plus favorable nom qu’elle pût recevoir de ceux mêmes qui seraient plus ses amis, était celui de manque de cœur. […] Rohan se décida avec une sorte de joie à y faire le simple soldat et à y donner le coup de main, lui qui, jusque-là, avait tant machiné de la tête.

2121. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

On envoya à la camarera-mavor pour lui-lire ce que la reine avait mandé, et la permission que le roi lui avait donnée de me voir incognito. […] Ce n’est donc pas pour vous dire une mauvaise plaisanterie, mais une vérité assez extraordinaire ; je vous prie, Madame, de conter cela, comme vous savez orner toutes les choses auxquelles vous voulez donner un air ; je vous expose seulement celle-ci, qu’on ne peut se promener dans une rivière, parce qu’il y a de la poudre. […] On affectait de donner mille ennuis et dégoûts au marquis de Villars au sujet des prérogatives attribuées de tout temps à nos ambassadeurs ; et sur les plaintes qu’il en faisait, le roi répondait : « Qu’on fasse partir cet ambassadeur, et qu’on m’envoie un autre gavacho !  […] On vit, au commencement de 1681, déserter toutes les livrées des écuries royales, parce qu’il leur était dû plus de deux fins de gages, « Les rations que l’on donne à toutes les personnes du palais, jusqu’aux femmes de la reine, manquèrent aussi, et la table des gentilshommes de la Chambre, la seule qu’entretienne le roi, fut un temps sans être servie. […] La mise en lumière de la Relation du marquis de Villars vient rendre de l’à-propos et donner comme un fond historique solide aux récits de la marquise, à ces jolies Lettres qui, dans leur agréable légèreté, nous initient au seul moment un peu intéressant de ce règne imbécile et maussade.

2122. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Le seul avocat qu’on leur donna d’office, lors du pourvoi en révision, le bâtonnier de l’ordre, M.  […] Berryer et Dupin, et contre le système de défense qu’ils avaient adopté dans l’affaire du maréchal Ney, à des invectives tellement violentes, qu’il faut les citer textuellement, parce qu’aucune analyse n’en donnerait une juste idée : « A Dieu ne plaise, disait-il, que nous suivions jamais l’exemple qui nous a été donné dans une affaire récente dont les détails ont longtemps lasse notre patience… Nous avons une plus juste idée des devoirs que nous impose notre ministère, et si jamais ils se trouvaient, en opposition avec nos devoirs et nos sentiments de citoyens, notre choix ne serait pas douteux. […] Ils étaient accusés d’avoir, faisant partie de la garde urbaine, aidé la force militaire à repousser des émeutiers massacreurs le 27 juin 1815, c’est-à-dire dans l’espèce d’interrègne qui avait suivi la nouvelle de la perte de Waterloo ; ils avaient rempli leur devoir de citoyens et avaient été appelés régulièrement à faire partie de la force publique : ce furent les émeutiers, le lendemain triomphants, qui se vengèrent, les dénoncèrent, et auxquels la Cour prévôtale donna raison par une fiction rétroactive : condamnés à mort, ils furent presque immédiatement exécutés, le même jour, de nuit, à la lueur des flambeaux. […] Mais ce qui était plus triste, s’il est possible, c’était le spectacle que donnait dans le même temps et dans la sphère politique la Chambre, produit de l’élection, et qui était si bien royaliste que Louis XVIII, dans un premier moment de satisfaction trop tôt déçue, l’avait nommée la Chambre introuvable : ce terme d’éloge ne larda pas à se tourner en amère ironie. […] Ses qualités se dégagèrent peu à peu et donnèrent confiance, une confiance qu’il ne tarda pas à justifier avec éclat.

2123. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Vous m’avez donné de si nobles idées de la vérité et de la vertu ! […] « Cher Deleyre, lui disait-il, sans être votre ami, j’ai de l’amitié pour vous. » Et moyennant cette distinction à demi bourrue, à demi obligeante, il lui donnait parfois de bons conseils ; un jour, par exemple, que Deleyre s’était refait journaliste et polémiste à l’étranger : « Cher Deleyre, lui écrivait Rousseau, défiez-vous de votre esprit satirique ; surtout apprenez à respecter la religion : l’humanité seule exige ce respect. […] Je donnerai ce préambule ; mais qu’on veuille bien distinguer et dégager la vérité de l’accent, sous ce qui nous semble aujourd’hui un peu déclamatoire et qui appartient au langage du siècle ; il n’est pas mal, d’ailleurs, de voir le sentiment des malheurs publics se mêler si intimement aux infortunes personnelles du rêveur ; les générations qui souffraient ainsi, et dont les âmes se soulevaient avec de tels gémissements sous toutes les sortes d’oppressions, méritaient de vivre assez pour assister et coopérer à la délivrance de 89. […] Je ne sais à quel degré de talent je pourrai m’élever dans mes ouvrages ; mais si la nature m’a donné une façon particulière de la voir et de la sentir, je tâcherai de la manifester franchement, sans autre poétique que celle de la nature, avec une douceur d’enfant et une violence de tourbillon. […] La différence des chiffres exprime assez bien la proportion de leurs sentiments mutuels : le disciple donnait dix fois plus au maître que le maître au disciple. — Il faut dire, aussi que beaucoup de lettres de Rousseau se sont perdues.

2124. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Elles paraissent enfin aujourd’hui, et, au lieu d’un seul volume, l’auteur, comme pour nous payer de l’arriéré, nous en donne deux ; et il y a joint encore un dernier volume de prose. […] Ordre fut donné par Napoléon d’écrire au ministre de l’intérieur qu’il accordait à Lebrun une pension de 6,000 francs. […] dit l’Empereur, qu’on lui donne la pension. » Elle fut seulement un peu réduite : le vieux Lebrun, du coup, eut et garda celle qu’une première méprise lui avait fait donner. […] l’aimeras-tu toujours Celui qui t’a donne les plus beaux de ses jours, Ses belles nuits, et tout lui-même ? […] Il avait dû à la protection de Français de Nantes un de ces postes qui alors n’obligeaient à rien (ou à bien peu), et qui se donnaient à des gens de lettres distingués auxquels on voulait faire des loisirs.

2125. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Sans donner aucune importance littéraire à cette statistique d’éditeur, rapprochons les quarante volumes qui enferment l’incessante et maintenant annuelle production de M.  […] Plus tard il m’a été donné de voir beaucoup d’affections de la peau à l’hôpital militaire de Besançon où mon père dirigeait un service. […] J’admets trois sources d’information : les livres, qui me donnent le passé ; les témoins, qui me fournissent, soit par des œuvres écrites, soit par la conversation, des documents sur ce qu’ils ont vu ou sur ce qu’ils savent, et enfin l’observation personnelle, directe, ce qu’on va voir, entendre ou sentir sur place. […] Il donnait déjà ses études biologiques pour une « séries d’expériences » formant « un long cours de physiologie morale ». […] Puis, sans se préoccuper de savoir à qui il s’adresse, il se pose en inventeur et se met à débiter avec emphase le boniment amphigourique d’une encre merveilleuse qui se décolore peu à peu et permet, au bout de huit jours, de considérer comme non avenues les promesses que l’on a solennellement signées ; il donne ensuite à sa femme une sorte de leçon allégorique, dans le genre de celle qu’Hamlet donne, devant la cour de Danemark, à la reine coupable du meurtre de son mari, et enfin, sans attendre de réponse, il salue et rentre rapidement dans sa chambre.

2126. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Dans les plus mémorables journées des luttes parlementaires, elle fait sentir sa domination : elle force les convictions qui résistent, elle fait reculer les haines qui menacent, elle donne même parfois d’éclatants triomphes à ceux qui étaient montés à la tribune suspects, accusés et déjà plus qu’à demi proscrits. […] D’abord, à mesure que l’on avance, les polémiques personnelles et les rivalités de parti y tiennent plus de place ; les passions qui se donnent cours sont intenses, mais communes et sans finesse ; le spectacle n’en est pas très nécessaire à notre éducation psychologique. […] Mirabeau y a donné complaisamment, et dans les théâtrales banalités dont la pauvre antiquité faisait les frais, la poussière de Marius, Catilina aux portes : c’était là que jadis on admirait le grand orateur. […] Mêlant Montesquieu, Voltaire et Rousseau, il rêvait une république aimable, qui donnât du bien-être et du plaisir, qui développât le luxe et les arts. […] Il se fit une forme courte, brusque, tendue, nerveuse, admirablement expressive et de sa nature réelle et de l’idée qu’il voulait donner de lui, admirablement adaptée à l’âme élémentaire des foules ou des armées.

2127. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Je voudrais seulement faire remarquer que de sens différents on a donné à ce mot de contingence et combien il serait utile de les distinguer. […] Cet énoncé devrait comprendre l’énumération de tous les antécédents en vertu desquels un conséquent donné pourra se produire. […] En revanche ce que nous pourrons constater c’est que, pour lui comme pour moi, la cerise et le coquelicot produisent la même sensation, puisqu’il donne le même nom aux sensations qu’il éprouve et que je fais de même. […] Non seulement nous ne pouvons deviner la réponse, mais si on nous la donnait, nous n’y pourrions rien comprendre ; je me demande même si nous comprenons bien la question. Quand donc une théorie scientifique prétend nous apprendre ce qu’est la chaleur, ou que l’électricité, ou que la vie, elle est condamnée d’avance ; tout ce qu’elle peut nous donner, ce n’est qu’une image grossière.

2128. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Sous la préciosité de ses gestes menus et son vernis aristocratique, il décelait cette timidité, cet effacement volontaire, cette souplesse prudente que donne aux fonctionnaires subalternes, l’habitude de la discipline ou la crainte d’être rabroués. […] Il y séjourna deux ans, de 1862 à 1864, vivant chichement des leçons de français qu’il donnait çà et là. […] Puis il me donna des vers à lire. […] L’excellence de sa leçon consistait en ceci, qu’il engageait les poètes à : 1º S’éblouir de leur foi ; 2º Donner un sens plus pur aux mots de la tribu. […] Sans doute, ce n’est pas la première fois qu’on essaye de nous donner une interprétation de Mallarmé.

2129. (1886) De la littérature comparée

Jamais, je crois, enseignement plus littéraire de la littérature n’a été donné par personne. […] N’est-ce pas grâce à la forme prestigieuse que les poètes ont su leur donner, que la plupart des idées se sont imposées à notre conscience ? […] Taine peut dire : « La question posée en ce moment est celle-ci : étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui le produit ? […] Les différences sont si profondes, le revirement est si complet, que les trécentistes et leurs successeurs ont vraiment pu avoir l’illusion qu’ils tiraient le monde de l’obscurité et lui donnaient la lumière. […] Nous avons vu douze générations de penseurs se morfondre sur un problème insoluble, des sculpteurs s’acharner à donner à la pierre la forme de leurs rêves, des peintres incarner dans des corps à peine matériels leur vision intérieure, des poètes courir éperdus dans les régions surnaturelles.

2130. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Quoi qu’il en soit, son récit, d’autant moins ambitieux qu’il ne le donnait qu’à titre de matériaux, est resté l’histoire définitive de ce temps, un monument de naïveté, de vérité et de finesse ; l’histoire politique en France date de là. […] Tant il est vrai que « les choses ne tiennent pas aux champs comme elles sont ordonnées en chambre », et que le sens d’un seul homme ne saurait prétendre donner ordre à un si grand nombre de gens ! […] Commynes se tint tout ce jour avec lui, « ayant moins de crainte, dit-il, qu’il n’en eut jamais en lieu où il se trouvât depuis » ; et il en donne la raison, de peur qu’on ne s’y méprenne : c’est qu’il était jeune et n’avait nulle connaissance du péril. […] Il dut avoir plus d’une fois à se plaindre de lui ; on raconte l’histoire d’une botte armée d’éperon dont le duc lui donna un jour à travers le visage, sans doute en remercîment de quelque bon conseil. […] Ces incomparables détails, donnés par Commynes, témoin assidu, et qui ne quittait pas sa chambre, font de cette partie de son histoire le plus éloquent tableau de misère royale et humaine.

2131. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Votre interruption nous a fait perdre dix lignes. » Il regardait comme perdu tout le temps qui n’était pas donné à l’étude. […] Cette mort, qui se confond avec la catastrophe du Vésuve, lui a donné dans la postérité l’air d’un observateur opiniâtre, et d’un martyr généreux de la science. […] Il est de grands esprits qui exagèrent peut-être les difficultés et qui créent les contradictions au sein d’eux-mêmes, pour se donner ensuite le tourment et le triomphe de les dénouer. […] Tout ceci n’est et ne peut être de ma part qu’une impression littéraire et morale ; c’est la seule que j’aie le droit d’apporter en ces doctes sujets ; mais je la donne telle qu’elle résulterait pour moi, rien que de la lecture du livre sur l’Homme. […] Son oncle aussi avait oublié cette plante-là dans l’encyclopédie si complète qu’il a donnée des choses de la nature.

2132. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

La diversité de ses ouvrages et de sa conduite, la politique où elle a trempé, les satires, les accusations perfides qui l’ont poursuivie et qu’elle s’est peut-être plus d’une fois permises à son tour, n’ont pas contribué, même de son vivant, à lui donner une physionomie bien distincte pour ceux qui ne la voyaient pas de très près. […] Dès l’âge de sept ans, ayant avisé, d’une terrasse voisine de sa chambre, de petits paysans qui venaient couper des joncs près d’un étang, elle imagina de leur donner des leçons et de leur enseigner ce qu’elle savait, le catéchisme, quelques vers des mauvaises tragédies d’une Mlle Barbier, et de la musique. Du haut de sa terrasse comme d’un balcon, elle leur donnait ses leçons le plus gravement du monde. […] Elle pratique dans le village la médecine du peuple, le livre de Tissot à la main, et elle a dans l’autre main une lancette pour saigner tout paysan qui se présente : comme elle leur donnait trente sous après chaque saignée, il s’en présentait beaucoup. […] Un autre inconvénient encore, c’est de ne pas laisser aux jeunes esprits qui en sont le sujet un seul quart d’heure pour rêver, pour se développer en liberté, pour donner jour à une idée originale ou à une fleur naturelle qui voudrait naître.

2133. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Un des premiers livres qu’il lui donna à lire pour le consoler de l’ennui du syllogisme, fut le Discours de la méthode de Descartes. […] Cabanis lui dit un jour : « Vous voulez publier un ouvrage de morale, un ouvrage sérieux ; commencez plutôt par donner un roman. […] Droz avait composé des ouvrages dignes d’estime ; « mais les sujets qu’il avait traités ne lui avaient pas donné l’occasion de nous montrer des études aussi profondes, des vues si élevées, un jugement si ferme, un sens politique si exquis et si juste ». […] Elle le mit aux prises avec la réalité tout entière ; il y garda ses qualités pures, claires, limpides ; il y développa l’expression d’une probité plus mâle, et, dans cet ouvrage final et si longtemps médité, il put donner enfin toute sa mesure. […] Lucas-Montigny, semblaient avoir tout donné ; M. 

2134. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

La curiosité de ces bureaux était le cabinet de Villedeuil où le directeur du journal avait utilisé la tenture, les rideaux de velours noir à crépines d’argent de son salon de la rue de Tournon, où se donnaient, un moment, toutes bougies éteintes, des punchs macabres. […] Donnons le paragraphe incriminé : « Dans cette boutique, ci-gît le plus beau corps de Paris. […] » En ce moment, il eût donné sa voiture avec son cocher et ses chevaux pour être poursuivi. […] Millet s’approche d’eux, fait la bête, demande si une faux ça coupe bien, et si c’est difficile de faire ce qu’ils font, puis prend la faux, et la lançant à toute volée, donne une leçon aux paysans éplafourdis. […] J’ai donné l’article en son entier dans Pages retrouvées, volume publié, l’année dernière, chez Charpentier.

2135. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

C’est ainsi que la lecture, si elle exige l’habitude de l’examen de conscience, par contre-coup aussi nous la donne. […] On voudrait le plus souvent que ces livres-ci fussent placés par les auteurs en terre étrangère et donnés comme des relations de voyage. […] On voudrait encore que l’auteur nous donnât sa parole d’honneur que le fait est vrai et que les caractères sont vrais, auquel cas on lirait ces livres comme des livres scientifiques rapportant des observations toutes nouvelles et tout étranges et plus intéressants que tous les autres en effet, car ce n’est point un cas classique de fièvre muqueuse qui intéressera un médecin ; mais la parole d’honneur du romancier n’est point de ces choses qui nous puissent mettre en pleine assurance. […] Il trouve souvent que son auteur n’est pas assez noir, et il lui donnerait des conseils dans le sens d’une plus grande sévérité et des avis très vigoureux sur la bassesse humaine. […] Le romanesque est un être très aimable qui nous donne bien des satisfactions : celle d’abord de l’aimer ; celle ensuite de l’admirer un peu comme un noble exemplaire en somme de l’humanité ; celle ensuite de ne pas le craindre, encore qu’il ne fallût pas, à cet égard, avoir une pleine confiance ; celle enfin de lui donner ces fameux conseils de bon sens, de prudence, de sagesse pratique, qu’à donner nous nous épanouissons, nous nous élargissons, nous nous enorgueillissons et qui comblent de plaisir, de pleine satisfaction, de joie intime et profonde, du sentiment de la supériorité indulgente et bienfaisante, ceux de qui ils partent.

2136. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Philosophiquement, la donnée de l’ouvrage est, sinon radicalement fausse, au moins excessivement risquée. […] Mais, la réserve faite à ce qu’il y a de trop rigoureux et de chimérique dans sa donnée, le livre étincelle de beautés ! […] Mais c’est d’une puissance humaine qui en fait quelque chose d’à part, — puisque ce n’est pas religieux comme nous entendons qu’on doive l’être, — quelque chose d’inouï, qui pourrait s’appeler, pour donner une idée des trésors de fortitude et de consolation déposés en ces pages : Imitation de Jésus-Christ, pour ceux qui ne croient plus, hélas ! […] Le livre que nous donne Ratisbonne sous le titre de Journal d’un Poète 4 est bien autrement intime, sincère, pensé, vécu, et saigné aussi, — car l’homme y souffre, — que ne pourrait l’être jamais un récit de Mémoires, toujours plus ou moins attifé. […]  » VIII Mais ce n’est là encore que la moitié de cette physionomie morale que le livre de Ratisbonne nous donne intégrale.

2137. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

L’Amazone et l’Indus, les Andes et le Caucase ne peuvent rien nous donner de plus29 ». […] Je comprends que l’audace juvénile de ces artistes, la nouveauté de leurs moyens d’exécution, leur sincère ardeur, la nouveauté et l’élévation des sujets auxquels ils s’attachèrent, la fraîcheur du coloris de quelques-uns d’entre eux vis-à-vis du morne poncif académique, aient pu faire illusion et donner l’espoir d’une vigoureuse renaissance. […] Le peintre a donné à son modèle l’attitude d’un rêveur maladif ; il lui a donné son âme, en un mot. Je n’y trouve ni la robustesse, ni la rudesse ni l’incomparable énergie dont la photographie me donne la sensation. […] Comment peut-on admettre qu’un artiste donne à tous ses modèles des faces et des attitudes de « vaincus » ?

2138. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Un vieux magistrat de province, sceptique, positif, et qui donnerait pour une poularde l’infini, le fini et leur rapport, m’a répété que tout le monde était sous le charme. « Quand ce diable d’homme nous disait : « Voyez-vous ?  […] Ce que je lisais, ce que j’entendais de philosophie, n’avait d’autre effet que de me donner matière à penser, à chercher. […] Il ne vous est pas donné, comme à nous, de contempler l’autre avec ses aspects mélancoliques, le pâle soleil qui l’éclaire, et le rivage glacé qui la termine. […] L’amour du vrai avec la force de prouver donne le courage d’être sincère. […] L’habitude de professer donne une attitude solennelle, et rien de plus solennel que les termes abstraits.

2139. (1894) Critique de combat

Lemaître nous ait donné le droit d’espérer davantage ? […] Une impulsion est donnée. […] On a donné son nom à l’un des théorèmes fondamentaux de cette science. […] Elle le salue, lui dit quelques mots, reçoit un bouquet que l’empereur lui donne et disparaît. […] L’ouvrage se donne pour un livre de classe, impartial et anodin.

2140. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Tout dépendrait de vous, j’en suis sûr ; on ne refuse rien à une sposa qui donne son cœur en échange d’un morceau de terre sur la montagne. […] Voyons, pensez un peu ; je vous donne pour réfléchir le temps que l’ombre de cette branche mettra à se replier jusqu’à ses racines. […] — Moi, monsieur, donner Fior d’Aliza pour quoi que ce soit, même pour ma pauvre vie en ce bas-monde ! […] Et quant à toi, petite couleuvre aux écailles luisantes, dis adieu à ton trou dans les racines du châtaignier, tu n’y resteras pas longtemps ; les religieuses de la maison des novices ne tarderont pas à t’envoyer prendre pour te donner une éducation moins sauvage. […] disaient-ils, ça donne envie de pleurer au commencement, et ça fait presque rire à la fin ; c’est un air d’enfants qui ne peuvent pas tenir leur sérieux jusqu’au bout, mais dont le sourire se mêle aux larmes comme le rayon de soleil à la pluie du matin.

2141. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Voilà des genres de poésies dans lesquels trois grands hommes ont donné à la France une incontestable supériorité, et nous admirons sincèrement l’orgueil ou l’humilité de ceux de nos auteurs qui continuent à s’y exercer. […] Il faut considérer aussi que les belles proportions et la régularité imposées à notre tragédie par les auteurs de Cinna et d’Andromaque lui donnent une physionomie à part, au milieu des littératures contemporaines. […] Les continuateurs français nous donnent tout juste, en moindre qualité, ce que nous avions depuis longtemps, en immortels chefs-d’œuvre. […] Avec les chefs-d’œuvre de son magnifique répertoire, secourus des chefs-d’œuvre de Shakespeare, avec l’ensemble satisfaisant qu’elle peut encore donner à ses représentations, avec la sollicitude éclairée de M.  […] Cet abbé, avec tout son esprit et tout son talent, a singulièrement appauvri la langue poétique, en croyant l’enrichir, parce qu’il nous donne toujours la périphrase à la place du mot propre.

2142. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Cet axiome nous donnera les trois principes de la nouvelle science23. […] Le même axiome nous montre que les philosophes sont restés à moitié chemin en négligeant de donner à leurs raisonnements une certitude tirée de l’autorité des philologues ; que les philologues sont tombés dans la même faute, puisqu’ils ont négligé de donner aux faits le caractère de vérité qu’ils auraient tiré des raisonnements philosophiques. […] Les Grecs, craignant de trouver les dieux aussi contraires à leurs vœux, qu’ils devaient l’être à leurs mœurs, attribuèrent ces mœurs aux dieux eux-mêmes, et donnèrent souvent aux fables un sens honteux et obscène. […] Le pyrrhonisme détruit l’humanité, parce qu’il ne donne point l’unité. […] Ce passage prématuré de la barbarie aux sciences les plus subtiles, a donné à la langue française une délicatesse supérieure à celle de toutes les langues vivantes ; c’est elle qui reproduit le mieux l’atticisme des Grecs.

2143. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Palamas a donné un grand nombre d’ouvrages. […] Donnez-moi un baiser pour qu’il guérisse. […] Si vous perdez, donnez-moi ce que vous voudrez. […] Ne m’avez-vous point donné cet anneau ? […] Je vous donne mille doubles d’or sur ma cassette.

2144. (1929) La société des grands esprits

Gosse donne Pater pour soumis à l’influence française. […] Mais elle nous donne encore le frisson du sublime. […] À tous égards, Victor Brochard a été un maître et n’a donné que de grands exemples. […] Viollet-le-Duc et Courajod ont donné dans ce travers. […] On se demande, du reste, pourquoi Pascal se donne tant de peine, puisqu’il répète sans cesse que la grâce seule peut donner la foi.

2145. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Vers ce temps, le seigneur et les nobles du pays, pour récompenser les services de Patin le père d’une manière qui ne leur coûtât rien, lui voulurent donner un bénéfice pour son fils ; mais le jeune homme refusa tout plat, déclarant qu’il ne serait jamais prêtre. […] C’est un épisode de la vie de Gui Patin qui mériterait un éclaircissement dans une bonne édition de ses lettres ; j’en donnerai ici un aperçu. […] Et n’était que je ne veux pas engager, comme ils font trop légèrement, les oracles de sa bouche sacrée, je pourrais ici rapporter le blâme qu’Elle donna à leur procédé. […] On devait cette fois non seulement donner des avis, mais fournir des médicaments et remèdes gratis, selon les petits moyens de la Faculté. […] J’ai à peine, dans tout ce qui précède, donne idée de Gui Patin, qui n’est nullement un homme tout d’une pièce ni un esprit d’une seule venue.

2146. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Mais, comme il ne fallait point non plus surcharger l’esprit des enfants, il en résultait qu’en enseignant trois ordres de sciences à la fois, il y avait à réduire la dose de chacune, à ne la donner pour ainsi dire que par couches très minces. […] Une fois, Roederer proposait au choix du premier consul, sur une liste d’inspecteurs des études, le chevalier de Boufflers ; le premier consul l’arrêta à ce nom et lui dit : « Comment voulez-vous donner pour inspecteur aux lycées l’auteur de poésies si libres et si connues ? […] Ces paroles, même décousues, et que j’extrais de conversations très suivies, suffisent à donner la force du jet, à faire sentir la note et l’accent. […] À partir de cette époque, il voyait comme une double lutte se poursuivre entre deux sortes de sociétés rivales et incompatibles, entre la société ingénieuse et décente dont Anne de Bretagne avait donné l’idée, et la société licencieuse dont les maîtresses de roi, les duchesse d’Étampes, les Diane de Poitiers, favorisaient le triomphe. […] Roederer a donné son Mémoire, combien d’écrivains n’ont-ils pas recommencé l’histoire de l’hôtel de Rambouillet ou de quelques-unes des héroïnes qui y figurent !

2147. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Plus d’un siècle après, Boileau lui faisait l’honneur de commencer par lui l’histoire, nécessairement très écourtée, qu’il donnait de notre ancienne poésie. […] Une vie exacte de Villon ne saurait se refaire ; on n’a sur lui aucun témoignage contemporain qui donne rien de précis, et l’on est à peu près réduit à ce qu’on peut apprendre de lui-même dans ses œuvres. […] Ses espiègleries, qui nous sont racontées dans Les Repues franches, ne peuvent nous donner que du dégoût : Ne soyons pourtant pas trop sévères, nous dit M.  […] Tant qu’on ne produira pas un exemple ancien de cette façon de réplique qui donne ici tout l’agrément, et qui a surtout son à-propos quand il s’agit de femmes et de beautés célèbres, Villon reste en possession de son titre ; il garde en propre son plus beau fleuron. […] Félix Clément, qui, après avoir donné les textes en 1854, en a publié une traduction en 1857 (Gaume frères).

2148. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il y avait des fâcheux qu’il avait donné ordre de ne recevoir qu’à leur seconde visite, d’autres à leur troisième, d’autres à leur quatrième, etc. ; ils étaient échelonnés et numérotés, selon le degré d’inutilité ou d’ennui. […] Je continue de donner idée de l’homme sans fausse révérence et dans le ton qui peut nous le rendre le plus au vrai. […] Juge, il était l’âme des procès, des commissions ; ses talents d’éminent magistrat se déclarèrent ; dans les difficultés, il prenait sur lui la responsabilité du premier avis, qu’il donnait toujours excellent. […] Il se garda bien de donner dans aucune de ces théories absolues, de ces professions de foi excessives, qui ne servent qu’un jour et qu’une heure, et qui embarrassent dans toute la suite de la vie publique. […] Ainsi, quand il a donné en conscience et très au long toutes les preuves qu’il y a eu Terreur blanche dans le Midi, il se dédit et ne veut pas qu’on dise la Terreur de 1815 ; il appelle cela de l’emphase.

2149. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Il console de toutes les misères et donne des ailes à la pauvreté, qui s’élève ainsi au-dessus du riche dédaigneux. » « (Le 26 octobre, à midi. — 1840, Bruxelles)… Je comptais travailler ici dans la solitude ; mais elle ressemble à celle où je voudrais m’enfermer à Paris. […] Rien ne peut à Paris donner l’idée de ces solennités qui émeuvent ici la terre et les airs. […] Ces églises ont tellement le caractère de l’Italie, que je donnerais tout au monde pour que vous les vissiez. […] Par ses éclipses et par ses absences muettes, il donnait du souci aux deux amies, et Mme Valmore y prenait doublement part à cause de sa sympathie pour la tendre Pauline Duchambge. […] En extrayant cette douloureuse correspondance, je me suis souvent rappelé celle d’une autre femme-poète, et dont il a été donné au public des volumes exquis, celle de Mlle Eugénie de Guérin.

2150. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Au reste, homme du monde, et très-semblable à ce que les lecteurs pourront voir dans Arthur, le travail et l’idée de la gloire ne furent que des éclairs dans une vie donnée plutôt aux sentiments et aux émotions. […] L’auteur, qui ne se montre pas seulement ici un homme sentimental, comme il l’était dans ses élégies, mais qui sait le monde, qui a le ton de la raillerie, l’aperçu exquis des ridicules, des travers, des médisances, et tout ce bon goût rapide et chatouilleux que donne, hélas ! […] Je donne au long un seul de ces chapitres affectueux : un des derniers jours d’octobre. […] je mourrai de douceur si vous ne modérez ma joie. » Mais eux disaient cela après avoir bu de l’eau du désert et mangé des racines ; il est vrai que c’était aussi après avoir prié. — Nourriture céleste et abondante qui donne à tout une exquise saveur !  […] Jusque-là, il ne se donnera point de trêve : ce sera l’occupation et l’entretien de tous ses moments.

2151. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

A cette quantité d’autres écrits de circonstance et de combat, une idée morale, une apparence de patriotisme, un drapeau donnait une sorte de noblesse et recouvrait aux yeux du public, aux yeux des auteurs et compilateurs eux-mêmes, le mobile plus secret. […] Diderot, nécessiteux, donnait son travail plus volontiers qu’il ne le vendait. […] Pour se les attacher on a, par exemple, l’appât des primes : aussitôt une pièce de l’un d’eux lue et reçue, une somme est donnée, cinq mille francs, je crois, si la pièce a cinq actes. […] Les plus empressés à se donner pour tels ne sont pas les plus dignes. […] Je ne puis m’ôter de la pensée que le spirituel académicien n’avait accepté cette charge que pour avoir occasion, avec ce bon goût qui ne l’abandonne jamais et avec ce courage d’esprit dont il a donné tant de preuves dans toutes les circonstances décisives, de rappeler et de maintenir devant cette démocratie littéraire les vrais principes de l’indépendance et du goût.

2152. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Jeune, on rêve la gloire littéraire sous une forme plus brillante, plus idéale, plus poétique ; on tente l’arène lyrique ou la scène, on se propose tout bas ce qui donne le triomphe au Capitole et le vrai laurier. […] Qu’ils réussissent dans l’art et dans la poésie, s’ils le peuvent ; tous nos vœux les accompagnent ; mais il y a sur ce point peu de conseils à donner. […] Sa plume acérée a donné à ce qu’on appelle la littérature de l’Empire, bon nombre de ses plus cruelles blessures. […] La publication de ces deux volumes et le soin qu’il y a donné nous sont garants de ce que nous espérons. […] Magnin à donner une traduction complète du Théâtre de cette abbesse, avec texte, introduction, notes, le tout d’un soin et d’un goût accomplis (1845).

2153. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Pourtant il devint amoureux ; et, sans admettre ici l’anecdote invraisemblable racontée par Fontenelle, et surtout sa conclusion spirituellement ridicule, que c’est à cet amour qu’on doit le grand Corneille, il est certain, de l’aveu même de notre auteur, que cette première passion lui donna l’éveil et lui apprit à rimer. […] Simple, candide, embarrassé et timide en paroles ; assez gauche, mais fort sincère et respectueux en amour, Corneille adore une femme auprès de laquelle il échoue, et qui, après lui avoir donné quelque espoir, en épouse un autre. […] Là, sans que mes amis prêchent leurs sentiments, J’arrache quelquefois des applaudissements ; Là, content du succès que le mérite donne, Par d’illustres avis je n’éblouis personne. […] La forme dramatique de Corneille n’a point la liberté de fantaisie que se sont donnée Lope de Vega et Shakspeare, ni la sévérité exactement régulière à laquelle Racine s’est assujetti. […] Ses Discours et ses Examens nous donnent sur ce sujet mille détails, où se révèlent les coins les plus cachés de l’esprit du grand Corneille.

2154. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Liée avec Mme de Staël, avec Chateaubriand, qui venait de donner Atala, no négligeant point pour cela son vieil ami Saint-Pierre, accueillant les poëtes et n’oubliant pas les journalistes, elle dresse ses batteries pour atteindre du premier coup à un grand succès. […] Eynard (qu’il y prenne garde) ouvre, sur l’intérieur de Mme de Krüdner, tout un jour profond qu’il suffit de prolonger désormais pour donner raison à plus d’un sceptique. […] « Les gens médiocres craignent l’exaltation, parce qu’on leur a dit qu’elle pouvait avoir des suites nuisibles ; cependant c’est une maladie qu’on ne peut pas leur donner. […] Voici, j’imagine, à peu près comme il raisonnerait, et j’emprunterai le plus que je pourrai les paroles mêmes des maîtres : « Les dames galantes qui se donnent à Dieu lui donnent ordinairement une âme inutile qui cherche de l’occupation, et leur dévotion se peut nommer une passion nouvelle, où un cœur tendre, qui croit être repentant, ne fait que changer d’objet à son amour194. […] L’art du bonheur dans la dévotion est de se donner une dernière illusion plus longue que la vie, et dont on ne puisse se détromper avant la mort.

2155. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Ses lettres ne déguisaient pas la hardiesse des conseils que Fénelon donnait à la femme qui conseillait à son tour le roi, il l’encourageait même à régner. […] L’évêque de Genève, qui connaissait le nom, l’esprit, la fortune, la piété célèbre déjà de la jeune veuve, s’était empressé de donner à madame Guyon la direction, à Gex, d’un couvent de jeunes filles converties, par ses soins, du schisme de Calvin. […] Fénelon se donne aux malheureux ; il fait mieux que les secourir et les soigner, il vit avec eux. […] Ce spectacle affligeant est donné au monde pour montrer aux hommes éblouis combien les princes, si grands en apparence, sont petits en réalité. […] XXXVIII Mais il n’était pas donné à un seul homme de devancer un peuple.

2156. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Mais dogmatique ou non, la critique, quelles que soient ses prétentions, ne va jamais qu’à définir l’impression que fait sur nous, à un moment donné, telle oeuvre d’art où l’écrivain a lui-même noté l’impression qu’il recevait du monde à une certaine heure. […] Anatole France me donnent ce plaisir ; et c’est en relisant le Crime de Sylvestre Bonnard et le Livre de mon ami que me sont venues ces réflexions — que je donne pour ce qu’elles valent, car elles sont justes sans l’être et je sens très bien tout ce que j’y néglige. […] Bonnard au petit marchand d’almanachs qui lui offre la Clef des songes ; mais ces songes et mille autres encore, joyeux ou tragiques, se résument en un seul : le songe de la vie, et votre petit livre jaune me donnera-t-il la clef de celui-là ? […] Sois bénie pour le don que tu mis sur mon berceau en t’y penchant seulement ; sois bénie pour m’avoir révélé, quand je naissais à peine à la pensée, les tourments délicieux que la beauté donne aux âmes avides de la comprendre ; sois bénie par celui qui fut l’enfant que tu soulevas de terre pour chercher la couleur de ses yeux ! […] C’est à lui que tu donnas le plus, ô généreuse femme !

2157. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il donne très bien les raisons de cette décadence, de ce rabaissement graduel des lettres, qui consiste précisément dans leur vulgarisation plus facile et leur diffusion plus élémentaire. […] Je ne sais si ce n’est point la grande réputation de science où vous êtes qui me donne cette idée, ou si c’est qu’en effet ces hommes illustres étaient faits comme vous. […] Huet, dans les jolis Mémoires trop peu connus qu’il a écrits en latin sur sa vie, confesse qu’à ce moment de sa jeunesse il donna dans les dissipations et les élégances, qu’il recherchait les cercles des gens du monde et surtout des femmes, et que, pour leur plaire, il ne négligeait ni la mise, ni les petits soins, ni les petits vers. […] Il faudrait, pour donner idée de ces gaietés de Huet, citer plus de latin que je n’en puis mettre ici, car Huet achève souvent en latin une phrase commencée en français14, et il assaisonne le tout de mots grecs. […] Mais l’humanité aime mieux se débarrasser et jeter à l’eau de temps en temps une bonne partie de son bagage ; elle aime mieux oublier, sauf à se donner la peine ou plutôt le plaisir de réinventer, de refaire et de redire, dût-elle redire et refaire moins bien ; mais elle veut, avant tout, avoir à exercer son activité.

2158. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Opposant l’édition des Pensées de Pascal, d’après Condorcet, à celle que donnèrent, dans le temps, les amis de Pascal lui-même, M.  […] C’est d’Alembert, son intime ami, qui lui avait donné ce surnom, en voyant sa colère désordonnée contre M.  […] Cette terrasse, qui peut donner accès à l’insurrection populaire et à l’invasion des Tuileries, lui est très chère, et il applaudit au décret de l’Assemblée qui porte que l’accès en sera ouvert au peuple (29 juillet 1792). […] Condorcet eut à se justifier plus tard de ces éloges donnés à M. de Narbonne, et on allégua comme excuse qu’il les avait signés sans qu’ils fussent de lui (6 septembre 1792). […] De telles orgies de rationalisme amènent à leur suite des réactions en sens contraire, et Condorcet donne beau jeu, le lendemain, aux Bonald et aux de Maistre.

2159. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

 » Dans ses Mémoires il s’étend avec plus de détail, et il nous fait de Mlle Curchod le portrait le plus flatteur et le plus fidèle à cette date : Son père, dit-il, dans la solitude d’un village isolé, s’appliqua à donner une éducation libérale et même savante à sa fille unique. […] Une éducation vertueuse et des études solitaires lui avaient donné tout ce que la culture peut ajouter dans l’âme à un excellent naturel. […] Aussi elles étonnent avant tout et ne donnent pas de lumière. […] Veille, grand Dieu, sur l’ami, sur l’unique ami qui recevra nos derniers soupirs, qui fermera nos yeux et ne craindra pas de donner un baiser d’adieu sur des lèvres flétries par la mort ! […] Mme Necker avait donné son chant du cygne ; elle mourut en mai 1794, dans une habitation près de Lausanne ; elle n’avait que cinquante-quatre ans.

2160. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Mais ce qui a donné à ce livre, qui n’est aujourd’hui qu’ennuyeux, sa réputation et son attrait auprès de quelques esprits, ce sont les derniers chapitres où, dans une assemblée générale des peuples, s’agite et se plaide contradictoirement la cause des diverses croyances religieuses. […] Mais cet homme, en réalité très peu classique, et qui est déjà de la société industrielle future, donne un peu dans son exagération habituelle quand il ajoute : « Ah ! […] Dans l’an III, au contraire (en 1795), lorsque je m’embarquais au Havre, c’était avec le dégoût et l’indifférence que donnent le spectacle et l’expérience de l’injustice et de la persécution. […] Pour parler de ces choses en toute précision, il nous faudrait des détails biographiques qui n’ont point été donnés. […] Volney se propose toujours ce but en écrivant, et ce but donne de l’intérêt à ce qu’il écrit.

2161. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Donnez un coup d’œil à votre droite, et vous me direz ce que vous pensez du lointain et du paysage. […] Il y avait longtemps qu’ils souffraient sous ce fléau, lorsqu’une troupe de ces oisifs du village de Passy, leurs voisins, s’adressèrent à nos agriculteurs, et leur dirent : donnez-nous ce que les brigands du Gros-Caillou vous prennent, et nous vous défendrons. […] Il vint avec le temps une seconde horde d’oisifs de Passy qui dirent aux agriculteurs de Chaillot : vos travaux sont pénibles, nous savons jouer de la flûte et danser, donnez-nous quelque chose, et nous vous amuserons ; vos journées vous en paraîtront moins longues et moins dures. […] Quant à l’action, elle est tout à fait équivoque : est-ce la vieille qui apporte une lettre ou à qui l’on donne une lettre à porter ? […] Comment leur donner la aindre noblesse, la moindre grandeur !

2162. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Nisard, de ce faux puritain auquel tout le monde a été trompé et que je vous donne, moi, après l’avoir lu, — et avec quel plaisir !  […] Trelawney, trempé et carabiné comme un tromblon d’abordage, était pour Byron une fière expression de cette force qu’il adorait, et voilà pourquoi Byron vécut avec lui comme avec le lion de Janina, si Ali pacha le lui eût donné. […] En Angleterre, où l’on souffre les distinctions et où la beauté de Byron passa sans révolter personne, ce sentiment d’envie n’a pas donné le succès sur lequel on comptait et qu’il aurait donné en France, par exemple, dans ce pays de l’égalité, ou être plus beau que les autres est contraire à la loi et au sentiment public. […] pour accuser d’avarice le Byron qui a donné à pur don ses lettres et ses Mémoires à Thomas Moore, et les restes de sa fortune, les dernières gouttes du sang de sa fortune comme les dernières gouttes du sang de ses veines, à la cause des Grecs. […] Mais avec ses vapeurs, ses spasmes et son épilepsie, le Byron qu’il nous donne n’est plus qu’un Byron d’hôpital.

2163. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Rome se charge elle-même de le détromper chaque jour davantage, de lui prouver combien grossière avait été son erreur d’avoir voulu donner comme base à l’avenir, le vieux passé d’erreur et de mensonge. […] Il y a là toute l’âpre révélation de ce que peut contenir un cœur d’homme dont l’Église s’est d’abord emparée, qui s’est donné tout entier à elle comme à la vérité suprême de ce monde, et qui peu à peu reconnaît son erreur, touche du doigt le mensonge surgissant de toute part sous l’apparente vérité, qui enfin, après s’être déchiré aux parois de la tombe où il s’est enseveli, s’en évade. […] Pour suppléer à l’absence de pensée, on lui donne la foi, c’est-à-dire l’obligation de croire aveuglément tout ce que le séminaire enseigne comme étant la vérité. […] Le prêtre, qui se donne la mission d’enseigner sans connaître, n’est en réalité qu’un ignorant vis-à-vis de l’ensemble des hommes qui ont vécu et connu. […] Et, d’ailleurs, comment auraient-ils pu ne pas commettre cette confusion, étant donnée la métaphysique chrétienne ?

2164. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Cela seul lui donnerait la mesure de notre intelligence. […] Ils ont donné la préférence aux mots sur les faits. […] L’expérience borne la carrière qu’elle nous ouvre ; elle nous a donné notre but ; elle nous donne aussi nos limites. […] On ne passe pas, en les découvrant, d’une donnée à une donnée différente, mais de la même à la même, du tout à la partie, du composé aux composants. […] On réduit une donnée infiniment complexe à deux éléments.

2165. (1886) Le naturalisme

Cependant, Sue était plus artiste que Dumas ; il donna plus de relief à ses créations. […] Ces audaces donnent parfois les plus heureux résultats. […] Comme artiste, il donna une autre raison bien plus puissante. […] Zola mûrissait une idée qui devait lui donner la gloire et la fortune. […] Il lui reste ce que ne lui peuvent donner toutes les sciences réunies.

2166. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Mais, dès son retour, ayant mission formelle pour agir, elle répond de ses œuvres, et, dans les déterminations qu’elle fait prendre, donne la vraie mesure de ses intentions et de ses talents. […] « La reine, écrivit ce jour-là madame des Ursins, a fort goûté toutes les règles de Saint-Cyr ; nos dames veulent les avoir, et je les fais traduire en espagnol pour leur donner cette satisfaction. […] Fidèle à la famille d’Espagne au risque de déplaire à Louis XIV, madame des Ursins déclare son dessein de se retirer, plutôt que de donner au roi Philippe un conseil incompatible avec sa gloire. […] Elle n’instruisit qu’au dernier moment la cour de France et madame de Maintenon ; l’excuse qu’elle donne à cette dernière est bien trouvée.

2167. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Il y a une quinzaine d’années environ qu’un critique aussi instruit que spirituel, chargé, dans le Journal de l’Empire, d’examiner les traductions nouvelles qui paraissaient alors en foule, s’avisa un matin, comme par boutade et pour couper court à sa tâche, de signifier nettement que les grands écrivains de l’antiquité étaient et seraient à jamais intraduisibles, et qu’il y avait bien de la simplicité à se donner sérieusement le soin Ingrat de les reproduire. […] Ce dernier même, qui donne, en apparence, à la théorie de Dussault, un si superbe démenti, nous saura quelque gré peut-être de montrer que cette théorie au fond ne contrarie nullement l’hommage dû au plus digne interprète de Tacite, et que, puisqu’elle put s’accommoder autrefois avec le Pline de M.  […] La perfection du genre consiste donc à atteindre ce degré extrême de l’approximation, à ôter ainsi aux traducteurs à venir l’espoir raisonnable d’aller au-delà, et à donner dans une langue moderne le dernier mot sur un grand écrivain de l’antiquité. […] Nous n’énumérerons pas ici tant d’infructueux essais de traductions, depuis le président Claude Fauchet, qui donna en 1582 une version complète, critiquée dès son apparition par Étienne Pasquier, jusqu’au janséniste La Bletterie, qui fit parler son auteur, dit Voltaire, en bourgeois du Marais.

2168. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

On pense que ce négligé volontaire donnera l’air naturel au style. […] Mais il est des natures sobres, réservées, qui ne peuvent pas ouvrir leur intime pensée et qui aiment en silence, toutes concentrées dans leur profondeur : que ceux-là ne se donnent pas une forme de sensibilité qui ne pourrait être en eux qu’un mensonge. […] Enfin je ne sais si, au xviie  siècle, les habitudes religieuses, le souci de la perfection intérieure, l’obligation de déclarer ses fautes, entretenant dans l’âme une inquiétude qui la ramenait sans cesse en elle-même, ne contribuaient pas fortement à donner à l’esprit une vue nette et fine des faits moraux et le don de les exprimer aisément avec précision. […] Aussi quand on avait à écrire, comme lorsqu’on parlait, on y allait de tout son cœur et de tout son esprit ; on faisait donner toutes ses forces, et par cet élan vigoureux et spontané, on trouvait naturellement les mots qui représentaient les choses.

2169. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Il reste dans la conjugaison des traces de l’usage du moyen âge : le latin nous donne sa proposition infinitive, qu’on trouve, il est vrai, déjà acclimatée dans Commynes et dans Marot, mais qui devient alors tout à fait commune : il nous donne aussi toutes les constructions du relatif, soit éloigné de son antécédent, soit dépendant d’un participe ou d’un infinitif, et non d’un mode personnel du verbe. […] Pour écarter les inégalités imputables à l’individualité, regardons les deux traductions que Calvin donne de son Institution en 1541 et en 1560, et voyons comment en moins de vingt ans, par le seul usage, la langue s’est filtrée et clarifiée. […] Il les rendra plus denses, en leur retranchant du volume : il donnera une structure artistique à la masse inorganique du vers et de la phrase.

2170. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Ils lui apprirent surtout à donner un relief vigoureux aux idées comiques ; ces incidents variés à l’infini, ces situations singulières, ces jeux de théâtre, ces pantomimes expressives, jusqu’à ces lazzi que les Italiens multipliaient et prodiguaient souvent sans autre but que l’action elle-même, Molière les employa avec réflexion. […] Je viens, monsieur, pour vous donner Le bonjour. […] Ne m’as-tu pas donné le bonjour ? […] Ne m’as-tu pas donné le bonjour ?

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