/ 2380
33. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

En étudiant la sensation en elle-même, nous avons déjà vu qu’elle se détermine et se développe par la sélection naturelle, par l’action du milieu et par la réaction de l’appétit ou de la volonté chez l’être vivant90 ; il nous reste à montrer maintenant que cette même action réciproque de l’appétit et du milieu dégage les rapports intelligibles entre les sensations, rapports attribués par les platoniciens à l’action du pur esprit. […] Les sensations ne sont que les organes supérieurs de l’action. […] Or, la différence qui se produit dans le passage du plaisir à la douleur est une résistance, une action contrariée. […] Nous verrons plus loin que tout jugement, toute affirmation est un prélude à l’action et au mouvement, et que c’est même la conscience de cette action commençante qui est caractéristique de l’affirmation. […] Toute idée, tout sentiment n’existe qu’en vue de l’action et tourne en action.

34. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Mais ce qui rend sa tâche très difficile, c’est que l’action réunie des diverses causes produit quelquefois des combinaisons où il est difficile de retrouver les éléments constitutifs. […] S’il peut s’appliquer aux agents naturels qui sont pour la plupart irrésistibles, on voit combien son application aux mobiles des actions humaines est inexacte. […] On considère, dit-il, comme embarrassante cette question : Comment peut-on justifier le châtiment, si les actions humaines sont déterminées par des motifs ? […] Le principe fondamental de l’école utilitaire, c’est que le seul critérium possible de la justice ou de l’injustice des actions consiste dans leurs conséquences calculables, c’est-à-dire dans leurs tendances : « Toujours depuis que l’homme est devenu un être social et moral, l’observation et le raisonnement ont montré constamment que certaines actions — par exemple, dire la vérité — tendent en général à augmenter le bonheur de l’humanité ; et que certaines actions contraires — par exemple, mentir, — tendent à porter atteinte au bonheur de l’humanité. […] L’objet de la morale doit donc être de déduire des lois de la vie et de ses conditions d’existence, quelles sont les espèces d’actions qui tendent nécessairement à produire le bonheur et quelles sont les espèces d’actions qui tendent au contraire.

35. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais pour ces mouvements, il faut des changements de fortune, des reconnaissances, des intrigues ; et tout cela suppose une ou plusieurs actions. […] Il est donc naturel que la mesure de l’action ne passe pas de beaucoup celle de la représentation. Telle est la règle du bon sens que la réflexion fit naître à Eschyle, et plus nettement à ses successeurs, en considérant qu’une action représentée doit essentiellement ressembler à l’action réelle dont elle est l’image ; car, sans cela, il n’y a plus d’imitation, plus d’erreur, plus de vraisemblance et par conséquent plus d’enchantement. […] Ainsi l’artifice, joint à la nature, justifie assez la conduite des premiers poètes tragiques, qui n’ont passé que de fort peu la durée de la représentation dans l’espace qu’ils ont donné à l’action de leurs tragédies. […] Mais la beauté des intrigues dépend du choix des actions ; et ce choix est souvent l’effet du bonheur plutôt que du discernement.

36. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Ce sera surtout de ces actions chimiques que nous aurons à nous occuper. […] On avait vu que les salives prises isolément n’avaient aucune action sur la fécule, il fallait se demander si leur action ne résultait pas de leur mélange. […] C’est ce qui a lieu aussi dans l’estomac par l’action du suc gastrique. […] BRYAN ROBINSON attribua une grande importance à l’action du suc pancréatique. […] Nous allons maintenant examiner son action chez l’animal vivant.

37. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Cependant la vérité de nature s’oublie, l’imagination se remplit d’actions, de positions et de figures fausses, apprêtées, ridicules et froides. […] Demain allez à la guinguette ; et vous verrez l’action vraie de l’homme en colère. […] Autre chose est une attitude, autre chose est une action. Toute attitude est fausse et petite ; toute action est belle et vraie. […] Il n’y a de véritable contraste que celui qui naît du fond de l’action, ou de la diversité soit des organes soit de l’intérêt.

38. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Peut-être devrons-nous conclure au « primat » de l’action ; toujours est-il que c’est notre intelligence qui conclura ainsi ; en cédant le pas à l’action, elle gardera de la sorte la supériorité du roseau pensant. […] Le Roy, la science n’est qu’une règle d’action. […] Si la science ne réussissait pas, elle ne pourrait servir de règle d’action ; d’où tirerait-elle sa valeur ? […] On ne peut même pas dire que l’action soit le but de la science ; devons-nous condamner les études faites sur l’étoile Sirius, sous prétexte que nous n’exercerons probablement jamais aucune action sur cet astre ? À mes yeux au contraire, c’est la connaissance qui est le but, et l’action qui est le moyen.

39. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

On voit qu’il ne sent point le poids de cette force des choses dont la science moderne nous montrera si bien l’action toujours dominante et parfois écrasante. […] Les orateurs, les hommes d’État, les hommes de guerre, avaient donc une action très-grande sur les destinées de la république. […] L’action de cette fatalité, connue sous le nom de force des choses, est trop considérable, trop visible, pour ne pas inspirer au spectateur d’un tel drame plus de curiosité d’observation que de désir d’action personnelle. […] La conscience est là, dira-t-on, pour vous commander l’action. […] Pour aimer l’action, pour s’y mettre tout entier, l’homme a besoin de croire à un résultat de cette action ; il entend faire une œuvre efficace dans la mesure de ses facultés et de ses forces ; il lui répugne d’imiter ces moines du désert qui, travaillant pour obéir à la règle, arrosaient tout le jour un bâton planté dans le sable.

40. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

  Une conclusion générale découle des trois premiers chapitres de ce livre : c’est que le corps, toujours orienté vers l’action, a pour fonction essentielle de limiter, en vue de l’action, la vie de l’esprit. […] Il n’en est pas moins vrai que l’orientation de notre conscience vers l’action paraît être la loi fondamentale de notre vie psychologique. […] Alors nous avons cru voir l’action sortir de ses antécédents par une évolution sui generis, de telle sorte qu’on retrouve dans cette action les antécédents qui l’expliquent, et qu’elle y ajoute pourtant quelque chose d’absolument nouveau, étant en progrès sur eux comme le fruit sur la fleur. […] Elle représente, en effet, une forme ordinaire de l’action utile, mal à propos transportée dans le domaine de la connaissance pure. […] Voir, à ce sujet, MAXWELL, Action at a distance (Scientific papers, Cambridge, 1890, t. 

41. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Prédominance des images et de l’action des hémisphères. […] Voilà les principaux groupes d’actions qui sont des connaissances. — Comment un être composé comme on l’a dit peut-il les accomplir ? […] Expliquer une de ces actions, c’est en démêler les éléments, montrer leur ordre, fixer les conditions de leur naissance et de leur combinaison. […] Et cependant l’action des centres sensitifs est celle que provoqueraient en eux, à l’état normal, des rayons gris et jaunâtres, tels qu’en lancerait une véritable tête de mort. […] La science ainsi entendue est bientôt faite ; il n’y a rien à chercher ni à trouver dans une pareille action, puisqu’elle est simple ; une fois qu’on l’a nommée, on est à bout.

42. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Le supplice que l’imagination des poëtes a inventé se trouve produit dans la nature par l’action du poison américain. […] L’action médicamenteuse n’est au fond qu’un empoisonnement incomplet. C’est aux éléments intimes de notre organisation qu’il faut remonter pour saisir le mécanisme de toutes ces actions. […] Chez la grenouille, on n’arrête pas le cœur en pinçant la peau : il faut des actions beaucoup plus énergiques. […] Kant a défini la vie : « un principe intérieur d’action ».

43. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

La question de savoir si les marées représentent les actions combinées du soleil, de la lune et de l’océan, présuppose celle de savoir en quoi consistent ces actions combinées. […] Le mode d’action du sujet sentant est la tendance à une fin. […] Il n’est pas étonnant que cette forme ou ce sujet soit sans action. […] Pour vider l’étendue, nous réduisons à un minimum uniforme l’action et la réaction. […] Quelle en est l’action ?

44. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Le second germe de la volonté se trouve dans le lien naturel qui unit le sentiment et l’action. […] Entrons maintenant dans l’histoire de son développement ; voyons par quels procédés des actions déterminées se lient à des sentiments déterminés, de telle façon que l’un plus tard puisse commander l’autre. […] Dans la vie organique, il n’y a à l’origine aucune liaison entre la souffrance physique et les actions calculées pour la soulager. […] Les fonctions organiques sont si intimement liées avec les mouvements musculaires, que l’action de ceux-ci peut souvent les exciter ou les arrêter. […] Bain se fondant sur la tendance de l’idée à passer à l’acte, ne sépare jamais la résolution de l’action.

45. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Conduite de l’action dramatique. […] Alors ces actions sont véritablement importantes par la grandeur des intérêts opposés. […] (Il est vrai que, dans Sophocle, cette action d’Œdipe est hors de la tragédie.) […] Dès-lors, dans une action simple, tout devient magique et surnaturel. […] Tout y doit être en action, et viser aux grands effets.

46. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Mais l’action brise le cercle. […] Sur cette matière s’exerce essentiellement l’action humaine, et l’action, comme nous le disions plus haut, ne saurait se mouvoir dans l’irréel. […] En cela consistent la vie et l’action libres. […] Il n’y a pas de choses, il n’y a que des actions. […] En réalité, un être vivant est un centre d’action.

47. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

La vrai-semblance poëtique consiste à donner à ses personnages les passions qui leur conviennent suivant leur âge, leur dignité, suivant le temperament qu’on leur prête, et l’interêt qu’on leur fait prendre dans l’action. […] Quoique tous les spectateurs deviennent des acteurs dans un tableau, leur action néanmoins ne doit être vive qu’à proportion de l’interêt qu’ils prennent à l’évenement dont on les rend témoins. […] Le peintre y exprime parfaitement bien la difference qui est entre l’action naturelle des personnes de chaque temperament, quoiqu’elles agissent par la même passion ; et l’on sçait bien que cette sorte d’execution ne se faisoit point par des bourreaux païez, mais par le peuple lui-même. […] Qu’on mette dans les enseignes des atheniens la chouette, dans celles des égyptiens la cicogne, et l’aigle dans celles des romains ; enfin qu’on se conforme à celles de leurs coûtumes qui ont du rapport avec l’action du tableau. […] L’erreur d’introduire dans une action des personnages qui ne purent jamais en être les témoins, pour avoir vêcu dans des tems éloignez de celui de l’action, est une erreur grossiere où nos peintres ne tombent plus.

48. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Les auteurs : Dumas ; la couleur locale ; l’action ; le pathétique brutal et physique. […] La foule ne demande qu’une action, les femmes de la passion. […] L’action historique, les individus réels et connus, seront des symboles, par où il enseignera l’humanité. […] Hugo sont enfantins par l’action. […] Ici, dit le poète, « l’action morale est tout ».

49. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Toutes les complications de l’action sont des complications morales. […] Comment donc soutenir l’action morale ? […] Plus d’action aussi. […] Corneille l’a bien senti, et il a cherché une compensation à l’insuffisance dramatique de l’action morale par l’énergie dramatique de l’action extérieure. […] J’ai déjà dit que Corneille avait surtout l’imagination mécanique : il ne voit, et son style ne note que les forces qu’il met en action.

50. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Il n’en est pas moins vrai qu’une seconde est toujours une durée, qu’un millimètre est toujours une étendue, que la pensée d’une action est toujours une action, que l’idée d’un mouvement est toujours ce mouvement commencé ; s’il est arrêté ensuite, cela ne l’empêche point d’avoir existé tout d’abord. Quand nous pensons à une action simplement possible pour nous, nous voulons déjà cette action et nous la commençons. […] Ou la volonté n’est nulle part, ou elle est partout en nous ; nous sommes partout en action et en mouvement : c’est là la vie, et la volonté ne cesse qu’avec la vie. […] C’est ce que le vulgaire appelle proprement l’action ; mais, en réalité, l’action a toujours été présente, et la volonté aussi, et l’effort contre la résistance. […] Nous croyons que c’est l’inverse de la vérité et que l’attention est simplement l’appétition dirigée vers la perception au lieu d’être dirigée vers l’action musculaire.

51. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Et ils ne prouvent rien de semblable, puisqu’ils ne font qu’étendre arbitrairement aux actions volontaires une loi vérifiée dans des cas où la volonté n’intervient pas. […] Ces mouvements, par lesquels la pensée s’extérioriserait en actions, doivent être préparés et comme préformés dans le cerveau. […] En d’autres termes, la pensée est orientée vers l’action ; et, quand elle n’aboutit pas à une action réelle, elle esquisse une ou plusieurs actions virtuelles, simplement possibles. […] C’est tout simplement que les verbes expriment des actions, et qu’une action peut être mimée. […] Dégageant de l’esprit ce qui est extériorisable en mouvement, insérant l’esprit dans ce cadre moteur, il l’amène à limiter le plus souvent sa vision, mais aussi à rendre son action efficace.

52. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Crébillon, qui eut un immense succès, est un homme d’imagination-active, sans cesse occupée à emmêler et à démêler les fils d’une action romanesque. […] Éclairé sur sa victime, il se tuera : action horrible — et bienséante. […] Il se moquait de la malencontreuse idée que la Comédie eut un jour de mettre en action le dénouement d’Iphigénie. […] Il dirige son action, il donne « le coup de pouce », pour amener telle situation, tel jeu de sentiment, tel tableau, sur lesquels il compte. […] Asservi donc aux timidités du goût mondain, Voltaire ne pouvait pas non plus mettre dans ses pièces l’action qu’il rêvait.

53. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Selon Malebranche, l’âme et le corps ne sont l’un pour l’autre qu’une cause occasionnelle d’action et de mouvement ; c’est Dieu qui est le véritable moteur. Pour Spinosa, il n’y a qu’une simple correspondance d’actions et de mouvements au sein de la substance universelle. […] Comment confondre une impression, une action, un mouvement cérébral, avec un sentiment, une idée, une volition ? […] En cela, nous serions bien plutôt de l’avis des moralistes qui ont vu dans cette tragique action l’une des manifestations les plus énergiques de la liberté humaine. […] L’obstacle à l’exercice du libre arbitre n’est pas dans l’action des idées sur la volonté ; il est dans l’action des instincts et des passions.

54. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Un peintre, et principalement un poëte qui traite un sujet sans interêt, n’en peut vaincre la sterilité, il ne peut jetter du pathetique dans l’action indifferente qu’il imite qu’en deux manieres : ou bien il embellit cette action par des épisodes, ou bien il change les principales circonstances de cette action. Si le parti que le poëte choisit est celui d’embellir son action par des épisodes, l’interêt qu’on prend à ces épisodes ne sert qu’à faire mieux sentir la froideur de l’action principale, et on lui reproche d’avoir mal rempli son titre. Si le poëte change les principales circonstances de l’action que nous devons supposer être un évenement generalement connu, son poëme cesse d’être vraisemblable. […] Que les peintres et les poëtes examinent donc serieusement si l’action qu’ils veulent traiter nous toucheroit sensiblement, supposé que nous la vissions, et qu’ils soïent persuadez que son imitation nous affectera encore moins.

55. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Aussi, comme la décoration ne peut varier ses effets selon les moments successifs d’une action, elle doit être, soit dans le mouvement, soit dans le ton des choses inanimées, en relation générale avec l’action et non en relation spéciale avec un des moments particuliers de cette action. […] L’aspect du décor a de la grandeur et convient à l’action héroïque du drame. […] L’action se divisait en général en cinq actes qui représentaient cinq moments successifs. […] Grâce à la continuité du spectacle, ces drames conserveraient leur physionomie propre, l’action son allure réelle et les différents moments de cette action leur marche ininterrompue. […] Nous avons pris l’action dans un moment particulier.

56. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Ce sens, qui a pour objet les sensations liées aux mouvements du corps ou à l’action des muscles, ne peut être confondu avec les cinq sens ordinaires ; en général, on admet maintenant qu’il doit être étudié à part. […] Leur action sourde, obscure, mais continue, exerce une incontestable influence sur notre vie psychologique. […] On peut dire que c’est un pouvoir non appris d’accomplir des actions de toute sorte, et plus particulièrement celles qui sont nécessaires ou utiles à l’animal. […] Ces actes instinctifs forment cinq groupes : 1° Les actions réflexes ; 2° Le mécanisme spécial de la voix ; 3° Les arrangements primitifs qui rendent possibles l’harmonie et la combinaison de certaines actions ; 4° La liaison du sentiment et de ses manifestations physiques. […] Quelles sont les actions qui sont dues en nous aux impulsions primitives du mécanisme nerveux et musculaire ?

57. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

C’est donc sous forme de dispositifs moteurs, et de dispositifs moteurs seulement, qu’il peut emmagasiner l’action du passé. […] Comme l’habitude, il a exigé la décomposition d’abord, puis la recomposition de l’action totale. […] Elle consiste dans une action, et non dans une représentation. […] Dans la seconde, au contraire, ces lésions intéresseraient notre action naissante ou possible, mais notre action seulement. […] Tout au plus en est-il ainsi de ces perceptions aussitôt dissipées que reçues, celles que nous éparpillons en actions utiles.

58. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Quand plusieurs actions se développent pendant une certaine durée en des lieux différents, on combine l’un et l’autre ordre : on choisit une unité de temps, d’après laquelle on coupe chaque action en fragments égaux, et l’on montre successivement de petites séries partielles et simultanées, jusqu’à ce qu’on ait épuisé sa matière. […] C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires. […] Il faut observer, dans le choix des détails qui exprimeront l’action et les caractères, que tout ce qui est réel et vrai n’est pas à recevoir. […] Sauf toujours le besoin des cas particuliers, cela en soi n’a rien d’intéressant et est en dehors de l’art : cela seul a droit d’entrer dans le récit, qui est expressif, qui contribue à peindre les caractères ou à faire avancer l’action. […] La Fontaine et ses Fables. — Cf. surtout le chapitre ide la 3e partie, « de l’Action », p. 227-287.

59. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ecartez de votre action tout détail froid, tout ornement superflu. […] Plus ils se livrent à l’action, & plus leur attention se dirige vers le terme où elle aboutit ; or le terme prévû, l’action est finie. […] Une action où doit entrer le merveilleux demande plus d’élevation dans le style & dans les moeurs, qu’une action toute naturelle. […] Dans la Comédie l’action finit heureusement par un trait de caractere. […] Il en est des bons vers comme des actions courageuses.

60. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Les propriétés vitales elles-mêmes n’entrent en action que sous l’influence des agents physico-chimiques, externes ou internes, et ainsi la loi de l’inertie se trouve partout vérifiée. […] En définitive, même dans une machine brûle, toutes les parties ont un rôle à remplir dans l’ensemble, et se correspondent en quelque sorte sympathiquement : cependant on peut analyser cette machine, isoler l’action de chacune de ces pièces distinctes, sauf à les replacer ensuite toutes dans leur action totale. […] A proprement parler, ce sont des idées, et ces idées suffisent pour empêcher l’action ou la déterminer. […] Il y a donc mélange des deux règnes, action et réaction de l’un sur l’autre. […] Comment les lois de la liberté peuvent-elles admettre, sans être détruites, l’action de la nature ?

61. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Elle est soumise aux mêmes règles, aux unités de temps, de lieu, d’action, d’intérêt, de dessein. […] Dans la première, aucun des personnages n’a dessein de traverser l’action, qui semble devoir aller d’elle-même à sa fin, mais qui néanmoins se trouve interrompue par des événements que le pur hasard paraît avoir amenés. […] Il offre une action que les personnages n’ont aucun dessein de traverser ; c’est le hasard seul qui fait arriver Sosie dans un moment où Mercure ne peut le laisser entrer chez Amphytrion. Le déguisement de Jupiter produit une brouillerie entre Amphytrion et Alcmène : l’action est toujours conduite ainsi, jusqu’au moment où la présence des deux Amphytrions amène le dénouement et oblige Jupiter à se déclarer. Il ne manque à cette comédie que la simplicité dans le principe de l’action : celui des Ménechmes est encore plus vicieux.

62. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

C’est pour cela que l’action est si nécessaire dans le roman psychologique. […] Un accident ou un incident n’est pas une action. Il y a des actions vraiment expressives du caractère constant ou du milieu social, et d’autres plus ou moins accidentelles ; les actions expressives sont celles que le romancier doit choisir pour composer son œuvre. […] Ces deux amours admis, non expliqués, il va déduisant les actions et leurs mobiles. […] Au bout il y a la connaissance de l’homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale.

63. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’action, que dis-je ? […] La mesure de l’action. […] Mais le récit d’une action n’est pas celui d’une vie. […] Ainsi la triple action est couronnée par un triple dénouement. […] L’unité se borne ici à l’action, et ne s’étend pas au lieu et au temps.

64. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Après avoir montré l’application de ce principe au corps vivant, nous étudierons successivement les diminutions, les déplacements, enfin les désintégrations de la conscience, soit sous l’action de la maladie, soit sous celle de l’hypnotisme et de la suggestion. […] Nous sentons vaguement un milieu où nous sommes plongés et où, pour ainsi dire, nous nageons, mais comment discerner à part l’action des myriades de gouttes d’eau qui nous pressent et dont toutes les pressions se ressemblent ? […] L’action se rapproche alors des actes réflexes accomplis par les centres inférieurs du cerveau ou par ceux de la moelle. […] A une sensation en succède une autre ; les sensations peuvent provoquer des émotions, des pensées, des volitions, des actions ; c’est le déplacement et la transformation de l’énergie mentale, parallèlement à l’énergie physique. […] Supprimez ou diminuez l’action du cerveau : vous augmentez généralement l’intensité et la rapidité des actions réflexes provenant de la moelle ; sous la moindre irritation, les membres font des mouvements convulsifs ; exaltez, au contraire, l’activité dans le cerveau, « vous modérez ou inhibez » généralement les actions de la moelle épinière.

65. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Toute action est un empiétement sur l’avenir. […] Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? […] Elle peut s’orienter dans le sens du mouvement et de l’action — mouvement de plus en plus efficace, action de plus en plus libre : cela, c’est le risque et l’aventure, mais c’est aussi la conscience, avec ses degrés croissants de profondeur et d’intensité. […] J’ai essayé jadis de montrer que, si la première est l’inverse de la seconde, si la conscience est de l’action qui sans cesse se crée et s’enrichit tandis que la matière est de l’action qui se défait ou qui s’use, ni la matière ni la conscience ne s’expliquent par elles-mêmes. […] Mais créateur par excellence est celui dont l’action, intense elle-même, est capable d’intensifier aussi l’action des autres hommes, et d’allumer, généreuse, des foyers de générosité.

66. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Il est surprenant qu’on ait pu théoriquement révoquer en doute la connexion des motifs et des actions. […] Il y a une sorte de latitude qui prévaut, et nous permet de ne pas supposer que ces actions dépendent de causes régulières et invariables. […] Les actions volontaires résultent de motifs et peuvent être constamment prédites ; 2. En accomplissant ces actions, nous n’en faisons pas moins ce qui nous plaît ; nous agissons avec une parfaite liberté. […] Je produis en vous le désir de faire une chose, — ce qui implique naturellement que je prévois votre action : — ce n’est pas vous forcer à la faire.

67. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

L’action ne commence qu’à la seconde, et ne finit qu’à la troisième. Le Camp est une espèce de prologue sans aucune action. […] Dans cette pièce commence l’action ; mais la pièce finit sans que l’action se termine. […] Il recule devant l’action qu’il se trouve forcé de commettre. […] J’avais essayé de mettre en récit ce que Schiller a mis en action.

68. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

L’action du talent du prêtre, si grande encore du temps de Lamennais, est maintenant cruellement limitée. […] Qui dit Gouvernement des Papes, dit l’action de saisir et de diriger les hommes par tous les côtés où ils peuvent être saisis et dirigés. […] Après l’avoir opposée, cette action morale inconnue avant lui dans l’histoire, aux Païens, ses persécuteurs, il l’opposa aux Barbares, puis à la Féodalité, puis, plus tard encore, à l’ambition des États modernes. […] — et le livre de M. de L’Épinois ne permettrait pas, d’ailleurs, de l’oublier, — c’était principalement cette action morale intervenant dans les choses humaines au nom de Dieu, que la Papauté défendait en défendant son gouvernement temporel, comme c’était encore son action morale qu’elle sauvegardait dans son gouvernement spirituel, quand, à force de décrets, de bulles et de conciles, elle sauvegardait la pureté et l’intégrité de la Foi. Rien de plus frappant et qu’on puisse moins contester que cette action morale du gouvernement, même temporel, de la Papauté, dont M. de L’Épinois nous a tracé l’histoire.

69. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

C’est dans le moule de l’action que notre intelligence a été coulée. La spéculation est un luxe, tandis que l’action est une nécessité. […] Et l’on dira aussi bien que chaque action est l’accomplissement d’une intention. […] Cela ne veut pas dire, encore une fois, que l’action libre soit l’action capricieuse, déraisonnable. […] Il faut donc que des possibilités d’action se dessinent pour l’être vivant avant l’action même.

70. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Si on multiplie les aéroplanes, on arrive aisément à composer de véritables dialogues et de grandes actions dramatiques. […] ACTION situe et commente les problèmes du temps présent et en fait la Somme. […] Voir Action, n° 2, mars 1920, p. 60, note 64. […] Tokine : voir Action, n° 2, mars 1920, p. 51, note 48. […] Voir Action, n° 6, décembre 1920, note 40.

71. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Le peintre n’a qu’un instant, et il ne lui est pas plus permis d’embrasser deux instants que deux actions. […] Ce n’est plus une action qui se passe en nature, c’est une action apprêtée, compassée, qui se joue sur la toile. […] Chaque action a plusieurs instants ; mais je l’ai dit et je le répète, l’artiste n’en a qu’un dont la durée est celle d’un coup d’œil. […] J’aimerais donc mieux, s’il était possible, reculer le moment de l’action, pour être énergique, et me débarrasser des paresseux. […] Chercher entre ses membres des oppositions purement techniques, y sacrifier la vérité rigoureuse de son action, voilà l’origine du style antithétique et petit.

72. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Si le sociologue et le statisticien, attentifs aux seules généralités, négligent les questions d’individus, ces dernières sont en revanche les plus intéressantes pour le psychologue plus curieux des actions individuelles que des actions collectives. […] Les unes, énergiques et indomptées, ne se laissent pas abattre par les déceptions et restent fidèles jusqu’au bout à la vie et à l’action. […] Dans nos sociétés, la pauvreté est un obstacle presque invincible à l’action indépendante et à la mise en valeur de l’originalité. […] Il put aisément répandre ses doctrines dans ce petit pays de Judée où l’action du pouvoir central n’existait pas ou du moins était peu encombrante. Mais avec le développement social, la part de l’imitation, du conformisme, de la réglementation, de l’action routinière et imposée va croissant ; celle de l’action personnelle, vraiment réfléchie et voulue, va en diminuant.

73. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

N’ayant pas d’action, il ne serait que le fondement des actions du moi. […] Une action, même simple, tend à se répéter. […] Il y a donc une cause à mon action : c’en est le motif ; le motif a donc entraîné l’action, elle n’est donc pas libre. […] Il y a donc des actions libres. […] L’idée ne sollicite pas l’action.

74. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Nous allons voir que non-seulement le pantomime représentoit quelquefois un personnage comme le faisoient les autres comédiens, mais qu’il peignoit quelquefois, qu’il décrivoit avec son geste l’action de plusieurs personnages. […] On conçoit bien comment les pantomimes pouvoient venir à bout de décrire intelligiblement une action, et de donner à entendre par le geste les mots pris dans le sens propre, comme le ciel, la terre, un homme, etc. Aussi-bien que les verbes qui marquoient des actions ou des affections. […] Le pantomime au contraire étoit entierement le maître de son action, et son unique soin étoit de rendre intelligiblement ce qu’il vouloit exprimer. […] Son action rend intelligible bien des choses que notre action ne feroit pas deviner, et ses gestes sont encore si marquez, qu’ils sont faciles à reconnoître lorsqu’on les revoit.

75. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Je ne sçais pourquoi j’ai restreint le poëme au récit d’une action. […] Tout le ciel est intéressé à son action. […] Il décrit des actions et des objets. […] Approuveroit-on que l’action des principaux personnages y fût interrompue par les affaires des confidens ? […] Je n’y place que trois actions liées même l’une à l’autre.

76. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Il a probablement écrit parce que l’action pour laquelle il était fait ne lui fut pas toujours possible, du moins dans la mesure qu’il fallait à des facultés aussi fortes que les siennes. […] Seulement il était l’homme d’action et de caractère de ce groupe dont ils étaient, eux ! […] C’était là le type de l’homme d’action qui avait toujours préoccupé comme un idéal et tyrannisé sa pensée. […] En effet, il aurait été au pouvoir ce qu’il avait été pendant sa proscription, et il y eût certainement montré l’esprit de ressource et l’intrépidité froide et rusée qui forment le génie des hommes d’action en politique comme à la guerre. […] Ainsi, il y a au commencement de ses Mémoires un grand morceau sur le cardinal de Richelieu, dont l’administration lui semble la cause première de la Révolution française, et ce long morceau d’une plume de si grand sens, a tout le chimérique du parti pris et l’ambitieux du système ; mais il est dans la logique de l’esprit de Vaublanc qui, en sa qualité d’homme d’action exagère dans l’histoire l’action des hommes et ne voit qu’eux.

77. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ainsi, Crébillon concevait ou empruntait à la Fable un caractère et une action atroces ; et pour les faire passer au théâtre, il altérait le caractère ou adoucissait l’horreur de l’action par des atténuations de pure fantaisie. […] Cette part nouvelle faite à l’action et au spectacle rendait nécessaire une double réforme du théâtre. […] Un récit de la pomme eût fait tomber son Guillaume Tell ; la scène en action le fit réussir. […] Ce qui s’y voit de grand, ce sont les actions ; la simplicité des paroles, au lieu de les dérober, les fait paraître plus grandes. […] « Qu’est-ce qu’un roman mis en action et en vers ? 

78. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Cette difference entre deux generations des habitans du même païs arrivera par l’action de la même cause qui fait que les années n’y sont pas également temperées, et que les fruits d’une récolte valent mieux que les fruits d’une autre récolte. […] Or, l’air qui doit avoir un si grand pouvoir sur notre machine, est un corps mixte composé de l’air élementaire et des émanations qui s’échappent de tous les corps qu’il enserre ou que son action continuelle peut en détacher. […] Il en est de même de l’action du vent qui souffle des païs voisins. […] On remarque même dans les animaux les effets differens de l’action de l’air. […] Si dans le cours d’une année il se commet à Rome vingt mauvaises actions, il s’en commet quinze dans les deux mois de la grande chaleur.

79. (1864) Études sur Shakespeare

Rien ne le révèle sitôt à lui-même ; il faudra qu’il ait beaucoup senti avant de croire qu’il ait quelque chose à peindre ; ses premières forces se porteront vers l’action, vers l’action irrégulière telle que la provoque l’impatience de ses désirs, vers l’action violente si quelque obstacle vient se placer entre lui et le succès que lui a promis sa fougueuse imagination. […] Qui pourrait nous faire trembler, comme lady Macbeth elle-même, de l’action qu’elle prépare avec si peu de crainte ? […] Aucune de ses actions ne s’est terminée sans rendre nécessaire l’action qui la suit ; elles s’annoncent et s’attirent l’une l’autre, forçant ainsi l’imagination de marcher en avant, pleine de trouble et d’attente. […] C’est que le poëte en a saisi la condition fondamentale, qui consiste à placer le centre d’intérêt là où se trouve le centre d’action. […] On a reproché à Andromaque la duplicité d’action ou du moins d’intérêt, et le reproche n’est pas sans fondement ; ce n’est pas que toutes les parties de l’action ne concourent au même but, mais l’intérêt y est épars, le centre d’action incertain.

80. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Réalité intime du drame : simplicité de l’action et du style. […] Il prend son point de départ si près du point d’arrivée, qu’un tout petit cercle contient l’action, l’espace et le temps. […] L’action se proportionnera aux sujets, et les ressorts qu’elle emploiera seront « vulgaires » comme eux. […] Il est poète, et dans toutes les actions qu’il met en scène, il saisit une puissance poétique qu’il dégage. […] Les incognitos et les reconnaissances deviennent le train ordinaire et journalier des actions théâtrales.

81. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Celui-ci serait action, création, amour. […] Ajoutons — et c’est peut-être, au fond, la même chose — qu’il n’a pas cru à l’efficacité de l’action humaine. […] Admettons pourtant que l’action directe du christianisme, en tant que dogme, ait été à peu près nulle dans l’Inde. […] Et c’est le pessimisme qui a empêché l’Inde d’aller jusqu’au bout de son mysticisme, puisque le mysticisme complet est action. […] Pour franchir l’intervalle entre la pensée et l’action il fallait un élan, qui manqua.

82. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il n’est pas dans l’action. […] Mais on n’appelle point pièce à action une pièce où l’action tient le quart de l’ouvrage et s’interrompt sans cesse pour laisser place — et Dieu merci ! […] Capus, Le Bidois et Faguet, à propos de l’action dans le Misanthrope ?  […] Aussi Molière n’aurait-il pas eu raison de le mêler à une action intense que devait être l’action spécifique d’une pièce sur la Misanthropie ? […] L’action du Misanthrope est terminée.

83. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré. […] C’est donc parce que les faiseurs de comedie n’ont pas les yeux assez bons pour bien lire dans la nature, pour y demêler distinctement les differens principes des mêmes actions, et pour y voir comment les mêmes principes font agir differemment chaque individu, qu’ils ne sçauroient plus mettre au théatre de nouveaux caracteres. […] Il faut ramasser ces traits, et continuant d’étudier son modele, extraire, pour parler ainsi, de ses actions et de ses discours les traits les plus propres à faire reconnoître le portrait. […] Ainsi la contenance et l’action des personnes qu’il peint, sont toujours variées. […] Eux seuls peuvent dire quel caractere resulteroit de ces traits, si ces traits étoient détachez des actions et des discours indifferens, si ces traits, rapprochez les uns des autres, étoient immediatement réunis entre eux.

84. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Les symphonies convenables au sujet et bien caracterisées, contribuent donc beaucoup à nous faire prendre interêt dans l’action des opera, où l’on peut dire qu’elles joüent un rôle. […] La symphonie de l’opera de Roland, qu’on appelle communément Logistille, joüe très-bien son rôle dans l’action où elle est introduite. L’action du cinquiéme acte où elle est placée, consiste à rendre la raison à Roland, qui est sorti furieux de la scéne à la fin du quatriéme acte. […] Ainsi, bien que ces symphonies soient en un certain sens inventées à plaisir, elles aident beaucoup néanmoins à rendre le spectacle touchant et l’action pathétique. […] Ces morceaux de musique qui nous émeuvent sensiblement, quand ils font une partie de l’action théatrale, plairoient même médiocrement, si l’on les faisoit entendre comme des sonates, ou des morceaux de symphonies détachez, à une personne qui ne les auroit jamais entenduës à l’opera, et qui en jugeroit par conséquent sans connoître leur plus grand mérite, c’est-à-dire, le rapport qu’elles ont avec l’action, où, pour parler ainsi, elles joüent un rôle.

85. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Voilà un genre de peinture où il n’y a proprement ni unité de temps, ni unité d’action, ni unité de lieu. […] Si l’on ne s’en tenait point à des actions communes, (et j’appelle actions communes toutes celles où un homme en menace ou en tue un autre) mais qu’on imaginât quelque trait de générosité, quelque sacrifice de la vie à la conservation d’un autre, on élèverait mon âme, on la serrerait, peut-être même m’arracherait-on des larmes. […] Comme on y a plus encore affecté la vigueur, il y a plus de papillotage ; l’action se passe au milieu des flots agités et écumeux. […] Vous ne verrez pas ses tableaux, mais vous saurez une de ses actions qui ne vous déplaira pas. […] Les combattans n’y manquent pas d’action ; ce sont des turcs d’un côté, de l’autre des soldats cuirassés.

86. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

M. de Régnier, dont le fatalisme répugne à l’action, écarte de son art le mouvement ; il se manifeste en général par la plastique plutôt que par la musique, et spécialement par des attitudes ; il y a du sculpteur en lui. […] Il est curieux de le constater, cette belle page de Régnier invoquant pour leur beauté toute l’action et toute la lutte, serait la meilleure épigraphe aux œuvres de Griffin. […] Celles-ci sont déduites brillamment plutôt qu’en un large élan de l’âme, et, très légitimement d’ailleurs, c’est en évoquant une silhouette immobile que le poète nous parle de l’action ; le geste apparent du dernier vers n’est lui-même qu’une attitude. […] Celle-ci, dans l’action même, évoque le repos, en ce sens que chacun de ses mouvements paraît pouvoir se fixer en attitude ; au contraire une attitude élégante paraît vouloir se résoudre en un geste. […] Vielé-Griffin — mais n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que la pensée de ce poète, tendue vers l’énergie, se complaise en un pays de vie facile où l’action ne suppose pas l’effort ?

87. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

A mon tour, j’exerce une action, si faible qu’elle soit, sur cette étoile, sur tous ces mondes qui m’ignorent et que j’ignore. […] Les sens, en d’autres termes, ont-ils eu d’abord pour objet la connaissance, ou l’action et la jouissance ? […] Soumis une seconde fois à la même action, il reprendra plus aisément son rôle d’organe momentané. […] L’odorat révèle une action plus délicate, mais ayant toujours une certaine intensité ; les yeux sentent aussi l’intensité de la lumière. […] Donc ce n’est pas seulement le rapport que nous sentons, mais les intensités mêmes des actions exercées sur nous.

88. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Or, le mouvement apparaît chez l’homme comme le résultat d’une action de l’âme sur le corps. […] C’est la mesure de l’action que les corps exercent les uns sur les autres. […] En quoi peut bien consister, en réalité, l’action des choses dans la nature ? […] S’il y a des actions dans la nature, ces actions sont tout autre chose que la prétendue action d’un corps sur un autre, laquelle n’est qu’une relation numérique. […] L’être vivant se réduit au protoplasma, dont la fonction est de réagir sous l’influence des actions extérieures ; en lui la spontanéité est nulle ; la réaction est égale à l’action.

89. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Drouot demandait deux ou trois heures : ce qui fit que l’action ne commença qu’à onze heures et demie ou midi. […] On commença à notre gauche par une diversion qui devint une action trop principale autour de la ferme et du château de Goumont. […] « Une bataille », a dit à ce propos Napoléon, « est une action dramatique qui a son commencement, son milieu et sa fin. […] Dès l’origine, l’ombre de Bülow se dessinant et grandissant à l’horizon indiqua l’intervention possible des Prussiens et causa une perturbation sensible dans l’action principale ; le nœud n’était plus où il devait être ; une autre pièce (pour continuer l’image) venait compliquer la première et s’essayer à côté : il n’y avait plus d’unité d’action. […] On saisit à merveille ces moments où l’action de Napoléon, libre alors et non plus partagé, s’ajoutant à l’impétuosité de Ney qui avait poussé les choses à l’extrême, penchant sur le plateau, eût tout renversé et achevé Grouchy, par son absence totale, fut le seul auteur de la perte.

90. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Excepté le talent, qui a subi l’action du temps, non son action féconde, mais son action funeste, excepté le talent, je ne vois dans Merlin l’Enchanteur, au bout de trente ans d’intervalle, qu’une redite de l’Ahasverus ! […] … c’est peut-être parce qu’il n’est plus tout cela que, de loisir forcé, cet homme, fait pour les grandes besognes, et de prétention épique dans l’action comme dans la pensée, nous a donné ce ruminement d’Ahasverus, L’Enchanteur Merlin ! […] Et l’action ?… l’action entre ces quatre personnages sans individualité et même sans humanité, l’action a-t-elle une individualité davantage ? […] Il y a encore autre chose… quelque chose de plus malin et de plus profond, mais non de plus nouveau que l’action de cette épopée puérile et rabâcheuse, et c’est sa signification philosophique, son enseignement, sous les marionnettes ; enfin son quatrième dessous !

91. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

. — De la simplicité d’action. — § X. […] Voilà pourquoi l’on se souvient plus des dénoûments de Corneille, de l’action dans Racine. […] Quelle idée se faisait Racine d’une tragédie parfaite. — De la simplicité d’action. — Des trois unités. […] Plus Racine produit, plus il se rapproche de l’idéal de l’art dramatique, la simplicité d’action. […] L’action marche ; elle gronde, pour ainsi dire.

92. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Ce que la foule demande presque exclusivement à l’œuvre dramatique, c’est de l’action ; ce que les femmes y veulent avant tout, c’est de la passion ; ce qu’y cherchent plus spécialement les penseurs, ce sont des caractères. Si l’on étudie attentivement ces trois classes de spectateurs, voici ce qu’on remarque : la foule est tellement amoureuse de l’action, qu’au besoin elle fait bon marché des caractères et des passions13. Les femmes, l’action intéresse d’ailleurs, sont si absorbées par les développements de la passion, qu’elles se préoccupent peu du dessin des caractères ; quant aux penseurs, ils ont un tel goût de voir des caractères, c’est-à-dire des hommes, vivre sur la scène, que, tout en accueillant volontiers la passion comme incident naturel dans l’œuvre dramatique, ils en viennent presque à y être importunés par l’action. […] Le drame noue l’action, la comédie l’embrouille, la tragédie la tranche. […] C'est-à-dire du style ; car si l’action peut, dans beaucoup de cas, s’exprimer par l’action même, les passions et les caractères, à très-peu d’exceptions près, ne s’expriment que par la parole.

93. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Ce n’est point, avons-nous dit, par une action nerveuse portant sur la sensibilité. […] Berzélius appelait actions catalytiques les phénomènes de ce genre. […] Il est prouvé aujourd’hui que, dans l’action de la diastase sur l’amidon, la diastase s’use, et que son usure est en rapport avec l’énergie de l’action qu’elle a exercée. […] Le type de ces actions est la fermentation alcoolique produite par la levure de bière. […] Comment s’opère cette action ?

94. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il n’y dit jamais de mal de lui, mais dans le bien qu’il en raconte, dans ses récits les plus avantageux, il y a tant d’esprit, de gaieté, de bons mots joints à l’action, de belle et vaillante humeur française, il est si bien un héros de notre nation, que ses défauts cessent d’y déplaire. […] Il dut à sa conduite à Senef, où il ne cessa de combattre, bien que blessé au commencement de l’action, d’être nommé colonel de cavalerie ; il avait vingt et un ans. […] Il se plaît à les raconter avec détail, et dans ces endroits de ses Mémoires il nous rappelle le vieux Montluc, grand amateur et narrateur aussi d’escarmouches et d’actions particulières. […] On ne peut nier qu’il n’ait, en effet, conquis par ses seules actions et ses services continuels l’avancement dont il fît un si heureux et glorieux usage. […] Louis XIV, dans son jugement de maître, le nota donc et le tint en réserve comme l’homme nécessaire et indiqué, pour le cas où il faudrait à tout prix agir et remonter par quelque action hardie le moral des Français.

95. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

La Rochefoucauld, spéculatif jeté par les événements dans l’action. — Ses Mémoires. — § III. […] La Rochefoucauld, spéculatif jeté par les événements dans l'action. […] La Rochefoucauld n’est qu’un spéculatif, que sa naissance, ses amitiés, les passions de sa jeunesse ont jeté dans l’action ; qui paye fort décemment de sa personne, et qui joue sa vie pour l’honneur de son nom, peut-être par dégoût pour l’action. […] « Son jugement, dit-il, n’était pas exquis dans l’action. […] Je l’ai dit : un esprit spéculatif, que des événements plus forts que ses penchants, des passions plus fortes que sa raison, avaient jeté dans une carrière d’intrigue et d’action.

96. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Si cette conscience a une action pour lier ou renforcer le lien, c’est une action ultérieure, qui suppose un lien primitivement établi sans elle et auquel elle ajoute une force nouvelle. […] La loi en question est essentielle, fondée sur l’organisation stable du cerveau, qui elle-même résulte de l’action constante de la nature sur l’homme. […] Nous trouvons donc, en définitive, dans l’identité de l’action et dans le contraste primitif de l’action avec la résistance extérieure la source première des similarités ou des contrastes qui associent les sentiments, qui les font onduler en sens divers. […] La loi de contiguïté cérébrale est alors presque seule en action. […] Ribot et Maudsley s’en sont tenus trop exclusivement au côté physique et n’ont pas étudié l’action spontanée de l’appétit, puis l’action réfléchie de la conscience sur la conservation des souvenirs et sur leur reproduction.

97. (1813) Réflexions sur le suicide

Quelle est l’action de la souffrance sur l’âme humaine ? […] Les belles âmes par leurs écrits ou par leurs actions dispersent quelquefois les cendres qui couvraient le Feu sacré. […] C’était un sentiment généreux : et c’est à ce seul titre que les hommes doivent admirer les paroles ou les actions d’un homme. […] Leur esprit est plus enclin à l’action qu’à la réflexion, et cette manière d’être les distrait des peines de l’existence. […] L’âme se concentre ainsi dans ses propres mystères, toute action extérieure serait plus terrestre que la résignation.

98. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les hommes peuvent abandonner leurs actions au vice, mais jamais leur jugement. […] C’est encore une utilité morale du talent littéraire, que cet opprobre imprimé sur les actions par l’art de les peindre10. […] L’éclat de quelques actions pourrait frapper ; mais il faut une progression dans les sentiments pour arriver au plus sublime de tous, à l’admiration. […] Il est évident que les lumières sont d’autant plus indispensables dans un pays, que tous les citoyens qui l’habitent ont une part plus immédiate à l’action du gouvernement. […] L’homme a, dans le secret de sa pensée, un asile de liberté impénétrable à l’action de la force ; les conquérants ont souvent pris les mœurs des vaincus : la conviction a seule changé les anciennes coutumes.

99. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Il a sçu soutenir l’intérêt de sa piéce, en ménageant dans son sujet même des situations touchantes sans faire intervenir une double action. […] Quand il n’a pu sans supprimer des incidens qui lui ont paru agréables, consommer l’action en un jour, il en a pris deux. […] La fable de ce Poëme n’est pas plus épique que l’action, elle n’a ni fiction, ni nœud, ni incident, ni variété. […] A l’aide de quelques fictions, cette action héroïque a fourni le sujet de l’ouvrage de M. […] Ses Drames sont monstrueux pour la forme, sans unité dans le dessein, sans moralité dans l’action, sans bienséance dans les détails.

100. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

On éprouva ces mêmes sentiments à la vue des belles actions des hommes. […] Je vais donc passer aussitôt à l’examen de l’art dramatique, c’est-à-dire l’art d’imiter les actions des hommes, par l’action feinte. […] Le choix d’une action imposante et triste est pareil, comme on le voit, dans toutes les nations. […] Mesure de l’action tragique. […] Telles sont les deux espèces du nécessaire dans l’action.

101. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il y a pis que duplicité d’action, il y a déplacement d’intérêt. […] Hugo démolit bruyamment les trois unités, mais il avoue qu’après tout un sujet concentré vaut mieux qu’un sujet dispersé, sauvant ainsi ce qu’il y avait d’essentiel dans les unités, l’unité d’action et d’intérêt. […] Ces parties qui s’accordent dans l’unité du tout ne sont point les matériaux inertes d’une construction immuable et fixe, ce sont les organes d’un corps mobile et vivant, assemblés pour l’action et pour une évolution sans arrêt qui les développe et les transforme. […] Les raisonnements de Démosthène courent d’une vive et dramatique allure, et se précipitent à leur conclusion, comme l’action d’Œdipe-roi marche à son dénouement. […] Toute action, toute démonstration ont un commencement, un milieu et une fin : toute œuvre qui racontera une action, ou développera un raisonnement, devra avoir un commencement, un milieu et une fin.

102. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Maintenant les vibrations de l’éther arrivent jusqu’à l’œil, et par le moyen du nerf optique elles déterminent une action inconnue, à la suite de laquelle a lieu la sensation de lumière. […] On la comprend pour ces sortes d’actions que l’âme exerce en dehors d’elle dans le monde extérieur. […] On comprend un instrument d’action, maison ne comprend pas ce que pourrait être un instrument de pensée. […] Le cerveau est donc le centre où les actions des choses externes viennent aboutir, et il est en même temps le centre d’où partent les actions de l’âme sur les choses externes. […] La pensée résulte du conflit qui s’établit entre les forces cérébrales dépositaires des actions extérieures et la force interne ou force pensante, principe d’unité, seul centre possible de la conscience individuelle.

103. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Il y a bien plus d’action, plus de mouvement, plus de groupe ; cela n’est que beau. […] Mais les groupes qui multiplient communément les actions particulières doivent aussi communément distraire de la scène principale. […] Une chose qu’on ne remarque guère, c’est qu’on papillote à l’esprit par la multiplicité des incidens aussi cruellement qu’aux yeux par la mauvaise distribution des lumières, et que si le papillotage de lumières détruit l’harmonie, le papillotage d’actions partage l’intérêt et détruit l’unité. Je ne vous citerai point en ma faveur la multitude des bas-reliefs antiques ; je suis de bonne foi ; et je persiste à croire que, si l’on y remarque un dessin si pur, un art si avancé et si peu d’action, c’est que ces ouvrages sont autant d’articles du catéchisme payen. […] S’il y avait eu de l’effet, de la couleur, de l’expression ; si, sans rien changer à l’ordonnance, à la position des figures, l’artiste avait su leur donner seulement ce contour mou et fluant, cette variété d’attitudes naturelles faciles, aisées, qui tient à l’âge, au caractère, à l’action, à la sympathie des membres, à l’organisation, on aurait après cela jugé de ce morceau.

104. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Action développe également une maison d’édition, dont elle annonce, sous les sommaires des numéros précédents de la revue, les ouvrages à paraître et publie un article de Duthuit sur Matisse qui se révèle un extrait d’un ouvrage à paraître aux éditions Action. […] Malraux, alors âgé de dix-neuf ans, aurait été introduit à Action par Max Jacob. […] Aucun contributeur d’Action ne porte ces initiales. […] Sur les éditions du Sablier, voir Action, n° 2, mars 1920, note 37. […] Voir Action, n° 2, mars 1920, note 37.

105. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Que devient notre volonté sous l’action d’un Dieu qui fait sentir partout sa puissance ? […] Derrière cette scène extérieure et apparente des phénomènes se cache l’action intime, profonde des véritables causes. […] L’action de la grâce y domine au point de ne plus guère laisser d’efficacité à la volonté que pour le mal et le péché. C’est qu’en effet, dans la doctrine théologique la moins mystique, il y a toujours une confusion, sinon de l’homme et de Dieu, tout au moins de l’action humaine et de l’action divine. […] En sa qualité d’être raisonnable, l’homme comprend une loi morale, c’est-à-dire une règle obligatoire pour ses actions.

106. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Quiconque étudie avec attention l’action de la mer sur nos rivages ne peut manquer de recevoir une impression profonde de la lenteur avec laquelle nos côtes rocheuses sont emportées. […] En effet, il est évident que les dépôts du littoral sous-marin sont continuellement désagrégés et emportés par l’action des vagues côtières, à mesure que le soulèvement graduel du sol les fait lentement émerger. […] Peut-être voyons-nous dans ces immenses régions rocheuses de nombreuses formations déposées longtemps avant l’époque Silurienne, mais complétement transformées par le métamorphisme, et subséquemment dénudées par l’action des eaux. […] Si donc l’action métamorphique a eu lieu à une époque très reculée, comme il est plus que probable, elle n’a pu s’effectuer sous la pression de mers très profondes, puisqu’il n’en existait probablement pas alors. […] Du reste, il est supposable que l’action métamorphique s’est renouvelée à plusieurs reprises, si même elle n’a été presque constante dans les profondeurs de la croûte terrestre ; mais il semble de toute évidence au moins que ses effets apparents, ou plutôt visibles pour nos moyens d’observation, ont toujours été en diminuant ; et il ne s’agit ici que de déterminer l’époque où cette action a commencé à manifester les effets prodigieux que nous constatons aujourd’hui sur les roches cristallines.

107. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Ainsi notre état cérébral contient plus ou moins de notre état mental, selon que nous tendons à extérioriser notre vie psychologique en action ou à l’intérioriser en connaissance pure. Il y a donc enfin des tons différents de vie mentale, et notre vie psychologique peut se jouer à des hauteurs différentes, tantôt plus près, tantôt plus loin de l’action, selon le degré de notre attention à la vie. […] Comment en serait-il autrement, si la psychologie a pour objet l’étude de l’esprit humain en tant que fonctionnant utilement pour la pratique, et si la métaphysique n’est que ce même esprit humain faisant effort pour s’affranchir des conditions de l’action utile et pour se ressaisir comme pure énergie créatrice ? […] Le premier est que l’analyse psychologique doit se repérer sans cesse sur le caractère utilitaire de nos fonctions mentales, essentiellement tournées vers l’action. Le second est que les habitudes contractées dans l’action, remontant dans la sphère de la spéculation, y créent des problèmes factices, et que la métaphysique doit commencer par dissiper ces obscurités artificielles.

108. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Il faut, pour être applaudi au théâtre, que l’auteur possède, indépendamment des qualités littéraires, un peu de ce qui constitue le mérite des actions politiques, la connaissance des hommes, de leurs habitudes et de leurs préjugés. La douleur et la mort sont les premiers moyens des situations tragiques, et la religion modifie toujours puissamment l’action de la douleur, et la terreur de la mort. […] De semblables croyances donnent une élégance poétique à toutes les actions de la vie ; mais elles bannissent habituellement ce qu’il y a d’irrégulier, d’imprévu, d’irrésistible dans les mouvements du cœur15. […] Les Grecs peignaient une action généreuse ; mais ils ne savaient pas quelles jouissances on peut trouver à braver la mort pour ce qu’on aime, quelle jalousie on peut attacher à n’avoir point de rivaux dans ce sacrifice passionné. […] La plupart des personnages mis en action dans les pièces grecques, sont tirés de l’Iliade ou de l’histoire héroïque de la même époque.

109. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

S’il est à l’affût, son attente est une action anticipée et formera un tout indivisé avec l’acte s’accomplissant. […] Il est vrai que, si de bons et de mauvais génies doivent prendre la suite de l’action qu’il exerce sur la matière, ils paraîtront influencer déjà cette action elle-même. […] Il constate comme nous l’action de ces causes secondes. […] Jamais animation et intention ne frirent plus présentes à une action humaine. […] Plus précisément, il était cette action bienfaisante, dans ce qu’elle a de permanent.

110. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Pflüger montra que le nerf splanchnique a une action d’arrêt sur l’intestin grêle. […] Il y aura à la fois dans ce nerf des actions motrices et des actions d’arrêt. » (Ouv. cité, 97.) […] D’où viendrait-il, sinon de l’énergie dépensée pour produire les actions d’arrêt ? […] Ils y voient « une action de l’âme sur le cerveau pour le mettre en jeu ». […] Beaunis a insisté plus qu’aucun autre physiologiste sur l’importance des actions d’arrêt pour la psychologie.

111. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Resterait enfin à chercher l’origine du phénomène dans la sphère de l’action, plutôt que dans celles du sentiment ou de la représentation. […] Supposons que le reflet de notre perception et de notre action nous revienne, non pas lorsque la perception est complète et l’action accomplie, mais au fur et à mesure que nous percevons et agissons. […] On assiste à ses propres mouvements, à ses pensées, à ses actions 56. […] Mais quoi de plus inutile à l’action présente que le souvenir du présent ? […] Représentons-nous la totalité des souvenirs inconscients comme pressant contre la conscience — celle-ci ne laissant passer, en principe, que ce qui peut concourir à l’action.

112. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Sans doute elles y sont en trop grand nombre, et souvent où elles ne conviennent pas ; elles y tiennent la place de l’action, la première des vérités dans un poème dramatique. […] Son impatience montrait assez où était le vice de ce théâtre ; ce qu’il voulait sans pouvoir le dire, c’était la vérité dramatique, l’action. […] Mais il intéressa par un certain mérite d’action. […] Pour ceux qu’il a tirés de son imagination, et qui sont comme les frères de ceux que lui fournissait l’histoire, leurs actions, si au-dessus qu’elles soient des actions communes, nous paraissent pourtant vraisemblables, grâce à la faculté que Dieu nous a donnée d’être meilleurs dans le jugement que dans la conduite, et de nous reconnaître même dans les vertus dont nous sommes incapables. […] Que de vaines combinaisons, pour suspendre, pour embrouiller l’action !

113. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

S’il s’efforce par hasard de suivre un moment l’exemple du vulgaire, pour une action usuelle dont il reconnaît temporairement la nécessité, c’est au prix d’efforts inouïs qu’il pourra dompter son habitude de s’approcher des choses de la vie par la route la plus longue, la plus ténébreuse et la plus compliquée ; et même sil y parvient, sa jouissance sera médiocre. […] Je sais bien que l’effort international, de liberté, de vie nouvelle, de sensualité païenne et d’action écrase et submerge ces produits sans avenir, mais il importe toutefois de signaler le danger. […] Que l’excitation sexuelle produise sur le cerveau une action féconde, ceci non seulement je ne cherche pas à le nier, mais je l’affirme avec l’auteur et avec tout homme de bon sens, qui aura pu observer ce phénomène d’après les autres ou d’après lui-même. Mais l’excitation, ayant pour but l’union sexuelle, si ce but n’est pas atteint à un moment plus ou moins proche, non seulement l’action nerveuse de cette excitation sur le cerveau ne sera plus féconde, mais elle sera forcément déprimante. […] Les ovules de la pensée risquent fort d’aboutir au fœtus, si l’action fécondante du sexe ne vient participer à leur développement.

114. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Mais ce n’est pas seulement sur la façon dont se produisent les richesses, c’est sur la façon dont elles se distribuent, ce n’est pas seulement sur la technique, c’est sur le droit qu’on a aisément aperçu l’action de la quantité sociale. […] Comment donc les aspirations et les croyances égalitaires, qui ont pour objet les rapports mêmes des individus, ne seraient-elles pas soumises à une action, plus ou moins directe, de leur nombre ? […] L’immensité de l’aire couverte par un Empire a peu d’action si, entre les individus qui sont ses sujets, il n’y a et ne saurait y avoir que peu de relations. […] L’action des formes sociales est souvent aidée, ainsi, par d’autres forces qui poussent dans le même sens. […] Il augmente donc la densité des sociétés en même temps que leur volume, et soumet les esprits, du même coup, aux actions diverses qui résultent de ce double accroissement.

115. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Ce furent ensuite des drames liturgiques : une action plus développée, des personnages plus nombreux, une mise en scène plus riche. […] Les soldats de Nabuchodonosor jettent dans la fournaise les trois jeunes Hébreux, qui sortent sains et saufs : et c’est après ce miracle en action que Nabuchodonosor témoigne pour le Christ. […] Un fragment de la Résurrection (xiie siècle), dans un curieux prologue, nomme treize « lieux et maisons », le ciel à un bout, l’enfer à l’autre, à travers lesquels se promènera l’action. […] Enfin ne doit-on pas laisser une part d’action aux jeux liturgiques et sacrés ? […] Marion et Robin sont des figures d’opéra-comique, dans l’action traditionnelle qui les oppose au chevalier : dans la description, qui échappe à l’action tyrannique du lyrisme, ce même couple, et surtout les paysans qui viennent se grouper autour de lui, sont dessinés avec une verve énergique et une sensible recherche de réalité.

116. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

C’est une double action qui traverse le drame et qui le reflète en petit. […] Ces doubles actions ont été fort blâmées par les quelques commentateurs qui les ont signalées. […] Est-ce donc que nous approuvons et acceptons comme bonnes ces actions doubles ? […] Ces actions doubles sont purement shakespeariennes. […] La double action est là partout.

117. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Ce n’est que dans les états libres qu’on peut réunir le génie de l’action à celui de la pensée. […] Si les paroles n’ont pas éloquemment instruit du motif des actions, si les actions n’ont pas consacré la vérité des paroles, la mémoire garde un souvenir isolé des paroles et des actions. […] Vous ne pouvez attacher le peuple à l’idée même de la vertu, qu’en la lui faisant comprendre par les actions généreuses et le caractère moral de quelques hommes. […] Rome l’admirait, de cette admiration libre qui honore la nation qui l’éprouve, et présente à la tyrannie mille fois plus d’obstacles que la confusion des noms, des actions et des caractères. […] Lorsque la pensée peut être le précurseur de l’action, lorsqu’une réflexion heureuse peut à l’instant se transformer en une institution bienfaisante, quel intérêt l’homme ne prend-il pas au développement de son intelligence !

118. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Avons-nous fait une bonne action ? […] On n’estime pas non plus une action ou une personne, parce qu’elles ont réussi. […] L’indignation couvre un jugement, ce jugement que celui qui commet telle ou telle action, soit contre nous, soit même pour nous, fait une action indigne, contraire à notre dignité, à la sienne, à la dignité humaine. […] Ce qui fait le bien et le mal d’une action, ce n’est pas l’action même, c’est l’intention qui l’a déterminée. […] L’action devient donc bonne ou mauvaise selon l’événement.

119. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Et d’abord, dans l’ordre de l’action, il y avait le Premier Consul, celui qui disait un matin, en mettant la main sur sa poitrine : Je sens en moi l’infini ; et qui, durant quinze années encore, entraînant le jeune siècle à sa suite, allait réaliser presque cet infini de sa pensée et de toutes les pensées, par ses conquêtes, par ses monuments, par son Empire. Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même. […] Sautelet aussi vivait alors dans ces idées : inquiet, mélancolique et fervent, il hésitait entre l’action et la contemplation ; je lis dans une lettre de lui que j’ai sous les yeux : « On ne peut guère faire une vie double, agir et contempler ; je sens, comme je te le disais cet été, que l’homme est placé sur la terre pour l’action, et je ne puis cependant laisser l’autre. […] Peut-être  serait-ce une folie ; ce serait peut-être une grande action.

120. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Nous avons déjà vu que chez les Grecs, ἄρα signifiait la chose ou la personne qui porte dommage, le vœu ou action de dévouer, et la furie à laquelle on dévouait ; chez les Latins ara signifiait l’autel et la victime. […] Il est certain que dans la législation romaine ce ne sont que les préteurs qui introduisirent la loi prohibitive contre la violence, et les actions de vi bonorum raptorum. […] Cette rigueur des formules d’actions eût empêché les duumvirs, nommés pour juger Horace, d’absoudre le vainqueur des Albains quand même il se serait trouvé innocent. […] C’est pour avoir méconnu le dessein de la Providence [qui voulut qu’aux temps héroïques la parole fût considérée comme irrévocable] que Lucrèce prononce, au sujet de l’action d’Agamemnon, cette exclamation impie, Tantùm religio potuit suadere malorum ! […] Ajoutons à tout ceci deux preuves tirées de la jurisprudence et de l’histoire romaines : ce ne fut que vers les derniers temps de la république que Galius Aquilius introduisit dans la législation l’action (de dolo) contre le dol et la mauvaise foi.

121. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

Or, de ces deux causes il y en a une qui ne varie pas dans son action, je veux dire le soleil. […] Je dis que l’action du soleil ne varie point. […] Mais, dira-t-on, quoique le soleil monte toutes les années à la même hauteur, ne peut-il point arriver quelque obstacle, comme seroit une macule, qui rallentisse son action en certaines années, plus que dans d’autres années. […] Il y auroit une espece de regle dans ce dérangement s’il venoit du rallentissement de l’action du soleil, je veux dire que tous les pays sentiroient ce dérangement à proportion de la distance où ils sont de la ligne, et que l’élevation du soleil décideroit toujours du dégré de chaleur, quelle que fut cette chaleur en une certaine année. […] Or quand on fait de grands remuemens de terre, on met à découvert plusieurs endroits de cette seconde enveloppe, et l’on les expose à l’action immediate de l’air et du soleil, laquelle ne trouvant plus rien d’interposé, en détache des molecules en trop grande quantité.

122. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes Des que l’attrait principal de la poësie et de la peinture, dès que le pouvoir qu’elles ont pour nous émouvoir et pour nous plaire vient des imitations qu’elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le peintre ou le poëte puissent faire, c’est de prendre pour l’objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c’est d’emploïer leur art à nous répresenter des actions qui ne s’attireroient qu’une attention mediocre si nous les voïions veritablement. […] Comment serons-nous attachez par un tableau qui répresente un villageois passant son chemin en conduisant deux bêtes de somme, si l’action que ce tableau imite ne peut pas nous attacher ? […] Il n’est rien dans l’action d’une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d’un corps de garde qui puisse nous émouvoir. […] Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l’action fût capable de nous émouvoir et par consequent de nous attacher.

123. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Action lente. — IX. […] Il favorise pareillement l’action directe des circonstances physiques changeantes et des conditions de vie nouvelles qui en résultent. […] Action lente. […] Faut-il en conclure que ces diverses causes soient amplement suffisantes pour annuler l’action sélective ? […] La même loi s’observe encore dans la naturalisation des plantes par l’action de l’homme dans des terres éloignées.

124. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

. — Action de Denain. — Retour de fortune. […] L’heure d’une action générale décisive ne pouvait plus se différer. […] Aucun des combattants ne se souvenait d’avoir vu une action si meurtrière. […] L’année 1714 fut peut-être la pire de toutes et la plus triste par l’absence de toute action et de toute velléité énergique. […] Villars, en 1712, n’allait plus avoir affaire du moins qu’au seul prince Eugène, et sa cour aussi devait lui laisser plus de liberté d’action.

125. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

L’action de cette idée sur notre intelligence consiste en ce qu’elle excite la spéculation à reporter toujours plus loin ses bornes, tout en lui montrant l’impossibilité de supprimer jamais ces bornes. […] À chaque sensation, ne l’oublions pas, répond une réaction appétitive et motrice, chaque sensation étant le signe et le début d’une action et d’un mouvement. Or, l’action, par les effets qu’elle réalise, acquiert un caractère de réalité indéniable et empêche notre pensée de demeurer seule avec elle-même dans un monde de pur rêve. […] Mais la ligne réellement décrite par une fusée est-elle plus imparfaite parce qu’elle n’est pas vraiment droite et qu’elle enveloppe une complexité merveilleuse d’actions et de réactions ? […] Il est plus logique d’admettre que le sujet pensant et voulant a un mode d’action qui se confond avec le mode d’action fondamental de l’objet pensé, et que les idées sont les réalités mêmes arrivées, dans le cerveau, à un état de conscience plus élevé.

126. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Dieu met en lui la passion ; la société y met l’action ; la nature y met la rêverie. De la passion combinée avec l’action, c’est-à-dire de la vie dans le présent et de l’histoire dans le passé, naît le drame. […] L’action a des moments de rêverie. […] De son côté, la rêverie a des minutes d’action. […] La liberté serait dans ses idées comme dans ses actions.

127. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Nous verrons que l’intelligence humaine se sent chez elle tant qu’on la laisse parmi les objets inertes, plus spécialement parmi les solides, où notre action trouve son point d’appui et notre industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l’image des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté de la pensée logique avec la matière inerte, et où l’intelligence n’a qu’à suivre son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l’expérience, pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l’expérience marche derrière elle et lui donnera invariablement raison. […] Elle avait commencé par nous montrer dans l’intelligence un effet local de l’évolution, une lueur, peut-être accidentelle, qui éclaire le va-et-vient des êtres vivants dans l’étroit passage ouvert à leur action : et voici que tout à coup, oubliant ce qu’elle vient de nous dire, elle fait de cette lanterne manœuvrée au fond d’un souterrain un Soleil qui illuminerait le monde. […] Si la forme intellectuelle de l’être vivant s’est modelée peu à peu sur les actions et réactions réciproques de certains corps et de leur entourage matériel, comment ne nous livrerait-elle pas quelque chose de l’essence même dont les corps sont faits ? L’action ne saurait se mouvoir dans l’irréel. […] Mais une intelligence tendue vers l’action qui s’accomplira et vers la réaction qui s’ensuivra, palpant son objet pour en recevoir à chaque instant l’impression mobile, est une intelligence qui touche quelque chose de l’absolu.

128. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Action du moi idéal. — 2. […] La continuité et la réciprocité d’action existent partout dans la nature : c’est la grande loi et le grand mystère ; une fois ce point admis, une fois ce lien universel reconnu (ce qui est le fond même du déterminisme), les individus ne sont plus que des concentrations relatives de la sensibilité universelle. […] Aussi a-t-elle une triple action : elle devient un centre pour la volonté, pour l’intelligence, pour la sensibilité ; elle se manifeste par la volonté de soi, par l’affirmation de soi, par la satisfaction de soi. […] Je suis, et je suis moi, voilà ce qu’il se dit sous toutes les formes et ce qu’il traduit sans cesse dans ses actions, sortes d’affirmations visibles d’une personnalité naissante121. […] Cette unité organisatrice de nos sensations a pour forme la représentation « je pense », et cette représentation s’est développée en grande partie sous l’action de la société, s’est moulée sur le milieu social, si bien que la logique et la grammaire confondues ont évolué d’accord avec le cogito.

129. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Et en effet, il est impossible de fournir de la race une définition précise, et de lui assigner une action originale, — si on ne la tient pour un ensemble de qualités fondées dans le corps, comme telles relativement immuables et transmissibles héréditairement. […] Pourquoi tel grand homme élabore-t-il telle invention, voilà ce qu’il faudrait expliquer ; et l’un des moyens de l’expliquer est justement de définir l’action qu’a pu exercer sur lui la société qui l’entoure. On sait que, suivant la nature des inventions qui font l’homme grand, cette action sera plus ou moins facile à saisir. […] Des systèmes d’idées comme des qualités de race, la genèse, et même la transmission restent obscures, et l’action indécise. […] Cela n’empêchera pas la sociologie proprement dite de pousser aussi loin qu’elle le pourra la recherche des actions propres aux phénomènes qui sont de son ressort.

130. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Elle crut qu’il valait mieux présenter la vertu en action, que des lieux communs de morale, souvent usés. […] Nation impétueuse et légère, ardente à ses plaisirs, occupée toujours du présent, oubliant bientôt le passé, parlant de tout, et ne s’affectant de rien, elle regarde avec indifférence tout ce qui est grand ; et quelquefois un ridicule est tout le salaire d’une action généreuse, ou d’un service rendu à l’État et à nous. […] Imaginez la nature sans mouvement : tout est mort ; plus de communication ; l’univers n’est qu’un assemblage de masses isolées et de corps sans action, éternellement immobiles. […] Méditez donc sur l’âme et le génie de celui que vous voulez louer ; saisissez les idées qui lui sont propres ; trouvez la chaîne qui lie ensemble ou ses actions ou ses pensées ; distinguez le point d’où il est parti, et celui où il est arrivé ; voyez ce qu’il a reçu de son siècle, et ce qu’il y a ajouté ; marquez ou les obstacles ou les causes de ses progrès, et devinez l’éducation de son génie. […] Faites agir ou penser les grands hommes ; vous verrez naître vos idées en foule ; vous les verrez s’arranger, se combiner, se réfléchir les unes sur les autres ; vous verrez les principes marcher devant les actions, les actions éclairer les principes, les idées se fondre avec les faits, les réflexions générales sortir ou des succès, ou des obstacles, ou des moyens ; vous verrez l’histoire, la politique, la morale, les arts et les sciences, tout ce système de connaissances liées dans votre tête, féconder à chaque pas votre imagination, et joindre partout, aux idées principales, une foule d’idées accessoires.

131. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

Je l’ai déjà dit, le peintre a voulu faire une Andromaque qui fût belle d’action, de caractère, de draperie et d’attitude, et il y a réussi. […] Si Doyen eût montré son ébauche à un homme de sens, voici ce que cet homme lui aurait dit : Écartez-moi ces soldats les uns des autres, et donnez-leur plus de caractère, plus de force, des têtes, [des] corps et des visages relatifs à l’action. […] Laissez votre Andromaque prosternée comme elle l’est, car elle est très bien ; qu’elle saisisse seulement d’une main son fils ou le soldat, comme il vous plaira ; que son autre bras, sa tête, son corps, ses regards, son mouvement, toute son action soient portés vers Ulysse, comme il arrivera, sans y rien changer, lorsque vous aurez écarté ce soldat. […] Ce qu’elles ont à faire, c’est de joindre à l’action de leur maîtresse, tout le spectacle de leur douleur.

132. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Ces paroles qui arrivent à votre oreille, ces gestes, ces airs de tête, ces vêtements, ces actions et ces œuvres sensibles de tout genre, ne sont pour vous que des expressions ; quelque chose s’y exprime, une âme. […] Voilà un nouveau monde, monde infini, car chaque action visible traîne derrière soi une suite infinie de raisonnements, d’émotions, de sensations anciennes ou récentes, qui ont contribué à la soulever jusqu’à la lumière, et qui, semblables à de longues roches profondément enfoncées dans le sol, atteignent en elle leur extrémité et leur affleurement. […] Tout le système des passions humaines, toutes les chances de la paix et de la sécurité publiques, toutes les sources du travail et de l’action dérivent de là. […] Un climat et une situation différente amènent chez lui des besoins différents, par suite un système d’actions différentes, par suite encore un système d’habitudes différentes, par suite enfin un système d’aptitudes et d’instincts différents. […] En sorte qu’à chaque moment on peut considérer le caractère d’un peuple comme le résumé de toutes ses actions et de toutes ses sensations précédentes, c’est-à-dire comme une quantité et comme un poids, non pas infini2, puisque toute chose dans la nature est bornée, mais disproportionné au reste et presque impossible à soulever, puisque chaque minute d’un passé presque infini a contribué à l’alourdir, et que, pour emporter la balance, il faudrait accumuler dans l’autre plateau un nombre d’actions et de sensations encore plus grand.

133. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Dans la première, les sensations et les idées sont considérées comme simplement existantes ; dans la seconde, elles sont considérées comme excitant à l’action. […] Donnez-lui les associations que les imaginations cultivées joignent à ces sons, et il en sentira infailliblement la beauté56. » III Quand l’idée d’une action émanant de nous (cause) s’associe à l’idée d’un plaisir (effet), il se produit un état d’esprit particulier, caractérisé par la tendance à l’action et qu’on appelle proprement motif. […] Non-seulement les plaisirs et les douleurs, mais aussi les causes de plaisir et de douleur, deviennent des motifs d’actions. […] « Les actions d’où nous tirons quelque avantage ont été classées sous ces titres : prudence, courage, justice, bienfaisance, lesquels constituent la vertu parfaite. » L’auteur s’efforce de montrer que si nous approuvons, soit en nous, soit dans les autres, ces diverses manières d’agir, cette approbation est fondée sur une association d’idées qui se termine à un plaisir. […] On considérait invariablement et avec raison la volonté comme la cause de l’action ; malheureusement, on considérait aussi toujours comme faisant partie de l’idée de cette cause, un élément qui s’est trouvé être tout à fait imaginaire.

134. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Toute action qui forme le nœud ou l’intérêt d’un Apologue, est supposée se passer dans les temps fabuleux, au temps (comme dit le peuple) où les bêtes parlaient. […] J’en vois quelques traits confus, comme, par exemple, que nombre d’hommes se permettent ce qu’ils interdisent aux autres, l’effet de leurs discours anéanti par leurs actions ; mais cela ne vaut guère la peine d’être dit. D’un autre côté, il faut que l’action soit mauvaise ; et La Fontaine veut-il établir que c’est très-mal fait de manger les moutons ? […] Cette action de Philomèle, c’est-à-dire du rossignol, enlevant d’abord les mouches de l’araignée, et ensuite l’araignée même avec sa toile et tout, cette action, que prouve-t-elle ? […] L’auteur qui n’avait guère fréquenté que des courtisans, rapporte le motif de toutes nos actions à l’amour-propre ; et il faut convenir qu’il dévoile, avec une sagacité infinie, les subterfuges de ce misérable amour-propre.

135. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Rien de plus légitime dans le domaine de l’action. […] Telle est la direction où marche notre action. […] Cette action nous apparaît sans doute sous forme de mouvement. […] L’action de manger ou de boire ne ressemble pas à l’action de se battre : ce sont des mouvements extensifs différents. […] Or l’action, avons-nous dit, procède par bonds.

136. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Ne vous piquez point de raconter, si vous ne vous sentez cette puissance de représentation intérieure, ce don de voir par l’esprit une action complète dans ses divers moments, avec son mouvement continu, dans son détail à la fois et son ensemble. Souvent un fait immense tient dans un très court moment de la durée ; souvent, dans un instant indivisible, une action impossible à décomposer s’est produite : ce qui en fera sentir la grandeur, c’est l’opposition fortement marquée entre cette action et les actions qui la précèdent et qui la suivent, les antécédents et les conséquents, que l’on développera parfois jusqu’à la limite extrême de la patience du lecteur. […] Dans Corneille, des faits de conscience produisent des actes, qui donnent naissance à de nouveaux faits de conscience, jusqu’à ce qu’on atteigne par ces actions et réactions successives à l’événement final Dans Racine, des faits de conscience engendrent d’autres faits de conscience, pour n’aboutir en général qu’à un seul acte physique, qui est le dénouement. […] Mais vous éviterez dans cette enquête les fameux écueils signalés dès longtemps par les faiseurs de logiques et de rhétoriques : prendre pour cause ce qui n’est pas cause, ou ce qui est effet de la chose même qu’il s’agit d’expliquer, ou un effet parallèle de la cause même qu’on cherche ; prendre pour effet un simple, conséquent, comme pour cause un simple antécédent ; dans les faits complexes, attribuer à une cause ce qui vient de l’action combinée de causes multiples ; donner pour cause ce qui n’est que la condition, ou l’occasion ; se contenter trop aisément des causes finales.

137. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Ce qui paraît certain, c’est que cette action directe sur le pelage de nos animaux domestiques existe dans une certaine mesure. […] De telles considérations me disposent à accorder très peu de valeur à l’action directe des conditions de vie. […] L’auteur ne paraît pas ici accorder toute sa valeur réelle à l’action locale des conditions de vie ou du milieu ambiant dont Geoffroy Saint-Hilaire et Lamarck ont les premiers reconnu la puissante influence. […] L’une est fondamentale et directe : c’est l’action du milieu ambiant, action toujours actuelle, continuée pendant la série complète des générations successives, et qui comprend comme conséquence l’usage ou le défaut d’exercice des organes, le changement des instincts et des habitudes, la concurrence vitale et ce qui s’ensuit. […] Mais comme la sélection naturelle, dans toute contrée, n’est autre encore, à chaque moment donné, que la résultante de l’action toujours actuelle du milieu ambiant sur tous les êtres organisés d’un même lieu, c’est-à-dire des circonstances locales, ce sont donc bien ces circonstances, ou autrement les conditions complexes de la vie, qui, ainsi que l’a avancé hardiment Lamarck, déterminent et règlent toute variation, en premier comme en dernier ressort, médiatement ou immédiatement, par leur action directe sur les générations présentes ou par leur action transmise sur les générations passées, et qui forment ainsi l’Alpha et l’Oméga de la série des causes qui contribuent à la transformation des espèces.

138. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Avec lui s’établit, à la place de l’imitation des anciens, le commerce littéraire de la France et de l’Angleterre : il y a action et réaction réciproque. […] Il en est du théâtre de Marivaux comme du théâtre de Racine : l’action est tout intérieure. […] Une âme sensible est celle qui comprend les occasions où elle doit sentir, et qui produit avec le plus de vivacité possible toutes les actions extérieures qui répondent à ces occasions de sentir. […] L’humanité, la nature, tous les rapports sociaux, toutes les actions sociales deviennent pour les âmes des occasions de vibrer avec intensité, ou de s’amollir délicieusement. […] Il vise évidemment à nous donner l’illusion de l’action réelle.

139. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Lui, si épris de la gloire de l’action, et qui se sentait une capacité innée pour la guerre ou pour les affaires, il paraît avoir eu besoin de quelque raisonnement pour s’en détourner et pour s’acheminer ainsi à devenir auteur. […] Or, c’était dans le service public de l’État, c’était par des actions plutôt que par des écrits qu’il y avait lieu de justifier de cet héritage. […] Les grands exemples des Richelieu, des La Rochefoucauld, des Retz, des Guillaume Temple, et de tous ces hommes d’État et d’action qui avaient demandé le surcroît et le sceau de leur illustration à leurs écrits, revinrent l’enhardir. […] En lui on sent au contraire que l’esprit ne s’est fixé à l’état de pensée et de maxime, que faute d’avoir pu se déployer et sortir en action. […] Vauvenargues avait l’imagination tournée à l’histoire, à l’action, je l’ai dit ; homme de race noble et fière, il manquait, malgré sa modestie, de cette qualité plus naïve et plus humble qui fait que des âmes naturelles ont gagné à se rapprocher du peuple et y ont puisé des inspirations habituelles et plus vives.

140. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Thenard et Dupuytren leur faisaient manger du lard ; il importe donc d’examiner l’action spéciale de cette alimentation. […] (Cet azote avait été obtenu par l’action de l’oxyde de cuivre sur l’ammoniaque.) […] Mais si l’on broie cette levure, qu’on la désorganise, son mode d’action devient tout autre. […] Nous avons à poursuivre aujourd’hui l’action du système nerveux sur cette fonction. […] Ce dernier fait, jusqu’alors inconnu, est destiné, je crois, à jeter un jour tout nouveau sur les actions chimiques qui se passent d’abord dans le foie et même dans tout l’organisme, et sur l’espèce d’action que le système nerveux exerce sur ces phénomènes.

141. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

La littérature des déséquilibrés exprime en général l’analyse douloureuse, rarement l’action. L’action, du moins l’action saine et morale, est en effet difficile aux déséquilibrés ; et précisément elle serait le grand remède à leur désordre intérieur, car l’action suppose la coordination de l’esprit tout entier vers le but à atteindre. L’action est la mise en équilibre de tout l’organisme autour d’un centre de gravité mobile, comme l’est toujours celui de la vie. […] L’action disparaît au profit d’une contemplation oisive, le plus souvent dirigée vers le moi. […] tout est abîme, — action, désir, rêve, Parole !

142. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Je laisse au sens de ce mot sa propre grandeur en ne le séparant pas de la valeur réelle des actions qu’il doit désigner. […] La vertu, j’en conviens, sait jouir d’elle-même ; moi, j’ai besoin de vous pour obtenir le prix qui m’est nécessaire, pour que la gloire de mon nom soit unie au mérite de mes actions. » Quelle franchise, quelle simplicité dans ce contrat ! […] Le génie des actions est dispensé d’attendre la tardive justice que le temps traîne à sa suite ; il fait marcher sa gloire en avant, comme la colonne enflammée, qui jadis éclairait la marche des Israélites. […] Les géomètres, ne pouvant être jugés que par leurs pairs, obtiennent, d’un petit nombre de savants, des titres incontestables à l’admiration de leurs contemporains ; mais la gloire des actions doit être populaire. […] Les plus grandes découvertes ont été faites dans la retraite de l’homme savant, et les plus belles actions, inspirées par les mouvements spontanés de l’âme, se rencontrent souvent dans l’histoire d’une vie inconnue ; c’est donc seulement dans son rapport avec celui qui l’éprouve, qu’il faut considérer la passion de la gloire.

143. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Jusqu’à la fin, l’action fut son but. […] Cette âme tendre, fière, ferme, généreuse, ambitieuse, n’a jamais parlé que d’elle-même, ou des autres par rapport à elle-même, et pour déterminer l’action qui lui donnerait prise sur eux. […] Irréligieux sans tapage et sans raillerie, déiste avec gravité, Vauvenargues ne connaît d’immortalité que celle de la gloire, et comme il l’a dit, les hommes, la vie présente sont l’unique fin de ses actions. […] Il ne se contente pas d’aimer la nature dans ses instincts, qui sont les guides de l’action : il l’aime dans ses passions, où il voit les agents, les ressorts de l’action. […] Vauvenargues n’a pas eu d’action sur ses contemporains, dont trois ou quatre seulement, Mirabeau, Voltaire, Marmontel, l’ont connu529.

144. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Craindras-tu de montrer tes actions et ta puissance égales à ton désir ? […] Nous sommes perdus si la tentative n’est pas suivie de l’action. […] Il ne faut pas se travailler ainsi l’esprit sur ces sortes d’actions ; on en deviendrait fou. […] Nous sommes jeunes dans l’action. […] Le projet trop lent laisse tout échapper si l’action ne marche pas avec lui.

145. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

C’est un dérangement de l’ordre que ce philosophe voudroit établir dans les actions de l’homme qui, selon lui, doivent être reglées par son intelligence, et non pas gouvernées par les appetits de l’ame sensitive. […] Comme il est aussi propre par sa nature à peindre les actions qui peuvent porter les hommes aux pensées vertueuses, que les actions qui peuvent fortifier les inclinations corrompuës : il ne s’agit que d’en faire un bon usage. La peinture des actions vertueuses échauffe notre ame ; elle l’éleve en quelque façon au-dessus d’elle-même, et elle excite en nous des passions loüables telles que sont l’amour de la patrie et de la gloire.

146. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Nous croyons avoir, par-delà nos mots généraux, des idées générales ; nous distinguons l’idée du mot ; elle nous semble une action à part, dont le mot est seulement l’auxiliaire ; nous la comparons à l’image ; nous disons qu’elle fait le même office dans un autre domaine et nous rend présentes les choses générales, comme l’image nous rend présents les individus. […] Nous la comparons à quelque chose d’aérien, d’inétendu, d’incorporel ; nous supposons un être dont elle soit l’action ; il nous semble aussi pur et aussi éthéré qu’elle ; nous l’appelons esprit, et nous disons que notre esprit, par-delà toutes les images, se représente et combine les qualités abstraites des choses. […] Nous jugeons, par l’échelonnement de nos découvertes, que nous avons agi, que nous avons produit une série d’actions, que cette série correspond à une série de qualités ou caractères des choses, que notre action est efficace, et partant réelle. Mais que pouvons-nous dire alors de cette action intérieure ? Rien, sinon qu’elle est une action ; par l’évanouissement des mots, nous l’avons vidée de ce qui la constitue ; nous la posons à part, pure et simple, ou, comme nous disons, spirituelle ; l’ayant dépouillée, nous la croyons nue ; et, remarquant plus tard que pour la produire nous avons lu des signes, nous croyons que le signe n’est pour elle qu’un aide préalable et un excitateur séparé.

147. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

du sentiment de ce qu’il fait lui-même quand il dispose ses actions pour les conduire vers un but, à l’idée d’une intelligence infinie ? […] Il pense que dans le premier cas l’âme subit une modification, et que, dans le second, elle fait une action. Il ne veut point admettre une simple capacité passive parmi les facultés ou puissances efficaces, et ne reconnaît de facultés que celles qui correspondent aux différentes classes d’actions. […] Les idées des facultés de l’âme ont leur origine dans le sentiment de l’action de ces facultés, et leur cause aussi dans l’attention. […] Les idées morales ont leur origine dans le sentiment moral, et leur cause dans l’action séparée ou réunie de l’attention, de la comparaison et du raisonnement.

148. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] C’est une action continuelle, et l’homme ne saurait renoncer à l’action ; sa nature lui commande l’exercice des facultés qu’il tient d’elle. […] L’esprit est plus agité que l’âme ; c’est lui qu’il faut nourrir, c’est lui qu’on peut animer sans danger, le mouvement dont il a besoin se trouve tout entier dans les occupations de l’étude, et à quelque degré qu’on porte l’action de cet intérêt, ce sont des jouissances qu’on augmente, mais jamais des regrets qu’on se prépare. […] Il accomplit les actions ordinaires de la vie comme dans un état de somnambulisme ; tout ce qui pense, tout ce qui souffre en lui, appartient à un sentiment intérieur, dont la peine n’est pas un moment suspendue.

149. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Loisible, certes, le roman de problèmes, le roman qui veut faire penser, mais à condition que l’auteur ne glace pas dès l’abord par l’allure de moraliste en action. […] Francis l’avait éprouvé, etc. » ou encore : « Nos actions finissent toujours par ressembler à nos pensées, et ce sont ces dernières qu’il importe de gouverner d’abord. […] Un roman d’action peut être l’un ou l’autre. Le Rouge et le Noir est un roman de conscience et d’action. Les Trois Mousquetaires ne sont qu’un roman d’action.

150. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je suppose, un instant, que ce phénomène soit dû à l’action de l’une des deux consciences sur l’autre, que des consciences puissent ainsi communiquer sans intermédiaire visible et qu’il y ait, comme vous dites, « télépathie ». […] Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait. […] C’est par elle que nous nous insérons dans la réalité, que nous nous y adaptons, que nous répondons aux sollicitations des circonstances par des actions appropriées. […] Orienter notre pensée vers l’action, l’amener à préparer l’acte que les circonstances réclament, voilà ce pour quoi notre cerveau est fait. […] Nous ne le devons pas, parce que notre destination est de vivre, d’agir, et que la vie et l’action regardent en avant.

151. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

En joignant à ce calcul la connaissance éprouvée des effets de telle ou telle institution, l’on pourrait fonder les pouvoirs politiques sur des bases à peu près certaines, mesurer la résistance qu’ils doivent rencontrer, et les balancer entre eux, d’après leur action réelle, et l’influence des obstacles sur cette action. […] Lorsque, après une suite d’actions que votre opinion vous a d’abord inspirées, votre intérêt se trouve intimement uni avec le succès de cette opinion, et que cet intérêt vous engage toujours plus avant, il se passe dans les réflexions intérieures des combats que l’on se nie à soi-même, et que l’on parvient à étouffer. […] D’action en réaction, de vengeance en vengeance, les victimes qu’on avait immolées sous le prétexte du bien général, renaissent de leurs cendres, se relèvent de leur exil ; et tel qui restait obscur si l’on fût demeuré juste envers lui, reçoit un nom, une puissance par les persécutions mêmes de ses ennemis. […] Il n’est pas vrai que l’intérêt personnel soit le mobile le plus puissant de la conduite des hommes ; l’orgueil, l’amour-propre, la colère leur font très aisément sacrifier cet intérêt ; et dans les âmes vertueuses, il existe un principe d’action tout à fait différent d’un calcul individuel quelconque. […] Notre organisation, le développement que les habitudes de l’enfance ont donné à cette organisation, voilà la véritable cause des belles actions humaines, des délices que l’âme éprouve en faisant le bien.

152. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il n’a vu le mal que dans la contrainte et la mutilation de la nature : le jeune catholique, la chasteté monacale, tous les engagements et toutes les habitudes qui limitent la jouissance ou l’action, voilà les choses qui excitent le mépris ou l’indignation de Rabelais. […] Eminemment raisonnable, il compte que l’homme naturellement se conduira selon la raison, que la raison lui apprendra à être bon, à préférer les plaisirs nobles aux basses jouissances, à faire servir la science à l’action, et l’action au bien général. […] Il n’a pas de doute sur son but non plus que sur son prix : le but, c’est l’exercice des fonctions, la satisfaction des besoins, partant l’action, et le bonheur par l’action. L’action est la mesure de la vie. Donc, peignant la vie, il peindra l’action, et les objets l’intéresseront à proportion qu’il y trouvera plus d’effort, plus de « vouloir être », plus d’action.

153. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Un industriel, un de ces spéculateurs de notre temps qui mettraient le soleil en actions s’ils croyaient trouver des actionnaires, est descendu dans cet hôtel avec sa jeune fille, qui a nom Florette. […] Conrad, qui a une idée fixe, et qui veut, avant tout, placer ses actions industrielles, ne s’aperçoit pas du contre-temps, et prie la dame inconnue, comme il a prié Léopold, d’une façon fort comique, de lui souscrire quelques actions. […] Conrad, qui a placé enfin toutes ses actions, et qui est aujourd’hui très-riche, parce que ses actionnaires ne le sont plus, plaide contre la chanoinesse de Moldaw, et il a choisi pour avocat le jeune fou des deux premiers actes, qui, ramené par le régime de la prison à des idées plus saines, s’est créé par son travail une position honorable.

154. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Son origine et son action I. […] Toutes les objections éléatiques n’empêcheront pas cette sensation de mouvement de se produire, de nous révéler l’action de quitter un lieu pour passer dans un autre. […] En poussant de la main un objet dont nous sentons la surface résistante, nous agissons selon la troisième dimension, et cette action nous la révèle. […] C’est en ce sens que l’idée d’espace est une idée-force, l’espace étant le milieu même des forces en mutuelle action et réaction. […] De plus, l’excitation extérieure étant permanente, il s’établirait un courant constant d’actions et de réactions entre les centres sensitifs et les nerfs périphériques.

155. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Il ne dit pas, je le répète : « Voici des mots, faites-en de la vie, des images, des gestes, du mouvement, de l’action !  […] Non que le mécanisme de l’action ait déjà la rigueur que nous admirons chez Racine. […] Deux phrases denses, carrées, symétriques, chacune commandant un geste, chacune campant un personnage, et en pleine action. […] Tout pour l’action. […] Du moins, il faut marquer un point : l’action extérieure est réhabilitée ; elle a le droit de composer avec l’action intérieure comme dans Othello et le Roi Lear.

156. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Pour dire la même chose en d’autres termes, un être humain se développe dans trois milieux : l’un, le milieu psycho-physiologique, est l’ensemble des éléments qui composent sa constitution corporelle et mentale ; le second, le milieu terrestre et cosmique, est l’ensemble de la nature environnante ; le troisième, le milieu social, est l’ensemble de la civilisation humaine, qui, de toutes les parties de la terre et du passé, peut faire sentir et pénétrer son action . […] Nous ne pouvons encore mesurer, mais nous ne pouvons pas davantage contester l’action de ces causes physiologiques. […] Quand je me rappelle que telle Lettre Provinciale a été refaite jusqu’à treize fois ; quand je vois surchargé de ratures le brouillon d’une fable de La Fontaine ; quand je pense à l’implacable, acharnement avec lequel Rousseau et Flaubert retournaient une phrase dans leur tête pour la rendre conforme à leur idéal esthétique, je me dis qu’au nombre des influences qui développent les facultés contenues dans l’organisme initial, qui font sortir la fleur et le fruit du germe où ils étaient cachés, cette action de la pensée sur la pensée ne saurait être laissée de côté comme une quantité négligeable. […] Il faudrait plutôt l’étudier sur la masse restée sédentaire et par conséquent ayant subi, sa vie durant, l’action continue des mêmes causes naturelles. […] Patience et longueur de temps, comme disait le fabuliste, ouvrent des éclaircies, frayent des sentiers, et peu à peu les actions multiples du milieu cosmique cesseront de former la masse confuse où se perdent encore les pionniers de l’histoire scientifique.

157. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Le geste ainsi défini diffère profondément de l’action. L’action est voulue, en tout cas consciente ; le geste échappe, il est automatique. […] Le personnage de Tartuffe appartiendrait au drame par ses actions : c’est quand nous tenons plutôt compte de ses gestes que nous le trouvons comique. […] On comprend ainsi que l’action soit essentielle dans le drame, accessoire dans la comédie. […] Si ce détachement était complet, si l’âme n’adhérait plus à l’action par aucune de ses perceptions, elle serait l’âme d’un artiste comme le monde n’en a point vu encore.

158. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Des querelles frivoles, telles que des disputes sur la musique, sur la littérature, peuvent donner quelques idées légères de la nature de l’esprit de parti ; mais il n’existe tout entier, mais il n’est l’action dévorante qui consume les générations et les empires, que dans ces grands débats où l’imagination peut puiser sans mesure tous les motifs d’enthousiasme ou de haine. […] C’est ne plus voir qu’une idée, lui rapporter tout, et n’apercevoir que ce qui peut s’y réunir : il y a une sorte de fatigue à l’action de comparer, de balancer, de modifier, d’excepter, dont l’esprit de parti délivre entièrement ; les violents exercices du corps, l’attaque impétueuse qui n’exige aucune retenue, donne une sensation physique très vive et très enivrante : il en est de même au moral de cet emportement de la pensée qui, délivrée de tous ses liens, voulant seulement aller en avant, s’élance sans réflexion aux opinions les plus extrêmes. […] Mais en deçà de cet horrible terme, combien en France, combien dans tous les temps, l’esprit de parti n’a-t-il pas entraîné d’actions coupables ? […] le malheur qu’il cause serait encore possible à supporter, s’il venait uniquement de la perte d’une grande espérance ; mais par quels moyens racheter les sacrifices qu’elle a coûtés, et que devient un homme honnête, alors qu’il se reconnaît coupable d’actions qu’il condamne en recouvrant sa raison ? […] … C’est d’une telle supposition que les anciens ont tiré les plus terribles effets de leurs tragédies : ils attribuent à la fatalité les actions coupables d’une âme vertueuse ; cette invention poétique, qui fait du rôle d’Oreste le plus déchirant de tous les spectacles, l’esprit de parti peut la réaliser ; la main de fer du destin n’est pas plus puissante que cet asservissement à l’empire d’une seule idée, que le délire que toute pensée unique fait naître dans la tête de celui qui s’y abandonne ; c’est la fatalité, pour ces temps-ci, que l’esprit de parti, et peu d’hommes sont assez forts pour lui échapper.

159. (1903) La pensée et le mouvant

Telle est pourtant l’action libre. […] D’une manière générale, l’action exige un point d’appui solide, et l’être vivant tend essentiellement à l’action efficace. […] Et l’action vise un résultat. […] Mais ce qui favorise ici l’action serait mortel à la spéculation. […] Seulement il l’aimait à sa manière, en homme d’action.

160. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Somnambulisme ; action sympathique à distance dans l’hypnotisme. 2° Transmission plus conscient et plus directe par le toucher. […] La pitié, au contraire, excite en nous tout le groupe des sentiments sociaux les mieux coordonnés et systématisés ; de plus, la pitié est un principe d’action intarissable, son objet étant infini comme le bien à réaliser. […] Il faut que notre conscience entière soit intéressée et en action, mais sans raisonnement et sans calcul, de manière à éprouver immédiatement et spontanément une jouissance tout à la fois sensitive et volontaire. […] Le mouvement est le signe extérieur de la vie, comme l’action, c’est-à-dire le mouvement voulu, en est le signe intérieur ; il est de plus le grand moyen de communication entre les êtres. Aussi tous les arts se résument-ils dans l’art de produire ou de simuler le mouvement et l’action, et par là de provoquer en nous-mêmes des mouvements sympathiques, des germes d’actions.

161. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Leurs actions, partant de leur personnalité comme centre, enveloppaient toute la société dans un cercle d’activité généreuse. […] Mais la comédie est autre chose qu’une psychologie en action. […] Son esprit a soif d’action, et sa poitrine de liberté. […] … Toute action n’est pas déjà comique parce qu’elle est vaine et fausse. […] C’est une contradiction par laquelle l’action se détruit elle-même et le but s’anéantit en se réalisant.

162. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Pour les rendre intéressans, ils ont imaginé des avantures singulieres qui détournent d’autant plus de l’action principale. […] de l’unité d’action. l’unité d’action fait sans doute un fort bel effet dans un poëme. […] Aussi ai-je crû que le poëme, à parler en général, ne devoit être que le récit d’une seule action. […] C’est qu’il avoit égayé son poëme aux dépens des dieux, en leur faisant joüer la comédie dans les entre-actes de son action. […] des discours et des sentimens. les discours sont une partie du poëme aussi considérable que les actions.

163. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

. ; pour cela, il faut encore remonter plus haut la chaîne des causes et des effets, jusqu’à ce qu’on trouve un point où l’action de l’homme puisse s’insérer efficacement. […] Combien l’écart doit-il être plus considérable encore quand la pression que subit l’individu est celle d’une société régulière, où, à l’action des contemporains, s’ajoute celle des générations antérieures et de la tradition ! […] L’effort principal du sociologue devra donc tendre à découvrir les différentes propriétés de ce milieu qui sont susceptibles d’exercer une action sur le cours des phénomènes sociaux. […] Toutefois, l’action de ces milieux particuliers ne saurait avoir l’importance du milieu général ; car ils sont soumis eux-mêmes à l’influence de ce dernier. […] Les phénomènes psychiques ne peuvent avoir de conséquences sociales que quand ils sont si intimement unis à des phénomènes sociaux que l’action des uns et des autres est nécessairement confondue.

164. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Les événements eurent de l’importance, sans avoir une sorte de caractère ; et presque toujours en action, mais sans être animé de ces forces vives qui font les grands changements et dessinent avec énergie les caractères, soit en bien, soit en mal, ce prince donna beaucoup de mouvement à l’Europe, sans acquérir beaucoup de célébrité. […] On y vante les grandes actions d’un prince de vingt ans, qui n’avait pu encore que prêter son nom aux malheurs de son règne. […] Il semble, en s’occupant de lui, en suivant ses actions, en pénétrant dans son cœur, qu’on respire un air plus doux, et que le calme et la sérénité se répandent, du moins pour quelques moments, sur ce globe infortuné qu’on habite. […] Celle d’Auguste fut la bonté d’un politique qui n’a plus d’intérêts à commettre des crimes ; celle de Vespasien fut souillée par l’avarice et par des meurtres ; celle de Titus est plus connue par un mot à jamais célèbre, que par des actions ; celle des Antonins fut sublime et tendre, mais une certaine austérité de philosophie qui s’y mêlait, lui ôta peut-être ces grâces si douces auxquelles on aime à la reconnaître ; parmi nous, celle de Louis XII, à jamais respectée, manque pourtant un peu de la dignité des talents et des grandes actions : car, il faut en convenir, nous sommes bien plus touchés de la bonté d’un grand homme que de celle d’un prince qui a de mauvais succès et des fautes à se faire pardonner. […] Ensuite l’orateur entrant dans le détail des victoires, des faits d’armes, de toutes les grandes actions de Du Guesclin, prouva que ce grand homme avait rempli tous les devoirs d’un vrai chevalier, puisqu’il avait uni au plus haut degré la probité et la valeur.

165. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Jeté par ses folies de jeune homme et les passions d’une époque qui avait aussi ses folies sur le pavé de Paris, ce bitume d’enfer qui fond les fortunes, les caractères et les courages, Gaston de Raousset, même quand il fut le plus ce qu’on appelle un franc jeune homme, ivre de ce pauvre luxe dont il eut bientôt vu la fin, éprouva toujours ces virils tressaillements intérieurs qu’éprouvent les natures héroïques quand elles sentent que l’action leur manque, l’action pour laquelle elles sont faites ! […] Gaston de Raousset rêvait d’action, quand il rêvait. […] Tout d’abord il ne vit pas l’immense portée d’une chose qu’au début de son action il eût pu prendre pour un rêve. […] Mais cela est surtout vrai des hommes d’action, qui crient sur le cœur d’un ami, dans leurs lettres, quand l’action impossible ou empêchée ne les révèle plus.

166. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Nos états psychiques, en se détachant alors les uns des autres, se solidifieront ; entre nos idées ainsi cristallisées et nos mouvements extérieurs des associations stables se formeront ; et peu à peu, notre conscience imitant le processus par lequel la matière nerveuse obtient des actions réflexes, l’automatisme recouvrira la liberté 40. […] Nous verrions que, si notre action nous a paru libre, c’est parce que le rapport de cette action à l’état d’où elle sortait ne saurait s’exprimer par une loi, cet état psychique étant unique en son genre, et ne devant plus se reproduire jamais. Nous verrions enfin que l’idée même de détermination nécessaire perd ici toute espèce de signification, qu’il ne saurait être question ni de prévoir l’acte avant qu’il s’accomplisse, ni de raisonner sur la possibilité de l’action contraire une fois qu’il est accompli, car se donner toutes les conditions, c’est, dans la durée concrète, se placer au moment même de l’acte et non plus le prévoir. […] C’est enfin que, même dans les cas où l’action est librement accomplie, on ne saurait raisonner sur elle sans en déployer les conditions extérieurement les unes aux autres, dans l’espace et non plus dans la pure durée. […] L’étude, même approfondie, d’une action libre donnée ne tranchera donc pas le problème de la liberté.

167. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

aucune action sur soi-même n’est possible en matière de foi, la pensée est indivisible, l’on ne peut en détacher une partie pour travailler sur l’autre, on espère ou l’on craint, on doute ou l’on croit, selon la nature de l’esprit et des combinaisons qu’il fait naître. […] Les succès ou les revers ne donnent à la conscience des dévots ni contentement ni regret ; la morale religieuse ne laissant aucun vague sur aucune des actions de la vie, leur décision est toujours simple. […] Sans doute, le plus efficace des repentirs, serait des actions vertueuses ; mais à la fin de la vie, mais même dans la jeunesse, quel coupable peut espérer de faire autant de bien qu’il a causé de mal ? […] Quelle idée magique, qui, tout-à-la-fois contienne, resserre les actions dans le cercle le plus circonscrit, et satisfasse la passion dans son besoin indéfini d’espoir, d’avenir et de but ? […] Il s’agit uniquement de ces dogmes dominateurs qui assurent à la religion beaucoup plus d’action sur l’existence, en réalisant ce qui restait dans le vague, en asservissant l’imagination par l’incompréhensible.

168. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Enfin, voici deux autres diplomates, hommes très distingués, mais à des titres très différents ; car Donoso Cortès, ce Joseph de Maistre espagnolisé, ce Joseph de Maistre de profond devenu sonore, est plus près de la gloire, cette fille du vulgaire, que le comte Racsynzki, qui est resté toute sa vie dans la haute et mystérieuse sphère de son action, d’où l’on veut le descendre dans le jour commun de la publicité. Et, tous les deux, voici qu’ils font la preuve, à leur tour, que la Diplomatie, dont le plus grand mérite pendant l’action est presque toujours le silence, après l’action, devrait aussi le garder… Talleyrand, qui fut le plus silencieux des diplomates, Talleyrand qui n’écrivait que des billets, ne disait que des mots, et dont toute la puissance ne fut guères que dans des monosyllabes et des airs, avait-il conscience de cela quand il prescrivait de ne publier ses Mémoires que trente ans après sa mort ? […] L’action diplomatique, quand elle est réelle et effective, tient si intimement à la personne, au corps qui parle au corps, — comme dirait Buffon ; elle tient tellement à des séductions subtiles et relatives et à d’inexprimables manières, que celui qui l’a exercée n’est pas capable de la raconter. […] Et si vous ajoutez de plus qu’effective, quand elle l’est, cette action diplomatique est toujours rare !

169. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Ce sont : Le principe de Carnot, ou principe de la dégradation de l’énergie ; Le principe de Newton, ou principe de l’égalité de l’action et de la réaction ; Le principe de la relativité, d’après lequel les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes, soit pour un observateur fixe, soit pour un observateur entraîné dans un mouvement de translation uniforme ; de sorte que nous n’avons et ne pouvons avoir aucun moyen de discerner si nous sommes, oui ou non, emportés dans un pareil mouvement ; Le principe de la conservation de la masse, ou principe de Lavoisier ; J’ajouterai le principe de moindre action. […] L’hypothèse des forces centrales contenait tous les principes ; elle les entraînait comme des conséquences nécessaires ; elle entraînait et la conservation de l’énergie, et celle des masses, et l’égalité de l’action et de la réaction, et la loi de moindre action, qui apparaissaient, il est vrai, non comme des vérités expérimentales, mais comme des théorèmes ; et dont l’énoncé avait en même temps je ne sais quoi de plus précis et de moins général que sous leur forme actuelle.

170. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Au contraire, l’action de lire est en quelque façon une peine. […] Considerer le Virgile des elzevirs comme un chef-d’oeuvre d’impression, ou lire les vers de Virgile pour en sentir les charmes, ce sont deux actions très-distinctes et très-differentes. […] Si ceux qui trouvent les comédies de Terence froides les avoient vû representer par des comédiens, qui mettoient du moins autant de vivacité dans leur action que les comédiens italiens, ils ne diroient plus la même chose. […] L’appareil de la scéne nous prépare à être émus, et l’action théatrale donne une force merveilleuse aux vers.

171. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Son drame, grave et austère, doit lui concilier la sympathie de ceux qui tendent à faire du théâtre un exemple d’actions hautaines et morales. […] L’action d’Hérakléa est des plus simples. […] Telle est l’action d’Hérakléa.

172. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action Un poëme épique étant l’ouvrage le plus difficile que la poësie françoise puisse entreprendre, à cause des raisons que nous exposerons en parlant du genie de notre langue et de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au poëte qui oseroit en composer un, de choisir un sujet où l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt particulier. […] Il est vrai que les raisons que nous avons alleguées pour montrer qu’on ne devoit point prendre une action trop recente pour le sujet d’une tragedie, prouvent aussi qu’une action trop recente ne doit pas être le sujet d’un poëme épique.

173. (1909) De la poésie scientifique

» Et qui se ressemblent tous, pourrait-il dire pour aggraver cette exaltation nationale, mais mal à propos, car si l’Étranger, partout, étudie, traduit, commente les Poètes Français et subit leur action  ce sont ceux d’hier. […] J’ai donc ramené à deux lois ou plutôt à une loi à double action, les phénomènes de tous ordres : loi de condensation et d’expansion. […] Or, Amour implique deux désirs, deux pôles : pour se connaître, dirons-nous métaphysiquement, ils entrent en action, et la résultante de cette action est le troisième mouvement qui naît d’elle — et qui détermine la sortie hors de la non-connaissance, de la non-conscience : c’est-à-dire qu’il détermine l’Evolution, troisième mouvement de l’unité trinaire que nous avons représenté par l’Ellipse, signe de l’Univers évoluant. […] Cette action s’est continuée, que d’aucuns, plaçant en ma pensée leur point de départ, ont trouvée persuasive et puissante de devenirs poétiques. […] Il est intéressant d’annoter ceci, seulement de la constatation de cette action sur le « Symbolisme » par deux critiques autorisés tenant plus spécialement de cet art.

174. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Il ne trouve enfin d’autre action possible que l’action littéraire, qui consiste à décrire son mal. […] Tout le détail sensible du roman, descriptions et actions, traduit et mesure la qualité, l’énergie du principe moral intérieur. […] Cependant cet analyste est un homme d’action : les plus rares jouissances de sa vie lui sont venues de l’action. […] La préoccupation principale de Stendhal, dans son œuvre littéraire, se rattache à ce goût de l’action et de la volonté. […] Les caractères se dessinent par une action significative, que le romancier a su choisir en faisant abstraction du reste.

175. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

l’action extérieure est si simple que quelques mots l’expliquent amplement ; en leurs situations morales, en leurs multiples nuances, l’attente des amants, leur réunion, l’entrée de la voix de remords, l’adieu final, sont totales en la musique ; n’est-ce pas de toute évidence que le décor est posé musicalement et toute mimique inutile ? […] Car le moindre vice de la décoration scénique est de s’imposer aux yeux et à l’esprit incessamment ; tandis que ce n’est que par moments, et quand l’orchestre le commande, que l’on doit, au cours de l’action psychologique, songer à ces sites de grèves et de flots qui l’encadrent. […] Chamberlain, le centre de l’action psychologique a disparu… avec lui disparaît l’élément réfléchissant, la Pensée ; il ne reste que les émotions, la Passion, ce que la musique exprime. […] L’anecdote du Parsifal étant en soi insignifiante, sera-t-elle donc admise comme symbole d’un drame humain — au même titre que le sujet d’un drame racinien est symbolique d’une action générale — et dans le Parsifal verra-t-on un drame, comme le Rheingold est un drame, comme Lohengrin, comme Fidelio, comme Alceste, un drame lyrique, un drame d’art complexe, un drame où des actions soient effectuées par des personnages imitant des types humains ? […] La direction de la pensée et de l’action n’est-elle pas facile sous la garde des deux pouvoirs : la suite spirituelle des évêques, s’appuyant à la suite héréditaire des rois.

176. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Admettons qu’une pensée définie corresponde simultanément à une action moléculaire définie dans le cerveau. […] La difficulté est donc simplifiée, et il ne s’agit plus maintenant que de comprendre la liaison d’un mouvement moléculaire et d’une sensation. — D’autre part, nous avons vu que les sensations, en apparence simples, sont des totaux ; que ces totaux, en apparence irréductibles entre eux, peuvent être composés d’éléments semblables ; qu’à un certain degré de simplicité leurs éléments ne sont plus aperçus par la conscience ; qu’ainsi la sensation est un composé d’événements rudimentaires capables de dégradations indéfinies, incapables de tomber sous les prises de la conscience, et dont les actions réflexes nous attestent non seulement la présence, mais encore l’efficacité. […] Récemment encore156 « les phénomènes de chaleur, d’électricité, de lumière, assez mal définis en eux-mêmes, étaient produits par autant d’agents propres, de fluides doués d’actions spéciales. […] On a vu que la sensation proprement dite est un composé d’événements successifs et simultanés de même qualité, eux-mêmes composés de même ; qu’au terme de l’analyse, l’expérience indirecte et les analogies montrent encore des événements de même qualité, successifs et simultanés, tous soustraits à la conscience et à la fin infinitésimaux ; que les actions réflexes indiquent des événements rudimentaires analogues et qu’on les suit jusqu’au bas de la série animale, même en des animaux159, comme le polype d’eau douce, en qui l’on ne découvre aucune trace du système nerveux. — Mais on peut les suivre plus loin encore ; car chez plusieurs plantes comme la sensitive et le sainfoin oscillant du Bengale, chez les anthérozoïdes des cryptogames et chez les zoospores des algues, on rencontre des actions réflexes tout à fait semblables à celle que produit le tronçon d’une grenouille décapitée. […] Par contrecoup la même dégradation et la même réduction s’opèrent dans les événements moraux ; au plus haut degré de complication, ils constituent les images, les sensations proprement dites et ces sensations rudimentaires que dénote l’action réflexe ; aux degrés suivants, ils sont encore des événements de la même espèce, mais moins composés, et ainsi de suite, leur complication diminuant avec celle du mouvement moléculaire, tant qu’enfin, au degré le plus simple de l’événement physique, correspond le degré le plus simple de l’événement moral.

177. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

. — Ordre des centres nerveux et des actions nerveuses. — Les ganglions, les segments de la moelle, les étages de l’encéphale. — Point de vue psychologique. — Ordre et complication croissante des événements moraux indiqués eu constatés dans les divers centres. — À mesure que l’animal descend dans l’échelle zoologique, les divers centres deviennent de plus en plus indépendants. — Expériences et observations de Dugès, Landry, Vulpian. — Pluralité foncière de l’animal. — L’individu animal ou humain n’est qu’un système. […] Comme on l’a montré, cette trame peut être considérée à deux points de vue, soit directement, en elle-même et par la conscience, soit indirectement, par la perception extérieure et d’après les impressions qu’elle produit sur nos sens. — À côté des idées, images et sensations, événements fort composés dont nous avons conscience et que cette particularité distingue des autres événements analogues, sont d’autres événements rudimentaires et élémentaires du même genre, dont nous n’avons pas conscience, et que dénote l’action réflexe : tel est le premier point de vue. — À côté des mouvements moléculaires fort composés qui se passent dans la substance grise des lobes cérébraux et des centres dits sensitifs, sont d’autres mouvements moléculaires analogues et moins composés qui se passent dans la substance grise de la moelle et dans les ganglions du système nerveux sympathique170 ; tel est le second point de vue. — Le premier est le point de vue psychologique ; le second est le point de vue physiologique. — D’après le second, il y a dans l’animal plusieurs centres d’action nerveuse, les ganglions du grand sympathique, les divers segments de la moelle, les divers départements de l’encéphale, plus ou moins subordonnés ou dominateurs, plus ou moins simples ou compliqués, mais tous distincts, mutuellement excitables, et doués des mêmes propriétés fondamentales. — D’après le premier, il y a dans l’animal plusieurs groupes d’événements moraux, idées, images, sensations proprement dites, sensations rudimentaires et élémentaires, tous plus ou moins subordonnés ou dominateurs, plus ou moins simples ou compliqués, mais tous distincts, mutuellement excitables, et plus ou moins voisins de la sensation. — En forçant les termes, on pourrait considérer la moelle comme une file d’encéphales rudimentaires, et les ganglions du système sympathique comme un réseau d’encéphales plus rudimentaires encore171. […] C’est pourquoi, lorsqu’on les sépare, chacun d’eux est encore un centre indépendant d’actions réflexes coordonnées et adaptées à un but. […] Même quand il est à l’état d’individu, on le fait repasser a l’état de somme ; en pratiquant des sections transversales sur la moelle d’un jeune mammifère174, on peut, si la circulation et la respiration persistent, maintenir en lui, pendant plusieurs semaines, des segments indépendants, chacun capable de son action réflexe et incapable de recevoir des autres ou de transmettre aux autres aucune excitation. […] À mesure que nous descendons dans le règne animal, nous la voyons perdre, de sa domination et de sa complexité et se réduire au niveau des autres, pendant que celles-ci, relâchant elles-mêmes leurs attaches mutuelles, se dégradent insensiblement. — Au point de vue de la perception extérieure, elles ont toutes pour condition l’intégrité et le renouvellement du système nerveux dont elles sont l’action propre, et les êtres plus ou moins étroitement associés qu’elles constituent, quels qu’ils soient au point de vue de la conscience, de quelque nom que l’illusion métaphysique ou littéraire les habille, sont assujettis à la même condition.

178. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Celui-ci n’exprimerait de celui-là que les actions qui s’y trouvent préformées ; il en dessinerait les articulations motrices. […] Voici encore les objets qui peuplent le champ de ma vision ; voici mon cerveau au milieu d’eux ; voici enfin, dans mes centres sensoriels, des déplacements de molécules et d’atomes occasionnés par l’action des objets extérieurs. […] Mais le réalisme consiste précisément à rejeter cette prétention, à tenir pour artificielles ou relatives les lignes de séparation que notre représentation trace entre les choses, à supposer au-dessous d’elles un système d’actions réciproques et de virtualités enchevêtrées, enfin à définir l’objet, non plus par son entrée dans notre représentation, mais par sa solidarité avec le tout d’une réalité inconnaissable en elle-même. […] En approfondissant les deux systèmes, on verrait que l’idéalisme a pour essence de s’arrêter à ce qui est étalé dans l’espace et aux divisions spatiales, tandis que le réalisme tient cet étalage pour superficiel et ces divisions pour artificielles : il conçoit, derrière les représentations juxtaposées, un système d’actions réciproques, et par conséquent une implication des représentations les unes dans les autres. […] Alors, comme nos actions dérivent de nos représentations (aussi bien passées que présentes), il faut sous peine d’admettre une dérogation à la causalité mécanique, supposer que le cerveau d’où part l’action contenait l’équivalent de la perception, du souvenir et de la pensée elle-même.

179. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Action persistante des centres sensitifs. — Action en retour des hémisphères sur les centres sensitifs. […] De quelque façon que naisse la sensation, elle a pour condition l’action des centres sensitifs. À l’état ordinaire, ce sont des nerfs qui par leur ébranlement provoquent cette action. […] Or, si on laisse de côté l’entremise des nerfs, on trouve deux cas dans lesquels fonctionnent les centres sensitifs. — Tantôt ayant été mis en action une première fois par le nerf, ils persistent spontanément dans cette action et la répètent d’eux-mêmes, à plusieurs reprises, après que le nerf a cessé d’agir ; ce qui arrive notamment dans les illusions qui suivent l’usage prolongé du microscope, lorsque le micrographe, reportant les yeux sur sa table ou sur son papier, voit à un pied de lui de petites figures grises qui persistent, s’effacent et renaissent encore à quatre ou cinq reprises, toujours en pâlissant et en s’affaiblissant. — Tantôt les centres sensitifs fonctionnent par un choc en retour, lorsque des images proprement dites les provoquent à l’action. D’ordinaire, c’est la sensation qui provoque l’image, et ce sont les centres sensitifs dont l’action transmise se répète dans les lobes ou hémisphères cérébraux : ici, au contraire, c’est l’action transmise des hémisphères qui se répète dans les centres sensitifs.

180. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Lebrun les avaient décemment costumés, avaient ennobli leur langage, donné de la mesure et de la vraisemblance à leurs actions et à leurs folies mêmes. […] La fable qu’ils imitent devient plus vraie entre leurs mains, l’action plus forte, les ressorts se multiplient ou acquièrent plus de puissance. […] S’ils admettent quelquefois des chœurs, ce ne sera pas pour entendre des récits, pour ralentir l’action, ou en remplir les vides par de vaines complaintes. […] Quand on nous dit que resserrer une action dans un même lieu et dans l’espace étroit de vingt-quatre heures, c’est imposer au poète une loi bien sévère ; nous en demeurons d’accord. […] Jamais les Grecs n’auraient supporté une action qui n’aurait point eu d’exposition, ni un dénouement qu’aucun nœud n’aurait exigé.

181. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

Son premier germe fut, sans doute, cet instinct inné de l’imitation qui fait simuler à l’enfant les actions viriles, au sauvage la chasse du lendemain et le combat de la veille. […] Mais tous ces germes et toutes ces ébauches n’auraient pu suffire à engendrer le drame formé et complet, doué de l’action qui saisit et de l’illusion qui entraîne. […] Il y fallait une influence suprême, un éclair divin, une rosée d’en haut, une fermentation brûlante chargée de toutes les ardeurs de l’âme, de toutes les énergies de la vie ; pour tout dire, l’intervention et l’action d’un dieu.

182. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Les sentiments, le langage, les actions qui leur sont appropriés, ont, par leur violence et leur atrocité même, quelque chose de merveilleux, et toutes ces choses sont au plus haut degré conformes entre elles, et uniformes dans leurs sujets. […] Dans le caractère d’Ulysse, principal sujet de l’Odyssée, ils firent entrer tous les traits distinctifs de la sagesse héroïque, la prudence, la patience, la dissimulation, la duplicité, la fourberie, cette attention à sauver l’exactitude du langage, sans égard à la réalité des actions, qui fait que ceux qui écoutent, se trompent eux-mêmes. Ils attribuèrent à ces deux caractères les actions particulières dont la célébrité pouvait assez frapper l’attention d’un peuple encore stupide, pour qu’il les rangeât dans l’un ou dans l’autre genre.

183. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Il est dans la nature des choses, que, dans une monarchie où le tact des convenances est si finement saisi, toute action extraordinaire, tout mouvement pour sortir de sa place, paraisse d’abord ridicule. […] Il n’y a que ces êtres en dehors des intérêts politiques et de la carrière de l’ambition, qui versent le mépris sur toutes les actions basses, signalent l’ingratitude, et savent honorer la disgrâce quand de nobles sentiments l’ont causée. S’il n’existait plus en France de femmes assez éclairées pour que leur jugement pût compter, assez nobles dans leurs manières pour inspirer un respect véritable, l’opinion de la société n’aurait plus aucun pouvoir sur les actions des hommes. […] Si, pour comble de malheur, c’était au milieu des dissensions politiques qu’une femme acquit une célébrité remarquable, on croirait son influence sans bornes alors même qu’elle n’en exercerait aucune ; on l’accuserait de toutes les actions de ses amis ; on la haïrait pour tout ce qu’elle aime, et l’on attaquerait d’abord l’objet sans défense avant d’arriver à ceux que l’on pourrait encore redouter. […] L’homme calomnié répond par ses actions à l’univers ; il peut dire : Ma vie est un témoin qu’il faut entendre aussi.

184. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Son éloge d’Agésilas est divisé en deux parties ; la première n’est qu’une espèce de récit historique ; l’orateur parcourt toutes les grandes actions de ce prince, ses guerres, ses victoires et les principaux événements de sa vie. […] Il n’y a dans tout cet éloge nul mouvement d’orateur ; c’est la marche simple d’un homme vertueux qui parle de la vertu avec ce sentiment doux qu’elle inspire ; en général, c’est là le mérite des anciens ; nous mettons plus d’appareil à tout, et dans nos actions comme dans nos écrits. […] Ces beaux siècles de la Grèce qui produisirent les héros, firent naître aussi une foule d’écrivains pour relever leurs actions. […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque. […] Il ne fait donc point de ces portraits brillants dont Salluste le premier donna des modèles, et que le cardinal de Retz, par ses mémoires, mit si fort à la mode parmi nous ; il fait mieux, il peint en action ; on croit voir tous ses grands hommes agir et converser ; toutes ses figures sont vraies et ont les proportions exactes de la nature ; quelques personnes prétendent que c’est dans ce genre qu’on devrait écrire tous les éloges : on éblouirait peut-être moins, disent-elles, mais on satisferait plus ; et il faut savoir quelquefois renoncer à l’admiration pour l’estime.

185. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

La nuit ne cache pas les actions mauvaises. […] Rien ne reproduit plus fortement l’ode en action, le mélange de l’oracle et du drame, du délire religieux et des passions humaines. […] Ailleurs, au contraire, l’action de l’hymne vengeur ou prophétique vient aggraver ces terreurs, au lieu d’en distraire. […] Rien ne saurait mieux unir le charme lyrique à l’action de la scène. […] La preuve en est dans la réforme légale qui, pour modérer le théâtre comique d’Athènes, y retrancha l’action du chœur.

186. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Son journal proprement dit n’a guère d’autre caractère que celui de Dangeau, et de tels écrits, très curieux pour la postérité, ont rarement pour effet de grandir les personnages qui en font les frais et dont on nous raconte jour par jour toutes les actions et toutes les fonctions. […] Au travail, il jetait sur le papier son dessin, son texte, ses preuves, en français ou en latin indifféremment, sans s’astreindre ni aux paroles, ni au tour de l’expression, ni aux figures : autrement, lui a-t-on ouï dire cent fois, son action aurait langui et son discours se serait énervé. […] même quand il composait les oraisons funèbres « où il entre beaucoup de narratifs à quoi il n’y a rien à changer », ou des discours de doctrine dans lesquels l’exposition du dogme doit être nette et précise, il écrivait tout, nous dit Le Dieu, sur un papier à deux colonnes, avec plusieurs expressions différentes des grands mouvements, mises l’une à côté de l’autre, dont il se réservait le choix dans la chaleur de la prononciation, pour se conserver, disait-il, la liberté de l’action en s’abandonnant à son mouvement sur ses auditeurs et tournant à leur profit les applaudissements mêmes qu’il en recevait. […] — Puis quand il avait fini, et comme pour se mettre à l’abri de l’applaudissement, il rentrait aussitôt chez lui et s’y tenait caché, « rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot, ni de son action ni du succès quelle avait eu ; et la remarque qu’on fait à ce propos, ajoute Le Dieu, est un caractère vrai et certain, car il en usait de même dans toutes les autres occasions. » Il ne se considérait que comme un organe et un canal de la parole, heureux s’il en profitait tout le premier et aussi bien que les autres, mais ne devant surtout point s’en enorgueillir ! […] Bossuet, en toute sa vie, marche à visage découvert, et rien de lui, rien de ses actions ni de sa pensée n’est dans l’ombre ; il fut en tout le contraire des opinions et des méthodes particulières ; il fut l’homme public des grandes institutions et de l’ordre établi, tantôt l’organe, tantôt l’inspirateur, tantôt le censeur accepté de tous, ou le conciliateur et l’arbitre.

187. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Mais en France, la force, en recourant à la terreur, a voulu cependant y joindre encore une espèce d’argumentation ; et la vanité de l’esprit s’unissant à la véhémence du caractère, s’est empressée de justifier par des discours les doctrines les plus absurdes et les actions les plus injustes. […] comment donnerez-vous de l’enthousiasme aux hommes qui ne craignent ni n’espèrent rien de la renommée, et ne reconnaissent plus entre eux les mêmes principes pour juges des mêmes actions. […] tant d’hommes n’admettaient aucune idée générale avant de l’avoir comparée avec leurs actions et leurs intérêts particuliers ! […] Quand on se rappelle les visages froids et composés que l’on rencontre dans le monde, j’en conviens, on croit impossible de remuer les cœurs ; mais la plupart des hommes connus sont engagés par leurs actions passées, par leurs intérêts, par leurs relations politiques. […] Ce qui est sublime dans quelques discours anciens, ce sont les mots que l’on ne peut ni prévoir, ni oublier, et qui laissent trace dans les siècles, comme de belles actions.

188. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « APPENDICE. — M. SCRIBE, page 118. » pp. 494-496

Scribe, dans sa première manière du Gymnase, procédait par deux actes, l’action courait plus vite, et les préparatifs se voyaient moins. […] Les ménagements d’entrée et de sortie, les adresses de ralentissement pour économiser l’action, se peuvent admirer au point de vue du métier : il y a une scène surtout, à la fin du second acte, une préparation de musique vocale qu’on voit venir et qui ne doit pas avoir lieu ; c’est le plus charmant escamotage. L’observation de la société se retrouve dans des traits spirituels et dans des détails heureux bien plutôt que dans l’ensemble de l’action et dans les caractères des personnages.

189. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

On peut donc introduire des personnages scelerats dans un poëme, ainsi qu’on met des bourreaux dans le tableau qui répresente le martyre d’un saint : mais comme on blâmeroit le peintre qui dépeindroit aimables des hommes ausquels il fait faire une action odieuse, de même on blâmeroit le poëte qui donneroit à des personnages scelerats des qualitez capables de leur concilier la bienveillance du spectateur. […] L’action de la tragedie revolta contre Speroné Speroni les beaux esprits d’Italie, mais on est obligé de condamner leur delicatesse quand on a lû la dissertation que cet auteur composa pour justifier le choix de son sujet. […] Il seroit superflu d’avertir ici qu’en lisant une piece de théatre, on admet comme veritables les suppositions fausses qui étoient reçûës au tems où l’action est arrivée ; tout le monde sçait bien qu’il faut se prêter aux opinions qui ont été celles des acteurs.

190. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Au sujet de ce texte, voir Action n° 5, octobre 1920, note 26. […] Voir Action, n° 1, février 1920, p. 1-26 et note 4. […] Il publie un poème dans le premier numéro d’Action. […] Action publie une publicité pour cette revue dans son premier numéro. […] Voir Action, n° 1, février 1920, p. 64-67 et note 5.

191. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Pour se renseigner sur les idées, sur l’action parallèle des deux principes essentiels, il faut lire les prédicateurs, les Miracles de Gautier de Coincy, et surtout Villehardouin et Joinville. […] La guerre sourde avec Corneille est bien connue, elle n’est qu’un symptôme ; il y a plus que la rivalité de deux auteurs, il y a l’opposition de deux systèmes : le roman (action compliquée, extérieure) et le drame (action simple, intérieure). […] Le xviie  siècle est un siècle d’action, et, nécessairement, de concentration. […] De nos jours, personne n’a mieux affirmé sa puissance, n’a rendu un plus grand hommage à son action persistante, que, sans le vouloir, M.  […] Entre la défaite d’Azincourt (1415) qui est un « fait » et la victoire de Formigny (1450), qui est un autre « fait », il y a Jeanne d’Arc ; comment expliquer la Pucelle et son action ?

192. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

La guerre est l’action par excellence. Qu’est, auprès de celle-là, l’action du poète ou de l’artiste ? […] Vous vous rappelez les commencements de l’action ? […] Mais je lis encore dans le mémoire favorable à Gassion : «… Quant au duc d’Anguien, il n’est pas en arrière de son infanterie, à l’endroit d’où l’on domine l’action, mais en avant de l’un des escadrons, comme un simple capitaine d’avant-garde. […] Qu’à vingt ans et à sa première action il ait commis quelques fautes, quoi de surprenant ?

193. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Cela dit, entrons dans l’action, avec la femme de Claude, qui vaut celle de l’empereur romain. […] La conscience étant l’organe essentiel de la vie morale, il se mutilerait s’il la retranchait de son action ou s’il l’enlevait à ses personnages. […] Une voix intérieure qu’il ne peut faire taire, interrompt toutes ses actions et toutes ses paroles, pour les approuver ou pour les blâmer. […] Dès la première scène, le drame se jette dans l’action : c’est en plein mouvement qu’il s’expose. […] La pièce pourrait finir là : l’auteur, au troisième acte, a su pourtant tirer des effets nouveaux d’une action qui paraissait épuisée.

194. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Cette création seconde, qui n’est autre chose que l’action divine faite par l’homme, c’est ce qu’on nomme le génie. […] Et il conseille la bonne action. […] Pour l’action de son poëme, il n’a été chercher personne. […] Prométhée, c’est l’action. […] Il y a dans toutes ses actions du somnambulisme répandu.

195. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Ses membres sont bien cadencés et il est merveilleux d’action et de mouvement. […] Les expressions, les passions, les actions et par conséquent les mouvements sont en raison inverse de l’expérience, et en raison directe de la foiblesse. […] L’exécution du ciseau et le dessein en sont d’une pureté merveilleuses ; mais les figures sont sans mouvement, sans action, sans expression. […] Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems. […] Plus sur la droite et sur le devant on voit un vieillard, la main droite posée sur le bras de Caesar ; l’autre dans l’action d’un homme qui parle.

196. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Prétendrait-on connaître la nature ou l’action d’une locomotive, parce qu’on saurait que, pour transporter une somme donnée de voyageurs, elle doit avoir tel poids déterminé, ou parce qu’on saurait encore qu’étant brisée, elle devient incapable de faire son service ? Non, sans doute ; le bon mécanicien est celui qui sait décomposer la machine, en démonter tous les ressorts, en démontrer les mouvements, et qui nous fait comprendre comment ces mouvements sont appropriés au genre d’action qu’elle doit produire. […] « Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.

197. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Enfin elle estime l’action au-dessus de l’art purement formel ». […] Par cela même qu’elles propageaient le culte du pays natal, le goût de l’action, la recherche des méthodes naturelles d’évolution, elles éloignaient la jeunesse d’un art obscur, subtil où elle avait failli se perdre — (après y avoir d’ailleurs au début connu des beautés nouvelles). — Ici, nous n’avons qu’à constater cette floraison des provinces nouvelles. […] Revue Universelle Larousse, nº du 1er sept. 1905 (À Travers la France) mais surtout l’Action Régionaliste (de Charles-Brun, secrét. […] Action méridionale.

198. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Je vais tâcher d’expliquer encore plus intelligiblement que je ne l’ai fait jusques ici, comment ils en venoient à bout et comment l’action de celui qui gesticuloit pouvoit s’unir avec la prononciation de celui qui parloit. […] Nous avons vû dans Quintilien qu’on tâchoit d’établir une proportion entre les gestes et les mots que disoit l’orateur, de maniere que son action ne fut ni trop fréquente ni trop interrompuë. […] Nous nous figurons d’abord les choeurs immobiles de l’opera, composez de sujets dont la plûpart ne sçavent point même marcher, rendre ridicules par une action gauche les scénes les plus touchantes. […] L’homme de génie dont je viens de parler avoit conçû par la seule force de son imagination que le spectacle pouvoit tirer du pathetique, même de l’action muette des choeurs, car je ne pense pas que cette idée lui fut venuë par le moïen des écrits des anciens, dont les passages qui regardent la danse des choeurs n’avoient pas encore été entendus, comme nous venons de les expliquer.

199. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Un personnage n’est violent, jaloux, humain, que par ses actions violentes, jalouses, humaines. Ce n’est donc pas tout de concevoir des caractères en poëtes ; il faut concevoir aussi en poëte l’action qui les manifeste. Sortons de cette région vague, indéterminée, où ils flottent ; choisissons entre toutes les actions celle qui peut les rendre visibles. Observons cette action et toutes les parties dont elle se compose. […] Il faut éclaircir et endiguer cette grande eau troublée ; il faut conter, il ne faut pas que la description couvre et cache l’action.

200. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Selon lui, l'amour-propre est le mobile universel de toutes les actions de l'homme. […] Cet orgueil, d'après le Moraliste, se cache avec tant de subtilité dans notre cœur, y conserve un empire si absolu sur tous ses mouvemens, qu'il n'est pas possible que toutes nos actions ne soient un effet de ce vice plus ou moins caché, & qu'elles ne se rapportent toutes à lui. […] Tibere, Caligula, Néron, Cromwel, n'étoient ils pas capables de faire & n'ont-ils pas même fait quelques bonnes actions, sans aucun mélange de motifs vicieux ?

201. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Comme un tableau ne répresente qu’un instant d’une action, un peintre né avec du genie, choisit l’instant que les autres n’ont pas encore saisi, ou s’il prend le même instant, il l’enrichit de circonstances tirées de son imagination, qui font paroître l’action un sujet neuf. […] On voit de profil la tête du supplicié, et sa bouche dont cette situation fait encore mieux remarquer l’ouverture énorme, ses yeux dont la prunelle est renversée, et dont on n’apperçoit que le blanc sillonné de veines rougeâtres et tenduës ; enfin l’action violente de tous les muscles de son visage, font presqu’oüir les cris horribles qu’il jette.

202. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l’action ; ses mains sont ailleurs. […] L’action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. […] Du reste, gardons-nous de confondre l’unité avec la simplicité d’action. L’unité d’ensemble ne répudie en aucune façon les actions secondaires sur lesquelles doit s’appuyer l’action principale.

203. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

L’acte suivant nous transporte sur le champ de bataille où va se livrer l’action décisive dont nous n’avons vu jusqu’ici que l’étincelante escarmouche. […] L’esprit fait rage, mais il ne se gaspille pas en fusées vaines : il n’intervient que pour activer l’action de ses langues de flamme. […] Ces réserves faites, il n’y a plus qu’à louer et qu’à applaudir la tactique rapide de l’action, l’esprit serré du dialogue, la vérité vivante de quelques portraits. […] La plaie d’argent, autrefois si légère, s’est envenimée par l’action corrosive du temps et des choses. […] La parole couvre l’action dans la Question d’argent, elle la double, elle la remplace, et — succès unique !

204. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

La France et l’Angleterre au xviiie  siècle : actions et réactions réciproques. […] L’Espagne, entrée plus tardivement en scène, n’eut qu’une action intermittente et limitée au xviie  siècle : il fallut que notre théâtre se fût constitué pour qu’elle dominât chez nous, par l’irrésistible attraction du riche répertoire de sa comedia nationale. […] Notre théâtre subit l’action du théâtre anglais : Shakespeare peu à peu force les barrières de notre goût ; Voltaire, l’abbé Leblanc, Laplace, Letourneur, Ducis le font connaître584, et il arrache parfois l’admiration d’une mondaine renforcée comme Mme Du Deffand. Il tire notre vide et froide tragédie vers l’action animée, pittoresque, violente. Le drame anglais585, à qui La Chaussée ne doit pas grand’chose, exerce une sensible influence sur Diderot, Saurin et d’autres : il donne l’idée et le goût d’effets plus intenses, plus brutaux, d’un pathétique plus nerveux et plus matériel, d’une action plus familière, liant l’impression sentimentale à la minutieuse reproduction des détails de la vie domestique.

205. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Mais les autres danses des anciens, où l’on imitoit l’action des gens qui ne sautent pas, et, pour parler à notre maniere, qui ne dansent point, n’étoit qu’une imitation des démarches, des attitudes du corps, des gestes, en un mot de toutes les démonstrations dont les hommes accompagnent ordinairement leurs discours, où dont ils se servent quelquefois pour donner leurs sentimens à comprendre sans parler. […] Mais je veux qu’on quitte son maître au sortir de l’enfance, et qu’on ne retienne de cet exercice que la grace et l’air aisé dans l’action. […] Tel est le geste représentant l’action d’un médecin qui tâte le poul, et dont on se sert pour signifier un malade. […] Ils pensoient que ces gestes rendissent l’action plus animée. […] D’un autre côté l’action du comédien s’appelloit aussi gesticulation, comme on peut le voir dans le récit de l’avanture du poëte Andronicus.

206. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Il ne chouanna pas sur le terrain de l’action militaire, comme Rio, ce héros de quinze ans, décoré à quinze ans, en 1815. […] Au temps de sa jeunesse, la pensée avait remplacé l’action. […] La tige de Crétineau-Joly (et elle était de fer), c’est le chouan, le chouan qui soutient tout en lui et autour duquel se moulent les divers traits qui forment l’ensemble de l’homme entier, sous l’action de la vie et le pouce de la circonstance. […] Il le couvre de sa dignité personnelle, — de sa propre autorité morale, — et un prêtre, et un bon prêtre comme l’abbé Maynard, doit en avoir une immense… Il ne se ravale pas et ne ravale pas l’homme dont il a écrit la vie parce qu’il l’admire ; il ne le justifie pas des calomnies (qu’on ne fait d’ailleurs pas cesser en y répondant) ; il dédaigne les accusations des partis, dont tout homme d’action est victime dans ce monde infâme, et qui, pour les fortes épaules, sont toujours faciles à porter. […] Ce chouan manqué, qui n’avait pu l’être comme il l’aurait été du temps de Charette, avait le génie de l’action et la lestesse d’exécution des chouans militaires, et il le prouva dans deux occasions, dans deux aventures de police rapportées par son biographe.

207. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Leur action est différente et on peut la hiérarchiser. […] Or, si l’état de la littérature, c’est-à-dire la force intellectuelle d’une époque, se juge par le nombre et la distinction des livres qui sortent de la plume de ses écrivains, la librairie, qui est l’instrument et le véhicule plus ou moins intelligent de la littérature, se juge d’abord par l’état de cette dernière ; mais elle se juge surtout par ce qui est bien davantage son action directe, positive, réfléchie, personnelle, et nous n’entendons plus ici les livres nouveaux qu’elle édite, mais les livres anciens qu’elle réimprime. […] Mille motifs autres que son propre jugement peuvent influer sur lui quand il s’agit d’un livre nouveau qu’il publie : ainsi la nouveauté, les coteries, l’entourage, l’action plus ou moins éloquente de l’auteur, que sais-je encore ? […] La pensée contemporaine, qui n’est point une reine pour qu’on la flatte, se soucie médiocrement des livres didactiques où la réflexion a remplacé l’action, et dans lesquels l’originalité de la forme heurte ce besoin d’égalité qui est aussi bien dans nos mœurs intellectuelles que dans nos autres mœurs. […] Il valait le coup de burin de la médaille ou du moins le mordant de l’eau-forte, cet esprit à la Machiavel qui nous donna le Traité du Prince en action dans La Chartreuse, a dit Balzac, et la création de cette figure borgienne de Julien Sorel, le séminariste-officier de Rouge et Noir, aussi fort d’hypocrisie que le frère Timothée de La Mandragore.

208. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

La plus âpre et la plus pratique de toutes, celle des puritains, qui, négligeant la spéculation, se rabat sur l’action, enferme la vie humaine dans une discipline rigide, impose à l’âme humaine l’effort continu, prescrit à la société humaine l’austérité monacale, interdit le plaisir, commande l’action, exige le sacrifice, et forme le moraliste, le travailleur et le citoyen. […] Un pareil climat prescrit l’action, interdit l’oisiveté, développe l’énergie, enseigne la patience. […] Leurs idées n’éclatent pas d’abord en passions, en gestes, en actions. […] La colère, le sang ne leur montent pas aux yeux d’abord comme chez les nations méridionales ; un long intervalle sépare toujours l’idée de l’action, et les raisonnements sages, le calcul répété viennent remplir cet intervalle. […] Je n’ai pas besoin de dire qu’ici la pente des esprits est toute contraire, et l’on voit assez pourquoi, parmi ces politiques militants, ces industriels laborieux, ces hommes d’action énergiques, l’art ne peut fournir que des fruits exotiques ou déformés.

209. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Augier transforme la scène en tribune, ses caractères personnifient des partis, c’est une polémique en action. […] L’action et le dialogue courent, de l’exposition au dénouement, dans une seule et large coulée d’éloquence et de verve, où les répliques se croisent et se heurtent avec des chocs et des éclairs d’épées. […] Jean-Jacques Weiss La comédie des Effrontés appartient au second Augier, celui qui est de son temps plus que de sa race et sur qui les influences de l’air moral ambiant ont eu plus d’action et de pénétration que les instincts de son imagination et de son cœur.

210. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

. — Vers la pensée et vers l’action (1899). […] Les chefs-d’œuvre de la littérature classique, parce que simples de sentiment et d’action, doivent d’abord être offerts aux auditeurs. […] Voici qu’il édite maintenant chez Hachette un livre de poèmes au titre courageux : Vers la pensée et vers l’action.

211. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

La comedie ne veut point traiter des actions atroces, Thalie ne sçauroit faire les imprécations ni imposer les peines dûës aux grands crimes. […] Quelques reflexions que je vais faire sur les actions propres à la tragedie, empêcheront peut-être ceux qui voudront bien y faire attention, de se méprendre sur le choix des sujets qui lui conviennent. […] Ce n’est point par reflexion et en resistant à la tentation qu’un homme à qui il reste encore quelque vertu ne les commet pas, c’est parce qu’il n’est pas en lui de mouvement qui le porte jamais à de pareils excès : il est en lui une horreur d’instinct, et si j’ose dire machinale, contre les actions dénaturées.

212. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Il y avait un lac qu’il fallait traverser pour arriver au lieu de la sépulture ; sur les bords de ce lac on arrêtait le mort : « Qui que tu sois, rends compte à la patrie de tes actions. […] Alors on célébrait l’homme juste ; à l’aspect de sa cendre, on rappelait les lieux, les moments et les jours oh il avait fait des actions vertueuses ; on le remerciait de ce qu’il avait servi la patrie et les hommes ; on proposait son exemple à ceux qui avaient encore à vivre et à mourir. […] Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.

213. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

. —  La conversation et les actions. —  Concordance des mœurs et du style. […] Les actions répondent aux paroles. […] Connaître mon action ! […] Par ses actions, combien semblable à un ange ! […] In action, how like an angel !

214. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

L’aperception prétendue transcendantale, avec la forme pure du cogita, est un extrait et un abstrait de l’aperception empirique, qui elle-même est la réaction, non plus appétitive et émotionnelle, mais intellectuelle, de l’être vivant par rapport aux objets dont il subit l’action favorable ou défavorable. II La réaction appétitive qui produit d’abord l’attention ou réaction volontaire, puis la réaction intellectuelle ou aperception, est-elle indéterminée de sa nature, ou, comme toute réaction, est-elle en rapport nécessaire avec l’action subie ? […] Y a-t-il dans tout cela l’action d’un pouvoir indépendant et supérieur à l’association ordinaire ? […] « Mais, objecte Wundt, on ne peut établir de rapport constant et mesurable entre l’action déterminante des motifs extérieurs et la réaction de l’aperception intérieure : la loi de la matière est la conservation de l’énergie ; la loi de l’esprit est une production illimitée d’énergie88. » Nous ne saurions entrer ici dans une discussion sur le déterminisme universel ; mais, prises à la lettre, les propositions de Wundt nous semblent insoutenables ; le déterminisme psychologique est sans doute beaucoup plus flexible, plus indéfini, plus incalculable que le déterminisme physiologique ; ce n’en est pas moins, à nos yeux, un déterminisme.

215. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Pourquoi le récit de ces actions nous saisissent-elles l’âme subitement, de la manière la plus forte et la moins réfléchie, et pourquoi laissons-nous apercevoir aux autres toute l’impression que nous en recevons ? […] Au récit d’une grande action notre âme s’embarrasse, notre cœur s’émeut, la voix nous manque, nos larmes coulent. […] Nous aimons mieux encore réciter une belle action que la lire seul. […] Au reste, le philosophe a raison de se moquer du sens moral des métaphysiciens anglais ; mais il n’explique pas pour cela la manière dont se fait sur nos organes l’impression d’une belle action.

216. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Ils ne pourroient plus faire la dixiéme partie des fautes qu’ils font, soit en manquant les tons, et par consequent l’action propre aux vers qu’ils recitent, soit en mettant du pathetique dans plusieurs endroits qui n’en sont pas susceptibles. […] Ainsi dans les choses qui doivent tomber sous notre sentiment, les effets de la nature causent toujours en nous les mêmes sensations agreables ou desagreables, soit que nous observions, soit que nous n’observions pas comment la chose arrive, soit que nous nous embarrassions de remonter jusqu’aux causes de ces effets, soit que nous nous contentions d’en joüir : soit enfin que nous aïons réduit en methode l’art de ménager, suivant des regles certaines, l’action des causes naturelles, soit que nous ne suivions que l’instinct dans l’application que nous faisons de ces causes. […] En premier lieu, comme les acteurs qui recitent des opera ne laissent pas d’être touchez eux-mêmes en recitant, comme l’assujetissement où ils sont de suivre la note et la mesure ne les empêche point de s’animer, et par consequent de déclamer avec une action aisée et naturelle, de même l’assujetissement à suivre une déclamation notée dans laquelle étoient les acteurs des anciens, n’empêchoit pas ces acteurs de se mettre à la place du personnage qu’ils representoient. […] Quintilien répond à ceux qui prétendoient que l’orateur qui ne suivoit que sa vivacité et son enthousiasme en déclamant, devoit être plus touchant qu’un orateur qui regloit son action et ses gestes prémeditez sur les préceptes de l’art ; que c’est blâmer tout genre d’étude que de penser ainsi ; et que la culture embellit toujours le naturel le plus heureux.

217. (1911) Nos directions

Leur désir d’action ne débordera-t-il pas leur œuvre ? […] Là, une sorte d’arrêt et de reprise interrompt la superbe coulée de l’action. […] Un acte d’action extérieure ne suffit pas à nos critiques ! […] Mais ce but dépassé n’était-ce pas une autre action ? […] Gygès et Nyssia motivent les répliques et l’action seconde est entre eux et Candaule, l’action seconde seulement.

218. (1895) Hommes et livres

Il s’agit bien d’action ou d’analyse ! […] Les réalités intimes de l’âme ne sauraient être pour lui ni un objet, ni un moyen d’action. […] Un caractère dans une action, ce n’est pas un tableau dans un cadre, c’est un homme dans sa peau. […] Il veut l’unité d’action, et une action concentrée dans le temps et dans l’espace par l’élimination de tous les incidents étrangers ou inutiles. […] Ils ignorent la substance et la force de l’être, le jeu incessant des actions et des réactions.

219. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il ne reste sur la scène que les étrangers norvégiens, qui y paraissent pour la première fois et qui n’ont pris aucune part à l’action. […] L’unité d’action et de lieu y est assez bien conservée. […] Bianca elle-même a sa physionomie tout à fait indépendante du petit rôle qu’elle joue dans l’action. […] Kent, au contraire, vieillard sage et ferme, a, dès le premier moment, tout su, tout prévu ; dès qu’il entre en action, sa marche est arrêtée, son but fixé. […] La tradition à laquelle Shakspeare a emprunté ce fait apocryphe attribue l’action du moine au besoin de se venger d’un mot offensant que lui avait dit le roi.

220. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« La tragédie est donc l’imitation d’une action ; et cette action étant l’œuvre de personnages qui agissent, ces personnages ont nécessairement un caractère et un esprit qui les font ce qu’ils sont ; conditions qui, d’ailleurs, servent à qualifier aussi les actes humains. […] « C’est la fable qui est l’imitation de l’action ; et par fable, j’entends le tissu des faits. […] Elle a de plus pour elle les jeux de scène, qui frappent les yeux, soit quand il s’agit d’une reconnaissance, soit dans tout le cours de l’action. […] Que si l’on prend plusieurs fables au lieu d’une, c’est-à-dire si l’on combine dans son œuvre plusieurs actions, il n’y a plus dès lors d’unité. […] On revient à Socrate, ce grand métaphysicien d’action ; on revient même à Platon, le saint Paul de Socrate.

221. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Ces affolements de plantes (sports) sont extrêmement rares à l’état sauvage, mais assez fréquents sous l’action de la culture ; et, en pareil cas, l’on voit que le traitement de la plante mère a pu affecter un bourgeon ou un rejeton, sans altérer les ovules ou le pollen. […] En cas de variation, il est très difficile d’estimer ce qui provient de l’action directe de la chaleur, de l’humidité, de la lumière, de la nourriture, etc., etc. […] Quand les individus sont en petit nombre, tous, quelles que soient leurs qualités, réussissent à se reproduire, ce qui empêche l’action sélective de se manifester. […] Je crois que les conditions de vie, par leur action sur le système reproducteur, sont des causes de variabilité de la plus haute importance. […] On peut attribuer quelque part à l’action directe des conditions de vie et quelque chose à l’usage ou au défaut d’exercice des organes : le résultat final devient ainsi très complexe.

222. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

(1) Tous les travaux humains sont, ou de spéculation, ou d’action. […] En résumé, science, d’où prévoyance ; prévoyance, d’où action : telle est la formule très simple qui exprime, d’une manière exacte, la relation générale de la science et de l’art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale. […] Chacun sait, en effet, que toute action chimique est soumise d’abord à l’influence de la pesanteur, de la chaleur, de l’électricité, etc., et présente, en outre, quelque chose de propre qui modifie l’action des agents précédents. […] Dans tous les phénomènes sociaux, on observe d’abord l’influence des lois physiologiques de l’individu, et, en outre, quelque chose de particulier qui en modifie les effets, et qui tient à l’action des individus les uns sur les autres, singulièrement compliquée, dans l’espèce humaine, par l’action de chaque génération sur celle qui la suit. […] Car il serait impossible de traiter l’étude collective de l’espèce comme une pure déduction de l’étude de l’individu, puisque les conditions sociales, qui modifient l’action des lois physiologiques, sont précisément alors la considération la plus essentielle.

223. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Mais, en effet, la satire ou la moralité ne sont qu’un assaisonnement, et l’auteur ne prêche ou ne raille que pour introduire la mention des objets familiers ou des actions quotidiennes de la vie populaire. […] Si bien que toutes ces énumérations chères aux écrivains du xiiie siècle, où défilent sur le même plan, en monotone et interminable procession, toutes sortes d’objets, nous représentent comme un effort pour évoquer une partie de la vie réelle sans le mélange d’une fiction romanesque, sans le lien d’une action inventée. […] Il faudrait signaler encore comme une émanation de l’esprit clérical, et comme un des moyens d’action par où les clercs modifièrent l’esprit de la société laïque, les sermons prononcés dès le ixe et le xe  siècle en langue vulgaire, et dont nous aurons occasion de parler ailleurs. […] Au fil de cette action ainsi distribuée par personnages se rattachent aisément tous les préceptes de l’amour courtois, tantôt traduits en faits, tantôt promulgués dogmatiquement par un des acteurs, surtout par Amour qui, comme suzerain, dicte ses lois à l’amant. […] L’action allégorique que Guillaume de Lorris avait entrepris de déduire, devient, entre les mains de Jean de Meung, une sorte de roman à tiroirs, roman philosophique, mythologique, scientifique, universitaire, ou, pour parler plus justement, roman encyclopédique : car cette seconde partie du Roman de la Rose est en effet une encyclopédie, une somme, comme on disait alors, des connaissances et des idées de l’auteur sur l’univers, la vie, la religion et la morale.

224. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

L’action lui étant interdite, il se rejeta sur la pensée et sur l’art. […] La Bruyère n’est pas un esprit profond ; il n’a pas un point de vue original et personnel d’où il regarde les actions humaines, En un mot, il n’a pas de système. […] Il a recueilli avec une sagacité minutieuse et patiente tout ce qui, dans l’homme qu’on voit, trahit et découvre l’homme qu’on ne voit pas, port de tête, regard, démarche, accent, geste, mot, tics et plis, habitudes physiques, actions mécaniques ou familières. […] L’action physique qui accompagne les paroles de Lise en fait vigoureusement ressortir le ridicule : Lise se moque ainsi « pendant qu’elle se regarde au miroir, qu’elle met du rouge sur son visage et qu’elle place des mouches ». […] Voilà par où vivent les personnages de La Bruyère : on les voit si nettement, ils sont si particuliers dans leur air et leur action, qu’on a peine à croire que l’artiste les ait composés, et non pas copiés.

225. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

D’abord une action dramatique, dans la vie réelle, n’est jamais isolée, est mêlée à toutes sortes d’actions accessoires, indépendantes, indifférentes : une histoire s’entrelace avec d’autres histoires, se déroule au milieu du train-train de la vie journalière. […] Il lui faut une action, une « histoire ». Et comme presque tout l’intérêt au théâtre se concentre sur l’action, le public réclame impérieusement que l’action y soit « une » ; il supporte plus impatiemment qu’ailleurs le malaise, l’incertitude de l’attention dispersée. […] Il n’aime pas que le poète refuse de se prononcer sur la valeur morale de ses personnages ; il est heureux de les entendre qualifier explicitement au courant de l’action. […] Autant de conventions qu’on voudra dans l’action ; le moins de conventions possible dans les personnages.

226. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

L’action, le développement, le jeu des situations et des caractères, tout le reste était à trouver. […] On ne peut s’intéresser, faute de la comprendre, à cette figure équivoque dont les actions démentent les paroles. […] En fin de compte, son action n’a rien d’héroïque. […] Je n’ai vu le plan de la ville du Havre, où l’action se passe, gravé, pour la circonstance, dans aucun journal. […] Les personnages y montrent déjà leurs caractères en action.

227. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Sous ce titre impropre d’Œuvres, il existe six volumes des plus intéressants et des plus authentiques, qu’il serait plus juste d’intituler Mémoires de Louis XIV ; ils se composent, en effet, de véritables mémoires de son règne et de ses principales actions, qu’il avait entrepris d’écrire pour l’instruction de son fils. […] En commençant à vingt-trois ans à vouloir régner entièrement par lui-même, Louis XIV met au nombre de ses occupations essentielles et de ses devoirs, de noter par écrit ses actions principales, de s’en rendre compte, et d’en faire le sujet d’un enseignement à son fils qui, plus tard, pourra s’y former à l’art de régner. L’idée de gloire, qui est inséparable de Louis XIV, s’y mêle, et, comme l’avenir aura un jour à s’occuper de ses actions, comme la passion et le génie des divers écrivains devront s’y exercer, il veut que son fils trouve là de quoi redresser l’histoire si elle vient à se méprendre. […] De dire quand il faut s’en défier ou s’y abandonner, personne ne le peut ; ni livres, ni règles, ni expérience ne l’enseignent ; une certaine justesse et une certaine hardiesse d’esprit les font toujours trouver, sans comparaison plus libres en celui qui ne doit de compte de ses actions à personne. […] [1re éd.] ce caractère incisif du conquérant, ce rythme court et pressé sous lequel on sent palpiter le génie de l’action, diffère complètement du style plus tranquille, plus plein et, en quelque sorte, héréditaire de Louis XIV.

228. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Ajoutez à ce premier caractère que ce théâtre est à la fois religieux et national : ce sont des légendes sacrées et toutes grecques, mais touchantes et effroyables, que le génie d’un Eschyle ou d’un Sophocle développait dans une action simple, relevée et animée par le mélange des chœurs et de la musique. […] Il met en action les vérités les plus générales du cœur humain exprimées par les plus grands cœurs et par les âmes les plus passionnées. […] Le principal objet de ce drame étant la lutte morale, cette lutte est d’autant plus intéressante qu’elle est plus concentrée ; de là l’unité d’action. […] Nisard a finement fait remarquer que les deux autres unités naissent naturellement de celle-là, et qu’une action, pour être concentrée, a besoin d’aller vite et d’avoir lieu dans un étroit espace. […] Que Louis XIV et sa cour aient pu avoir quelque action heureuse sur le goût, je ne me refuse pas à l’admettre.

229. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Elle a trois de ses femmes autour d’elle ; l’une vue par le dos la soutient sous les bras et joint en même temps ses regards et sa prière aux cris douloureux de sa maîtresse ; la seconde, plus sur le fond et vue de face, a la même action. […] L’action et la tête de cet homme livide et brûlé de la fièvre, qui s’élance par la fenêtre, ou, puisque vous le voulez, par la porte de l’hôpital, sont on ne peut pas mieux. […] La tête de la mère qui implore pour son fils, bien coëffée, cheveux bien ajustés, est désagréable de physionomie, sa couleur n’a point assez de consistance, il n’y a point d’os sous cette peau, elle manque d’action, de mouvement, d’expression, elle a trop peu de douleur, en dépit de la larme que vous lui faites verser. […] Sa tête et son action font frémir, mais sa tête est belle, c’est une douleur terrible, mais qui n’a rien de hideux. […] Autre défaut, c’est que la fabrique est d’architecture grecque ou romaine, et que l’action se passe sous le règne de l’architecture gothique, licence inutile.

/ 2380