Le plus grand éloge qu’on puisse faire de Marie Duplessis c’est qu’elle mourut à la peine, c’est que son âme eut bien vite assez de la vie que menait son corps, et qu’elle le tua pour en finir. […] Le théâtre n’a fait que lui donner un corps, il avait une âme ; ce n’est pas le spectre d’un livrequi revient ; c’est une réalité qui ressuscite. […] Elles prélèvent, sur tous les marchés de leurs corps et de leurs âmes, une dîme d’escroquerie et d’usure. […] Il exalte, dans cette âme rouverte aux inspirations généreuses, le sombre enthousiasme de la renonciation et du sacrifice. […] Décidément c’est une âme perdue, le naufrage est accompli ; la femme du monde n’est plus, l’aventurière commence, et elle ira loin.
Il n’y a plus qu’à regarder pour que l’évidence succède au soupçon dans nos âmes. […] Enfermés, pressés dans les limites d’un chapitre, nous n’indiquons que des résultats ; mais on comprend quels ferments de déception haineuse et féroce de tels résultats durent laisser dans les âmes que le Protestantisme avait corrompues. […] Clément XIII avait le sentiment du droit de l’Église et de la justice, et il est mort en résistant noblement parce qu’on opprimait ce double sentiment dans son âme, mais ce qu’il fallait, dans ces temps néfastes, c’était l’omnipotence du caractère. […] Ils ont fait le compte de ces larmes, de ces cris, de ces déchirements de l’âme et du corps qui suivirent l’acte consommé et qui l’effacèrent. […] La soumission engendre dans les âmes une paix féconde pour les facultés de l’esprit.
Celle-ci reprend une vieille métaphore religieuse et idéaliste selon laquelle le corps serait un instrument à cordes dont jouerait l’âme. […] Les cordes du clavecin, ce sont les sens de l’homme, seulement, d’après Diderot, ce n’est pas l’âme qui vient jouer sur ce clavier. […] Ce sont de saintes âmes que les âmes des violons. […] Et le sel de la politique ou son âme, ce sont ses poètes. […] La chair n’est que le vase du principe éternel l’âme.
Prenez le cent-treizième sonnet de l’Olive, il est dur assurément, mais il est noble, élevé, et il faudrait peu de chose pour que l’essor se fît jour en plein ciel et se déployât : Si notre vie est moins qu’une journée En l’éternel, si l’an qui fait le tour Chasse nos jours sans espoir de retour, Si périssable est toute chose née, Que songes-tu, mon Âme emprisonnée ? […] Là est le bien que tout esprit désire, Là le repos où tout le monde aspire, Là est l’amour, là le plaisir encore Là, ô mon Âme, au plus haut ciel guidée, Tu y pourras reconnaître l’Idée De ta beauté qu’en ce monde j’adore. À ce mouvement, à ces formes, à ces rimes inusitées jusqu’alors en poésie française, on est transporté par-delà, et l’on se prend à redire involontairement avec Lamartine dans ces stances de la première pièce de ses premières Méditations : Là je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour… Du Bellay, gêné et comme empêché dès le début, n’a donné que la note : Que songes-tu, mon Âme emprisonnée ? […] Cette image des trois poètes, comparés à trois cygnes arrangés flanc à flanc et exhalant leur âme dans leur chant suprême, m’a rappelé un beau passage du Génie du Christianisme, les deux cygnes de Chateaubriand. […] Je ne voudrais plus y joindre, pour nous donner l’entier spectacle de l’âme et des dispositions intérieures du pauvre et triste poète, dans les derniers mois de sa vie, qu’une autre lettre française de lui adressée à un ami (le même Morel probablement), sur la mort du feu roi et le département de Madame de Savoie.
IV À l’Instant auroral, Hymne vague d’éveil Où les flûtes de Tout modulent leurs murmures, L’âme des violons sourdant sous les ramures. […] VI Un séculaire lys offre son âme amie Sans se lasser de trépasser ; plus blême encor, Le vol des songes, où se complaît l’Endormie Meut un sempiternel et fantomal décor. […] Endormez-vous, les mauvais rêves, abimés Dans l’éveil évoquant la Vision jolie : L’Oiseau chante, la Gloire enivre, l’Ame oublie ; Et le Joyeux Orgueil s’épand aux bleus sommets ! […] La conséquence naturelle fut un retour sur lui-même ; repoussé, méconnu, humilié, il se retira dans la solitude de sa propre âme. […] Nulle part Wagner ne nous permet de jeter un regard dans l’âme de Lohengrin, lui dont le prodigieux art était de mettre à nu le cœur de l’homme et de dévoiler ses motifs à lui-même inconnus.
Ce fut, nous dit Fustel de Coulanges, une conception particulière que les hommes de cette race avaient alors formée sur le destin de l’âme après la mort. […] « Pour que l’âme fût fixée dans cette demeure souterraine qui lui convenait pour sa seconde vie, il fallait que le corps auquel elle restait attachée fut recouvert de terre. L’âme qui n’avait pas son tombeau n’avait pas de demeure. […] Ce que l’on veut montrer ici, avec ces deux conceptions du droit de propriété et du lien familial, c’est d’une part, qu’elles admettent une construction parfaitement logique, qu’elles sont explicables par les mobiles les plus ordinaires de l’âme humaine, du point de vue de la croyance particulière que l’on a exposée sur le destin de l’homme, après la mort. […] On voit donc par ces deux exemples, à côté desquels on en pourrait citer beaucoup d’autres que les Grecs et les Romains des premières périodes historiques appliquèrent à leur propre gouvernement des règles et des maximes instituées naguère en vue de satisfaire une croyance qui n’existait, plus dans leur âme et des intérêts qui n’étaient plus les leurs.
Nul doute que, dans une tragédie grecque, le chœur n’eût alors pris la parole, pour réduire en maximes les sentiments qui se pressent en foule dans l’âme du spectateur. […] Tout l’univers s’adresse à l’homme dans un langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérieur de son âme, dans une partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des sens et de la pensée. […] Les Allemands voient dans l’amour quelque chose de religieux, de sacré, une émanation de la divinité même, un accomplissement de la destinée de l’homme sur cette terre, un lien mystérieux et tout-puissant entre deux âmes qui ne peuvent exister que l’une pour l’autre. […] Sa voix si douce, à travers le bruit des armes ; sa forme délicate, au milieu de ces hommes tout couverts de fer ; la pureté de son âme, opposée à leurs calculs avides ; son calme céleste qui contraste avec leurs agitations, remplissent le spectateur d’une émotion constante et mélancolique, telle que ne la fait ressentir nulle tragédie ordinaire. […] On prévoit même que s’il la refuse elle ne se croira pas coupable de lui résister : son amour l’occupe et l’absorbe tout entière ; elle n’existe que pour le sentiment qui remplit toute son âme.
Mais la poésie religieuse des psaumes se trouva dans un merveilleux accord avec son âme lyrique ; ils restèrent toute sa vie son aliment et son soutien. […] Mais dans sa grande âme, une telle croyance produisait des effets tout opposés à ceux où arrivait le vulgaire. […] » Bientôt, dans sa hardie révolte contre la nature, il devait aller plus loin encore, et nous le verrons foulant aux pieds tout ce qui est de l’homme, le sang, l’amour, la patrie, ne garder d’âme et de cœur que pour l’idée qui se présentait à lui comme la forme absolue du bien et du vrai.
Si vous en avez, de ces lettres, dans lesquelles l’âme et l’esprit de l’une et de l’autre aient laissé leur trace enflammée ou parfumée, ou lumineuse, donnez-les ! […] bien souvent c’est la sottise d’esprit et la bassesse de l’âme des autres qui nous les donnent ! […] Il n’y a rien de plus dans ces misérables lettres, qui sont pour nous ce que pour elle est la vie, — un bal dont la musique et l’âme et l’émotion ont cessé !
Qui ne sait pas l’écart de compas qu’il faudrait pour mesurer cet homme, qui va du génie à la plus grande âme, de la plus grande àme à l’esprit le plus séduisant, et chez qui toutes les qualités simplement aimables ne font pas croire, comme chez la plupart des autres hommes, à un affaiblissement dans la puissance ? […] » On a le mérite des âmes bien faites et profondes ; mais de mérite acquis, pénible, arraché aux instincts et tout saignant des cruautés du sacrifice, il n’y en a point, c’est la vérité ! […] Que dire de cette véritable déportation de Joseph de Maistre, dans une cour où ce supplicié de par son maître ne se débattait pas, ne criait pas, mais restait digne et doux, — un de ces doux à qui, disent les livres saints, la terre appartient, — et qui, en attendant la terre qu’il n’eut jamais, du reste, eut au moins l’estime et la faveur d’Alexandre, d’Alexandre qui avait pénétré quel homme c’était que ce Joseph de Maistre, et qui, par des procédés de grande âme, le vengea souvent des sécheresses et des ingratitudes de son roi !
En cela il doit ressembler au poète dramatique, dont la plus haute faculté est l’impersonnalité, qui prend tour à tour l’âme de chaque personnage pour lui faire jeter son cri le plus pathétique et le plus vrai. […] Dans cette organisation d’artiste qui transmue tout ce qu’elle reçoit, l’histoire, la connaissance de l’histoire a créé à un philosophe une foi catholique, — ce qu’il fallait de foi catholique pour achever une œuvre de foi catholique, et l’achever de manière à satisfaire également l’exigence des artistes et l’âme des saints ! […] Et cette impartialité n’est pas uniquement une magnifique disposition générale de la pensée de Daly, mais, il faut aller jusque-là, c’est l’âme même de chacune de ses théories !
Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M. […] Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M.
On se rappelle qu’il n’y a pas encore bien longtemps, l’Allemagne s’éprit de l’Inde avec cette candeur de passion, cette facilité d’abusement, cette bonne volonté d’être trompée qui distingue aussi bien ses critiques et ses savants que l’âme charmante prêtée si généreusement à ses jeunes filles. […] On verrait que l’illusion vient des perspectives de l’éloignement, de l’étrangeté des spectacles, de la différence de nature et de climat, de la magnificence physique, de tout ce qui peut, en passant, effleurer notre âme, mais ne pourrait pas l’entamer ! […] Dans le poème dont il a commencé la traduction, et qui, nous le reconnaissons, est un travail cyclopéen de philologie et de difficulté d’expression, il n’a pas su distinguer ce qui appartenait à l’esprit hindou de ce qui ne lui appartenait pas, et, cette distinction faite, combien il restait peu à Valmiki de puissance réelle, de sens des choses de l’âme, de vrai génie !
Quelques bonnes âmes un peu badaudes l’ont cm peut-être, mais non, ils n’étaient pas vaincus ! […] Cette vignette de l’Âme et de Jésus-Christ qui ressemble à la patiente enluminure des marges d’un missel n’égale pas, sous son latin de cloître, harmonieux et limpide, les figures idéales, mais si profondément touchantes dans leur sainteté émaciée et splendide, de frère Ange Fiesole (un moine aussi), le plus profond interprète du Moyen Âge, ni même les lignes expressives et nettes d’Overbeck, aussi loin pourtant que l’homme l’est de l’ange, du monastique Angelico. […] Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie.
Caro a certainement le sentiment des monstrueux sophismes et des monstrueux ridicules dont il s’est avisé de nous tracer l’histoire, mais il l’a dans la proportion de son âme et avec le caractère de son esprit. […] sachez-le bien, les poètes, avant tout, sont des âmes ! […] Il est, enfin, non moins épouvantablement certain que cette philosophie de lâche est aussi dans la sensation recherchée des peuples abêtis et énervés qui n’ont ni Dieu pour couronnement de leurs civilisations, ni devoir, ni sens moral, ni rien de la substance qui fut une âme, et qu’ils sont dégoûtés jusque de porter le poids de leurs dernières corruptions !
Mgr Salvado aurait pu ajouter aux paroles si sensées et si courageuses du docteur, ce passage des Monthly Records, plus courageux et plus explicite encore : « S’il est un fait incontestable, — disent les Monthly Records, — qui nous humilie et qui nous afflige, c’est que là où nous, anglicans, nous agissons timidement, dans nos possessions australiennes, l’Église de Rome est activement à l’œuvre avec un zèle et une sagesse que nous ferions bien d’imiter… Ses évêques sont partout où il y a des âmes à conquérir et à changer… Une maîtresse pensée (master mind) anime et dirige leurs travaux… Quand un seul membre de notre clergé poursuit solitairement une tâche accablante, sans être assisté des conseils de ses supérieurs, l’Église de Rome ne cesse d’apparaître avec tous ses moyens d’action au grand complet… » Certainement, jamais le sentiment de ce qui manque à sa patrie n’a inspiré à un anglais plus de noble jalousie et de justice, et il n’y aurait qu’à admirer, si, en sa qualité d’anglican, l’écrivain auquel on applaudit ne provoquait pas le sourire en nous parlant des moyens d’action au grand complet de cette Église romaine dont il faut bien compliquer le génie pour en comprendre la puissance, quand on ne croit plus à sa divine autorité ! […] Voilà le secret de la force de cohésion de ce ciment romain qui relie si subitement et si solidement les âmes entre elles, de ce socialisme divin devant lequel tous les socialismes de la terre doivent, un jour ou l’autre, s’avouer vaincus ! […] Ce saint missionnaire catholique, qui n’est jamais qu’un missionnaire, et qui ne peut pas être autre chose, a bien plus pensé, en écrivant les Mémoires historiques sur l’Australie, à l’édification de nos âmes, qu’à nous donner un livre dans le sens livresque du mot, et cependant ce livre, et un excellent livre, riche d’observations de toute espèce et de notions neuves, s’est fait sous cette plume qui n’y pensait pas !
Mais quand il s’agit de déchirer l’âme humaine à travers la sienne, il est aussi résolu et aussi impassible que celui qui ne déchira que son corps, après une lecture de Platon. […] Seulement, par une inconséquence qui nous touche et dont nous connaissons la cause, il se mêle à ces poésies, imparfaites par là au point de vue absolu de leur auteur, des cris d’âme chrétienne, malade d’infini, qui rompent l’unité de l’œuvre terrible, et que Caligula et Héliogabale n’auraient pas poussés. […] Baudelaire n’a pas voulu être dans son livre des Fleurs du mal un poète satirique, et il l’est pourtant, sinon de conclusion et d’enseignement, au moins de soulèvement d’âme, d’imprécations et de cris.
Le calme d’une âme forte tomba bientôt sur elles. […] Et pourtant ce n’étaient là encore que les circonstances extérieures de sa vie, ce n’était là que le milieu, comme on dit maintenant, dans lequel l’âme plonge, prétendent-ils, comme une racine dans la terre. […] Ce n’est pas dans son âme, à lui, Milton, qu’il en a trouvé les accents !
Comme Godwin, ce fort romancier anglais qui le premier eut l’audace de faire un livre où l’intérêt n’est plus l’amour, Ferdinand Fabre s’est adressé à d’autres passions que celle de la femme, et il a prouvé que, démêlées par une griffe de moraliste qui sait les carder, elles sont d’un intérêt, pour qui les comprend, tout aussi intense que la banale passion de la femme, qui est au niveau de toutes les âmes, même les plus basses… C’est l’ambition aussi — comme l’auteur du Caleb William — que Fabre a mise en scène dans son nouveau roman ; mais c’est l’ambition spécialisée dans un prêtre, c’est-à-dire la plus profonde, la plus terrible et la plus grandiose des ambitions ! […] Le prêtre, qui, s’il est digne de sa fonction, ne doit, selon la magnifique expression d’Arnaud de Brescia, n’avoir soif que du sang des âmes, ne le leur fait répandre qu’à la condition de leur commander ! […] C’est un surnom qui lui fut donné par ses condisciples de séminaire, un jour où sa violence révéla qu’il y avait du tigre dans l’antre de cette âme profonde.
S’il humilia les grands, ce ne fut point pour l’intérêt des peuples ; jamais ce sentiment n’entra dans son âme. […] Ce n’est pas qu’on prétende attaquer ici les qualités que peut avoir ce ministre ; on convient qu’il eut du courage, un grand caractère, cette fermeté d’âme qui en impose aux faibles, et des vues politiques sur les intérêts de l’Europe ; mais il me semble qu’il eut bien plus de caractère que de génie : il lui manqua surtout celui qui est utile aux peuples, et qui, dans un ministre, est le premier, s’il n’est le seul. […] Il n’eut ni sa fureur, ni sa politique, ni ce contraste singulier du plus grand courage d’esprit dans une âme lâche, ni ce mélange d’une ambition ardente et de la plus grande simplicité, ni cette séduction si douce qui n’avertissait jamais de l’empire, et enchantait des hommes fiers, que la nature n’avait point destinés à lui obéir.
Ces convertis, ces assagis ont déjà l’âme vieille, ont communié en la décadence gréco-latine. […] L’âme de la Germanie ancienne était restée vivante sous l’enveloppe orthodoxe. […] Comme si ce n’était pas l’âme même des peuples destinés à être libres, la sève de l’arbre ! […] Croire est l’âme d’agir, comme agir est l’âme de vivre. […] L’expérimentation et la démonstration largement pratiquées en seraient l’âme.
Dans un petit écrit intitulé Le Miroir et où il s’agit, en effet, d’une sorte de glace ou de miroir magique dans lequel se voit représenté tout un abrégé de l’âme et de la pensée en général, toutes les façons d’être et de sentir des hommes, tout ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été ou ce qu’ils peuvent être, en un mot un raccourci de la nature morale, il a exposé ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire : elle est d’un homme très réfléchi, très éclairé, et dégagé de toute espèce de prévention. […] C’est ainsi qu’en se couvrant du nom de La Rochefoucauld, Marivaux présente sa propre défense ; il cite encore Montaigne, le grand exemple cher aux novateurs, comme un des écrivains dont les critiques de 1725 eussent chicané le style : « Car il ne parlait ni français, ni allemand, ni breton, ni suisse : il pensait, il s’exprimait au gré d’une âme singulière et fine. » Et La Bruyère, n’est-il pas tout plein de singularités ? […] « Qu’on me trouve un auteur célèbre qui ait approfondi l’âme, et qui, dans les peintures qu’il fait de nous et de nos passions, n’ait pas le style un peu singulier ? […] Et comment, par exemple, n’appellerait-on point précieux un observateur qui vous dit, en voyant dans une foule les figures laides faire assaut de coquetterie avec les figures plus jolies (la page est curieuse et dispense d’en lire beaucoup d’autres ; mais, à côté du bon Marivaux, il faut bien qu’on sache où est le mauvais) : J’examinais donc tous ces porteurs de visages, hommes et femmes ; je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait : par exemple, s’il y en avait quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux ; mais je n’en découvris pas un dont la contenance ne me dît : « Je m’y tiens. » J’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui auraient pu se plaindre de leur partage, sans passer pour trop difficiles ; il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur ; l’âme souffrait : aussi l’occasion était-elle chaude. […] Il me semble que mon âme, en mille occasions, en sait plus qu’elle n’en peut dire, et qu’elle a un esprit à part, qui est bien supérieur à l’esprit que j’ai d’ordinaire.
L’amour de la gloire et la vertu, qu’il trouvait si absents dans le train de vie moderne, lui paraissaient avec raison l’âme du monde antique en ses beaux temps. […] L’espérance ou la crainte, excitées par les gestes et les mouvements d’une multitude agitée, pressaient de tous côtés l’âme et l’esprit, les élevaient au dernier degré de puissance et d’expression. […] Pour le sauvage, par exemple, qu’est-ce que le plaisir de l’amour, si on le compare à tout ce qu’y fait entrer un homme du monde, doué d’une âme délicate et vive, et d’une sensibilité cultivée ? […] la méchante fée a doué Aladin à son berceau d’un cœur sensible, d’un génie supérieur et d’une grande franchise : ce sont là les dons maudits dont elle a chargé l’enfant ; et Salem, au contraire, a été doué par la bonne fée d’un esprit médiocre et actif, d’un caractère patient et d’une âme froide ; voilà ses trésors. […] On a de lui des lettres où il célèbre l’âme et le génie de Catherine ; mais ici se trahit un grave défaut de M. de Meilhan, et qui était déjà sensible dans quelques passages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs ; cet homme d’esprit et de conception, qui n’a pas seulement de la finesse, qui y joint des vues et de la portée, n’a pas le goût très sûr : il le prouva bien lorsque étant parti de Rome pour aller en Russie, l’idée lui vint un jour de comparer l’église de Saint-Pierre et Catherine II.
Ce n’est pas qu’il n’ait par moments des velléités remarquables de grandeur et d’immortalité : Il est vrai que nous nous sentons une âme gigantesque et bien plus grande que notre corps. Chacun peut dire de soi : Mais ce n’est pas là l’âme de ce corps-là, — surtout quand on est à jeun et qu’on s’est modéré aux repas (d’Argenson mêle toujours la matière et les sens à ses considérations). Ce composé de volonté, d’élévation, de conception, d’imagination, d’invention, de génie, le dédain de tant de choses, le mépris, les passions, etc., tout cela compose une âme trop forte pour le lieu et le temps. […] Et voilà sans doute ce qui a le plus accrédité la religion, d’autant plus que cela a flatté l’amour-propre de trouver son âme un si grand morceau. […] [NdA] Pour bien comprendre cet endroit, il faut se rappeler une remarque qui revient souvent chez d’Argenson, à savoir que le courage spirituel est très distinct du courage corporel, et que Voltaire, qui a dans l’âme beaucoup de hardiesse et même de témérité, devient peureux et poltron dès qu’il s’agit du moindre danger pour son corps : il jette le gant et ne soutient pas la gageure.
C’est bien, au reste, la même organisation, déjà connue, qui se traduit à nous, vive, heureuse, courante, avec la même facilité, la même verve et un fonds de bon sens dans la pétulance ; on y remarquera de plus la bonté et l’âme, l’humanité, et des éclairs de poésie et d’élévation. […] Si notre armée, par comparaison, a l’air d’une bande de galériens, sous nos simples habits bat une fameuse âme. […] Il est artiste, et il sent avec son âme : elle va nous rendre juste l’écho. […] Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands événements ; ce qui doit élever l’âme ne perd pas à être vu de près, et ce petit village en ruines parle bien plus au cœur que ces grandes Pyramides, qui n’étonnent que les yeux. ». […] Horace, qui passait pour léger, avait du coup d’œil, et l’honneur était l’âme de son caractère.
Avoir vingt ans en 1800, à la veille de Marengo, quel idéal pour une âme héroïque ! […] Jouet d’une basse et odieuse intrigue… (et ici suivent quelques détails particuliers)…, — le temps me vengera, me disais-je, c’est inévitable ; et je brûlais du désir de voir ce temps s’écouler, et mon âme se livrait à un sentiment haineux, à un espoir, à un désir de vengeance qui troublaient toutes mes facultés morales, qui minaient, qui consumaient toutes mes facultés physiques… j’étais malheureux, bien malheureux. […] Je reconnus aisément avec vous que les maladies de l’âme, plus cruelles que celles du corps, nous ôtent toute tranquillité ; je ne l’éprouvais que trop. […] Vous m’exhortâtes à pardonner, à rendre le bien pour le mal, à montrer à ceux qui me haïssaient leur injustice, en leur prouvant mes vertus, à les forcer ainsi à l’admiration, à la reconnaissance, et vous m’assurâtes du plus beau triomphe qu’une âme généreuse pût souhaiter… J’eus le bonheur de pleurer et bientôt le courage de combattre. […] La sérénité rentrée dans mon âme se peignit bientôt dans mes regards, et je vois déjà dans les yeux de ceux que j’appelais mes ennemis un étonnement et un sentiment de regret, de honte et de compassion bienveillante qui va presque à l’admiration et au respect… je suis heureux, bien heureux.
Les béguards de Flandre, les humiliati d’Italie arrivèrent aussi à une grande exaltation mystique et poétique, sous la pression vive de cet archet mystérieux, qui fait vibrer si puissamment les âmes neuves et naïves. […] Non ; car, outre que la moralité et l’intelligence amèneraient pour lui immanquablement l’ordre et l’aisance, cette culture le ferait considérer, aimer, estimer, le placerait dans ce joli monde des âmes polies, où l’on sent finement et d’où il souffre de se voir exilé. […] Cette extrême sensibilité pour l’extérieur prouve une certaine humilité d’âme et témoigne que ceux qui l’éprouvent n’ont pas encore atteint les hauts sommets philosophiques. […] Certes, on ne peut exiger de lui qu’il se donne de toute âme à son métier, qu’il s’absorbe dans son bureau ou son atelier. […] Tenir compte de l’humiliation extérieure, c’est témoigner qu’on fait encore quelque cas de ce qui n’est pas l’âme.
En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère. […] » Ce furent les premières paroles qu’il prononça et qui pénétrèrent dans mon âme. […] Goethe cueillit une feuille de la vigne qui grimpait à sa fenêtre, et lui dit : « Cette feuille et ta joue ont la même fraîcheur, le même duvet. » Vous croyez peut-être que cette scène est tout enfantine et puérile, mais peu après Goethe lui parle des choses les plus sérieuses et du profond de son âme ; il lui parle de Schiller, mort depuis deux printemps ; et, comme Bettina l’interrompait pour lui dire qu’elle aimait peu Schiller, il se mit à lui expliquer cette nature de poète si différente de la sienne, et pourtant si grande, si généreuse, et qu’il avait eu, lui aussi, la générosité d’embrasser si pleinement et de comprendre. […] Cette aimable et joueuse enfant lui remet en pensée le temps où il était meilleur, plus vraiment heureux, où il n’avait pas encore détourné et en partie sacrifié à la contemplation et à la réflexion du dehors son âme primitive, intérieure et plus délicate. […] Je laisse là les beaux hussards français, les jeunes artistes de Munich, à qui elle prêche l’art, l’art sensible, italien, et non vaporeux ; mais les grands rivaux de Goethe dans cette jeune âme enthousiaste, c’est le héros tyrolien Hofer, c’est le grand compositeur Beethoven.
Mais il est à remarquer que l’âme d’un héros, quand elle se partage et se brise en quelque sorte entre ses descendants, produit quelquefois de singulières formes, ou même des monstres étranges. Tout est considérable dans ces grandes âmes, les vices comme les vertus. […] L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi, lui inspirait des expressions qui répondaient à la mâle et harmonieuse énergie des vers grecs, autant qu’il est possible d’en approcher dans la prose d’une langue à peine tirée de la barbarie… Cependant M. de Malezieu, par des efforts que produisait un enthousiasme subit, et par un récit véhément, semblait suppléer à la pauvreté de la langue, et mettre dans sa déclamation toute l’âme des grands hommes d’Athènes. […] C’est une âme prédestinée ; elle aimera la comédie jusqu’au dernier moment, et quand elle sera malade, je vous conseille de lui administrer quelque belle pièce au lieu de l’extrême-onction. […] L’auteur du portrait continue de nous montrer ainsi tous les vices naïfs de sa princesse, toutes ses qualités sans âme et sans lien, sa religion sans piété, sa profusion sans générosité, beaucoup de connaissances sans aucun vrai savoir, « tous les empressements de l’amitié sans en avoir les sentiments », pas le moindre soupçon de la réciprocité et de la sympathie humaine : « On n’a point de conversation avec elle ; elle ne se soucie pas d’être entendue, il lui suffit d’être écoutée. » Et à la voir ainsi se montrer à nu non par franchise, mais parce qu’elle n’a en elle aucun principe d’égards et d’attention pour autrui, Mlle de Launay conclut en citant ce mot qui exprime le résultat de toute son étude, et qu’elle aurait bien trouvé d’elle-même : Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique ; on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes.
Il professe, il ensevelit ses leçons, sa parole, toutes ses facultés, dans ces jeunes âmes en qui il aspire à revivre et à faire revivre les semences de la science et de la vertu. […] Ce n’est pas à nous qui avons la conscience si large, et sur bien des points si indifférente, de venir aujourd’hui porter notre mesure et notre balance commode dans ces scrupules que connurent ces vies irréprochables et ces âmes rigoureuses : Rollin était naturellement de cette morale chrétienne que préféraient et pratiquaient les Despréaux, les Racine, les Du Guet ; mais cela le conduisit à prendre parti pour le père Quesnel, et bien au-delà ; à se prononcer même pour le diacre Pâris et pour les prétendus miracles du cimetière de Saint-Médard. […] « Il est bien aisé d’être fécond, lui disait son adversaire, quand on ne fait que copier ; tout le monde en peut faire autant. » Non, cela n’était pas si aisé, et la preuve c’est que personne autre que Rollin ne réussissait alors à le faire ; car, tout en copiant et en traduisant, soit dans les termes mêmes, soit dans les liaisons qui joignaient les passages d’emprunt, Rollin y mettait de son propre esprit et de son âme ; un courant de bon sens et de bonté s’y faisait sentir, et animait cet ensemble qui devenait agréable et plus neuf que ce qu’on avait vu jusqu’alors en ce genre. […] Il en donne des preuves touchantes en toute occasion, et notamment dans ses lettres, soit que, correspondant avec Jean-Baptiste Rousseau, il se montre continuellement en peine sur l’état de l’âme de ce poète, et sur la sincérité de son repentir au sujet de certains vers, que lui, Rollin, confesse n’avoir jamais lus ; soit qu’écrivant à Frédéric, au moment de son avènement au trône, il lui adresse des conseils de religion, et y mêle une prière à Dieu : « Qu’il lui plaise, dit-il à ce roi philosophe, de vous rendre un roi selon son cœur ! […] Guéneau de Mussy, en terminant une Vie de Rollin, a peint cette jeunesse qui succédait, et il a trouvé des accents où l’on reconnaît l’ami de Bonald en même temps que celui de Fontanes et de Chateaubriand : Où sont, s’écriait-il avec gémissement, où sont les éducations sévères qui préparaient des âmes fortes et tendres ?
Madame de La Fayette écrivait à madame de Sévigné : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent : enfin, la joie est l’état véritablement de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Ninon écrivait encore à Saint-Évremond : « La joie de l’esprit en marque la force. » L’auteur de ces Souvenirs, à mesure qu’ils se déroulaient devant nous, et que nous nous plaisions à composer son image, nous paraissait ainsi une personne chez qui la joie, une joie qui n’exclut nullement la sensibilité, est compagne de la force de l’âme.
Gaston Deschamps L’auteur de la Vie des chambres , du Cœur de l’eau, des Cloches du dimanche et de Au fil de l’âme murmure si bas, si bas, ses chansons tristes, que souvent sa voix hésite, s’éteint et que sa pensée fuit, dans un clair-obscur de limbes. […] Rodenbach nous satisfait par ses condensations de mots lorsqu’il dépeint, par exemple, des eaux : Une eau candide où le matin se clarifie Comme si l’Univers cessait au fil de l’âme, ou définit des yeux : Reliquaires du sang de tous les soirs tombants ou bien Sites où chaque automne a légué de ses brumes.
Il sait et a la pudeur d’ignorer ; il a cherché les lois, mais, pour être innocent comme le monde, il les oublie, et son âme ainsi est suave et forte, et mieux que le vent son chant coule dans la lumière les invisibles semences et conduit sur nos fronts les bienfaits de l’aurore. […] Gustave Charpentier Je salue le jeune prophète en qui s’affirment les espérances, toute l’âme généreuse et volontaire de la jeunesse présente.
Cette découverte fit changer de face à la création : par sa partie intellectuelle, c’est-à-dire par cette pensée de Dieu que la nature montre de toutes parts, l’âme reçut abondance de nourriture ; et par la partie matérielle du monde, le corps s’aperçut que tout avait été formé pour lui. […] Mon âme, bénis le Seigneur ; Seigneur, mon Dieu, que vous êtes grand dans vos œuvres !
Il en est encore de même, bien qu’à un moindre degré qu’autrefois, dans l’ordre religieux, qui intéresse l’âme, sa nature et sa destinée. […] L’exacte vérité est que Paris est la tête, non l’âme du public, cet animal. […] Mais il ne faudrait pas exagérer cette discordance avec l’âme de sa génération, de l’homme qui a écrit Les grandes âmes, Le Fatalisme, Qui a soif ? […] De là dépend, écrit-il, « non seulement le langage, mais encore l’âme de toutes les tragédies françaises. […] Qu’ils se consolent, s’ils le peuvent, par la satisfaction intime que goûtent les âmes fières à faire d’excellents vers gratis.
La nature enseigne et inspire des états d’âme bien divers. […] Il m’est venu des scrupules, Madame, et j’ai ouvert les Jeux de l’âme sur ce que je faisais. […] Le fond de son âme est certainement la vertu et l’amour du bien, mais aussi il y a, dans le fond de son âme, une bonne dose d’orgueil. […] S’il y a des Argan de leur corps, il y a aussi des Argan de leur âme. […] À un degré plus élevé il y a les âmes un peu vastes qui sont susceptibles de plusieurs passio
Au premier coup d’œil, elle n’est point mode d’expression pour une âme humaine. […] » Les moralistes disent qu’une âme devrait résister à la passion. […] Naturellement nous ne devons point chercher dans ces poésies de révélation de l’âme humaine. […] Mais qu’y a-t-il d’âme ? Pour l’âme, nous devons chercher ailleurs.
A un fonds de tendresse d’âme et d’imagination romanesque elle joignait une exactitude naturelle, et, comme le disait sa spirituelle amie, une divine raison qui ne lui fit jamais faute ; elle l’eut dans ses écrits comme dans sa vie, et c’est un des modèles à étudier dans ce siècle où ils présentent tous un si juste mélange. […] A côté de l’âme aimante qui déjà s’abandonne, il y a aussitôt quelque chose qui avertit et qui retient : M. de La Rochefoucauld au fond est toujours là. […] Puis une autre fois, en dépit de Despréaux et de sa Poétique, on allait à Lulli, et, à de certains endroits de l’opéra de Cadmus, on pleurait : « Je ne suis pas seule à ne les pouvoir soutenir, disait Mme de Sévigné ; l’âme de Mme de La Fayette en est tout alarmée. » Comme cette âme alarmée est bien la délicatesse même ! […] Dès l’été de 1677, elle avait elle-même éprouvé cela, et, comme l’indique Mme de Sévigné, tourné son âme à finir. […] Une vive entrée en liaison avec la jeune Mme de Schomberg donna quelque éveil curieux et jaloux aux autres amies plus anciennes : on ne voit pas que cet effort d’une âme qui semblait se reprendre à quelque chose ait duré.
On me dira peut-être que j’ai eu tort de choisir le sujet d’un tableau important dans des scènes qui ne touchent pas l’âme et qui, à la plupart, paraissent ridicules. […] Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] Vers la fin, il semble avoir tenté quelque chose d’impossible ; il exigeait trop de lui-même, il voulait mettre à des tableaux de nature une expression tirée du plus profond de l’âme, et qu’il faut rencontrer plutôt que l’aller chercher si loin. […] J’éprouve un plaisir bien différent pour toutes les choses qui parlent à l’âme, à présent que mon frère est avec moi.
Et Garat, « qui s’est fait député du Tiers, et qui va être de l’Académie : c’est un pauvre mérite que ce Garat » ; — et le Chamfort, quelle force bel et bien de rétracter une de ses atrocités sur une pauvre morte qui n’est plus là pour se défendre ; — et le Raynal, dont elle se prive très volontiers à la lecture : « Je ne connais que sa conversation, très fatigante, et ses prétentions, très satisfaites : mon âme est naturellement chrétienne, et tout ce qui me ferait perdre ce sentiment, si cela était possible, il m’est facile de m’en abstenir » ; — et Cérutti, qui avait alors son instant de lueur et jetait sa première et dernière étincelle : L’administrateur Cérutti vient d’achever sa rhétorique : il promettait beaucoup, il y a vingt ans ; il n’a pas fait un pas depuis ce temps-là. […] Les imaginations et les âmes, une fois atteintes du Rousseau, eurent peine à s’en débarrasser ensuite, et à rejeter cet élément fiévreux tant de leur cœur que de leur parole. […] Quel charme dans ces réunions du commencement de notre terrible Révolution, où les intelligences distinguées, les âmes généreuses de toutes les classes se réunissaient dans le désir du bien ! […] On ne parlait plus que d’une seule chose, et les dangers de la situation dominaient les âmes.
La France y trouvera les monuments de sa gloire, et, si elle en est jalouse, qu’elle s’occupe elle-même à les préserver de l’oubli… » — Puis, dans son âme engourdie, une flamme d’orgueil jaillissant tout à coup : « J’ai confiance dans l’histoire ! […] Et en général, cette école de philosophes systématiques et distingués qui, dans leur classification un peu bizarre des grands hommes de l’histoire, ne voulaient voir en Napoléon dont ils méconnaissaient toute l’œuvre de création civile qu’un grand et puissant rétrogradateur, ne saurait soutenir désormais un pareil sentiment après tant de paroles de sagesse, de haute clairvoyance et presque de prophétie sociale, sorties de Sainte-Hélène, et qui révèlent un fond d’âme égal ou supérieur, s’il se peut, aux actes, et parfois meilleur. […] Il y a, dans ce tableau complet de la captivité et des travaux de Sainte-Hélène, de quoi confirmer et transporter tous ceux qui croient surtout au génie et qui l’idolâtrent ; de quoi ramener et réconcilier ces autres esprits, moins enthousiastes, qui étaient restés surtout sensibles aux dernières fautes d’un règne où tout fut immense ; de quoi émouvoir enfin et confondre en réflexions salutaires ces âmes délicates qui mêlent au spectacle de toute grande infortune humaine une idée religieuse d’expiation. […] Napoléon meurt donc en chef d’État, en homme social, en civilisateur, non comme un philosophe qui scrute et décompose au fond de son cabinet les instincts et les mobiles de l’âme humaine : lui, il les accepte et les pratique en ce qui est de lui et de sa volonté jusqu’à la fin, même lorsqu’il n’avait plus à s’en servir chez autrui.
Alquier était ambassadeur, il avait eu à le remplacer pendant des absences et avait été admis à lire dans l’âme de cette fameuse reine Caroline, fille de Marie-Thérèse, l’amie d’Acton et des Anglais, notre ennemie jurée, une femme violente, capricieuse, passionnée, et qui a laissé dans l’histoire des souvenirs romanesques et sanglants. […] La crise à laquelle il assistait n’était pas moindre qu’à Naples, mais le contraste était frappant ; il y put lire dans une autre âme, dans celle du pontife, une âme inflexible et douce, moins résignée encore qu’encline au martyre et comme altérée de persécution ; il fut agent passif, non insensible, dans cette pression pénible et violente que la politique de Napoléon prétendit exercer sur Pie VII. […] Ce qu’il faut ajouter aussitôt et ce que m’attestent des confidents de ses plus secrètes pensées, c’est que les déceptions, si vives qu’elles aient dû être, n’ont jamais fait entrer l’amertume dans cette nature aussi élevée que modeste, dans cette âme où la distinction s’unissait à la bonté.
ne troublez pas, Iannik, le cœur et l’âme de cette jeune fille : ils ne seront plus purs, ils ne réfléchiront plus les étoiles et le soleil béni ! […] Ame simple et droite, sans un repli, avec les instincts les plus loyaux, mais toujours un peu de chimère, aucun des intérêts, aucune des ambitions qui d’ordinaire saisissent les hommes dans la seconde moitié de la vie n’eurent jamais sur lui action ni prise ; il y resta constamment étranger, innocent de toute compétition, de toute jalousie, ne se comparant pas, ne se plaignant pas, satisfait dans son coin, s’y tenant coi comme dans son nid, le même après comme avant l’orage, d’abord et toujours jusqu’à la fin l’homme de la muse, du rêve, de la rime, de la bagatelle enchantée. […] Dans les jours de la Grèce antique, On te mêlait aux noirs cyprès ; Des Anciens le deuil poétique Par toi disait les longs regrets ; L’âme d’Achille consolée A son belliqueux mausolée Vit les Thessaliens venir, Parés de ta fleur solennelle : Leur deuil voulut montrer en elle L’éternité du souvenir. […] Eugène Vermersch aux sonnets printaniers d’Avril, mai, juin, de deux jeunes anonymes. — C’eût été peut-être une indiscrétion à moi, mais qu’on aurait excusée, de parler encore d’un petit recueil, d’une plaquette qui ne porte que ce titre unique ΨΥΧΗ (Ame), et dont la poésie naturelle, coulant de source, a quelque chose de la fraîcheur d’une fontaine rustique.
Brutus, homme de bien ; César, âme du monde : il en est le lien. […] Qu’en penses-tu, mon âme ? […] Mon âme, achève donc, et quitte la balance. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.
On peut concevoir ce qu’une telle mort d’une telle amie laissa dans son âme d’énergie, d’horreur et de tendresse pendant sa vie. […] Quand je passais quelques jours sans la voir, elle prenait la peine de venir elle-même chez moi pour s’informer de ce qui me retenait ; elle gardait mon argent de réserve avec le sien dans son tiroir ; elle me préparait, si j’étais malade, au coin de mon feu, les tisanes commandées par le médecin ; elle écrivait à ma mère des nouvelles de mon cœur et de mon âme ; elle aurait remplacé la Providence, si la Providence s’était éclipsée pour moi ; elle prenait à mes poésies, qui n’avaient pas encore paru, un intérêt partial, passionné, que je n’y prenais pas moi-même ; elle me comparait à Racine enfant ; elle était fière de préparer aux Bourbons un poëte encore inconnu, mais qu’elle rendrait royaliste et religieux comme elle. […] Ses yeux, grands et bleus, laissent lire jusqu’au fond de son âme. […] Revenu à Paris, M. de Chateaubriand prit la place de son ami ; cette ingratitude, qui avait l’air d’une perfidie, offensa toutes les âmes délicates.
Exilé à Rome dans son poste d’intendant du cardinal du Bellay, triste d’être si loin de son « petit Lyré », et ne pouvant penser sans larmes à la « douceur angevine », son âme endolorie n’en était que plus sensible aux impressions de ce monde étrange où elle languissait. Et toutes ces impressions se fixaient dans de pénétrants sonnets : sonnets satiriques, plus larges que des épigrammes, plus condensés que des satires, expressives images des intrigues de la cour romaine et des corruptions de la vie italienne ; sonnets pittoresques, où la mélancolique beauté des ruines est pour la première fois notée, en face des débris de Rome païenne ; sonnets élégiaques enfin, où s’échappent les plus profonds soupirs de cette âme de poète, effusions douces et tristes, point lamartiniennes pourtant : elles ont trop de concision et de netteté, et il y circule je ne sais quel air piquant qui prévient l’alanguissement. Enfin, dans quelques pièces, Du Bellay se révèle comme un excellent ouvrier de rythmes vifs et délicieux : tout le monde connaît ces Vœux d’un vanneur de blé aux vents, un petit chef-d’œuvre d’invention classique, je veux dire de cette véritable invention qui ne consiste pas à créer la matière, mais à lui donner âme et forme. […] Cependant Ronsard pouvait encore faire quelque chose de son sujet, s’il y avait versé les sentiments généraux de cette nation qui depuis un siècle et demi commençait à prendre conscience d’elle-même, s’il avait su imiter la « curieuse diligence » de Virgile, et jeté toute la France, ses souvenirs, son âme et son génie dans ce mythe érudit.
Car le défaut de la Pléiade, c’était le pastiche, l’artificiel ; et il ne fut pas mauvais que les poètes fussent rappelés à l’actualité, sollicités de vivre de la vie de leur temps, de tirer de leurs âmes les communes émotions de toutes les âmes contemporaines. […] Les Tragiques de D’Aubigné ne verront le jour qu’au XVII° siècle, et nous les retrouverons au temps où le rude partisan se sera fait décidément homme de plume : mais il faut bien noter ici que ce chef-d’œuvre de la satire lyrique est né des guerres civiles, conçu dans le feu des combats, sous l’impression actuelle des vengeances réciproques ; même une partie du poème s’est fait « la botte en jambe », à cheval, ou dans les tranchées ; c’était un soulagement pour cette âme forcenée d’épancher dans ses vers le trop-plein de ses fureurs, qui ne s’épuisaient pas sur l’ennemi. […] Ce soldat que les loisirs d’une prison firent écrivain, trouva le style qui convenait à son âme douce et forte : un style familier et vigoureux, sans ombre de prétention ni d’effets.
Le fait moral le plus considérable que je voie est un état assez confus des âmes, qu’il faut essayer d’analyser. […] Dans ces formes visibles et ces mouvements physiologiques, ils nous ont montré des âmes ; et même impures, même obscures, même mesquines, ils nous ont fait aimer ces âmes, ils nous ont fait plaindre leurs souffrances. […] Rod970, néo-chrétien, et critique, moral comme un protestant, cosmopolite comme un Genevois, fait de vigoureux romans, un peu lourds, un peu ternes, nets du moins, solides, intéressants, où il sait faire apparaître en des effets pathétiques le fond des âmes contemporaines et la nature des problèmes les plus troublants.
Il n’avait pas seulement ce qu’on peut appeler la dureté de l’âme générale et l’inhumanité, défaut commun chez les écrivains et les personnages célèbres de son temps, seul défaut saillant d’un siècle où bien décidément le caractère et l’esprit français ont atteint leur point de perfection et d’équilibre. […] Il adore l’Athènes d’autrefois et ceux qui en ont exprimé l’âme, le Paris d’à présent et ceux qui en traduisent l’esprit. […] Taine, toutes œuvres que caractérisent la conception mécanique de l’âme humaine, un mépris superbe de l’homme, un style sec et tranchant, circonscrit dans la notation impassible des effets et des causes. […] Nous apprenons qu’après Molière « trois écrivains bourgeois, Marivaux, Gresset, Piron, dont l’âme n’était tissue que de délicatesse, de fierté, de noblesse, de pensées honnêtes, avaient épuré et divinisé la scène comique ».
Toute la nature était dans le silence, dans l’attente, dans un état d’inquiétude qui se communiquait jusqu’au fond de nos âmes. […] lxi), distribuant de la sorte, avec intention, ces chères parties de son âme dans les endroits principaux du monument. […] Cependant les ressorts de la vie étaient usés chez lui ; on a remarqué que le désir de plaire, « qui fut peut-être sa passion dominante », l’abandonnait insensiblement ; un deuil habituel enveloppait son âme ; la Révolution lui semblait, comme il l’appelait, une révélation qui déconcertait les idées modérément indulgentes qu’il s’était formées jusque-là de la nature humaine. […] Un seul trait vous peindra la douceur de son âme philanthropique : « Que n’est-il donné à un mortel, s’écriait-il souvent, de pouvoir léguer le bonheur !
Sedaine me disait hier : “Oui, mais, votre métier, vous le faites avec sensibilité, vous y mêlez votre âme.” — Je ne nie pas que le métier ne gagne à cela, mais moi j’y perds. […] on y puise à même de l’âme, pour ainsi dire, comme en une eau courante. […] Pourquoi, découragé par vos divins tableaux, Ai-je, enfant paresseux, jeté là mes pinceaux Et pris pour vous fixer le crayon du poëte, Beaux rêves, obsesseurs de mon âme inquiète, Doux fantômes bercés dans les bras du désir, Formes que la parole en vain cherche à saisir !
À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis. […] Quelques moments avant de rendre l’âme, il avait encore la voix forte 1190. […] Au prix de quelques heures de souffrance, qui n’ont pas même atteint ta grande âme, tu as acheté la plus complète immortalité.
Pour un esprit comme le sien, pour un esprit jeune alors, animé, plein de sève, et par-dessus tout cela poétique (il venait de publier un volume de vers), c’était une charge, mais non une charge d’âme, que de continuer Sismondi, — Sismondi, l’historien érudit, si l’on veut, mais l’historien sans vie réelle, sans mouvement, sans chaleur, et l’un des écrivains de cette belle école grise de Genève qui, pour le gris, le pesant et le froid, a remplacé avantageusement Port-Royal ! […] Il avait en lui tous les penchants des âmes faibles. […] Toute âme, elle, comme Louis XVI était tout physique, toute àme, mais non pas toute intelligence ; car, lorsque son tour arriva de gouverner sous ce roi, qui n’était pas roi et dont le néant tuait la France, elle prit Brienne, croyant tenir le Kaunitz de sa mère !
Amédée Renée, qui a si bien compris la comtesse Mathilde, cette forte amie de Grégoire VII, a compris non moins bien cet homme qu’elle portait avec Dieu dans son âme… Il a vu le grand homme dans le cœur de la grande femme ; superbe milieu pour le regarder ! […] que l’âme de Mathilde avait été formée de toute l’aveugle superstition de son sexe. […] Cette conformité d’origine, ces ressemblances avec son Dieu, durent parler de même à l’esprit de Grégoire, à l’orgueil de ce puissant mystique, à cette âme de prophète.
Révolutionnaire d’âme candide et de charité, il n’en est pas moins révolutionnaire. […] Le Moyen Âge a cela de particulièrement colossal qu’il s’appuie, dans ses articulations les plus profondes, sur ce que l’âme humaine a de plus indomptable et de plus fier. […] Combat de Titan dans lequel les autres hommes n’ont plus rien à voir, car ici toutes les législations défaillent, tous les législateurs manquent d’éloquence et d’autorité, et il n’y a que devant Dieu que puisse capituler un homme qui a prononcé ce grand mot, qui a fait lever du fond des abîmes de son âme cette immense raison : mon honneur !
Il avait vécu dans l’atmosphère de Lamartine, cette pile de Volta de poésie et d’éloquence qui électrisait les âmes, même les moins semblables à la sienne, et dont la séduction était si grande que ceux qui ne pensaient pas comme lui avaient grand’peine à s’en défendre. […] Les « mottes de terre » de Pelletan ne sont l’âme, ni le génie, ni les mœurs, ni les habitudes séculaires de la France. […] Et, cependant, cette biographie de Béranger, malgré sa justesse exceptionnelle, est infectée comme les trois autres de ces déclamations haineuses qui ne vont ni à l’âme, ni au talent de Pelletan.
Il a imposé silence à ses instincts, à ses facultés, et jusqu’aux tendresses de son âme. […] Et il a enfin été digne de parler de cet homme qu’on enterre un peu trop dans sa grande âme, mais qui était aussi, il faut bien qu’on le sache ! […] L’abbé Maynard nous a raconté chacune de ces missions et de ces œuvres, et vous pouvez voir dans son livre si Vincent de Paul n’emplissait pas tout, n’éclairait et ne réchauffait pas tout de son âme, de sa vigilance et de son coup d’œil.
Beaucoup d’écrivains ont parlé de La Fontaine, et il y a eu des choses bien dites sur cet esprit et sur cette âme qui va à tant d’esprits et à tant d’âmes, et qu’on pourrait appeler le séducteur universel. […] … La passion lui planta-t-elle ses flèches dans l’âme ?
Jules Sandeau veut et répand, la paix des esprits et des âmes. […] Rassis promptement, comme toutes les âmes tièdes, d’une grande émotion de jeunesse, il se voua discrètement à des études qu’il avait d’abord partagées, — on sait avec qui, — et il les continua seul. […] Ce genre d’âme n’est pas une découverte, mais il fallait le faire revivre, et, à propos d’un type de cette hauteur, ne pas coudre le vaudeville à l’épopée !
Mais, âme douce en même temps que forte, il ne prêcha que l’obéissance aux lois, la soumission au monarque et le pardon des injures. […] Son âme, jusqu’alors sereine, devint sombre.
Ils n’ont point encore de littérature formée : mais quand leurs magistrats sont appelés à s’adresser, de quelque manière, à l’opinion publique, ils possèdent éminemment le don de remuer toutes les affections de l’âme, par l’expression des vérités simples et des sentiments purs ; et c’est déjà connaître les plus utiles secrets du style. […] La conviction de l’esprit cependant ne peut être un aussi ferme appui que la conscience de l’âme.
Au spectacle de cette période de terreur, c’est, je pense, une consolation de voir s’élever une autre grandeur que la grandeur de la cour, une autre autorité d’exemple et d’opinion, un autre modèle de société, une autre source de mœurs, d’idées, de principes ; c’est surtout un besoin pour les âmes douces et nobles, au milieu des tourments politiques qui les épuisent, d’entrevoir dans une société nouvelle un asile fermé à l’esprit de faction, et où se retrouvent les principales aménités de la vie civilisée. […] Remarquez aussi que si l’abbé Cottin était de cette société, Boisrobert, l’âme damnée du cardinal, le plus mauvais sujet de Paris, n’en était pas.
Malgré les trois points de ses sermons, — ces trois piquets de la tente où l’orateur sacré s’abritait pour parler une heure, — Bourdaloue, le sermonnaire et le théologien, est un immense moraliste, en pleine humanité et en pleine âme. […] Mais, à part le ton de sa foi, littérairement Fénelon montre dans ses Lettres spirituelles un talent exquis et ravissant, et même religieusement il peut faire du bien à quelques âmes Il a le charme, il a la grâce, — ce rien de la grâce que n’avait pas Nicole, et avec lequel on solde tout !
Ainsi, une âme qui est morte intérieurement peut bien recevoir des attaques des choses extérieures et être ébranlée au dehors, mais au dedans de soi, elle demeure morte et sans mouvement pour tout ce qui se présente. […] On opposait sa simplicité à la froideur d’âme des savants ; on le citait comme un exemple de la gratuité absolue des dons de Dieu. […] Voilà comme il sera toujours… Il étudiera, étudiera sans cesse ; mais, quand le soin des pauvres âmes le réclamera, il étudiera encore. […] J’aperçus l’insuffisance de ce qu’on appelle le spiritualisme ; les preuves cartésiennes de l’existence d’une âme distincte du corps me parurent toujours très faibles ; dès lors, j’étais idéaliste, et non spiritualiste, dans le sens qu’on donne à ce mot. […] Ce n’est point la science qui sauve les âmes.
… La traduction d’âme que sont ces poèmes ne flue jamais en doléances albugineuses. […] Subsista la sigillaire influence de cet enfant dans toute l’œuvre de son âme. […] … L’issue du labyrinthe où somnambule la pauvre âme. […] Vite elle a dilecté cette stagnance de son âme morose. […] pour une âme trop tanguée Des baisers sont des passions.
Nous ne savions pas qu’un prince eût l’âme et les mœurs d’un laquais. […] Nous plions comme lui ; nous comprenons qu’une pareille âme avait besoin de s’épancher. […] Âme et esprit et caractère, intérieur et dehors, gestes et vêtements, passé et présent, Saint-Simon voit tout et fait tout voir. […] Quiconque a la moindre habitude du style y sent non seulement un cœur brisé, une âme suffoquée sous l’inondation d’un désespoir sans issue, mais le roidissement des muscles crispés et l’agonie de la machine physique qui, sans s’affaisser, meurt debout : « La douleur de sa perte pénétra jusque dans ses plus intimes moelles. […] Ce style bizarre, excessif, incohérent, surchargé, est celui de la nature elle-même ; nul n’est plus utile pour l’histoire de l’âme ; il est la notation littéraire et spontanée des sensations.
(L’âme de qui ?) […] Vous appelez cela l’âme. […] va pour l’âme. Or l’âme (je parle de l’âme d’un réaliste), l’âme est par essence une chose mille fois moins saisissable encore que ces effluves de chaleur dont je viens de vous parler. […] mais une âme, une âme ambulante, une âme de tant de pieds et tant de pouces. — En marchant à côté de cet homme, dit le poète, on sentait qu’on marchait à côté d’une âme
Faut-il vous montrer l’état de mon âme quand je songeais entre ces pages ? […] Paléologue a relevé ce passage inédit : « Mon âme tourmentée se repose sur des idées revêtues de formes mystiques… Âme jetée aux vents comme Françoise de Rimini. Ton âme, ô Francesca, montait tenant entre tes bras l’âme bien aimée de Paolo : mon âme est pareille à toi ! […] Et ce fut enfin une âme haute et noble, une de ces âmes rares qui sont naturellement, ou nécessairement, pour beaucoup de raisons, plus rares en critique qu’ailleurs. […] On parle beaucoup d’états d’âme.
« Plus une âme est libre, plus elle est aisée à remuer. […] J’ai un sincère plaisir à vous ouvrir mon cœur ; je n’ai point rougi de vous confier toutes mes faiblesses ; vous seule avez développé mon âme ; elle était née pour être vertueuse. […] Vous verrez les traits de son visage ; que ne peut-on de même peindre les qualités de son âme ! […] Vous verrez les traits de son visage ; que ne peut-on de même peindre les qualités de son âme ! […] La vraie passion y respire sans rien de violent ni de tumultueux, avec le sentiment profond d’une âme toute soumise et comme dévotieuse.
A ses instants de loisir, il relisait sans cesse Paul et Virginie, et, après le 10 août ou le 30 mai, il revenait, à son humble foyer, cacher son âme émue dans le sein de sa jeune épouse. […] En reportant presque tout l’honneur de cette journée sur un citoyen estimable et pur, elle répare un injuste oubli, et de plus elle soulage l’âme en la dispensant de savoir quelque gré aux Tallien et aux Barrère.
. — Quant à l’âme, oh ! […] Je songe souvent que c’est votre adhésion, en apparence tardive, qui donnera l’existence définitive à ces délicates choses que l’on perd par trop de zèle : un état légal, où l’ordre soit aussi assuré que la liberté ; un état social, où la justice ne soit pas trop violée ; un état religieux, qui donne à l’âme humaine son aliment idéal, sans contrainte officielle ni chimères superstitieuses.
Éducation des âmes, éducation des corps. […] Les premiers hommes rapportaient aux cinq sens les fonctions externes de l’âme.
Il n’en voulut devoir les preuves qu’à la force de son esprit, comme Descartes avait fait pour Dieu et pour l’existence de l’âme. […] Sauf en ce qui regarde l’âme des bêtes, il est cartésien122. […] Le livre des Maximes, selon lui, n’était pas utile à tout le monde ; il ne convenait qu’à certaines âmes, dans un certain état. […] Il avait l’appui déclaré des ducs de Beauvilliers et de Chevieuse, dont il était l’âme, et le duc de Bourgogne n’avait pas abandonné son ancien précepteur. […] S’il parle de lui, c’est à titre d’évêque chargé du dépôt des âmes.
Mme de Charrière était une âme forte. […] La danse était pour moi, dans ce moment, une chose toute nouvelle ; je lui trouvai un meaning, un esprit que je ne lui avais jamais trouvé : j’aurais volontiers rendu grâce à son inventeur ; je pensais qu’il devait avoir eu de l’âme et une demoiselle de La Prise avec qui danser. […] Meyer sera l’âme de la vie entière de ton amie, ou si je n’aurai fait qu’un petit rêve agréable, qui m’aura amusé pendant un mois ; ce sera l’un ou l’autre, et quelques moments décideront lequel des deux. […] Grâces, talents, âme céleste, fortune même, tant de perfections ne purent fléchir un père ni obtenir à son fils le consentement pour l’union. […] Ame forte et fière, comme on l’a pu voir par un fragment de lettre cité au commencement, et qui se rapporte à sa fin, elle s’était faite aux nécessités diverses de la société ou de la nature.
Toutes ces âmes pieuses viendraient toutes m’entourer en me disant : Eh bien ! […] Les régions de l’amour, de la haine, de l’espérance, du désespoir, toutes les nuances de toutes les passions de l’âme, voilà ce dont la connaissance est innée chez le poète, voilà ce qu’il sait peindre. […] Aujourd’hui cependant, il n’y avait encore aucune trace de ces spectacles qui l’été nous rafraîchissent l’âme. […] Il faut pour observer la nature une tranquille pureté d’âme que rien ne trouble et ne préoccupe. […] Il était là comme un Apollon, vieilli de corps, mais l’âme animée d’une indestructible jeunesse.
En entendant ces gens je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme et mon âme passait dans la leur ; c’était le rêve d’un homme éveillé. […] Combien de fois ne leur ai-je pas communiqué mon âme en les regardant ? […] Il avait découvert l’âme ! […] quelle pénétration intime des lassitudes de l’âme ! […] Chose remarquable, l’âme a sa pairie comme le corps, et souvent ces patries sont différentes.
« LUCILE, MAURICE, âmes superbes ! […] On a rarement vu une figure plus belle et plus noble que la sienne, et sur laquelle les hautes facultés de l’âme et de l’esprit parussent avec autant d’éclat. […] L’amour de l’argent n’a jamais importuné dans mon âme l’amour de la gloire, que je mets au-dessus de tout. […] La patrie la tient prête pour chacun de ses enfants : sachez la mériter, les occasions ne manquent pas aux grandes âmes. […] C’est elle qui leur inspire ce noble désintéressement, qui élève leurs âmes et les rend capables d’entreprendre et d’exécuter les plus grandes choses.
Reléguer l’auteur de son âme et, pour éviter de nier Dieu, l’écarter de l’univers ? […] « De même que l’homme a besoin d’exprimer ce qu’il sent pour le bien comprendre et pour se rendre compte de ses impressions, en les communiquant à ses semblables, de même mon âme, recueillie en soi-même, sent un foyer croissant de contemplation intérieure qui l’échauffe, l’embrase, l’incendie, et cherche à se répandre au dehors. […] Mille autres besoins de mes sens et de mon âme se partagent mon existence ; puis je meurs, c’est-à-dire que cette existence cesse ici-bas, que mon âme, mon souffle, mon principe d’être, s’évanouit dans la douleur, la douleur mortelle, preuve que l’immortalité est mon premier besoin, et que je vais chercher ma vie nouvelle et supérieure, avec des conditions parfaites ou meilleures, avec ceux ou celles que je quitte en pleurant et regrette dans ce monde. […] Elle s’y enchaîne comme l’effet à la cause, sans repos jusqu’à ce qu’elle ait trouvé sa paix dans sa foi : existence de son âme. […] Les forêts intertropicales produisent sur l’âme, comme l’avait déjà fait observer Humboldt, une impression analogue à celle de l’Océan.
La nature dépose dans les âmes privilégiées le germe des grands talents ; mais pour le faire éclore, il faut que l’art vienne en aide à la nature. […] Il en est ainsi de l’âme du poète, soit qu’il cherche ses inspirations dans la nature extérieure, soit qu’il les trouve dans sa propre nature. Tout s’empreint à ses yeux des couleurs du ciel qu’il contemple ; tout s’anime en ses vers des émotions de son âme. […] Le poète, moins que tout autre, peut se défendre contre l’action qu’exercent sur lui l’aspect des lieux et le spectacle des événements ; car son âme en reçoit une impression plus vive et plus profonde. […] Quand il les refuse à une nation, c’est qu’il veut qu’elle meure, car les grands écrivains ne sont pas seulement la gloire d’un peuple, ils en sont l’âme et la vie ; ils en sont même l’immortalité !
disait un auditeur de la première représentation, elle imprègne l’âme d’une irrésistible somnolence, et puis elle est si bruyante qu’on ne peut s’endormir… Les concerts se suivent et se ressemblent. […] Aux jours de la jeune vaillance des âmes, le gazouillement magique appelait les héros aux vocations les plus hautes. […] Car, dans l’idée du moyen-âge, l’oiseau est le symbole de l’âme, qui ne connaît point les limites de l’espace et du temps ; c’est l’être le plus divin de la nature extérieure : il est libre, il vole, il chante. […] Il a voulu l’envelopper aussi d’une grande tendresse humaine, car, sous le bruissement harmonieux des cordes, la clarinette redit le motif mélancolique des Wœlsungen, comme si l’âme de Sieglinde errait à l’entour de son fils très aimé. […] Les résultats de la science, qui ont renversé les anciennes notions sur les choses, ont rempli notre âme d’inquiétude ; la Musique seule peut donner une réponse aux mystérieuses énigmes qui nous agitent.
Il fut si grand, même pour lui, accoutumé aux succès, que les réclamiers qui y travaillèrent semblèrent avoir de l’âme, et que ceux qui ont de l’âme et qui en parlèrent, semblèrent des réclamiers. […] il faut que nous soyons bien profonds ou bien superficiels, pour qu’un second coup porté sur nos esprits et sur nos âmes retentisse sur ce timbre sonore et sensible aussi fort que le premier, et même davantage. […] ce n’est plus là le poète (trop rare) de La Bataille d’Eylau du même volume, de cette bataille qui le fait sublime comme elle par la simplicité la grandeur sévère, la concision rapide, et cela par la raison qu’elle est une réalité qui lui prend l’âme et l’emplit toute, et qui ne lui permet pas, à cet homme de mots, un mot de trop. […] En ces termes, si elle y restait, l’idée en question révolterait peut-être encore bien des âmes. […] ……………… Je sens rentrer sous cette robe L’âme que le manteau de pourpre nous dérobe.
Joubert était l’âme, le suc et la moelle de cette petite société. […] Il ne se parle point, il ne s’écoute guère, il ne s’interroge jamais, à moins que ce en soit pour savoir si la partie extérieure de son âme, je veux dire son goût et son imagination, sont contents, si sa pensée est arrondie, si ses phrases sont bien sonnantes, si ses images sont bien peintes, etc., observant peu si tout cela est bon ; c’est le moindre de ses soucis. […] Avec une âme ouverte, il garde non seulement les secrets d’autrui (ce que tout le monde doit faire), mais les siens.
C’était le règne du chant ; le chant qui vole à l’oreille saisie, en s’échappant de la bouche des hommes divins qu’avait doués la Muse, courait sur les masses assemblées, et tendait en mille sens une chaîne ailée, invisible, qui suspendait les âmes. […] Ce qui caractérise Béranger entre ceux de nos poëtes contemporains les plus justement célèbres, c’est d’avoir tous les traits purs du génie poétique français, de reproduire en plein ce génie dans tous les sens, d’y atteindre naturellement par tous les bouts : bon sens, esprit, âme, il réunit en lui ces qualités éminentes dans une mesure complète, auparavant inconnue, mais qui ne pouvait se rencontrer que chez nous. […] Quant au dieu de Béranger, c’est un dieu indulgent, facile, laissant beaucoup dire, souriant aux treilles de l’abbaye de Thélème , n’excommuniant pas l’abbé Mathurin Regnier, pardonnant à l’auteur de Joconde, même avant son cilice ; c’est un dieu comme Franklin est venu s’en faire un en France, comme Voltaire le rêvait en ses meilleurs moments, lorsque, d’une âme émue, il écrivait : Si vous voulez que j’aime encore… Théologie, sensibilité, peinture extérieure, on voit donc que chez Béranger tout est vraiment marqué au coin gaulois : qu’on ajoute à cela un bon sens aussi net, aussi sûr, mais plus délié que dans Boileau, et l’on sentira quel poëte de pure race nous possédons, dans un temps où nos plus beaux génies ont inévitablement, ce semble, quelque teinte germanique ou espagnole, quelque réminiscence byronienne ou dantesque.
La grande illusion de Victorin fut de prendre trop à la lettre le cadre et le cirque académique, de s’y consacrer, de s’y enfermer de toute son âme, comme l’athlète d’autrefois faisait pour les Jeux olympiques. […] Ce qui lui en était resté de chagrin au fond, dans une âme assez légère, était inimaginable, et je l’ai entendu à près de quatre-vingt-dix ans revenant à satiété en vieil écolier sur ces injustices prétendues ou réelles dont il avait été victime. […] Victorin était une âme noble, un caractère élevé, et il ne se rendait pas compte de tous ces calculs ; son amour-propre les faisait en lui à son insu.
Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière. […] La même âme sent, pense et veut, et est tout entière dans chacun de ses actes. […] De sorte que pour décrire un état moral il faut voir le reflet qu’a jeté la sensibilité sur les perceptions et sur les déterminations de l’âme.
Les âmes au fond desquelles vivait encore une foi intense, avaient perdu l’enthousiasme : les nobles avaient ruiné la féodalité, les gens d’Église étaient en train de perdre l’Église et la religion : les grandes idées périssaient par les hommes qui les représentaient. […] Une grande idée s’était levée, l’idée nationale, lien des âmes et principe d’unité littéraire : elle pouvait prendre la place des idées centrales et communes, d’où l’inspiration du moyen âge était sortie. […] Dans ce cadre charmant, elle posait l’idéal de l’homme complet : le corps souple, robuste, gracieux, amené à la perfection de sa force et de sa forme, non plus instrument vil et méprisé, mais valant par soi, ayant droit à l’entière réalisation de ses fins propres et particulières, droit d’être et de jouir le plus possible ; l’âme parfaite aussi en son développement, enrichie de tous les modes d’existence qu’il lui est donné de posséder, s’épanouissant avec aisance dans sa triple puissance d’agir, de comprendre et de sentir.
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance, Un asile d’un jour pour attendre la mort… Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile. […] Ces considérations sur l’événement parisien de la veille, que des milliers d’âmes simples lisent avec tant de candeur et de foi, un malheureux homme de lettres les a écrites tantôt avec un inexprimable dégoût, tantôt avec l’indifférence résignée qu’on apporte à une corvée journalière. […] S’il parcourt les églises pendant le carême, il sait qu’il est convenable d’y porter une âme religieuse, et il l’y porte… Mais comme on sent que tout cela lui est égal !
Je crois certainement que c’est Dieu qui a eu pitié de cette vertueuse enfant et de mon âme qui allait à la perdition. […] Je ne crois point qu’Isabelle Soit une femme mortelle, C’est plutôt quelqu’un des dieux Qui s’est déguisé en femme Afin de nous ravir l’âme Par l’oreille et par les yeux. […] Mais, outre qu’elle s’attire Toute âme par son bien dire, Combien d’attraits et d’amours Et d’autres grâces célestes, Soit au visage ou aux gestes, Accompagnent ses discours !
Ils avaient retrouvé, par leur commerce avec l’antiquité, le secret de l’éducation véritable de l’esprit humain, et ils s’y dévouaient corps et âme. […] Il y a dans la nationalité un côté de sentiment ; elle est âme et corps à la fois ; un Zollverein n’est pas une patrie. […] La terre fournit le substratum, le champ de la lutte et du travail ; l’homme fournit l’âme.
C’est là un genre de religion qui s’est trop affaibli dans les âmes comme les autres religions, et dont le défaut se traduit dans la pratique en un seul fait trop évident : parmi ceux qui écrivent, combien en est-il qui cherchent à faire de leur mieux aujourd’hui ? […] L’auteur, qui entend toute chose, mais qui d’instinct sent l’éloquence mieux encore que la poésie, a su cette fois pénétrer dans cette poésie un peu sombre et déjà voilée, qui, chez quelques-uns de ces pères, chez Grégoire de Nazianze surtout, se montre si bien en accord avec les souffrances de l’âme et du monde. […] Cousin, tout occupé de la perfection, et avec ce sentiment du mieux qui est l’âme des grands talents, a revu et recueilli pendant les années dernières ses cours et fragments de philosophie en une douzaine de petits volumes, quelquefois charmants malgré le sujet, ou du moins remplis de variété et d’intérêt.
J’entends le bercement nasillard de la musique, je regarde les plis des burnous ; lentement le « Bois en paix » de l’Orient me descend de la petite tasse jusqu’à l’âme ; j’écoute le plus doux des silences dans ma pensée et comme un vague chantonnement de mes rêves au loin, — et il me semble que mon cigare fait les ronds de fumée de ma pipe sous le plafond du Café de la Girafe. […] Il me semblait que cette femme devait adorer les singes… Cette nuit, ce fut comme un déshabillé d’âme. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.
Quoique vous fassiez, à côté de ces réalistes dont vous vous réclamez, il y aura toujours des idéalistes que vous ne convertirez pas, parce que certaines âmes ont leurs penchants, supérieurs à tous les systèmes. […] Notre âme, notre instinct — appelez-les comme vous voudrez — sont ainsi faits. […] Mais il proclame, lui aussi, avec toutes les âmes jeunes et hardies de notre temps, cette doctrine de l’humanisme, qui s’empare actuellement de toute la civilisation moderne et qui dirige en un sens très déterminé la littérature, l’art, la politique, la sociologie d’aujourd’hui et de demain.
En un sens, la théorie classique, comme on l’appelle, convient par un côté à notre philosophie, car elle proclame l’idéal comme loi suprême de l’art, de même que nous considérons l’absolu et le divin comme cause suprême de la nature ; elle préfère, comme nous-mêmes, l’âme au corps et la raison aux sens ; elle place le beau dans l’expression de la vérité et du sentiment, non dans l’imitation colorée et violente des formes matérielles : par ces différentes raisons, la critique classique que représente M. […] Nous transportons ces vues dans la littérature et dans les beaux-arts ; nous pensons que c’est l’initiative individuelle qui a trouvé le beau, que l’idéal n’est passé dans la réalité et n’est devenu sensible que par la création libre des grands artistes et des grands écrivains, dont chacun lui a donné la couleur de son âme. […] Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines.
Lamennais, dans lequel l’imagination de la femme qui le peignait allumait, sur les débris des croyances qui l’avaient fait si grand, la passion impie, qui arrache les âmes à leur Dieu ! […] Elles parlent, ces honnêtes personnes, comme les déshonnêtes personnes de Lélia, des mystères de l’âme, de la vie et de la destinée, dans des paysages, un palais et des clairs de lune trop sandesquement décrits, et quoiqu’elles ne disent pas les mêmes choses, elles les disent avec les mêmes attitudes emphatiques, le même bombast que dans Lélia et le même amphigouri de poésie fausse et de solennité. […] Vous verrez ce que l’affectation, les prétentions, l’orgueil, la visée au génie et à l’âme ont fait des idées et du style d’une femme, d’esprit probablement, au début ; qui eut bien peut-être une heure de simplicité et d’abandon dans toute sa vie ; qui sut sans aucun doute, comme les autres femmes de son monde, tourner joliment un billet, mais qui n’a plus le moindre gracieux monosyllabe à son service et qui ne parle plus qu’avec des phrases en tire-bouchon ou en queue de comète !
Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti ! L’amitié est un sentiment trop viril pour subsister jamais dans une âme de femme ; et quand même, entre hommes, éclate cette chose rare et sublime, il n’y a qu’un homme du plus mâle génie, qui, comme Otway dans Venise sauvée, puisse en montrer toute la beauté et la grandeur. […] Avec sa gracile élégance, Mme Haller n’est point de force à creuser un sentiment, fait d’autant de raison que d’enthousiasme, le plus beau des sentiments dans la hiérarchie des sentiments de nos âmes, après le sentiment religieux !
Et comme cela n’est utile qu’à l’âme, — à l’âme immortelle à laquelle ils ne croient point, — cela semble inutile à ces jouisseurs grossiers, à ces sybarites d’auge et de chenil, et la marque d’infamie est pour eux cette inutilité. Michel-Ange et Raphaël sont donc des inutiles, non pas encore aux yeux de Barot, qui vaut mieux que ses doctrines et qui a de l’âme, malgré son matérialisme systématique, — la lèpre entre cuir et chair de son livre, — mais aux yeux de plus hardis et, dans son ordre d’idées, de plus forts raisonneurs que lui.
Une chose morte peut avoir laissé aux choses vivantes une âme, un esprit, que sais-je ? […] Le mot n’est pas de nous, il est de Lerminier, mais, dans sa hauteur intellectuelle de généralité sereine, ce mot vrai exprime une chose atroce, qui fera bondir l’âme de tout moderne chez lequel le sentiment moral n’aura pas été tué. […] Partout, sur ce sol fragmenté par des institutions diverses, vous chercheriez en vain la famille, la famille comme nous la comprenons et qui est l’âme de la vie moderne.
Il est impossible à celui dont la main peut gouverner les nations de quitter sa sphère céleste pour devenir un moine comme Charles-Quint — âme petite ! […] … On a parlé de la douleur d’avoir perdu l’Impératrice, de cette affection blessée par la mort et qui saigna toujours dans l’âme de ce fils de Jeanne-la-Folle, en qui l’amour conjugal semblait une passion héréditaire, mais la Douleur a son idée fixe et ne revient pas toucher, de ses mains préoccupées, les amusettes de l’Ambition. […] On peut l’affirmer avec sécurité, tout le temps qu’il n’y aura pas pour l’éternelle et péremptoire instruction des générations un Mémorial de Yuste comme il y a un Mémorial de Sainte-Hélène (et il paraît que cette grande confession à la Postérité qui tente les âmes les plus fortes, en fait de grands hommes, et qui avait aussi tenté Charles-Quint, n’existe plus), on n’aura le mot des questions que soulève ce mystère à demi voilé qui s’appelle le Charles-Quint de Yuste dans l’histoire, qu’en le demandant à l’Espagne, après l’avoir demandé à lui-même, car lui seul, il ne répond pas !
Il eut avec cette femme, dont il dit qu’elle lui faisait croire l’âme immortelle, la fameuse main de fer dans du velours, et quelquefois avec des déchirures au velours. […] car elle n’avait pas l’âme plus passionnée que lui : Et corsaires à corsaires, Tous les deux s’attaquant font bien mal leurs affaires. […] Il avait peu d’âme.
Sachant le prix du temps, le prix de tout, planant sur les préoccupations de son âme et les distractions de la vie, ne permettant pas à ces distractions d’emporter jamais sa pensée hors de l’atmosphère où, sans effort, il la maintenait, Buffon, comme Rousseau, ne jouait pas au hibou de Minerve. […] De tous les sentiments qu’il permit à son âme, je crois que le plus touchant et le plus profond fut pour son fils, et c’est aussi la pensée de son biographe. […] Tous les autres devaient faire un peu grimacer son âme, comme les petits sujets faisaient grimacer son style.
Comte ; Cabanis, Broussais et le docteur Gall, le docteur Gall surtout, dont directement il procède, et auquel il emprunte son système de petites boîtes numérotées sur le crâne, pour mettre là-dedans les facultés de l’âme qu’il y a vues probablement, ce grand observateur qui n’invente rien, et pas même sa philosophie ! Les facultés de l’âme et la morale, qui est la conséquence de ces facultés, sortent pour M. […] Si elles ne sont pas ces petites boîtes elles-mêmes, qu’il nous les montre, ces facultés de l’âme indépendantes, ayant une existence à elles, quoique renfermées en ces petits engins.
Il y avait à cette histoire d’amour, — et je n’écris pas ce mot avec un mépris léger : les histoires d’amour, en littérature, sont, pour peu qu’on y mette un peu de talent, non pas des redites, mais du renouveau, au contraire, — il y avait trois dénouements possibles, tranchés et vrais tous les trois, et qui auraient fait leçon dans l’esprit du lecteur après avoir fait coup dans son âme. […] C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins. […] Son chroniqueur n’a pas cité dans sa chronique un seul acte de croyance profonde venant de ce héros obscur, de cet humble servant militaire à âme de chevalier, auquel il eût été plus séant qu’à personne d’être chrétien.
. — Je l’avais expectoré d’indignation, vraiment provoqué par d’écœurantes réalités. » Et on le sent bien, malgré les retouches de l’écrivain devenu plus difficile, et ses apaisements d’âme et de vie, et le mûrissement de trois ans passés. […] Telle est ma réserve de chrétien ; mais s’il a l’âme chrétienne, a-t-il l’esprit chrétien comme nous, les catholiques, les inaccessibles aux idées du temps et les fidèles ? […] Mais la mort comme Gravillon nous la représente, si Rancé l’avait aperçue il se fût détourné d’elle comme de la tentation dernière, et il eût renfoncé son crâne chauve dans la poussière du lit de cendres sur lequel on l’avait étendu pour y rendre son âme à Dieu.
Les passions de l’âme sont incalculables dans leur nombre et dans leur variété. […] Ici est enfermée l’âme !… Une âme enfermée ! […] Zola a été vrai, car l’âme humaine n’est ni toute bonne, ni toute mauvaise. […] Seules, les aspirations de l’âme sont infinies.
Il faisait toujours beau dans sa belle âme, ses jours de haine n’avaient point de lendemain. […] Un enfantillage réjoui, c’était le caractère de cette figure ; une âme en vacances, quand il laissait la plume pour s’oublier avec ses amis ; il était impossible de n’être pas gai avec lui. […] Mais ce sculpteur, à cette seconde époque, avait confondu dans ses œuvres la matière avec l’âme. […] Écrire quand on a le cerveau fatigué et l’âme remplie de tourments ! […] est-il bien de corps et d’âme ?
Nous avions, dans une des expressions d’art les plus authentiques, enchâssé l’âme humaine ; nous risquons de n’être plus que des intelligences. […] Entre les deux guerres, de 1870 à 1914, il a ramené l’âme française au culte de l’action. […] Chacune de nos expériences successives laisse des œuvres qui enregistrent pour toujours un aspect de l’âme humaine. […] Le romantisme, et c’est là sa grandeur, c’est la collaboration de quelques génies avec la tristesse de l’âme française : donc ne diminuons pas notre pays en essayant de diminuer le romantisme. […] Ils tendent aux autres peuples de splendides miroirs où les âmes étonnées se reconnaissent.
C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ». […] Ce qui lui manque, c’est ce qui fait l’âme et l’honneur, je ne dirai pas de la méthode (elle peut paraître hasardeuse), mais de la doctrine et du génie de Pascal, ce qui en fait la puissance et l’attrait : c’est le désir et le tourment, c’est le cœur. […] Pascal n’a point un double rôle ; ce n’est point M. le théologal d’un côté, et le disciple de Sénèque ou de Montaigne de l’autre : en lui l’apologiste et l’homme ne font qu’un ; il y est tout entier, corps et âme.
Le prince Guillaume ne survécut que d’un an à peine à sa disgrâce ; il mourut l’année suivante (juin 1758), et cette mort, à laquelle Frédéric s’attendait si peu, et à laquelle il put se reprocher d’avoir contribué, vint ajouter dans ces sanglantes années aux peines morales qui assiégeaient de toutes parts son âme. […] Nombre de lettres de Frédéric adressées à son frère, à la veille ou au lendemain des batailles acharnées où il risque tout et où, tantôt battu, tantôt battant, sa personne est continuellement enjeu, lettres toutes remplies de recommandations nettes et précises, attestent sa simplicité, sa force d’âme et son souci patriotique de l’État, il met certainement le plus haut prix aux services que le prince Henri ne cesse de rendre, en ces cruelles années, par ses soins et ses bonnes dispositions autant que par sa valeur : « L’Europe, lui dit-il (mai 1759), apprendra à vous connaître non seulement comme un prince aimable, mais encore comme un homme qui sait conduire la guerre et qui doit se faire respecter. […] Et toutefois il n’y a pas une de ces lettres qui soit, à proprement parler, agréable : il y en a de vraies, de fortes, de bien sensées ; j’en citerai une, la prochaine fois, qui est de tout point admirable de douleur et d’âme ; mais l’agrément proprement dit, il n’est pas là pour nous autres Français. […] » Si après de tels hommages presque excessifs et de telles réparations souverainement gracieuses, le prince Henri se souvenait encore, pour s’en offenser et s’en ulcérer à loisir, de quelques brusqueries de Frédéric, c’est qu’il avait l’âme incomparablement moins grande.
L’impression de la nature champêtre, comme au temps de René ou d’Oberman, vient se mêler par caprices et par bouffées aux ennuis de l’âme et stimuler les vagues désirs : Il arrivait parfois des raffales de vent, brises de la mer, qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu’au loin dans les champs une fraîcheur salée. […] Dans ces vies de province, où il y a tant de tracasseries, de persécutions, d’ambitions chétives et de coups d’épingle, il y a aussi de bonnes et belles âmes, restées innocentes, mieux conservées qu’ailleurs et plus recueillies ; il y a de la pudeur, des résignations, des dévouements durant de longues années : qui de nous n’en sait des exemples ? […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ? […] Il y a de ces âmes dans la vie de province et de campagne : pourquoi ne pas aussi les montrer ?
Comme de telles représentations devaient alimenter et fortifier les âmes croyantes, remplir leur imagination, satisfaire à leur besoin de sensibilité ! […] Comme toutes les facultés humaines y trouvaient à la fois leur compte ; et que l’on conçoit bien que les saint Bernard, les saint Bonaventure et toutes ces âmes mystiques et ardentes qui nous sont personnifiées sous de tels noms, y trouvassent leur fête et leur complet rassasiement ! […] Après les excuses qu’ils essayent de balbutier, Dieu fulmine les malédictions contre le serpent et lance contre eux les terribles menaces, les prédictions de malheur, en se réservant toutefois la pitié et la miséricorde : « En enfer irez, sans répit ; ici les corps, auront exil, les âmes en enfer péril. […] Moland, c’est cette même arrière-pensée de miséricorde, terminant la sentence divine qui-a-inspiré plus tard à Milton de faire descendre, pour juger l’homme déchu, non le Père, mais le Fils, le futur Rédempteur en personne, le « doux juge et intercesseur à la fois », venant porter la sentence avec une colère tranquille « plus fraîche que la brise du soir » ; et même temps qu’il condamnait les coupables en vertu de la loi de justice, les revêtant incontinent, corps et âme, dans leur nudité, les aidant en ami, et faisant auprès d’eux, par avance, l’office du bon serviteur, de celui qui lavera un jour les pieds de ses disciples : admirable et bien aimable anticipation du rachat évangélique et des promesses du salut !
Le plus grand obstacle qui s’y trouva fut M. de La Valade, lieutenant du roi de Navarrenx, qui, étant d’une prodigieuse grosseur et hors d’état de se donner de lui-même et sans aide aucun mouvement, avait cru de son honneur d’être du voyage, quoi que M. le maréchal et tous ses amis eussent pu lui dire ; il s’était fait porter, par des Suisses de la garnison de Navarrenx qui se relayaient, et, comme ils allaient très-doucement et faisaient de temps en temps des pauses, cela retarda notre marche, et on le fit partir au retour deux heures avant le jour pour,éviter un pareil inconvénient. » Il est grotesque, ce M. de La Valade qui se fait porter à l’algarade à bras d’hommes ; il parodie d’avance le mot de Bossuet, et veut montrer, lui aussi, « qu’une âme guerrière est maîtresse du corps qu’elle anime. » Foucault lui-même, qui ne rit guère, sent le comique de l’expédition ; et cela ne cesse pas pendant tout le temps. […] Et ces cruautés exercées comme des gentillesses par d’indignes soldats nous sont décrites de point en point, j’en fais grâce : « C’était là, nous dit la Relation protestante, le plus fort de leur étude et de leur application que de trouver des tourments qui fussent douloureux sans être mortels, et de faire éprouver à ces malheureux objets de leur fureur tout ce que le corps humain peut endurer sans mourir. » Je fais la part des exagérations et des invectives vengeresses chez des âmes ulcérées, et pourtant on n’invente pas absolument de pareils actes dans leur détail et avec toutes leurs circonstances. […] De retour en Béarn (22 février 1685), Foucault, sûr désormais de son fait, se met à l’œuvre, et la conquête des âmes commence. […] « Depuis le 22 février que j’ai été de retour de Paris à Pau, jusques au mois d’août, il s’est converti, plus de quinze mille âmes.
Ils avaient repoussé de toute leur âme l’étranger que tous les autres à l’entour appelaient de leurs vœux ; c’était leur crime. […] M. d’Argenson s’avisa de demander qu’on procédât, comme en Angleterre, lorsqu’on veut suspendre l’habeas corpus, et qu’on fît préalablement une enquête pour prouver que les lois en vigueur ne suffisaient pas ; autrement, on est réduit, disait-il, à se décider d’après des faits isolés, sur des rapports partiels et contradictoires qui ne permettent pas d’asseoir une opinion : « Et c’est ainsi, continuait-il, que tandis que les uns parlent de clameurs séditieuses, de provocations insensées à la révolte, les autres ont déchiré mon âme en annonçant que des protestants avaient été massacrés dans le Midi. » A ces mots une violente agitation s’empara de l’Assemblée ; les cris : A l’ordre ! […] M. d’Argenson, peu orateur et mal préparé aux luttes de la tribune, ne sut pas trouver alors dans son indignation un de ces cris puissants comme en eut trouvé en pareille crise une âme d’orateur. […] Royer-Collard tout le premier, avec sa forte et haute manière et ce je ne sais quoi d’auguste dans le bien dire qui ne ressemblait à rien de ce que l’on connaissait jusque-là ; et pour M. de Serre, cette grande âme oratoire, au large essor, au coup d’œil étendu, à l’inspiration palpitante et passionnée, un de ces oiseaux de haut vol qui ne s’élèvent jamais plus haut que dans la tempête ; et pour M.
Elle qui m’a confié toute son âme et toute sa vie, quand moi-même je lui ai voué dans mon cœur toute la tendresse qu’on a pour une épouse, souffrirais-je qu’une nature aussi honnête, aussi pure, aussi bien élevée, en vienne, par misère, à tourner mal ? […] Ne rencontrerai-je pas une âme, pas un curieux qui me suive, qui me persécute et m’obsède de questions, pourquoi je suis gai, pourquoi je bondis, où je vais, d’où je viens, où j’ai pris cet habit (il est encore déguisé), ce que je cherche, si je suis sain d’esprit ou fou ? […] Térence a le talent voisin de l’âme ; il donne, plus qu’aucun écrivain, raison à ce mot de Vauvenargues, « qu’il faut avoir de l’âme pour avoir du goût. » Si Virgile, venu plus tôt, avait fait des comédies, il les aurait faites comme Térence.
A vingt et un ans, retiré dans une solitude champêtre en Normandie, il exprimait pour lui et pour un ami, Achille Du Parquet, dans un Journal confidentiel, les dispositions et les facilités de son esprit, il laissait déborder l’ivresse de son âme : « Couvent de Caudebec, jeudi matin, 30 octobre 1806. […] Tout entier viens me rallumer ; De mon bonheur reine envieuse, Viens de ton âme m’animer. […] Viens tout près d’une âme altérée, Ouvre-moi ta source sacrée, Viens dans ta source m’enivrer. […] J’écoutais le bruit lointain de nos victoires, et mes chants en étaient l’écho, — ou le mouvement intérieur de mon âme, et mes vers réfléchissaient les images dont j’étais entouré.
Gœthe se renouvelle, mais il se rompt l’âme à toute croyance. […] Dès qu’on n’est plus inspiré par un sentiment souverain, impétueux, unique, qui décide et apporte avec lui l’expression ; dès qu’on flotte entre plusieurs sentiments, et qu’on peut choisir ; qu’on en est à redire les choses profondes, à exhaler le superflu des émotions nouvelles, il faut que le travail, l’art, ou, pour exiger le moins possible, un certain soin quelconque aide à l’exécution, et y ajoute, y retranche à l’extérieur par le goût ce que l’âme, tout directement et du premier coup, n’a pas imprimé. […] On a eu raison de louer le Cantique sur la mort de madame de Broglie ; j’y remarque pourtant des longueurs qui nuisent à l’effet, quelques mots discordants, et surtout un manque de décision dans le sentiment religieux avec lequel il eût fallu aborder cette admirable personne, d’une foi si précise, et dont l’âme présente doit, ce semble, moins que jamais souffrir rien d’évasif à ce sujet. […] Le lyrique a beau faire ; il n’échappera pas à ses propres émotions ni à son âme ; c’est absolument comme dans la romance : En songeant qu’il faut qu’on l’oublie, On s’en souvient.
Jeté jeune et sans éducation régulière au milieu d’une littérature compassée et d’une poésie sans âme, il a dû hésiter longtemps, s’essayer en secret, se décourager maintes fois et se reprendre, tenter du nouveau dans bien des voies, et, en un mot, brûler bien des vers avant d’entrer en plein dans le genre unique que les circonstances ouvrirent à son cœur de citoyen. […] Il se met volontiers dans ses vers, et nous entretient de lui, de son âme, de ses caprices et de ses faiblesses. […] Mais, dès 1684, nous avons de lui un admirable Discours en vers, qu’il lut le jour de sa réception à l’Académie française, et dans lequel, s’adressant à sa bienfaitrice, il lui expose avec candeur l’état de son âme : Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre, J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens : Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, délices chimériques, Les romans et le jeu, peste des républiques, Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamnées, Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années. […] Les sens charmaient l’âme pour eux-mêmes, et non comme une distraction étourdissante et fougueuse, non par ennui et désespoir.
C’est d’une belle âme. […] La tentation est grande d’entasser volume sur volume, de délayer, de répéter ; il faudra beaucoup de force d’âme pour mûrir pendant dix ans un petit livre. […] De là la médiocre profondeur de son observation psychologique : le réaliste qui s’attache à garder aux choses extérieures tous les accidents de leur individualité, est forcé de se tenir aux vérités moyennes de la vie de l’âme. […] Et pourtant cet ouvrage contient quelque chose de rare dans la vie, et que le roman avait rejeté depuis Mme de la Fayette comme une pure idée de roman : il y a une grande passion, une passion qui absorbe deux êtres, dévorant leurs âmes et leurs existences.
Laissons les âmes vulgaires crier avec Mika, ayant perdu ses idoles : « J’ai perdu mes dieux ! […] Je dis spéculative, car nul n’est admissible à rejeter son immoralité personnelle sur le compte de son siècle ; les belles âmes sont dans l’heureuse nécessité d’être vertueuses, et le XVIIIe siècle a prouvé que l’on peut allier les plus laides doctrines avec la conduite la plus pure et le caractère le plus honorable. […] Il me semble que parfois j’ai réussi à reproduire en moi par la réflexion les faits psychologiques qui durent se passer naïvement dans ces grandes âmes. […] En effet, le terme du progrès universel étant un état où il n’y aura plus au monde qu’un seul être, un état où toute la matière existante engendrera une résultante unique, qui sera Dieu ; où Dieu sera l’âme de l’univers, et l’univers le corps de Dieu, et où, la période d’individualité étant traversée, l’unité, qui n’est pas l’exclusion de l’individualité, mais l’harmonie et la conspiration des individualités, régnera seule ; on conçoit, dis-je, que dans un pareil état, qui sera le résultat des efforts aveugles de tout ce qui a vécu, où chaque individualité, jusqu’à celle du dernier insecte, aura eu sa part, toute individualité se retrouve comme dans le son lointain d’un immense concert.
Si jamais l’âme de l’homme a pu être comparée à un courant d’eau changeant et rapide, c’est assurément de nos jours : les grands poètes de notre âge, en particulier, sont de grands fleuves, et M. de Lamartine est le plus large et le plus beau de tous. […] M. de Lamartine, comme tous les grands poètes, a plusieurs âmes, il a dit même quelque part qu’il en avait sept (le nombre n’y fait rien) ; et certes il a prouvé, en des heures fameuses, que l’énergie, la force, une soudaine vigueur héroïque qui se confond dans un éclair d’éloquence, ne lui sont pas étrangères. […] On eût dit que sa tête, naturellement petite, s’était agrandie pour laisser plus librement rouler entre ses tempes les rouages et les combinaisons d’une âme dont chaque pensée était un empire. […] La seule partie supérieure des Histoires de M. de Lamartine, et qu’il serait injuste d’y méconnaître au milieu de tout ce qu’on y rencontre d’inexact et de défectueux, c’est le sentiment vif des situations générales, l’esprit en quelque sorte des grandes journées et des foules, cet esprit que le poète encore plus que l’historien embrasse et qu’il recueille en son âme, avec lequel il se mêle et se confond, et dont il excelle à tracer en paroles émues, et comme en ondes vibrantes et sonores, les courants électriques principaux.
Fouquet, comme Retz, était d’ailleurs un personnage aimable, séduisant, doué de qualités brillantes et de ressources infinies ; d’un génie vaste, en prenant le mot vaste dans le sens de défaut, embrassant trop de choses à la fois, mais d’une âme élevée, d’un cœur libéral et généreux, aisément populaire. […] Les âmes des poètes sont reconnaissantes. […] Pourtant, il ne sera jamais indifférent à l’honneur d’un pouvoir établi d’avoir ou de n’avoir pas le sentiment de ce qui peut se rencontrer encore du côté de la littérature, et dans les âmes vraiment littéraires, de ressorts vifs et généreux. […] Qu’on veuille bien m’entendre : une distinction, une louange juste et bien placée, de l’attention, ce sont de ces faveurs qui rattachent les âmes, même les plus libres.
Cousin n’avait voulu que rétablir, contrairement aux résultats du xviiie siècle, une philosophie où l’on prouvât, par diverses sortes de raisonnements plus ou moins rigoureux, l’existence de Dieu, la spiritualité de l’âme, son immortalité, la liberté morale de l’homme dans une certaine mesure, il y aurait eu peu à redire ; car une telle philosophie est la seule qui se puisse décemment enseigner, et elle a été généralement d’ailleurs la philosophie des Socrate, des Platon, des Descartes, des Bossuet, des Fénelon, des d’Aguesseau. […] Mais il y a tel instant où, du fond de cette vanité, de cet égoïsme, de cette petitesse, de ces misères, de cette boue dont nous sommes faits, sort tout à coup un je ne sais quoi, un cri du cœur, un mouvement instinctif et irréfléchi, quelquefois même une résolution, qui ne se rapporte pas à nous, mais à un autre, mais à une idée, à notre père et à notre mère, à notre ami, à la patrie, à Dieu, à l’humanité malheureuse, et cela seul trahit en nous quelque chose de désintéressé, un reste ou un commencement de grandeur, qui, bien cultivé, peut se répandre dans l’âme et dans la vie tout entière, soutenir ou réparer nos défaillances, et protester du moins contre les vices qui nous entraînent et contre les fautes qui nous échappent. […] Quant à ce qui ressort de tout le morceau, que « les lettres, c’est l’esprit, humain lui-même » ; que « l’étude des lettres, c’est l’éducation de l’âme », qu’il me soit cependant permis de faire à ce sujet aussi mon petit discours, non pas napoléonien, mais d’humble bon sens et d’observation un peu sévère. Oui, j’ai toujours aimé à le croire, les lettres classiques, ce devrait être l’enseignement de l’âme, son baptême d’énergie, de désintéressement et d’indépendance à travers la vie.
Les qualités de ton excellent cœur, la force et la grandeur de ton âme me pénètrent du plus tendre amour. […] Comme musicien, comme jeune homme agréable et sans conséquence, il fut introduit, vers 1760, dans la société de Mesdames Royales, filles de Louis XV : « J’ai passé quatre ans, disait-il, à mériter leur bienveillance par les soins les plus assidus et les plus désintéressés, sur divers objets de leurs amusements. » Il était l’âme de leurs petits concerts ; il s’insinuait avec grâce, avec respect, avec tout ce qu’on peut croire, jusqu’à exciter l’envie des courtisans. […] « Une des choses que j’ai le plus constamment étudiées, dit-il, est de maîtriser mon âme dans les occasions fortes. […] Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.
Son âme toujours énergique ne dominait plus son corps brisé par la fatigue. […] N’oublions pas non plus ce qu’a dit Montesquieu : « Cicéron, selon moi, est un des plus grands esprits qui aient jamais été : l’âme toujours belle, lorsqu’elle n’était pas faible. » C’est cette faiblesse trop souvent visible de l’âme, jointe à la pompe parfois surabondante du discours, qui a donné à M. […] Mérimée a pris son parti plus franchement, ou du moins de propos plus délibéré : il donne tout d’abord ses deux personnages pour deux coquins ; il ne s’agit guère ensuite que du degré ; il s’agit surtout de voir comment l’amour naît, se comporte et se brise, ou persiste malgré tout, dans ces natures fortes et dures, dans ces âmes sauvages.
La liberté est, avec la patrie, le devoir, l’âme, Dieu, l’une des premières inspirations de la pensée, du sentiment et de l’éloquence. […] Nisard, « d’amour et de dégoût de la vie », du sentiment de la vanité des choses uni à un désir insatiable d’être et de vérité ; c’est le sentiment que l’âme éprouve en présence du problème de sa destinée, comme te disait M. […] Néanmoins, dans l’incrédulité de son siècle, avoir eu un sentiment si juste et si élevé du christianisme, n’est-ce pas le signe d’une âme largement douée pour le beau ? […] Cela posé, il faudrait convenir que Rousseau avait le goût et l’instinct de quelque chose de meilleur que ce qui suffisait à son siècle : ni le plaisir seul ni les convenances, ne satisfaisaient cette âme gâtée mais généreuse.
Il s’agit de refaire l’âme humaine défaite, de refaire, en vue du bonheur des époux, la famille chrétienne, fondée en vue, de l’amour des enfants ; c’est l’égoïsme à deux de cette pauvre madame de Staël, élevé à sa plus haute, non ! […] Prenez la préface de ce volume, que l’impossibilité des citations empêche la critique de rouler par les escaliers, et dans la partie diable de cette préface (il y en a une qui ne l’est pas), vous apprendrez comment Michelet de simple professeur passa prêtre, et prit solennellement charge d’âmes. […] À cette époque, écrit-il d’un ton hiératique, tout à la fois mystique et mystérieux, beaucoup d’âmes « se révélèrent à moi, ne craignirent pas de montrer des blessures cachées, apportèrent leurs cœurs saignants. […] Un matin, il travaillait, levé de bonne heure, pour le soulagement des âmes souffrantes ; un jeune homme (impétueux, dit-il), ne s’arrêta pas à la consigne : il pénétra, frappa, entra !
De ce sentiment, qui avait été pour Caton payen le désespoir, le christianisme fit la mélancolie… La nouvelle poésie se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations l’ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d’autres termes, le corps à l’âme, la bête à l’esprit. […] Il est tel chœur de Sophocle, tel sonnet de la Vita nuova, telle tragédie de Racine, qui résonnent dans l’âme comme le chant d’un dieu d’amour et de douleur ; et tant que l’humanité vivra, elle retrouvera, dans ces syllabes assemblées par un homme disparu, l’immortelle expression d’une âme toujours présente. […] Croce verra combien mon « système » diffère de la classification rigide encore en usage) que la satire n’est pas un « genre », pas plus que l’idylle, ou le poème héroï-comique, ou le roman champêtre… Ces combinaisons variées, dont nul ne saurait fixer le nombre ni la forme, naissent parfois de la fantaisie d’un génie et meurent avec lui, car les imitations qu’elles suscitent ne sont le plus souvent que de mauvaises copies et ne révèlent qu’une mode sans âme ; — d’autres fois, ces combinaisons (celles-là surtout qu’on essaie de grouper en « genre didactique »), sont tout simplement des œuvres de morale ou de science ; leur style agréable ne suffit pas à en faire des œuvres littéraires ; il s’agit d’un domaine intermédiaire, comme il y en a tant dans la vie où tout n’est que transition ; dans ces cas-là, qu’on commence par rendre courageusement à la morale et à la science tout ce qui n’est pas œuvre d’art ; il y a des documents d’une grande valeur psychologique qui sont sans « forme » au sens précis du mot, donc sans art ; il faut les connaître, les utiliser, en dire l’intention, la signification ; mais, loin de les mettre au nombre des œuvres d’art, dire pourquoi ce ne sont pas des œuvres d’art.
Poète descriptif, poète rêveur, patriote sincère, il a cherché avant tout dans le cadre du roman historique une occasion d’épancher son âme, d’ouvrir son imagination, de célébrer une patrie et une cause qu’il aime. […] Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.
La danse de chez nous et celle de là-bas expriment bien réellement deux âmes différentes et même contraires, deux races, deux civilisations. […] On dirait parfois une âme qui danse sous une forme visible, mais charnelle à peine.
Il est décidément regrettable que l’Europe du XVe siècle ait été trop distraite ou trop occupée pour barrer la route à des conquérants dont l’âme diffère à ce point de la nôtre. […] Elle eût dit ce qu’elle devait et seule pouvait dire ; et cela eût « délivré son âme ».
Il y a des désirs, inconnus jusqu’alors ou du moins amortis durant de longues années, qui s’éveillent ou se réveillent dans les âmes et qui demandent à être satisfaits. […] C’est seulement après sa mort qu’il est réhabilité, remis à son rang ; c’est du fond du tombeau que sa voix se fait écouter et vient éveiller dans les âmes un écho tardif.
Il est rare que l’âme conserve de la dignité et de l’élévation dans un état subalterne qui ne mène à rien d’important. […] Quand on a son âme grande et son étonnante pénétration, on étend sa sagesse au-delà de son existence et l’on règne longtemps après qu’on n’est plus.
et celle du juge ; en un mot qui est-ce qui donnera l’âme à la scène [?] […] Sans le charme du paysage, quelque bien qu’on se tire des figures, on ne réussira qu’à moitié ; sans les figures et leurs caractères bien pris, sans l’âme ; quel que soit le charme du paysage, on n’aura qu’un petit succès.
Dans tous ces écrits, dans le texte, les préfaces, les moindres notes, dans tout ce qui sort de la plume de M. de Lescure, on sent l’âme, le cœur, la sève, un bouillonnement d’esprit et de noble ambition ; l’âge lui en retirera assez, et, loin de le blâmer de ce trop de vivacité et de ferveur, je suis tenté plutôt de lui appliquer le mot de Chateaubriand : « Laissons l’écume blanchir au frein du jeune coursier. » Aujourd’hui il a rencontré sur son chemin, dans le cours de son ardente recherche en tous sens, le Journal manuscrit de Mathieu Marais, et il nous le donne avec des suites de lettres de ce même avocat curieux et savant. […] Mais, d’autre part, j’ai un jeune ami des plus distingués à qui, dans un mouvement d’explosion sincère, il est arrivé de dire devant moi, à propos de ce même historien : « Le jour où M*** disparaîtrait, je sentirais une fibre se briser dans mon cœur. » J’ai compris dès lors que, pour être ainsi aimé et chéri, pour exciter en des âmes d’élite de tels tressaillements, il fallait que cet homme aux brillants défauts, à la parole pénétrante, eût quelque chose d’à part et de profond qui m’échappait, je ne sais quel don d’attrait et d’émotion qui a ou qui a eu sa vertu, et depuis ce jour je me suis mis à le respecter et à respecter en lui ceux qui le sentent si tendrement et qui l’aiment. […] Ce n’était point du tout une nature sèche d’annotateur et de commentateur, on l’a déjà pu voir ; il avait l’âme ouverte en même temps que l’esprit ; ses préférences n’étaient point exclusives ; il a écrit sur La Fontaine ; il a dit de Fénelon avec qui il paraît avoir eu quelque liaison assez particulière : « J’attends ce que l’archevêque de Cambray me promet. Il faut connaître tous les grands hommes, et celui-ci a le cœur si étendu et l’âme si tendre que par les sentiments il est au-dessus des lumières de l’esprit. — Adieu, madame, il fait toujours bon connaître ceux qui nous apprennent à aimer. » C’est dans une lettre à une amie qu’il a glissé cette pensée. […] » s’écriait Marais ; « je vous assure, madame (il parle à Mme de Mérigniac), qu’il n’y manquerait rien. » Et mêlant un cri de l’âme ces choses de l’esprit, il disait encore : « Que l’on est heureux, madame, d’avoir des amis officieux et qui trouvent dans leurs cœurs des ressources contre la tyrannie de la mort et ses oublis éternels !
Il sembla véritablement alors qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir ; il y avait partout, en ces premiers moments, plus de vivacité dans l’air, et dans les âmes un sentiment de soulagement et d’espérance ; la suite y répondit trop peu. […] J’y ai été trompé comme les autres et séduit par son bel esprit et son exacte prononciation qui pénétrait l’âme. […] Ce talent admirable d’orateur moraliste et tendre, cette âme charmante, virgilienne et racinienne, ce panégyriste de la Madeleine repentie, après une première saison d’austérité et de ferveur, s’était apaisé comme il est naturel, s’était même attiédi du côté de la foi et était arrivé, sur la fin, à plus de sagesse humaine peut-être que divine. […] Et puisque j’en suis moi-même à aller ainsi à la picorée dans les auteurs, voici une assez belle pensée de lui sur les Grecs ; elle lui est échappée en parlant du Dialogue sur la Musique des Anciens, de l’abbé de Chateauneuf : « Nous ne sommes pas si vifs ni si chauds que les Grecs ; je m’imagine qu’ils avaient l’âme d’une âme au lieu d’un corps. » Ce n’est pas mal pour un Gaulois.
Les admirations contemporaines les plus unanimes et les mieux méritées ne peuvent rien contre ; la résignation la plus humble, comme la plus opiniâtre résistance, ne hâte ni ne retarde ce moment inévitable, où le grand poëte, le grand écrivain, entre dans la postérité, c’est-à-dire où les générations dont il fut le charme et l’âme, cédant la scène à d’autres, lui-même il passe de la bouche ardente et confuse des hommes à l’indifférence, non pas ingrate, mais respectueuse, qui, le plus souvent, est la dernière consécration des monuments accomplis. […] Ainsi cette âme passionnée, et par trop maniable aux impressions successives, ne pouvait se fixer à rien ; elle était du nombre de ces natures déliées qu’on traverse et qu’on ébranle aisément sans les tenir ; elle avait puisé dans l’ingénuité de son propre fonds et avait développé en elle, par l’excellente éducation qu’elle avait reçue, mille sentiments honnêtes, délicats et pieux, capables, ce semble, à volonté, de l’honorer parmi les hommes ou de la sanctifier dans la retraite, et elle ne savait se résoudre ni à l’un ni à l’autre de ces partis ; elle en essayait continuellement tour à tour ; la fragilité se perpétuait sous les remords ; le monde, ses plaisirs, la variété de ses événements, de ses peintures, la tendresse de ses liaisons, devenaient, au bout de quelques mois d’absence, des tentations irrésistibles pour ce cœur trop tôt sevré, et, d’une autre part, aucun de ces biens ne parvenait à le remplir au moment de la jouissance. […] Il y touche cet état moral de son âme en traits ingénus et suaves qui marquent assez qu’il n’est pas guéri : « Je connois la foiblesse de mon cœur, et je sens de quelle importance il est pour son repos de ne point m’appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dans la sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la religion, que je conserve dans toute sa force l’impression de grâce qui m’y a amené ; il faut que je veille sans cesse à éloigner tout ce qui pourroit l’affoiblir. […] Mais au fond c’était une nature soumise, non raisonneuse, altérée des sources supérieures, encline à la spiritualité, largement crédule à l’invisible ; une intelligence de la famille de Malebranche en métaphysique ; une de ces âmes qui, ainsi qu’il l’a dit de sa Cécile, se portent d’une ardeur étonnante de sentiments vers un objet qui leur est incertain pour elles-mêmes ; qui aspirent au bonheur d’aimer sans bornes et sans mesure, et s’en croient empêchées par les ténèbres des sens et le poids de la chair. […] En général, ces personnages sont oublieux, mobiles, adonnés à leurs impressions et d’un laisser-aller qui par instants fait sourire ; l’amour leur naît subitement d’un clin d’œil comme chez des oisifs et des âmes inoccupées ; ils ont des songes merveilleux ; ils donnent ou reçoivent des coups d’épée avec une incroyable promptitude ; ils guérissent par des poudres et des huiles secrètes ; ils s’évanouissent et renaissent rapidement à chaque accès de douleur ou de joie.
L’homme qui a dit de lui : Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme, devait être l’historien d’une époque où tous les goûts de l’esprit ont eu leur idéal. […] C’est ce temps où le doute théologique est devenu l’incrédulité, le doute métaphysique la négation de l’âme, et, comme conséquence inévitable, la négation de la liberté morale. […] 92. » La doctrine est complète ; elle pense à l’âme du criminel en lui laissant la vie ; elle lui ménage le moyen de se relever ; elle le croit capable encore de l’honneur chrétien qui est le repentir. […] L’amour de la gloire est l’âme de ces deux recueils, et ce que Voltaire fait dire au Cicéron de sa Rome sauvée : Romains, j’aime la gloire et ne veux pas m’en taire, est aussi vrai du poète que de son héros. […] Concluons de ces différences, non pas que les Lettres de Cicéron valent mieux que la Correspondance de Voltaire, mais qu’un païen qui cherchait sa morale est quelquefois d’un meilleur commerce pour l’âme qu’un chrétien qui s’est ôté la sienne.
C’est une tâche à laquelle il n’a pas failli avec sa principale héroïne : l’éducation de la paysanne au couvent des Ursulines, dans un milieu aristocratique et mystique, l’influence romantique, agissant sur elle par les lectures publiques ou secrètes, sont les causes où il insiste, des appétits de luxe en même temps que de l’avidité sentimentale qui se développent dans l’âme de la jeune fille. […] Ayant exilé de son âme tous les sentiments qu’elle est propre à éprouver, s’en étant attribué d’autres qui sont fictifs et que, par conséquent, les réalités n’ont pas le pouvoir de susciter en elle, on conçoit qu’elle haïsse ces réalités pour cette impuissance à s’émouvoir à leur contact, dont elle est seule responsable et dont elle les coupables ; tel est le cas lorsqu’elle est insensible à l’amour de son mari, parce qu’il ne répond pas à l’image anticipée qu’elle s’est faite de la passion. […] L’héroïsme que comporte le sacrifice de la passion au devoir lui apparaît recéler une beauté morale, dont elle veut parer son âme. […] Son âme ne supporte pas le contact immédiat auquel la voici condamnée. […] Par l’aveuglement obstiné avec lequel elle accomplit son incessante évolution, par sa fin volontaire et tragique qui marque sa puissance et sa frénésie, il a semblé que Mme Bovary symbolisait, mieux qu’aucun autre personnage de Flaubert, cette fonction originelle de l’âme humaine que l’écrivain a mise en scène avec un relief pathologique dans tout le cours de son œuvre.
L’âme de cet homme, y songez-vous ? […] Autrefois du moins, quelque foi circulait dans le peuple ; au moment suprême, le souffle religieux qui était dans l’air pouvait amollir le plus endurci ; un patient était en même temps un pénitent ; la religion lui ouvrait un monde au moment où la société lui en fermait un autre ; toute âme avait conscience de Dieu ; l’échafaud n’était qu’une frontière du ciel. […] De quel droit lancez-vous dans quelque chose dont vous doutez vous-mêmes les âmes obscures de vos condamnés, ces âmes telles que Voltaire et M. […] Un écrivain plein d’âme et de talent l’a dit avant nous : C’est une horrible chose de conserver le bourreau après avoir ôté le confesseur !
Voilà les deux grandes images qui apparurent à l’âme du Dante. […] Lui fut-il inspiré, comme on l’a dit, par un fabliau, par le conte du Jongleur, qui va en enfer et joue des âmes aux dés contre saint Pierre ? […] Je ne sais si lui-même voulut porter dans l’Orient toute la force de sa volonté, s’il voulut consumer là tout l’empire qu’il avait sur l’âme des hommes. […] Il y a dans les vers de Thibaut telle nuance de sentiment délicat, tel mélange de finesse et de noblesse d’âme, que les siècles les plus ingénieux n’auraient pas surpassé, et qui est sorti cette fois de l’âme du poëte. […] Il avait fondé, avant de partir, une messe anniversaire pour le repos de son âme, s’il venait à mourir.
Ce secrétaire rédigeait les actes du gouvernement, il les inspirait et les discutait en les rédigeant ; il était à la république ce que le souffleur est au drame, invisible, mais âme de tout. […] « Je resterai donc dans ma misère, écrit-il à son ami Vettori, sans trouver une âme qui se souvienne de mon dévouement ou qui me trouve bon à quelque chose. […] Lui seul peut le savoir ; mais il est bien difficile d’innocenter même l’histoire quand elle présente ainsi la ruse ou le meurtre à l’âme d’un prince, sans avertir au moins ce prince que la ruse est une bassesse et que le meurtre est un forfait. […] Quant à Machiavel, il ne fut point coupable de cette inconséquence de tant de grandes âmes italiennes ; il ne conseille ni ne conspire jamais l’asservissement de sa patrie à des maîtres étrangers ; en cela, seul entre tous, son patriotisme au moins lui servit de vertu. […] Cela est pensé par l’âme du Tacite florentin, écrit à la façon de Bossuet par le vigoureux génie de San-Casciano.
La mort de son frère aîné, celle de son père et de sa mère, qui l’ont frappé coup sur coup, achèvent d’égarer son âme. […] Or, ce qu’on suit dans cette série, aujourd’hui complète, des poésies de Fontanes, soit durant les Terreurs de 93 et de 97, soit plus tard aux années de sa pompe et de ses grandeurs, c’est le courant d’une âme d’honnête homme, d’une âme affectueuse et excellente, qui se conserve jusqu’au bout et ne tarit pas ; les poésies qu’on publie, même les moins vives, en sont la biographie la plus intime, trop longtemps dérobée. […] Quand ils avaient créé des habitudes et des sentiments dans l’esprit et dans l’âme de leurs concitoyens, ils croyaient leur tâche presque achevée. […] Il quitta l’Angleterre pour Amsterdam, revint à Hambourg, séjourna à Francfort-sur-le-Mein ; ses lettres d’alors peignent plus vivement son âme à nu et ses goûts, du fond de la détresse. […] En ne le jugeant que sur sa parole habile, on se méprendrait tout à fait sur le mouvement de son esprit et sur la vivacité de son âme.
Dans l’une et dans l’autre comédie, un poète immense vous montre la même figure blafarde qui passe et qui repasse incessamment, comme un grain de sable qui tomberait dans l’œil de l’âme, pour troubler la vision. […] Il est loyal, mais à sa façon, en dissimulant ce qu’il a dans l’âme. — Don Juan est un fourbe d’autant plus dangereux qu’il a toujours l’air de mettre son jeu à découvert. […] Oui, mais sa parole n’avait rien de sérieux, rien de solennel, rien qui partît de l’âme, de l’esprit et du cœur. […] — La présence même de la grandeur de Louis élève l’âme au-dessus d’une vile tentation. […] vous n’avez sous ces ajustements qu’un vieux corps, une âme vide, un pauvre esprit, un fantôme, un mensonge, un copiste, un faux Shakespeare, un faux Schiller !
On n’emprunte pas l’âme d’un auteur. […] Et il tomba entre les bras de ses chers compagnons, rendant l’âme. […] Noie mon âme dans le souffle de ton haleine. […] Sous cette vigoureuse enveloppe, il y avait une intelligence puissante, un cœur indomptable, une âme ardente et profonde. […] Ils empruntent la forme, mais ils n’ont pas d’âme pour la vivifier.
Elle est nue comme une âme. […] Et l’Ame d’un homme aussi. […] C’est un « roman d’âmes », écrit par un homme tendre, spirituel et perspicace. […] Thomas d’Aquin pour disserter sur l’union de l’âme et du corps ; il prouvait facilement que la forme est la fonction de l’âme et que, avant ou après l’arrivée ou le départ de l’âme, l’embryon et le cadavre ne peuvent avoir que des formes illusoires. […] Assez de mauvais poètes nous ennuient avec leurs petits bobos à l’âme !
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif : Ils fourmillent, ouvrant dans votre esprit pensif Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ; Comme en un âtre noir errent des étincelles, Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous : Les mots sont les passants mystérieux de l’âme… Et de même que l’homme est l’animal où vit L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée, C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée.
C’est la que la popularité est vraiment un poison mortel à l’âme, un irrésistible opium. On y doit goûter d’âpres jouissances par le sentiment d’une communion parfaite avec des âmes véhémentes et frustes, par la conscience qu’on a de déchaîner et l’illusion qu’on se donne de diriger une puissance aveugle qui vous soulève, vous enveloppe et vous roule dans ses tourbillons ; — tout cela exaspéré encore par la lourde atmosphère des salles et par la brutalité même des sensations dont l’ouïe et l’odorat sont assiégés… Il y a une ivresse physique, une sorte d’hystérie dans la révolte, et qui se multiplie quand on la partage avec une foule.
Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement. […] Je crois très réellement voir ressusciter en Paul Fort l’âme ancienne de la France, toute pure, sans mélange aucun : généreuse, ardente, étourdie, éperdue de beaux désirs, ignorante de la conception de beauté qui nous vint plus tard d’Italie, religieuse et maligne, hardie et libre jusqu’à la témérité, avec des frousses, des peurs nerveuses du diable ou de son ombre, enfin spirituelle, facétieuse et familière.
Que ton vers soit la chose envolée Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée Vers d’autres cieux à d’autres amours. […] Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, — les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.
Avant qu’il eût rendu vie pour vie, leur patient passait par toute une série de supplices : obsessions et flagellations, angoisses de l’âme et tourments du corps, fuites éperdues à travers des foules hostiles et des solitudes désolées, nuits livrées aux épouvantes des visions spectrales. […] Rien n’endurcit comme le métier de criminaliste et de tortionnaire ; la cruauté du châtiment finit par entrer dans l’âme de l’exécuteur.
S’il n’y avait beaucoup trop de pompe dans ces expressions, l’auteur dirait, pour compléter son idée, qu’il a mis plus de son âme dans les Odes, plus de son imagination dans les Ballades. […] Il ne doit pas écrire avec ce qui a été écrit, mais avec son âme et avec son cœur.
C’est par l’opposition qui se trouve entre ce grand cœur, cette princesse si admirée, et cet accident, inévitable de la mort, qui lui est arrivé comme à la plus misérable des femmes ; c’est parce que ce verbe faire, appliqué à la mort qui défait tout, produit une contradiction dans les mots et un choc dans les pensées, qui ébranlent l’âme ; comme si, pour peindre cet événement malheureux, les termes avaient changé d’acception, et que le langage fût bouleversé comme le cœur. […] — « Et maintenant, dit-il, ces deux âmes pieuses (Michel Le Tellier et Lamoignon), touchées sur la terre du désir de faire régner les lois, contemplent ensemble à découvert les lois éternelles d’où les nôtres sont dérivées ; et si quelques légères traces de nos faibles distinctions paraît encore dans une si simple et si claire vision, elles adorent Dieu en qualité de justice et de règle. » Au milieu de cette théologie, combien d’autres genres de beautés, ou sublimes, ou gracieuses, ou tristes, ou charmantes !
Vous n’êtes plus que les adorateurs de la Force, vous n’êtes plus que des pèlerins sans âme, agenouillés devant le veau d’or ». […] … Ainsi toutes nos familles spirituelles, quand elles combattent pour la France, songent toujours à défendre un bien, une âme dont elles sont les dépositaires et qui peut être utile à l’humanité entière.
Quand l’âme était délivrée de l’épreuve de la terre. L’âme ! […] Où donc était, maintenant, l’âme de sa mère ? l’âme de ce corps immobile et glacé ? […] Sur cette Russie, les âmes généreuses du moment passaient et ramassaient à coup sûr de telles âmes.
Plus l’âme est transportée hors d’elle-même, plus elle franchit vite de grands intervalles. […] S’ils peuvent conter des tragédies bibliques, c’est qu’ils ont l’âme tragique et à demi biblique. […] Ils n’ont qu’à descendre dans leur fond intime ils y trouveront une émotion assez forte pour tendre leur âme jusqu’au niveau du Tout-Puissant. […] Et on dit aussi que la femme du joueur de harpe mourut et que son âme fut conduite en enfer. […] C’est que tout le talent d’une âme inculte gît dans la force et dans la sincérité de ses sensations.
. — Aquarelles d’Âme, poésies. […] La Plume, Revue des Pyrénées, La Chronique des Livres, La Dépêche (de Toulouse), Le Midi-Artiste, L’Âme latine, L’Âme française, etc. […] Collaboration. — L’Âme Latine, Le Midi Fédéral, L’Effort, La Petite République, etc… Payen (Albert-Liénart dit Louis), né à Alais (Gard), le 13 décembre 1875. […] Girard, in-16, Soleil, 1900. 1900. — L’Âme des Choses, 1 acte en vers (Théâtre des Poètes, 1903) (non publié). — L’Amour vole, 1 acte en vers joué au Théâtre Victor Hugo, Librairie Molière, 1904, in-18. — La Souillure, roman, Émile Petit, 1905, in-18 — Les Voiles blanches, poésies, Soc. du Mercure de France, 1905, in-18. […] Collaboration. — Mercure de France, Ermitage, Hémicycle, Revue dorée, Revue de Paris, Renaissance Latine, Beffroi, Âme Latine, Weekly Review, Chronique des Livres, Le Magasin pittoresque.
Il va cueillir les images les plus fraîches et les plus légères pour lui exprimer son âme. […] si, appliquant aussi bien ses lèvres à mes lèvres, elle buvait en moi d’une seule haleine toute mon âme ! […] qu’il paraît avoir le plus aimée, et il ne l’a pas appelée seulement par métaphore l’âme de son âme. […] On ne se ferait pas une juste idée de ce goût que j’appellerai d’avance pétrarquesque, ou plutôt de cet euphuisme et de ce gongorisme de première formation, si je ne citais comme échantillon encore l’épigramme lviii : « Ne te criais-je pas cela, ô mon Ame : Par Cypris, tu seras prise, ô malheureuse en amour, en t’envolant souvent à la glu ? […] O mon Ame si travaillée, tantôt tu es brûlée par le feu, tantôt tu te rafraîchis en recueillant ton souffle.
Amuser, s’amuser, « faire passer son âme par tous les modes imaginables », comme un foyer ardent où l’on jette tour à tour les substances les plus diverses pour lui faire rendre toutes les flammes, tous les pétillements et tous les parfums, voilà son premier instinct. « La vie, dit-il encore, est un enfant qu’il faut bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme. » Il n’y eut jamais de créature mortelle plus excitée et plus excitante, plus impropre au silence et plus hostile à l’ennui471, mieux douée pour la conversation, plus visiblement destinée à devenir la reine d’un siècle sociable où, avec six jolis contes, trente bons mots et un peu d’usage, un homme avait son passeport mondain et la certitude d’être bien accueilli partout. […] — Prenons-y garde pourtant : la gaieté est encore un ressort, le dernier en France qui maintienne l’homme debout, le meilleur pour garder à l’âme son ton, sa résistance et sa force, le plus intact dans un siècle où les hommes, les femmes elles-mêmes, se croyaient tenus de mourir en personnes de bonne compagnie, avec un sourire et sur un bon mot475. […] Diderot le pousse à bout jusque dans l’emphase larmoyante ou furibonde, par des exclamations, des apostrophes, des attendrissements, des violences, des indignations, des enthousiasmes, des tirades à grand orchestre, où la fougue de sa cervelle trouve une issue et un emploi En revanche, parmi tant d’écrivains supérieurs, il est le seul qui soit un véritable artiste, un créateur d’âmes, un esprit en qui les objets, les événements et les personnages naissent et s’organisent d’eux-mêmes, par leurs seules forces, en vertu de leurs affinités naturelles, involontairement, sans intervention étrangère, de façon à vivre pour eux-mêmes et par eux-mêmes, à l’abri des calculs et en dehors des combinaisons de l’auteur. […] Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel. […] Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs.
L’un disait : c’est beau, cette architecture gothique, ça élève l’âme ! […] C’est l’âme de la chose, l’idée même du sujet. […] Combien de pauvres âmes eussent souhaité être à ma place ! […] Elle m’environne, elle me pénètre, il me semble qu’elle est devenue mon âme ! […] Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles, en étant moi-même une.
On se le représentera facilement, si l’on pense que cette reine aimait à la passion son époux, qu’elle le voyait lui échapper entièrement, dans la fleur encore de sa jeunesse à lui, et à l’âge où elle-même elle commençait à se flétrir ; qu’elle avait pour dames du palais, nommées pour l’accompagner et la servir, précisément ces mêmes sœurs rivales qui lui enlevaient à tour de rôle le cœur du roi et se le disputaient entre elles, de manière à compromettre aussi le salut éternel de son âme. […] Moncrif y faisait des niches, et un jour qu’on feuilletait un recueil de vieilles chansons, on était tout surpris d’y rencontrer celle-ci, qui avait échappé jusque-là et qui semblait faite tout exprès pour célébrer la reine sous le nom de Sophie : Il est une Sophie, onc il n’en sera d’autre, Ravissant d’un souris mon âme, aussi la vôtre… Le refrain de ce couplet marotique était : Tenez, je vous adore ! […] « Son éducation lui a imprimé dans l’âme une piété si véritable qu’elle est devenue un sentiment en elle et qu’elle lui sert à régler tous les autres. […] « Le respect qu’elle inspire tient plus à ses vertus qu’à sa dignité ; il n’interdit ni ne refroidit point l’âme et les sens ; on a toute la liberté de son esprit avec elle ; on le doit à la pénétration et à la délicatesse du sien : elle entend si promptement et si finement qu’il est facile de lui communiquer toutes les idées qu’on veut, sans s’écarter de la circonspection que son rang exige.
« Saint-Hilaire n’est pas mort, écrivait Mme de Sévigné, dont le récit est dans toutes les mémoires, il vivra avec son bras gauche (lisez le bras droit), et jouira de la beauté et de la fermeté de son âme. » Son fils, le même historien dont M. […] Il a rassemblé quantité de témoignages du temps qui sont tous à la louange de ce premier président, et notamment des passages de Mme de Sévigné où il est appelé une belle âme. […] Je conçois Saint-Simon exagérant, prenant et présentant pour un scélérat ou un coquin fini quelqu’un qui n’est coquin qu’à demi ; mais prendre pour un fourbe un parfait homme de bien et une belle âme, cela me paraît difficile à lui ; il a le flair de la vertu et du vice. — Eh ! […] Que si quelqu’un venait à le dépeindre comme une âme maligne, un cœur des plus ladres, un esprit des plus malfaisants, et que le portrait se retrouvât dans cinquante ans, de quel côté pourtant serait la vérité ?
Ce n’est donc qu’à dater de cette époque que l’on sait parfaitement sa vie privée, ses habitudes, ses lectures, et jusqu’aux moindres mouvements de la société où elle vit et dont elle est l’âme. […] Vos lettres font tout le bruit qu’elles méritent, comme vous voyez ; il est certain qu’elles sont délicieuses, et vous êtes comme vos lettres. » Les correspondances avaient donc alors, comme les conversations, une grande importance ; mais on ne les composait ni les unes ni les autres ; seulement on s’y livrait de tout son esprit et de toute son âme. […] Cependant, et sans prétendre nier cette profonde dissemblance originelle entre deux âmes, dont l’une n’a connu que l’amour maternel, et dont l’autre a ressenti toutes les passions, jusqu’aux plus généreuses et aux plus viriles, on trouve en elles, en y regardant de près, bien des faiblesses, bien des qualités communes, dont le développement divers n’a tenu qu’à la diversité des temps. […] Mme de La Fayette lui écrivait : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent ; enfin la joie est l’état véritable de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Mme de Sévigné avait ce qu’on peut appeler de l’humeur, dans le sens d’humour, mais une belle humeur à chaque instant colorée et variée de la plus vive imagination.
VI Enfin, il faut que l’historien soit arrivé à la vieillesse, ou du moins à cette maturité des années qui donne, avec le sang-froid de la pensée, le désintéressement de l’ambition, ce loisir studieux où l’écrivain se renferme dans la solitude de son âme pour recueillir, avant sa mort, les événements de son temps, les expériences, les jugements qu’il veut léguer à la postérité. […] Les peuples mûrs et touchant à la décadence veulent des portraits peints en traits de sang, des retours vers la vertu antique, des larmes amères sur la corruption présente, des sentences brèves, mais succulentes, jaillissant de l’événement comme le cri des choses, enfin une philosophie à la fois plaintive et amère, qui consterne et qui relève l’âme par l’honnête et douloureux contraste entre l’image de la vertu antique et le désespoir de la liberté perdue ! […] Tu n’as encore supporté que des fortunes adverses : les prospérités sont des tentations trop stimulantes pour notre âme, parce que les adversités nous apprennent à fléchir et que le bonheur nous corrompt. […] La licence de Néron plaide dans leur âme contre la sévérité de Galba.
Ainsi se dégage la formule de la tragédie : ce sera une étude d’âmes, mais une démonstration, non pas une description, où les âmes seront en action, en conflit. La lutte des passions et des volontés, dans une âme agitée, ou dans plusieurs âmes opposées, voilà ce que le Cid pose comme l’essence de la tragédie.
Alphonse Daudet est officier de la Légion-d’Honneur, pour ses livres, je médite douloureusement sur les inconséquences des âmes les mieux trempées.) […] Or, dans toute la seconde partie du roman, il fait un tas de choses fort au-dessus de la probité moyenne, et qui semblent même partir d’une âme vraiment haute. […] Que s’est-il donc passé enfin, soit entre les deux amants, soit dans l’âme de Mari’ Anto, depuis le moment où nous l’avons vu sauter à cheval pour rattraper son joli jeune homme à la station ? […] Ces dessous ne sont pas exprimés, c’est vrai, mais la pantomime de ces véridiques et vivantes marionnettes est si juste que chacun de leurs gestes ou de leurs airs de tête nous révèle leur âme et tout leur passé ; et je ne croirai jamais qu’un romancier qui, rien qu’en notant des mouvements extérieurs et de brefs discours, a pu suggérer à M.
Il est l’âme damnée d’une coterie dévote qui mène le parti royaliste et ultra-montain, comme le Conseil des Dix gouvernait Venise. […] Il y a pourtant quelque chose là, dans cette âme souillée. […] Giboyer, qui faisait peur, fait pitié ; cette âme difforme devient presque belle ; on sait gré au poète d’avoir jeté un sentiment pur dans ce tas de boue. […] On ne saurait mieux rendre l’élan d’une âme honnête mordue par un soupçon outrageant.
On n’a pas affaire ici à un peintre amateur qui a traversé les champs pour y prendre des points de vue : le peintre y a vécu, y a habité des années ; il en connaît toute chose et en sait l’âme ; il sait le vol des grues dans le nuage, le babil de la grive sur le buisson, et l’attitude de la jument au bord de la haie, « pensive, inquiète, le nez au vent, la bouche pleine d’herbes qu’elle ne songeait plus à manger ». […] L’autre, le gentil Sylvinet, reste enfant, plus faible, plus susceptible, âme toute sensible et maladive, toute douloureuse : il y a là des nuances d’analyse et une anatomie du cœur humain où l’auteur a excellé. […] Ce Sylvinet, d’un bout à l’autre, est touchant ; c’est un être sacrifié, nature distinguée et fine, pas assez forte pour le bonheur, demandant beaucoup, voulant tout donner ; avec ces éléments-là se composent les âmes passionnées et sensibles. […] Je dis cela, sachant toutefois qu’il est resté comme un froissement dans quelques âmes scrupuleuses, tant cette idée de mère, même de mère adoptive, est une idée sacrée !
Un jour, dans un dîner où il s’était dit des propos de tout sel et de toute couleur comme il arrive entre jeunes gens, Carrel, qui avait laissé passer toutes ces grossièretés, se leva et se mit à débiter avec âme l’Ode sur le vaisseau Le Vengeur. […] Toutefois nous n’avons usé qu’avec une extrême sobriété des pensées échappées à cette âme dévorée du besoin d’être utile. […] Ses mains auront chargé les armes sans qu’il leur commandât presque, et, pendant ce temps, il appelait ses amis, sa mère, quelque objet d’affection plus cher encore, au secours de son âme défaillante. […] Il a cherché un reste de force et d’attention pour ne se pas manquer, et sa main a été sûre… Certes, si jamais une lecture peut dégoûter du suicide une âme mâle et ferme, c’est la lecture de cet article de Carrel.
Comme les mourants qui aspirent après un cordial qui leur redonne l’illusion fugitive de la vie, fût-ce au prix d’une brûlure aux entrailles, la bourgeoisie chercha alors un poète dont le vers s’abattît, à la rigueur, sur ses reins épuisés, mais la forçât à se redresser ; un moraliste qui la rappelât à la pratique sévère de ses anciennes vertus, un historien capable de réveiller en elle, par ses fiers récits, le goût et la puissance des grands mouvements de l’âme. […] » Et lorsque l’on construisit l’église de Croissy, qui coûta deux cent mille francs, Augier tint à apporter son obole et m’envoya cinq cents francs… Il n’allait pas à la messe, il est vrai ; mais que de fois, il a donné le pain bénit… Un jour même, je m’en souviens, il blâma Victor Hugo de n’avoir pas voulu recevoir de prêtre à son lit de mort… » Aussi je suis persuadé que, s’il eût gardé sa connaissance, il eût été heureux de recevoir mes encouragements et mes exhortations au moment où il était rappelé vers un monde meilleur… » Les funérailles aux frais de l’État Les paroles si conciliantes et si prudentes du vénérable curé de Croissy, le souci que montra naguère l’illustre mort de s’opposer à la reprise du Fils de Giboyer, pour ne pas paraître s’allier au gouvernement républicain dans sa lutte contre le sentiment chrétien, cette vie de travail, de gloire et de probité, doivent, dans un journal catholique, épargner un blâme, si discret soit-il, à l’homme de génie qui meurt sans que les siens lui aient permis, dans un but que nous n’avons pas à juger, de mettre son âme en règle vis-à-vis de Celui dont émane tout génie. […] On n’a pas découvert qu’Émile Augier fût autre chose qu’Émile Augier, c’est-à-dire un génie solide et clair, d’une probité littéraire égale à sa loyauté personnelle, un vrai Français, de style et d’âme, un maître depuis longtemps classique et qui dans sa retraite volontaire, son glorieux bonheur intime, goûta, de son vivant, la gloire incontestée et reçut le respect de la postérité. […] Mais, dans les salons officiels, pas plus que sur le boulevard ou dans les couloirs de théâtre, il n’oubliait son métier, et, lorsqu’il rencontrait quelque imbécile ou quelque intrigant, il lui serrait la main avec une effusion d’un genre particulier, qui fascinait le monsieur, tandis que ses paupières d’observateur dardaient deux vrilles ironiques qui, avec la dextérité d’un outil d’oculiste, allaient piquer l’âme du monsieur puis, après un échange de banalités, Augier le congédiait avec un bon sourire, qui signifiait : « Toi, je te connais, maintenant, mon bonhomme !
On aurait dans son âme autant de poésie que Milton qu’on ne ferait pas, sans échancrer Milton dans son âme, trente ans le métier de Saumaise. […] Mais, après tout, l’art de l’homme se mesure à son âme, et cette âme s’agite dans des organes qui sont des bornes et qui l’étreignent comme dans un triangle de fer.
Nous extraire de l’âme la divinité de Jésus-Christ sans nous faire le moindre mal, toute la question est là pour Renan. […] Le Jésus de Renan, ce Jésus romantique, rêveur, paysagiste, exquise personne, âme suave, ennemi de toute religion, qui ne veut que la pureté du cœur, ce Jésus qui est un blasphème vivant contre Notre-Seigneur Jésus-Christ, une insulte hypocrite et profonde à la foi du plus grand nombre des Français encore par ce temps respecté de suffrage universel, a été trouvé généralement charmant, comme dit Renan lui-même. […] Renan parle de situation trop tendue, et prétend que la résurrection de l’âme est tout à fait différente de l’immortalité… Mais qu’importe la rédaction des devises, quand les bonbons qu’elles enveloppent sont empoisonnés, et quand on n’est, comme Renan, dans l’ordre moral et littéraire… qu’une Brinvilliers-Siraudin ! […] Infaillible, permanente et universelle, prolongement de l’Incarnation et deux fois Rédemptrice, car elle sauve les âmes et dix fois elle a sauvé l’Humanité civilisée de la Barbarie, l’Église est encore plus étonnante pour le simple historien que pour le mystique, seul pouvoir qu’on ait jamais vu donner des résultats aussi fulgurants que celui-ci : sur dix-neuf siècles et deux cent cinquante-cinq papes, il n’y en a que dix qui furent accusés de mauvaises mœurs, et que trois sur les dix contre qui l’accusation est convaincante.
Mais quand il s’agit de déchirer l’âme humaine à travers la sienne, il est aussi résolu et aussi impassible que celui qui ne déchira que son corps, après une lecture de Platon. […] Seulement, par une inconséquence qui nous touche et dont nous connaissons la cause, il se mêle à ces poésies, imparfaites par là au point de vue absolu de leur auteur, des cris d’âme chrétienne, malade d’infini, qui rompent l’unité de l’œuvre terrible, et que Caligula et Héliogabale n’auraient pas poussés. […] Baudelaire n’a pas voulu être dans son livre des Fleurs du mal un poète satirique, et il l’est pourtant, sinon de conclusion et d’enseignement, au moins de soulèvement d’âme, d’imprécations et de cris. […] L’âme humaine, captive de la matière, croit que ses passions sont une ressource, et que c’est se jeter par la fenêtre de sa prison que de se jeter à elles, et elle s’y jette ; mais c’est dans l’ennui qu’elle retombe, ennui plus creusé par sa chute, hélas !
Gonod sont de différentes dates et adressées à plusieurs personnes ; sauf un très-petit nombre, elles se divisent naturellement en trois parts : 1° celles à l’abbé Favier, l’ancien précepteur de Rancé ; 2° celles à l’abbé Nicaise, de Dijon, l’un des correspondants les plus actifs du xviie siècle, et qui tenait assez lieu à Rancé de gazette et de Journal des Savants ; 3° celles à la duchesse de Guise, fille de Gaston d’Orléans et l’une des âmes du dehors qui s’étaient rangées sous la direction de l’austère abbé. […] Après la mort de cette dame et pendant les premiers temps de la retraite que fit Rancé à sa terre de Veretz, il se développe un peu plus et laisse entrevoir à son digne précepteur quelque chose de l’état de son âme : « Les marques de votre souvenir m’étant infiniment chères, lui écrit-il à la date du 17 juillet 1658, j’ai lu vos deux lettres avec tous les sentiments que je devois, quoique je me sois vu si éloigné de ce que vous imaginez que je suis, qu’assurément j’y ai trouvé beaucoup de confusion. […] »— Et quelle délicatesse encore dans cet autre mot qui décèle une tendresse d’âme subsistante sous la dure écorce : « Ce seroit une chose bien douce d’être tellement dans l’oubli, que l’on ne vécût plus que dans la mémoire de ses amis !
Il semble que l’influence de Rousseau et de Chateaubriand soit épuisée : la forme religieuse, enthousiaste, qu’ils avaient rendue aux âmes, s’efface. […] Vers 1850, les âmes se dessèchent. […] Positivisme scientifique, scepticisme voluptueux, matérialisme pratique, voilà les formes d’âme de très inégale valeur que la période où nous entrons offre le plus souvent.
Gaston Paris, Messieurs, n’a jamais joué au Claude Bernard ni au Darwin : il a traité les problèmes philologiques par des procédés de philologue, et jamais œuvre n’a moins singé les gestes des sciences ni été plus imprégnée de l’âme de la science. […] Il y a sans doute bien des œuvres mortes ; mais les chefs-d’œuvre sont devant nous, non point comme les documents d’archives, à l’état fossile, morts et froids, sans rapport à la vie d’aujourd’hui ; mais comme les tableaux de Rubens ou de Rembrandt, toujours actifs et vivants, capables encore d’impressionner les âmes de notre temps autant qu’ils firent celles de leur temps, et d’y déterminer des modifications profondes. […] Notre métier consiste à séparer partout les éléments subjectifs de la connaissance objective, l’impression esthétique des passions et des croyances partiales, à éliminer tout ce qui ne peut être productif que d’erreur ou d’arbitraire, à retenir, filtrer, évaluer tout ce qui peut concourir à former une représentation exacte du génie d’un écrivain ou de l’âme d’une époque.
Leurs âmes de trafic éperdues déserteraient peut-être la lutte… La force du peuple est là, dans l’alliance avec Dieu. » Un anarchisme catholique, voilà au juste la tendance et le goût de Paul Adam. […] Le bonheur est un état d’âme, un état de notre âme, conçu par elle. […] Ils ne songent à améliorer que leur âme.
Verlaine, couché, me lisait à la lueur de la lampe, posée sur la table, près du lit, des passages d’un recueil de vers, reçu depuis peu, et qui l’avait favorablement impressionné : Légendes d’âmes et de sangs, de René Ghil. […] Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ».
Il fait dire au Vicaire savoyard, interprète fidèle de ses propres opinions : « Quand tous les philosophes du monde prouveraient que j’ai tort, si vous sentez que j’ai raison, je n’en veux pas davantage. » Sa démonstration de l’immortalité de l’âme ne repose pas sur une autre base. […] Michelet, à propos de Zaïre, écrit44 : « L’âme française un peu légère, mobile et refroidie par le convenu, l’artificiel, semble à ce moment gagner un degré de chaleur. » Ce qui était vrai dès 1732 l’est bien davantage dans les soixante années qui suivent. […] La plaisanterie devient âcre, mordante, la passion convulsive ; l’outrance fait partout irruption ; et, au milieu de rires éclatants et saccadés, on voit grimacer la mort qui obsède les imaginations, on entend un long gémissement qui monte du fond des âmes et qui révèle la fatigue, la souffrance d’une société anémique et hystérique.
Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme. […] et il dira aussi : Lui, sans aucun effroi, comme maître paisible, Jetait dans les sillons cette semence horrible, D’où s’élève aussitôt un escadron armé, Par qui de tous côtés il se trouve enfermé, Tous n’en veulent qu’à lui, mais son âme plus fière, Ne daigne contre eux tous s’armer que de poussière.
Pour les critiques enfin, c’est leur ennemi personnel ; ils y voient la marque de l’esprit bourgeois, de la médiocrité, de la sottise : « Silence, vous à qui la synthèse des arts échappe, et dont l’infini ne traverse pas l’âme ! […] Quel poids peuvent avoir des sentences rendues par la passion ou plutôt par toutes les passions réunies dans l’âme d’un jeune homme ? […] Vingt pages que l’on tire de soi, vingt vers où l’on met son âme, valent mieux que des volumes de critique.
quelque chose du principe morbide qui avait putréfié nos pères, et il nous en restait assez dans l’âme pour trouver charmante l’abominable sincérité de ce type de Manon Lescaut. […] continue, fais ton œuvre, paye-toi des muscles de cet homme, de sa fortune, de sa raison, de son sang, de son honneur, de son âme. […] » L’enchantement n’est qu’un effet dans l’âme, et je voudrais voir la cause de cet effet, c’est-à-dire la personne qui le produit.
C’est une honte, en effet, que, tombé au premier rang, un vieillard soit gisant à terre, en avant des jeunes, avec une tête blanchie, une barbe grise, exhalant sur la poussière son âme courageuse, couvrant de ses mains les blessures sanglantes, hideuses, de son corps à nu : mais aux jeunes tout sied bien, tant qu’ils ont la fleur brillante du bel âge. […] Longtemps après lui, l’âme belliqueuse répandue dans ses vers plaisait au génie d’Alexandre, et ce héros rangeait ses poésies parmi les lectures qui conviennent aux rois. […] Pline le Naturaliste cite les génies sublimes des poëtes Stésichore et Pindare, comme attestant par leur exemple la misère et l’effroi de l’âme humaine devant une de ces éclipses de soleil où elle croyait voir, soit le présage de quelque grand crime82, soit la mort même des astres.
L’homme, environné de tant d’institutions respectées, de tant de préjugés éclatants, de tant de convenances reçues, ne pouvait pas en appeler à l’indépendance de ses réflexions ; sa raison ne devait pas tout examiner, son âme n’était jamais affranchie du joug de l’opinion ; la solitude même ne ramenait pas sa réflexion aux idées naturelles ; l’ascendant du monarque et du culte monarchique avait pénétré dans la conviction intime de tous. Ce n’était pas un despotisme qui comprimait les esprits ni les âmes ; c’était un despotisme qui paraissait à tous tellement dans la nature des choses, qu’on se façonnait pour lui comme pour l’ordre invariable de ce qui existe nécessairement.
Anatole France On retrouve, dans ces merveilleux poèmes, la nature ardente et fleurie où s’écoula l’enfance du poète, l’âme des Conquistadors dont il descend, les purs souvenirs de la beauté antique qu’il évoque pieusement. […] Stuart Merrill Ces Trophées me semblent valoir moins par leur signification de la noblesse d’une âme que par celle d’une bien stérile victoire sur la seule matière de la poésie.
Armand Silvestre est surtout une musique ; comme la musique, elle est perceptible aux sens et à l’âme plutôt qu’à l’entendement ; on dirait que cet artiste s’est trompé sur l’espèce d’instrument que la nature avait préparé pour lui : il semblait fait pour noter ses sensations et ses rêves dans la langue de Schumann, et M. […] Dans les murmures de la création, il écoute le chant des morts, dont il sent passer l’âme dans l’air qu’il respire, dans la lumière si douce et pure, par les matins où se fleurissent les prés de toutes les couleurs du printemps.
C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ? […] Et, dans des vers un peu abstraits, mais par cela même presque immatériels, — qui ont naturellement d’autant plus d’âme qu’ils ont moins de corps, — il a réussi à traduire ce que vous me permettrez d’appeler l’aurore ou le crépuscule des sentiments, leurs commencements d’être et leurs agonies doucement finissantes.
Toujours est-il que ce reproche que la critique est en droit d’adresser à Feugère, et qu’elle ne lui ménagera pas, implique la condamnation d’un livre qui pouvait, avec les connaissances multipliées de l’auteur, être une œuvre historique, importante et forte, et qui, dédoublée des doctrines qui sont l’âme orageuse de la littérature au xvie siècle, tombe à n’être plus qu’une critique de lexicographe et un maigre travail de grammairien ! […] Extrait du tome XVI de l’Encyclopédie moderne, dont Didot est l’âme et la main et dont nous parlerons un jour quand il s’agira de la juger dans son ensemble, cet Essai sur la Typographie, qui forme un volume de près de quatre cents pages sur deux colonnes, est un livre spécial qui embrasse sous toutes ses faces l’art dont il traite.
Il a tout ce qui fait de l’existence un honneur, la seule félicité sur laquelle les âmes fières puissent compter ici-bas, quand Dieu leur est bon… Riche d’ailleurs, instruit, éloquent, beau, chevaleresque, artiste même (artiste ! […] le grand mot dont la lâcheté optimiste de ce temps a recouvert le dégoût des âmes qui ne voient pas s’allonger devant elles les allées du devoir comme les allées d’un jardin, et qui veulent à toute force aller faire des arabesques sur les plates-bandes !
Et si un tel livre, qui à toute page fait oublier qu’il en est un, n’est au fond qu’un bouquet d’histoires recueillies dans le pays de cette Luçotte, qui est, par le langage, un chef-d’œuvre de vieille paysanne bas-bretonne, il faut féliciter sincèrement la femme qui les a réunies de tous les bonheurs de sa mémoire, et d’avoir gardé si fidèlement l’âme de son pays dans son âme.
L’âme, blasée par ces violentes secousses, est à peine sensible à des émotions plus faibles, et s’endort au vrai tragique. […] …………………………………………… Porter un nouveau trouble à mon âme éperdue. […] Peut-on raisonnablement supposer que les dieux fassent naître la douleur et le repentir dans l’âme du scélérat dont ils ont résolu la punition ? […] Le grand-prêtre et les mages font des processions très dévotes : l’âme de Ninus, qui revient pour demander des prières, est seule capable de convertir un pécheur. […] Ceux qui sont corrompus dès l’enfance sont à l’abri de cette espèce de séduction ; leur esprit juge plus sainement les choses, parce que leur âme est flétrie et glacée.
On définira donc l’âme. […] Mais renonçons à construire l’idée d’âme comme on construit l’idée de triangle. […] Les anciens avaient imaginé une Âme du Monde qui assurerait la continuité d’existence de l’univers matériel. […] Et il est des âmes qui s’ouvrent toutes grandes au souffle bienfaisant. Celles-là sont les âmes mystiques.
Au bout d’un peu de temps on se sentait meilleur car on reconnaissait en lui dès l’abord une âme singulièrement élevée, très-pure, préoccupée de l’honnête jusqu’à en faire son souci constant et son plus cher plaisir. […] C’est une sorte de bon sens commercial appliqué aux intérêts de l’âme ; un prédicateur là-bas n’est qu’un économiste en rabat, qui traite de la conscience comme des farines, et réfute le vice comme les prohibitions. […] Le rhythme régulier mutile l’élan de l’invention naturelle ; les nuances de la vision intérieure disparaissent ; nous ne voyons plus une âme qui pense ou sent, mais des doigts qui scandent : la période continue ressemble aux ciseaux de La Quintinie, qui tondent tous les arbres en boule, sous prétexte de les orner. […] Elle était enfermée dans une sorte de substance cornée taillée en une infinité de petites facettes ou miroirs, lesquels étaient imperceptibles à l’œil nu ; de telle sorte que l’âme, s’il y en avait une là, avait dû passer tout son temps à contempler ses propres beautés. […] Ils me firent penser à ces airs célestes qui accueillent les âmes envolées des justes à leur entrée dans le paradis pour effacer le souvenir de leur récente agonie et les préparer aux plaisirs de ce lieu bienheureux.
Enfin, parmi tous les sentiments de l’âme individuelle ou collective qu’il analyse, le romancier doit tenir compte du sentiment qui inspire toute poésie, je veux dire : Je sentiment de l’harmonie entre l’être et la nature, la résonance du monde visible dans l’âme humaine. […] Ces détails minuscules nous ouvrent pourtant des perspectives immenses sur l’intensité de douleur que peut éprouver une âme humaine. […] Que je veille ou que je rêve, elle remplit toute mon âme. […] En étendant, à la façon moderne, l’étude psychologique aux études physiologiques et aux études de milieux, le romancier a donné plus de couleur à sa peinture de l’âme humaine. […] Il dit des personnages l’un de qui peuplent ses romans : « L’âme est parfaitement absente, et j’en conviens, puisque je l’ai voulu ainsi. » Il prétend peindre « des brutes humaines ».
» Puis, à d’autres jours, la patience manque ; un mauvais vent du désert se remet à souffler ; à force de guerroyer et de courir, de mener de razzia en razzia sa colonne infernale, de s’ingénier (périlleux problème) à soumettre les Arabes par les Arabes, de vouloir créer et fonder par tout le pays de petits forts de sûreté où les chefs amis, les agas et les caïds puissent se maintenir et se défendre au besoin, et brider les tribus rebelles ; à force d’être sur pied nuit et jour, et de se ronger au gîte quand on y est retenu, à force de se passionner pour tout, on se consume, on s’use avec une rapidité effrayante : « Je veux trop bien faire et trop de choses, et je prends tout trop à cœur ; c’est le propre des âmes généreuses, mais ces âmes-là ne vivent pas longtemps ; elles s’usent trop vite, et je le sens, mais il n’est plus temps de se changer. » Quelques visites de France apportent des diversions dans cette vie locale si dévorante. […] Est-ce que tu ne trouves pas qu’on élève mieux son âme vers Dieu en plein air que dans une église ? […] Tu feras lire cette lettre à ma gracieuse sœur : son âme élevée me comprendra. […] L’héroïsme du maréchal en cette expédition glorieuse, on le sent bien maintenant, consiste non pas à avoir pris sur lui et à avoir maîtrisé sa souffrance pendant une journée, pendant une bataille, à avoir vaincu à l’Alma et à être resté debout tout ce temps, ayant déjà la mort dans les entrailles, mais à avoir fait cela pendant des mois et durant tous ces jours obscurs qui n’étaient pas des jours de bataille ; il s’était fait une préméditation et une habitude de ce suprême effort où il est déjà beau à l’âme guerrière de réussir une seule fois. […] Il y a des moments où mon âme entière se révolte et se soulève.
Le trait brûlait tout au fond dans le sein de la jeune fille, pareil à une flamme ; elle ne cessait de fixer sur le fils d’Éson des yeux étincelants, et son cœur à coups pressés haletait de fatigue hors de sa poitrine ; il ne lui restait plus aucun autre souvenir, et son âme se distillait dans une douce amertume. […] Lorsqu’ils furent sortis du palais tout affligés, Chalciope, se gardant de la colère d’Éétès, eut hâte de rentrer dans sa chambre avec ses fils ; et Médée aussi, de son côté, se retira : elle agitait en elle tout ce que les Amours soulèvent de chers intérêts dans une âme. […] Bien tard enfin elle se décida à dire de la sorte avec ruse, car les hardis Amours faisaient rage : « Chalciope, mon âme est tout en peine pour tes enfants : je crains que notre père ne les fasse périr du coup avec ces étrangers. […] Il prenait encore cette belle comparaison de l’âme en peine avec le rayon de soleil réverbéré dans l’eau : Sicut aquæ tremulum labris ubi lumen ahenis Sole repercussum………. […] En attendant, elle n’eut rien de plus pressé que de tirer de sa ceinture odorante l’herbe magique, qu’il reçut de sa main avec joie ; et certes, puisant son âme tout entière dans sa poitrine, elle la lui aurait livrée au besoin avec le même transport, tant l’amour en ce moment lançait d’aimables éclairs de la blonde tête du fils d’Éson !
Parfois aussi quelque maître brillant et pétrisseur d’âmes, comme un Abélard ou un Michelet, mérite d’être étudié isolément, parce qu’il a été capable de faire, non seulement des élèves, mais des disciples. […] Ce contraste criant est une preuve tragique de la force de pénétration qu’ont les notions et les sentiments enfoncés dans la molle argile des âmes adolescentes. […] Port-Royal fulminait contre les auteurs dramatiques qui, par la plume de Nicole, furent qualifiés d’empoisonneurs d’âmes ; et en même temps il faisait lire aux écoliers les tragédies de Sophocle et d’Euripide qui allaient éveiller le génie de Racine et le pousser du côté du théâtre. […] Par lui fut éveillé dans les âmes un fanatisme nouveau de l’antiquité, qui n’allait plus chercher dans Plutarque ou Tacite des leçons de style, mais qui en rapportait l’amour des institutions républicaines et l’enthousiasme de la liberté. […] Est-il exagéré de dire qu’elle a contribué à dégager nos écrivains du latinisme qui pesait sur eux comme un joug pendant et après la Renaissance ; à rendre l’allure de leur style plus légère et plus leste ; à façonner le goût public en donnant pour nourriture aux enfants le suc et la mœlle du génie français ; à renforcer l’âme même de la nation par une assimilation permanente d’éléments qui ont aidé à la former ?
Le nom du lieu qui vit la fatale déroute, Roncevaux, en évoque jusqu’à aujourd’hui le funèbre souvenir dans les âmes. […] Tu sais, Seigneur, que j’ai toujours désiré mourir pour ta sainte foi. » Il fit deux ou trois pas et tomba de nouveau à genoux, et, inclinant la tête, les bras tendus en croix, les regards vers le ciel, il rendit l’âme. […] Je voulais surtout savoir s’il restait dans la mémoire du peuple des alentours quelque vestige des anciennes croyances, si la Sibylle exerçait encore sur les âmes sa fascination mêlée de terreur et de désir. […] C’est dans les mythes traditionnels, dans les vieilles légendes populaires que cette âme de musique et de poésie étroitement unies devait, d’après Wagner, trouver à s’incorporer. […] Ce miracle devait être celui que nous trouvons dans les chansons allemandes, le bâton sec qui reverdit ou fleurit, emblème du repentir qui transforme l’âme du pécheur.
Ce n’est, pas leur oreille qui est musicale, c’est leur âme. […] Ce sont des âmes passionnées, frémissantes. […] Nous qui sympathisons si volontiers avec l’âme des choses, nous mettrons-nous moins volontiers à l’unisson d’une âme humaine ? […] Nous admettons qu’on parle d’une âme candide. […] Ce sera l’âme entière qui entrera en vibration.
Il n’y a donc qu’une âme grande et noble qui en soit susceptible. […] Rousseau attribue la haine qu’Alceste a pour les hommes à la vertu, la vertu à la noblesse d’âme, et de cette noblesse d’âme il estime que toutes les perfections doivent sortir. […] De toutes amitiés on détache mon âme. […] La grande âme de Corneille s’est déclarée par elle et s’est exprimée par elle tout entière. […] Donnez-leur un sens droit et une âme honnête ; puis, ne leur cachez rien de ce qu’une âme chaste peut regarder.