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45. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Il a donné à la science toute sa vie, et, vous le verrez tout à l’heure, la science a très bien agréé ses hommages. […] C’est un érudit des plus français, qui n’a pas perdu, comme tant d’autres, en cultivant la science, sa qualité de Français. […] il enlève la science, cette puissante personne, — à la Rubens, — moins la couleur, il l’enlève dans les bras très fins de sa littérature, et lui ouvre ainsi dans le monde un chemin que, sans cette enlevante littérature, la science peut-être ne ferait pas. […] Flourens, et tous les deux, autant l’un que l’autre, ont introduit et créé le joli dans la science, sans la dégrader. […] Il a mis la plus belle rose de son jardin des Plantes au corsage un peu épais de la Science, et il en ferait bien d’autres !

46. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

En un mot c’est un Cours de philosophie positive, et non de sciences positives, que je me propose de faire. […] En un mot, ce n’est évidemment que par l’examen philosophique des sciences qu’il est possible d’y parvenir. […] Ce n’est qu’ainsi que l’enseignement des sciences peut devenir, parmi nous, la base d’une nouvelle éducation générale vraiment rationnelle. […] Un tel inconvénient doit se présenter surtout pour les doctrines les plus essentielles de chaque science positive en particulier. […] Cette découverte fondamentale, qui a changé la face de la science mathématique, et dans laquelle on doit voir le véritable germe de tous les grands progrès ultérieurs, qu’est-elle autre chose que le résultat d’un rapprochement établi entre deux sciences conçues jusqu’alors d’une manière isolée ?

47. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

La sagesse est la faculté qui domine toutes les doctrines relatives aux sciences et aux arts dont se compose l’humanité. […] La sagesse commença chez les Gentils par la muse, définie par Homère dans un passage très remarquable de l’Odyssée, la science du bien et du mal  ; cette science fut ensuite appelée divination, et c’est sur la défense de cette divination, de cette science du bien et du mal refusée à l’homme par la nature, que Dieu fonda la religion des Hébreux, d’où est sortie la nôtre. […] Les Latins tirèrent de là l’usage d’appeler professeurs de sagesse ceux qui professaient l’astrologie judiciaire. — Ensuite la sagesse fut attribuée aux hommes célèbres pour avoir donné des avis utiles au genre humain ; tels furent les sept sages de la Grèce. — Plus tard la sagesse passa dans l’opinion aux hommes qui ordonnent et gouvernent sagement les états, dans l’intérêt des nations. — Plus tard encore le mot sagesse vint à signifier la science naturelle des choses divines, c’est-à-dire la métaphysique, qui cherchant à connaître l’intelligence de l’homme par la contemplation de Dieu, doit tenir Dieu pour le régulateur de tout bien, puisqu’elle le reconnaît pour la source de toute vérité41. — Enfin la sagesse parmi les Hébreux et ensuite parmi les Chrétiens a désigné la science des vérités éternelles révélées par Dieu ; science qui, considérée chez les Toscans comme science du vrai bien et du vrai mal, reçut peut-être pour cette cause son premier nom, science de la divinité. […] Exposition et division de la sagesse poétique Puisque la métaphysique est la science sublime qui répartit aux sciences subalternes les sujets dont elles doivent traiter, puisque la sagesse des anciens ne fut autre que celle des poètes théologiens, puisque les origines de toutes choses sont naturellement grossières, nous devons chercher le commencement de la sagesse poétique dans une métaphysique informe. […] Ainsi la Science nouvelle pourra devenir une histoire des idées, coutumes et actions du genre humain.

48. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

La science vitale ne peut employer d’autres méthodes ni avoir d’autres bases que celles de la science minérale, et il n’y a aucune différence à établir entre les principes des sciences physiologiques et ceux des sciences physico-chimiques. […] En voulant créer deux ordres de sciences, les unes pour les corps bruts, les autres pour les corps vivants, cette doctrine aboutit purement et simplement à nier la science elle-même. Bichat, nous le savons déjà, pose en principe que les lois des sciences physiques sont absolument opposées aux lois des sciences vitales. […] Il n’y a donc pas deux ordres de sciences. […] Aussi conclurons-nous sans hésiter que la dualité établie par l’école vitaliste dans les sciences des corps bruts et des corps vivants est absolument contraire à la science elle-même.

49. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Iis ne savent que dire du passé et ils présument tout de l’avenir : voilà leur science et leur sagesse ! […] … Elles gisent, inconnues, dans l’avenir qui les fera et dans une science qui n’est pas faite encore. […] La science, si vaine qu’elle soit et dont un jour peut-être il sentira le creux, est pour lui présentement ce que la religion est pour nous, et l’avenir ce qu’est pour nous le passé. […] Il marche intrépidement sur ce nuage, avec la confiance d’un homme qui compte sur le miracle d’une science absolue. […] Selon lui, la science aura toutes les puissances qu’on peut avoir… quand elle sera faite ; mais au lieu d’être morte elle n’a pas vécu, parce qu une science qui se cherche n’est pas une science.

50. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

N’est-ce pas le progrès même des sciences positives qui paraît devoir aboutir à ce résultat ? […] Nous le croyons alors même que la science ou la philosophie essaye de nous démontrer le contraire. […] Telle est la nécessité logique des méthodes et des idées que la science moderne, avec ses incessants et admirables progrès, ne conclut pas sur ces points de haute philosophie autrement que la science ancienne, si imparfaite et si incomplète. […] C’est toujours parce que ces sciences oublient les enseignements du sens intime. […] Seulement, il ne faut point oublier que les sciences de l’esprit ont leurs conditions et leurs méthodes propres, de même que les sciences de la nature.

51. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

La science s’y applique, mais sans succès ; ce domaine, quoi qu’elle fasse, est en dehors de ses méthodes et au-dessus de sa portée. […] Les limites du monde fini, pour l’un et pour l’autre, sont les limites de la science. […] C’est le travail et la méthode scientifiques ; les sciences humaines en sont les résultats. […] Guizot, en déclarant la science impuissante en dehors des choses finies, proclame par là même l’impuissance de la philosophie ou de la métaphysique, car la métaphysique est précisément la science qui croit pouvoir résoudre les problèmes du monde invisible. […] Il semble fâcheux qu’une doctrine qui doit résoudre tous les problèmes commence par s’appuyer sur des faits contestés, et qu’après avoir d’abord déclaré que la science est ici absolument impuissante, on fasse maintenant reposer tout l’édifice sur ce qu’il y a de plus controversé dans la science.

52. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Il lui refuse le titre de science, c’est-à-dire toute valeur démonstrative. […] Pour l’un comme pour l’autre, il n’y a de science que du monde fini. […] L’infini n’étant pas objet de science, selon M.  […] Guizot, lorsqu’il affirme qu’il n’y a pas de science de l’infini. […] Or, entre la science (au sens strict) et la foi, il n’y a que l’opinion.

53. (1911) La valeur de la science « Introduction »

La morale et la science ont leurs domaines propres qui se touchent mais ne se pénètrent pas. […] Il ne peut pas y avoir de science immorale, pas plus qu’il ne peut y avoir de morale scientifique. Mais si l’on a peur de la science, c’est surtout parce qu’elle ne peut nous donner le bonheur. […] Aussi l’homme ne peut être heureux par la science, mais aujourd’hui il peut bien moins encore être heureux sans elle. […] Les lecteurs de mon petit livre sur la Science et l’Hypothèse savent déjà ce que j’en pense.

54. (1890) L’avenir de la science « XII »

XII À mes yeux, le seul moyen de faire l’apologie des sciences philologiques et, en général, de l’érudition est donc de les grouper en un ensemble, auquel on donnerait le nom de sciences de l’humanité, par opposition aux sciences de la nature. […] Cuvier disséquant des limaçons aurait provoqué le sourire des esprits légers, qui ne comprennent pas les procédés de la science. […] De même dans la science, les plus importantes découvertes sont souvent abordées d’une manière détournée, oblique, si j’ose le dire. […] Tout ce qui est du passé est sérieux : un jour, Béranger sera objet de science et relèvera de l’Académie des Inscriptions. […] De même qu’aucun homme n’est inutile dans l’humanité, de même aucun travailleur n’est inutile dans le champ de la science.

55. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

C’est une science. […] Il y a donc une science des sciences : c’est cette science qu’on appelle logique, et qui est l’objet du livre de Stuart Mill. […] Ils ont continué la science nominale du moyen âge. […] Et l’astronomie, qui tout à l’heure nous offrait le modèle de la science achevée, nous offre maintenant l’exemple de la science limitée. […] À tout le moins, cette théorie de la science est celle de la science anglaise.

56. (1903) La pensée et le mouvant

La science a ses raisons de le faire ; mais la métaphysique, qui a précédé la science, opérait déjà de cette manière et n’avait pas les mêmes raisons. […] Ceux-ci étaient dupes, en effet, de la mauvaise métaphysique qu’on avait prétendu tirer de la science et qui, revenant à la science par ricochet, faussait la science sur bien des points. […] S’agit-il de science ? […] La vérité est que la philosophie n’est pas une synthèse des sciences particulières, et que si elle se place souvent sur le terrain de la science, si elle embrasse parfois dans une vision plus simple les objets dont la science s’occupe, ce n’est pas en intensifiant la science, ce n’est pas en portant les résultats de la science à un plus haut degré de généralité. […] Elle mettrait plus de science dans la métaphysique et plus de métaphysique dans la science.

57. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Ils devaient interroger d’abord la science qui cherche ses preuves, non pas dans le monde extérieur, mais dans l’âme de celui qui la médite, je veux dire, la métaphysique. […] Cette science fut appelée muse, expression qu’Homère nous définit par la science du bien et du mal, qui n’est autre que la divination 44. […] Toute nation païenne eut une sibylle qui possédait cette science ; on en a compté jusqu’à douze. […] Corollaires relatifs aux principaux aspects de la science nouvelle 1. […] De même que la métaphysique poétique s’est divisée en plusieurs sciences subalternes, poétiques comme leur mère, cette histoire des idées nous donnera l’origine informe des sciences pratiques cultivées par les nations, et des sciences spéculatives étudiées de nos jours par les savants.

58. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Examinons cette méthode tour à tour dans les sciences de construction et dans les sciences d’expérience. […] Dans les sciences de construction, tout théorème énonçant une loi est une proposition analytique. […] — Or tel est justement le contraste que présentent les sciences de construction comparées aux sciences d’expérience. […] Tout le secret des services que les sciences de construction rendent aux sciences d’expérience est là ; c’est ainsi que les premières ont leur application dans les secondes. […] C’est dans une science de construction qu’elle a son origine, et c’est dans une science expérimentale qu’elle trouve son emploi.

59. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Accumulation et progrès des découvertes dans les sciences de la nature. — Elles servent de point de départ aux nouveaux philosophes. […] Considérez les chefs de l’opinion publique, les promoteurs de la philosophie nouvelle : à divers degrés, ils sont tous versés dans les sciences physiques et naturelles. […] Changement du point de vue dans la science de l’homme. — Elle se détache de la théologie et se soude comme un prolongement aux sciences de la nature. […] Les sciences morales se détachent de la théologie et se soudent comme un prolongement aux sciences physiques. […] C’est ainsi qu’il faut procéder dans toutes les sciences, et notamment dans les sciences morales et politiques.

60. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Sciences exactes et naturelles Les sciences dites exactes sont à peu près nulles en France au moyen âge, c’est-à-dire jusqu’au onzième siècle. […] Il n’y avait un peu de science mathématique que dans les traités destinés à déterminer le jour de Pâques, et à donner une forme plus constante au Calendrier. […] Ce furent les premiers essais de la science française. […] La date et l’origine de l’astrologie et de la magie, l’introduction et les progrès en France de l’alchimie et des sciences occultes qui se développèrent principalement au xive  siècle, sont des points intéressants encore à déterminer, indépendamment même de ce qu’il y a de vain dans ces sortes de sciences. […] On avait déclaré perdue la correspondance de Peiresc, qui intéresse autant l’histoire de la littérature que celle des sciences ; elle a été recouvrée depuis.

61. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est ce côté aussi que j’aimerais chez lui à mettre en lumière, en m’appuyant et m’en rapportant, pour ce qui est de la science, ce qu’a dit M.  […] Lanoue eut la franchise de conseiller au jeune homme de garder ses tragédies en portefeuille, et Bailly, qui s’appliquait déjà aux mathématiques, tourna bientôt décidément du côté des sciences. […] Il contribua bientôt pour sa part à l’avancement de la science par ses propres recherches sur les satellites de Jupiter. […] Membre de l’Académie des sciences depuis 1763, il aspirait à en devenir le secrétaire. […] Bailly vient de publier sur l’ancienne astronomie, dans lequel il discute à fond tout ce qui est relatif à l’origine et au progrès de cette science : on verra que ses idées s’accordent avec les miennes ; d’ailleurs il a traité ce sujet important avec une sagacité de génie et une profondeur d’érudition qui méritent des éloges de tous ceux qui s’intéressent au progrès des sciences.

62. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Ici, comme dans les sciences physiques, les causes véritables des phénomènes restent cachées à l’observateur. […] Et c’est la conscience qui a raison contre la science, parce qu’elle est seule compétente dans ces sortes de problèmes. […] « Reconnaissons dès à présent que toute la suite des procédés physiques et logiques d’observation ou de généralisation, quelque utile qu’elle soit au perfectionnement des sciences naturelles, ne fait pas avancer d’un seul pas dans la recherche ou la véritable science des causes. […] Maine de Biran, Jouffroy et bien d’autres philosophes de l’école spiritualiste, après Platon, Aristote, Leibniz, ont su féconder par l’analyse ces révélations spontanées, et en faire sortir une science véritable de l’homme, science intime et profonde, bien autrement compétente, bien autrement décisive sur certains phénomènes moraux que la science expérimentale de l’école dont on vient de parler. […] Toutes deux concourent également à l’œuvre de la science de l’homme, et chacune d’elles y a son rôle à part, de manière à ne pouvoir se passer l’une de l’autre.

63. (1890) L’avenir de la science « XVI »

C’est folie que d’y chercher spécialement de la science ; notre science vaut incontestablement bien mieux que celle qu’on peut y trouver. […] Sans doute, si ce pénible dépouillement était son but à lui-même, la science ne serait qu’un labeur ingrat et avilissant. Mais tout est noble en vue de la grande science définitive, où la poésie, la religion, la science, la morale retrouveront leur harmonie dans la réflexion complète. […] Certes, voilà une science grossière s’il en fut jamais. […] La belle science, la science complète et sentie, sera pour l’avenir, si la civilisation n’est pas une fois encore arrêtée dans sa marche par la superstition aveugle et l’invasion de la barbarie, sous une forme ou sous une autre.

64. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La science des langues c’est l’histoire des langues ; la science des littératures et des religions, c’est l’histoire des littératures et des religions. La science de l’esprit humain, c’est l’histoire de l’esprit humain. […] Cela est si vrai qu’en se plaçant à ce point de vue on ne doit plus faire la science de l’âme, car il y en a de diverses espèces, mais la science des âmes. […] On comprendra alors que la science de l’âme individuelle, c’est l’histoire de l’âme individuelle, et que la science de l’esprit humain, c’est l’histoire de l’esprit humain. […] Il ne reste donc qu’à y voir la condition de la science de l’esprit humain, la science des produits de l’esprit humain.

65. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

On dit aussi « sciences ancillaires », « sciences satellites » ; mais aucune de ces expressions n’est vraiment satisfaisante. Et d’abord, toutes les soi-disant « sciences auxiliaires » ne sont pas des sciences. […] L’histoire serait ainsi une application des sciences descriptives de l’humanité (psychologie descriptive, sociologie ou science sociale) ; mais toutes sont encore des sciences mal constituées et leur infirmité retarde la constitution d’une science de l’histoire. […] L’histoire est, non pas, comme on l’a dit, une science d’observation, mais une science de raisonnement. […] Voilà pourquoi toutes les sciences de l’homme (linguistique, droit, science des religions, économie politique, etc.) ont pris en ce siècle la forme de sciences historiques.

66. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

C’est une science. […] Il y a donc une science des sciences : c’est cette science qu’on appelle logique, et qui est l’objet du livre de Stuart Mill. […] Ils ont continué la science nominale du moyen âge. […] Quand la méthode convenable n’est pas employée, la science s’arrête ; quand la méthode convenable est pratiquée, la science marche. […] A tout le moins, cette théorie de la science est celle de la science anglaise.

67. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Passons au second sens du mot science. […] La science, dit A.  […] On pourrait y répondre, en parodiant un autre mot célèbre, que si un peu de science nous unit, beaucoup de science nous divise. […] Ce savant finit par parler de la science en sceptique et se console des incertitudes de l’esprit humain en matière de science par un acte de foi en l’avenir de la fraternité. […] Elle semble tourner indéfiniment dans le même cercle Notre science a multiplié, il est vrai, les découvertes techniques et pratiques ; mais toutes ces conquêtes de la science nous laissent aussi ignorants des destinées de notre espèce et de la valeur même de noire science.

68. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ainsi accaparé, il a supprimé la philosophie philosophique, laissant entières les objections anciennes, répétant les démonstrations anciennes, effaçant les questions de science, réduisant la science à une machine oratoire d’éducation et de gouvernement. […] Elle est restée dans un coin, amie de la littérature, divorcée des sciences, au lieu d’être comme les philosophies précédentes, la science gouvernante et rénovatrice. […] Chacun sait que cette science est le plus grand effort et la plus grande œuvre du siècle. […] Ces idées populaires sont une foi et non une conviction, un legs de la tradition, et non une conquête de la science. À titre de science, le spiritualisme n’est pas.

69. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Ce que nous entendions par la vérité, en effet, c’était bien la science. […] C’est la science rationnelle qui a rectifié les aperceptions erronées de l’humanité. La science est donc l’unique maîtresse de la vérité. […] En ce monde, la science est encore ce qu’il y a de plus sérieux. […] La science est un ensemble dont toutes les parties se contrôlent.

70. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Ici nous entrons dans un ordre un peu différent de celui de la science pure : nous avons un pied dans l’hypothèse. […] Il a cru devoir remarquer que le livre de Fontenelle « n’est plus au niveau de la science et de la philosophie » ; ce qui est très vrai, au moins pour la science. […] Sommes-nous bien sûrs nous-mêmes de ne pas sacrifier à d’autres goûts qui ne sont pas ceux de la pure science ? […] Pezzani sait, de science certaine, tout cela. […] Trouessart, ancien élève de l’École normale, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers.

71. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

La science n’est donc pas une construction humaine. […] La science moderne, comme la science antique, procède selon la méthode cinématographique. […] Quel est l’objet essentiel de la science ? […] La science des anciens est statique. […] Au regard de la science il n’y aura rien de changé.

72. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

La sociologie n’est donc l’annexe d’aucune autre science ; elle est elle-même une science distincte et autonome, et le sentiment de ce qu’a de spécial la réalité sociale est même tellement nécessaire au sociologue que, seule, une culture spécialement sociologique peut le préparer à l’intelligence des faits sociaux. […] Sans doute, quand une science est en train de naître, on est bien obligé, pour la faire, de se référer aux seuls modèles qui existent, c’est-à-dire aux sciences déjà formées. […] Cependant, une science ne peut se regarder comme définitivement constituée que quand elle est parvenue à se faire une personnalité indépendante. Car elle n’a de raison d’être que si elle a pour matière un ordre de faits que n’étudient pas les autres sciences. […] Nous croyons, au contraire, que le moment est venu pour la sociologie de renoncer aux succès mondains, pour ainsi parler, et de prendre le caractère ésotérique qui convient à toute science.

73. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

À mon sens, c’est un grand avantage pour la science quand elle peut débuter par là. Je me résume donc en répétant qu’Aristote a eu la gloire de fonder la science du mouvement. […] Mais ce serait se tromper que de croire que la science morale ne s’étend pas encore au-delà. […] Mais la science ne se fait pas illusion. […] Que de progrès n’a-t-elle point à faire, pour que la science reconnaisse en elle sa fille légitime !

74. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

nous voulons mettre l’Académie des Sciences dans la rue en attendant que nous la mettions dans l’Église, et vive la science ! […] C’est un escamotage au profit des sciences physiques, les seules au fond qu’admette M.  […] La science, pour être de la science, doit se borner à constater des faits, ce qui est encore un escamotage de la science, mais le plus maladroit de tous, celui-là, car la science a toujours été tenue de faire plus, même dans M.  […] … Tels sont les prédécesseurs dans la science et les maîtres de M.  […] Ôtez à ce penseur pillard et frêlon celle qu’il a faite des sciences et dont j’ai parié plus haut, au commencement de ce chapitre, mathématique, astronomie, physique, chimie, biologie, science sociale et morale, qu’il classe en sciences abstraites et concrètes, et il n’a plus que les idées d’autrui, qui ne se cachent pas.

75. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Nous n’avons donc pas à tenir compte du mouvement absolu dans la construction de la science : nous ne savons qu’exceptionnellement où il se produit, et, même alors, la science n’en aurait que faire, car il n’est pas mesurable et la science a pour fonction de mesurer. […] Tandis que Morus parlait en métaphysicien, Descartes marquait avec une précision définitive le point de vue de la science. […] La science, telle qu’on l’entend depuis Galilée, souhaitait sans doute que le mouvement fût relatif. […] D’abord, la science ne heurte le sens commun que dans la mesure du strict nécessaire. […] Le physicien qui construit la Science sera attaché à ce trièdre.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

L’astronome Lalande venait de mourir : l’Académie des sciences élut Arago pour le remplacer, le 18 septembre 1809, à la majorité de quarante-sept voix sur cinquante-deux. […] Ce dédommagement est refusé au géomètre, à l’astronome, au physicien, qui cultivent les sommités de la science : leurs appréciateurs compétents, dans toute l’étendue de l’Europe, ne s’élèvent jamais au nombre de huit à dix. […] Fontenelle, qu’on cite toujours comme le premier maître dans le genre de l’éloge appliqué aux savants, n’eut pas à triompher de cette difficulté ; il se contentait d’indiquer d’un mot les points et les sujets de science, il ne les traitait pas. […] Depuis que l’ordre des sciences naturelles est séparé de celui des sciences mathématiques, Cuvier a donné, bien qu’un peu brièvement, d’excellents exemples ; M.  […] Quand il touche à des coins de littérature, il ne retrouve pas cette propriété de langage qu’il a dans les exposés de science.

77. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Pour nous, nous avons transporté le champ de la science de l’homme. […] Parmi les sciences secondaires qui doivent servir à constituer la science de l’humanité, aucune n’a autant d’importance que la théorie philosophique et comparée des langues. […] Prenez un ouvrage de science moderne, l’Astronomie physique de M.  […] La science populaire et, à beaucoup d’égards, la science ancienne ne voyaient le monde qu’à travers l’homme et le teignaient de couleurs tout humaines. […] Les résultats de la haute science sont longtemps, je le sais, à entrer en circulation.

78. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Mais, si la science est la chose sérieuse, si les destinées de l’humanité et la perfection de l’individu y sont attachées, si elle est une religion, elle a, comme les choses religieuses, une valeur de tous les jours et de tous les instants. […] Or, s’il en était ainsi, si la science ne constituait qu’un intérêt de second ordre, l’homme qui a voué sa vie au parfait, qui veut pouvoir dire à ses derniers instants : « J’ai accompli ma fin », devrait-il y consacrer une heure, quand il saurait que des devoirs plus élevés le réclament ? Que les révolutions et les craintes de l’avenir soient une tentation pour la science qui ne comprend pas son objet et ne s’est jamais interrogée sur sa valeur et sa signification véritable, cela se conçoit. […] J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique. […] En écoutant vos leçons sur la plus belle des langues et des littératures du monde primitif, j’ai rencontré la réalisation de ce qu’auparavant je n’avais fait que rêver : la science devenant la philosophie et les plus hauts résultats sortant de la plus scrupuleuse analyse des détails.

79. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

La Religion, la Science, double besoin immortel ! […] Mais en quoi consistait l’appropriation du moyen à la science nouvelle ? […] Ô Science ! […] Préface de l’Essai sur la Philosophie des Sciences. […] Annales des Sciences naturelles, t. 

80. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mais aujourd’hui il ne s’agit de rien sacrifier, car une science véritable est née, elle est désormais organisée avec ses méthodes évidentes et sûres, la science de Galilée, de Pascal, de Descartes, de Newton, celle de Harvey, de Franklin, de Lavoisier, de Cuvier. […] Or, dans ces matières, pour ne point se payer de mots, il faut savoir les éléments de la science, de plus d’une science, et nous voilà bon gré mal gré embarqués. […] Arago soutenait une thèse, celle des sciences contre les langues anciennes savantes : tant qu’il parlait science il avait raison, et il ne devenait choquant que lorsqu’il attaquait à outrance ce qu’il eût suffi de circonscrire et de limiter. […] Dumas et Le Verrier, Brongniart et Bérard dans l’ordre des sciences. […] du latin pour apprendre à lancer des boulets, ou pour appliquer dans les arts les sciences chimiques et mécaniques !

81. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il entre dans les voies de la science, il établit de bons groupes d’après l’observation des vrais caractères. […] Ce fut là le dernier degré de splendeur de l’aimable science. […] M. de Blainville, dans l’Histoire des sciences de l’organisation, qu’il a donnée de concert avec M. l’abbé Maupied, a exposé et discuté les faits et les principes légués à la science par Buffon. […] [NdA] Au tome IVme de l’Histoire des sciences naturelles tirée des leçons de Cuvier par M.  […] Par ses propres observations il a aussi fait faire des progrès à la science de l’homme et des animaux.

82. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Avant Buffon, on n’étudiait que l’individu, on négligeait l’espèce ; il apprit à mieux étudier l’un, et il créa la science de l’autre. […] Dans la description de l’homme physique, sa science est exacte et son pinceau reste chaste. […] On ne les attendait pas ; ils viennent tout à coup rappeler l’intelligence au but moral de toute science, qui est de savoir pour mieux valoir. […] Cette science du penseur me donne confiance en celle du naturaliste. […] La science a fait ses réserves sur quelques-uns de ces prodigieux changements.

83. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Mais il est intéressant d’étudier de plus près quelle est dans l’histoire de la Science la part qui revient à l’une et à l’autre. […] Votre Science est impeccable, mais elle ne peut le rester qu’en s’enfermant dans une tour d’ivoire et en s’interdisant tout rapport avec le monde extérieur. […] Cela nous montre que la logique ne suffît pas ; que la Science de la démonstration n’est pas la Science tout entière et que l’intuition doit conserver son rôle comme complément, j’allais dire comme contrepoids ou comme contrepoison de la logique. […] Mais aujourd’hui, c’est avant tout du rôle de l’intuition dans la Science elle-même que je voudrais parler. […] Ce n’est pas ainsi qu’ils auraient pu étendre les frontières de la Science ; on ne peut faire de conquête scientifique que par la généralisation.

84. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Ainsi, l’esthétique est la science sacrée. […] La science sociale n’est pas une chose vide et stérile. […] Zola a étudié les sciences physiologiques. […] Car l’esthétique contient les sciences les plus variées. […] Il est donc indispensable de s’instruire des sciences morales.

85. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Est-ce de la science ou de la poésie ? […] Edgar Quinet doit être le même homme dans la science que dans la poésie. Poésie trouble ; science trouble. […] La science la plus positive, dit-il encore, ne peut se passer d’une certaine foi. […] — et peut-être — (ce peut-être d’une science prudente est divin !)

86. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Il a mieux qu’une science de trois ans d’École, faite en idées générales et en topos-passe-partout. […] Mais la science de M.  […] France, après l’influence de l’humanisme, reçut celle de la science moderne. Ce serait, s’il n’y avait pas l’exemple de Renan, une extraordinaire originalité que le goût de la science, et même la foi à la science, de cet esprit catholique. […] Il est vain d’objecter que tout grand cerveau catholique admet, comprend et justifie la science.

87. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. […] De la science militaire & de celle des fortifications. […] Mazeas & à M. l’Abbé de la Caille des Elémens de ces deux sciences qui sont très-estimés. […] Machines & inventions approuvées par l’Académie Royale des Sciences, à Paris 1735., six vol. […] L’Architecture de Sebastien le Clerc, à Paris, in-4°. 1714., est un modèle de bon goût dans cette science.

88. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La formule de Thalès en fit découvrir d’autres, et peu à peu la science mathématique se forma. […] En un mot, pourquoi tant de certitude dans d’autres sciences, et tant d’incertitude en métaphysique ? […] Une telle recherche West pas la science, mais elle en est la condition. […] Encore une fois cette science est la critique de la raison pure. […] Sans les axiomes, la science est impossible, mais ils ne font pas la science ; sans eux, il n’est pas permis d’établir un principe, de déduire une conséquence, mais ils ne sont ni ces principes, ni ces conséquences.

89. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Pour bien comprendre la question, il ne faut pas oublier qu’il y a deux sortes de sciences : les sciences d’observation et les sciences d’expérimentation. […] C’est là, suivant lui, le critérium qui distingue la physique des sciences naturelles. […] Il faut tenir compte de ces difficultés et les bien connaître pour ne pas se laisser tromper par de fausses apparences ; mais au fond il n’y a qu’une seule méthode pour les sciences naturelles comme pour les sciences physiques, et les premières ne feront de vrais progrès que lorsqu’elles seront largement et décidément entrées dans cette voie. Au reste, en assimilant la science des corps vivants à celle des corps bruts, il ne faut pas croire que M.  […] Ce que la science physiologique étudie, c’est, d’après M. 

90. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Il s’agit seulement ici de considérer l’application possible et les résultats vraisemblables de la philosophie, comme science. […] Si l’on suivait la même route dans les sciences morales, cette conquête aurait encore des effets bien plus utiles. […] Il pourrait de même avoir son application relativement à la multitude de faits dont se composent les sciences politiques. […] C’est une science à créer que la politique. […] Les éléments de la science ne sont point fixés.

91. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

En fait de méthode, d’ailleurs, on ne peut jamais faire que du provisoire ; car les méthodes changent à mesure que la science avance. […] Les deux sciences sont donc aussi nettement distinctes que deux sciences peuvent l’être, quelques rapports qu’il puisse, par ailleurs, y avoir entre elles. […] Mais on ne peut savoir si la société est ou non la cause d’un fait ou si ce fait a des effets sociaux que quand la science est déjà avancée. […] Chassé de toutes les autres sciences, ce déplorable préjugé se maintient opiniâtrement en sociologie. Il n’y a donc rien de plus urgent que de chercher à en affranchir définitivement notre science ; et c’est le but principal de nos efforts.

92. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Pour y arriver, voyons quel est le but de la science. […] La philosophie étant reconnue pour une science, quels sont les rapports avec les autres sciences ? […] Elle a son rôle marqué dans la science. […] La science théorique précède nécessairement la science pratique. […] Examinons quelle est la méthode de ces sciences.

93. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Faut-il employer la méthode déductive, celle qui va du général au particulier et qui est usitée surtout dans les sciences mathématiques ? Faut-il préférer la méthode inductive, celle qui va du particulier au général et qui trouve son emploi ordinaire dans les sciences physiques et naturelles ? […] C’est même, si l’on veut, l’idéal pour une science de pouvoir se tirer tout entière de deux ou trois principes féconds, comme le sont les axiomes qui servent de base à la géométrie. On peut dire que toutes les sciences tendent et s’acheminent vers cet état de perfection. […] Elles me paraissent devoir, jusqu’à nouvel ordre, fixer les cadres d’un ouvrage historique qui veut avoir la marche sûre et prudente de la science.

94. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Nous nous étions laissé dire que Gérard de Nerval étudiait avec amour les sciences occultes et reprenait, pour savoir ce qu’elles contiennent encore, ces vieilles méthodes du Moyen Âge que Bacon et Descartes ont écrasées sous leur mépris de novateurs. Eh bien, le croira-t-on en le voyant passer si loin et si près d’un travail qui eût également passionné l’imagination et la science ? […] On tente une science déjà tentée par des esprits pleins d’audace. On reprend, en la fortifiant des découvertes des sciences naturelles, la thèse spiritualiste et religieuse du Moyen Âge, qui, en face de la science de Dieu, dressait, avec sa logique catholique, la science du diable, quand la philosophie moderne a nié l’une et l’autre du même coup. […] Mais du moins il faut l’être avec une telle désinvolture, avec une telle verve, avec un tel style, que, l’œuvre d’art dominant tout, le livre ne soit plus qu’une forme, une arabesque de la pensée, une volupté littéraire, et non une prétention à la science et à l’aperçu.

95. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Ma religion, c’est toujours le progrès de la raison, c’est-à-dire de la science. […] Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes depuis que je les embrassai avec tant d’amour, il y a quarante ans. […] Quand aux sciences politiques et sociales, on peut dire que le progrès y est faible. […] Cela, dira-t-on, ne vaut pas le paradis que la science nos enlève. […] Mieux vaut un peu de bonne science que beaucoup de mauvaise science.

96. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

La vieille foi est impossible : reste donc la foi par la science, la foi critique. […] Cela est vrai à la lettre de la science. […] Or la pensée désormais ne pourra sérieusement s’exercer que sous la forme de science rationnelle. […] Or, la raison éclairée et spécialement compétente, qu’est-ce autre chose que la science ? […] L’idée de l’unité allemande est venue par la science et la littérature.

97. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Comment Pascal quitte de bonne heure la philosophie et les sciences pour la morale, et est conduit par la morale à la religion. — § III. […] Comment Pascal quitte de bonne heure la philosophie et les sciences pour la morale, et est conduit par la morale a la religion. […] La philosophie de Descartes est tout à l’usage de son esprit ; sa science est presque tout au service de sa santé. […] Essayez, au contraire, de dénombrer la multitude de ceux que cette philosophie et cette science laissent en dehors ! […] Après avoir pénétré, par l’intelligence toute seule, dans le secret des sciences physiques et de la science des nombres, il entreprend l’étude de la morale avec cette même intelligence aidée de sa sensibilité.

98. (1870) La science et la conscience « Avant-propos »

Avant-propos Toutes les sciences morales subissent en ce moment une crise dont le signe caractéristique peut se résumer dans cette formule : antinomie des théories de la science et des principes de la conscience. […] Si la liberté ressort des enseignements de la conscience, le déterminisme qui la supprime est la conclusion de toutes les explications de la science. […] Tant que la contradiction subsistera sur ce point vital, les sciences morales ne seront point assurées d’avoir trouvé leur base. La science et la conscience, affirmant le oui et le non sur les attributs essentiels à la nature humaine, deviennent ainsi suspectes, l’une aux savants, l’autre aux moralistes. […] En montrant que les écoles qui se contredisent et s’excluent réciproquement ont chacune leur part légitime dans l’œuvre commune des sciences morales, que la contradiction entre leurs diverses conclusions ne commence que du moment où elles dépassent la mesure de leur compétence propre, affirmant ou niant ce qu’elles n’ont pas pour objet de constater.

99. (1915) La philosophie française « II »

La philosophie française a toujours été étroitement liée à la science positive. […] Il est de l’essence de la philosophie française, au contraire, de s’appuyer sur la science. […] Claude Bernard, qui nous a donné la philosophie de la méthode expérimentale, fut un des créateurs de la science physiologique. […] En un mot, l’union étroite de la philosophie et de la science est un fait si constant, en France qu’il pourrait suffire à caractériser et à définir la philosophie française. […] Pratiquée par des hommes qui furent des psychologues, des biologistes, des physiciens, des mathématiciens, elle s’est continuellement maintenue en contact avec la science aussi bien qu’avec la vie.

100. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Dès lors, beaucoup d’esprits s’efforcent à y renoncer, et, comme le point de vue rationnel les y maintiendrait, ils s’en détournent, négligent la science ; ils considèrent comme seule valable et positive leur vague et héréditaire envie de bienfaisance, ou mieux d’ingérence ; et, pour légitimer cette aspiration, ils extorquent de la science des arguments contre la science, de la raison captieusement consultée des aveux contre la raison. […] Et alors… la science ? […] Pottecher a intuitivement formulé le romande la science insuffisante, du savant inassouvi par sa science, dans la légende spirite de son Franz, étudiant, et d’Anthousia, esprit-femme. […] La vraie science est plus tolérante et plus compréhensive que le croit M.  […] Alors, au contraire de M. de Wyzewa, on peut espérer que le salut viendra de la science.

101. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

« La théologie, la philosophie et la science constituent, dit M.  […] L’office de la science, c’est la systématisation de notre connaissance des phénomènes, considérés comme phénomènes. L’office de la philosophie, c’est la systématisation des conceptions fournies par la théologie et la science : elle est έπιστημή έπιστημών. » Elle est aux autres sciences ce que la géographie est à la topographie. […] La science cherche la vérité ; mais qu’est-ce que la vérité ? […] Mais s’il s’agit de reconnaître dans la psychologie une science indépendante, séparée de la biologie, et de lui assigner une place à part dans la hiérarchie des sciences abstraites, alors je suis avec M. 

102. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

C’est Spinoza agrandi par Aristote, et debout sur cette pyramide de sciences que l’expérience moderne construit depuis trois cents ans. […] Il aime la science pure, et ne s’occupe pas de la vie pratique ; il ne songe pas à réformer le genre humain. […] Hégel trouve une méthode de construction, et conçoit une nouvelle idée de l’univers ; il applique cette méthode aux mathématiques, aux sciences physiques, à toutes les parties de l’histoire naturelle, à la psychologie, à l’histoire, à toutes les sciences morales, à toutes les sciences humaines, et meurt en contruisant. […] Je n’apporte ni une vue nouvelle sur la nature des êtres, ni une vue nouvelle sur la méthode des sciences ; j’apporte une exhortation à la vertu. Ma philosophie n’est pas une ouvrière de science, c’est un instrument de morale.

103. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Introduction »

Introduction L’école du « document humain » Vers le milieu du siècle, il souffla comme un grand désir de vérité, car la science — dont l’objet est le vrai — étant restée jusque là spéculative, devenait d’utilité palpable, industrielle et efficace. […] La formule se résuma d’un mot : le document humain ; l’exact équivalent du Fait, du Phénomène, matériaux élémentaires de toute science concrète. […] Elle demeure initiatrice du mouvement réaliste : « De tout petits faits bien choisis, importants, significatifs, amplement circonstanciés et minutieusement notés, voilà aujourd’hui la matière de toute science ». […] Puisque, dirons-nous donc, la technique de toute une école littéraire s’est réclamée des « libertés et des franchises » de la science, et en particulier des droits du médecin, il n’est pas déplacé à la science médicale d’apprécier la mesure dans laquelle cette école a tenu ses promesses, compris ses devoirs professionnels, conduit ses investigations cliniques, justifié, enfin, les droits arrogés. […] Quels que soient les matériaux exploités (science, médecine}, l’art renferme suffisamment d’éléments irréductibles, pour échapper à une analyse actuellement complète.

104. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). […] Je me suis dit, en ouvrant ce procès-verbal de la science universelle : Enfin je vais tout savoir. […] Les premiers maîtres de toutes les sciences les achevèrent à l’université de Berlin. […] La science est une patrie. […] Mais il prit auprès du roi de Prusse la place de favori savant, presque ministre des sciences naturelles.

105. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Investi de la double aptitude de la science et de l’art d’écrire, le plus savant de tous les arts, Buffon est, au moins, toujours l’ordre, s’il n’est pas toujours la vérité ! […] Il avait, lui, quelque chose de trop tempéré, de trop harmonieux, pour se mutiler ainsi le cœur, pour être un si cruel ascète de la science ! […] Flourens a voulu nous peindre, consacrant à l’homme un talent très vif de biographe et au savant une science qui a l’accroissement de presque un siècle de plus. […] Là, on trouve une critique de Buffon pleine de verve, de mouvement, de sagacité et de science, — une critique faite par un amour qui a déchiré son bandeau, mais qui n’en est pas moins de l’amour encore. […] Flourens, est d’avoir fondé la partie descriptive et historique des sciences naturelles.

106. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il ne fait intervenir dans la science aucune influence étrangère. […] Les philosophes lui en voulurent : ils ne lui pardonnèrent pas de ne vouloir être que savant dans une œuvre de science. […] Il rendit deux grands services à la science et à la littérature : à la science, le service de la dégager des aventures irréligieuses, immorales, où les philosophes la compromettaient ; à la littérature, le service de lui donner l’histoire naturelle comme une nouvelle province. […] La science était à la mode déjà : mais Buffon fit aimer une science sérieuse, de première main et d’incontestable valeur ; nous sommes loin avec lui de la physique amusante et des expériences d’amateur, qui, depuis Fontenelle, faisaient partie des divertissements de la vie mondaine. […] Puis il s’occupe (le physique et d’agriculture, et ses travaux lui ouvrent l’Académie des sciences.

107. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Il est gourmet en matière de science, et ne raisonne que pour lui seul. […] La même analyse crée les sciences morales, et par le même moyen. […] Dans les sciences morales comme dans les sciences physiques, le progrès consiste dans l’emploi de l’analyse, et tout l’effort de l’analyse est de multiplier les faits que désigne un nom. […] Les savants disent que la science de M.  […] Vous avez d’abord ramené la science à son objet ; maintenant vous agrandissez son domaine.

108. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M.  […] Le samedi 25 juin, l’Académie des sciences morales et politiques a tenu sa séance annuelle ; M.  […] Il ne faut pas même supposer que le mouvement de la science puisse de beaucoup survivre à l’ardeur de la pensée. […] Est-ce la pensée appliquée aux sciences, à l’histoire, aux langues, à l’érudition ? […] Jouffroy organisateur d’une science psychologique réelle.

109. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Les voyages de curiosité et de science l’occupèrent beaucoup. […] Nous n’aurions qu’à invoquer les services si éminents et si patriotiques rendus par la science pendant la Révolution, et que M.  […] Biot s’opposait à ce qu’on pût acquérir une connaissance plus exacte et plus entière de ces grands hommes de la science. […] certes, quand il écrivait son Essai sur l’Histoire des Sciences pendant la Révolution, M. Biot n’aurait point eu de ces froideurs ni de ces pour et contre si prolongés et si balancés, dans le duel entre la science et la théologie.

110. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Avant que de pénétrer dans les profondeurs d’une science, il faudroit en connoître l’histoire. […] Mais pour s’épargner la peine de les rassembler, il faut acheter son Cours de toutes les Sciences en un vol. […] Les plus étendus & les plus considérables sont sans contredit ceux de l’Académie Royale des Sciences de Paris, publiés sans interruption depuis l’an 1699. […] Mr. l’Abbé de la Caille a donné des Leçons élémentaires de cette science 1761. […] Cette science devient immense & le seul recueil des Mémoires des Académies de l’Europe, épuiseroit la fortune d’un homme aisé.

111. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

La science est l’étude de la nature, et la nature est immorale. […] Dans la solitude pensive de son exil, il s’était peu à peu tourné vers la science, et c’est à la science que l’idée lui était venue de demander le même secret. […] Pourquoi la géologie considérée comme initiation aux sciences sociales ? […] Cette morale, est-ce donc la science qui pourra nous l’apprendre, est-ce la science qui pourra la fonder ? […] Est-ce de cette science qu’un jour on tirera la morale ?

112. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Donc il détruit les principes de la science, qui sont des vérités absolues.  […] Voilà les conséquences qu’entraîne la philosophie du fini ; il faut ramener l’infini dans l’univers et dans la science. […] Je ne sais si depuis Fontenelle la science avait eu tant de souplesse et tant d’esprit. […] La philosophie fut alors la maîtresse des sciences ; elle indiqua une nouvelle route, et on la suivit. […] Au lieu d’axiomes, en tête des sciences, ils mettent des faits.

113. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

. — Nécessité des idées et de la science pour renouveler les sentiments mêmes. […] Les lois qui dominent les rapports des représentations forment une sorte de science de la perspective intérieure. […] Disons plus, l’amour de la science et le sentiment philosophique peuvent, en s’introduisant dans l’art, le transformer sans cesse, car nous ne voyons jamais du même œil et nous ne sentons jamais du même cœur lorsque notre intelligence est plus ouverte, notre science agrandie, et que nous voyons plus d’univers dans le moindre être individuel. […] La science embryonnaire ne voyait de merveilles que dans les choses placées bien haut hors de notre portée ; la science actuelle, tout au contraire, trouve le merveilleux à chaque pas, en toute chose. […] Ces faits, dans la science, expriment des lois purement objectives ; dans l’histoire, des lois psychologiques et humaines.

114. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Pour un homme aussi grave, aussi planté droit, comme un piquet, dans la science, que M.  […] Renan a commencé par nier le Dieu des chrétiens, il finit par nier le Dieu des déistes, et, à sa place, il met la science. Et non pas la science philosophique, — parce que la science philosophique raisonne et que la vraie science ne raisonne pas, — mais la science qui compte les grains de poussière, la science qui suppute, la science atomistique, hypothétique, amphigourique, hiératique même, — les savants, pour M.  […] D’ailleurs, la science fera des hommes au niveau de cet état de choses… Elle en fabriquera de sa façon. […] Renan, cet anachorète de la science, posait, pour la députation, sa candidature.

115. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Ce dernier avait dit : « Je me propose d’établir que la science des phénomènes de la vie ne peut avoir d’autres bases que la science des phénomènes des corps bruts, et qu’il n’y a, sous ce rapport, aucune différence entre les principes des sciences biologiques et ceux des sciences physico-chimiques… Dans l’expérimentation sur les corps bruts, il n’y a à tenir compte que d’un seul milieu, c’est le milieu cosmique extérieur ; tandis que, chez les êtres vivants élevés, il y a au moins deux milieux à considérer : le milieu extérieur ou extra-organique, et le milieu intérieur ou intra-organique. […] La méthode de cette littérature est calquée sur la méthode de cette science. Non seulement la littérature naturaliste est déterminée par la science, mais elle n’en est que le prolongement, elle s’identifie avec elle ; elle est de la science elle-même, si j’en crois cette phrase : « Nous continuons, je le répète, la besogne du physiologiste et du médecin, qui ont continué celle du physicien et du chimiste… Dès lors nous entrons dans la science. » Et cela, à mesure que l’idéal, qui « nous vient de nos premières ignorances », recule et décroît.‌ […] Il reprend par le bas cette immense investigation de la nature et de la vie qu’est au fond toute science, tout art, toute littérature. […] Il est indéniable qu’il ait été fécondé par la science, mais je crois qu’il faut distinguer plusieurs méthodes de fécondation.

116. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

La science positive, en effet, est oeuvre de pure intelligence. […] A un dogmatisme métaphysique, qui érigeait en absolu l’unité factice de la science, succédera maintenant un scepticisme ou un relativisme qui universalisera et étendra à tous les résultats de la science le caractère artificiel de certains d’entre eux. […] Pour avoir voulu prévenir tout conflit entre la science et la philosophie, on aura sacrifié la philosophie sans que la science y ait gagné grand’chose. […] Science, théorie de la connaissance et métaphysique vont se trouver portées sur le même terrain. […] Si la science doit étendre notre action sur les choses, et si nous ne pouvons agir qu’avec la matière inerte pour instrument, la science peut et doit continuer à traiter le vivant comme elle traitait l’inerte.

117. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

C’est s’abuser étrangement sur le pouvoir même de la science. […] Souder les sciences morales aux sciences physiques, conquérir à la science la critique et l’histoire, c’est en quoi a consisté l’effort de Taine. […] La science, affirmait-il, n’a pas de patrie. […] Mais la psychologie collective est-elle une science ? […] « Le catholicisme est la science du bien et du mal.

118. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

L’histoire générale des sciences & des arts demanderoit une société savante, capable de tout connoître & de tout apprécier. Pour un tel ouvrage, il faudroit réunir les plus illustres Membres de l’Académie des sciences & belles-lettres. […] Juvenel de Carlencas sur l’histoire des belles-lettres, des sciences & des arts, en 4. vol. […] L’Origine des loix, des arts & des sciences chez les anciens peuples, par M. […] Un autre ouvrage qui peut servir de guide à quiconque voudra connoître l’état présent des sciences & de la littérature, est la France littéraire.

119. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

La philosophie, de même que toutes les sciences, ne prouve sa vitalité que par le développement et le progrès. […] Caro (le Matérialisme et la Science), M. Magy (la Science et la Nature), ont commencé à jeter les bases d’une philosophie naturelle. […] Lévêque (la Science du beau) nous a donné un bel essai d’esthétique. […] Fouillée, dont l’Académie des sciences morales vient de couronner un mémoire sur la philosophie de Platon, aussi remarquable par la pensée que par la science.

120. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il reste dans les moindres toiles d’araignée, et se contente d’y bourdonner… Misérablement féru de ces sciences modernes, qui ne sont pas des sciences encore et qui s’agitent et se tracassent pour le devenir, il est, lui, déjà faible, énervé par elles, et son livre est littéralement empesté de leur odieuse terminologie. Il rêve, tout éveillé, au milieu de ces sciences… futures, si elles peuvent le devenir. […] Il piaffe dans les sciences naturelles, et il voudrait appliquer, haut la main, la paléontologie à l’histoire. […] Qu’importe à nous autres, et même à la science historique, de savoir, par exemple, si l’origine des Othomis est inconnue ? […] Le pédantisme des sciences modernes, voilà son caractère et celui de son livre, et c’est un caractère qu’il est bon de ne pas mépriser par le temps qui court.

121. (1904) Zangwill pp. 7-90

La nature ne fait rien que de viable dans les conditions générales ; mais la science pourra étendre les limites de la viabilité. […] C’est à la science à prendre l’œuvre au point où la nature l’a laissée. […] Il a fallu la profondeur, la philosophie, la science, l’universalité, la critique, le panthéisme de l’Allemagne et du dix-neuvième siècle pour produire un Goethe. […] La science se réfugiera de nouveau dans les cachettes. […] Il est probable que les moments les plus dangereux dans la vie d’une planète sont ceux où la science arrive à démasquer ses espérances.

122. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française11. […] Biot était en première ligne, mais dans le second rang des savants ; il venait immédiatement après les héros de la science. […] Les résultats de ce grand mouvement eussent été inutiles, si les sciences ne les eussent secondés par de nouveaux efforts. […] Au moment même où la science rendait les éminents services qu’il vient vivement de nous décrire, elle voyait la mort planer sur elle et frapper les plus nobles têtes : Lavoisier, Bailly, Condorcet. […]  » Et il en prend occasion d’exprimer à ce sujet ses propres idées et les conditions qu’il estime indispensables au progrès, à savoir : — alliance et union étroite des sciences et des lettres : « Sans les sciences la nation la plus lettrée deviendrait faible et bientôt esclave ; sans les lettres la nation la plus savante retomberait dans la barbarie ; » — enchaînement des sciences les unes aux autres : « Cette union fait leur force et leur véritable philosophie ; elle seule a été la cause de tous leurs progrès » ; — une certaine liberté et latitude laissée aux professeurs dans la pratique : « Il faut, disait-il, que les professeurs soient guidés et non pas asservis.

123. (1842) Discours sur l’esprit positif

On ne doit plus alors, concevoir, au fond, qu’une seule science, la science humaine, ou plus exactement sociale, dont notre, existence constitue à la fois le principe et le but, et dans laquelle vient naturellement se fondre l’étude rationnelle du monde extérieur, au double titre d’élément nécessaire et de préambule fondamental, également indispensable quant à la méthode et quant à la doctrine, comme je l’expliquerai ci-dessous. […] Mais cette aveugle disposition ne résulte que d’une manière fausse et étroite de concevoir la grande relation de la science, à l’art, faute d’avoir assez profondément apprécié l’une et l’autre. […] Mais une telle notion ne conduit nullement à concilier les deux modes opposés suivant lesquels la science et la théologie conçoivent nécessairement la direction effective des divers phénomènes. […] De là résultait la nécessité spéciale de l’intervention métaphysique, qui pouvait seule systématiser convenablement l’opposition spontanée de la science naissante à l’antique théologie. […] Il est clair, en effet, que chacune des quatre sciences intermédiaires se confond, pour ainsi dire, avec la précédente quant à ses plus simples phénomènes, et avec la suivante quant aux plus éminents.

124. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La science dispose-t-elle de moyens qui permettent de faire cette distinction ? La question est de la plus grande importance ; car de la solution qu’on en donne dépend l’idée qu’on se fait du rôle qui revient à la science, surtout à la science de l’homme. […] Entre la science et l’art il n’y a plus un abîme ; mais on passe de l’une à l’autre sans solution de continuité. La science, il est vrai, ne peut descendre dans les faits que par l’intermédiaire de l’art, mais l’art n’est que le prolongement de la science. […] On ne peut donc, en tout cas, dépasser la science qu’en s’appuyant sur elle.

125. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

En effet, son intérêt était grand de rester seule en possession de la science, puisque cette science faisait partie de son dogme de la révélation. […] Les sciences courageuses qui cherchaient la lumière au milieu des ténèbres, la vérité à travers les mensonges, la vie malgré les persécutions, les sciences furent déclarées sciences occultes, damnables et sataniques. […] La science est là-bas, la religion est ici. […] Mais la science est trop loin ; elle ne l’entend plus ! […] ce serait un grand progrès que d’avoir la science et de ne pas être un savant !

126. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

La science elle-même pourrait bien nous en montrer le chemin. […] La science ne tardera pas à nous fixer sur l’ensemble de ces points. […] Il s’agissait d’énergies physico-chimiques, et d’une science qui portait sur la matière. […] La science s’est attachée à la matière d’abord ; pendant trois siècles elle n’a pas eu d’autre objet ; aujourd’hui encore, quand on ne joint pas au mot un qualificatif, il est entendu qu’on parle de la science de la matière. […] C’est de ces perceptions anormales que s’occupe la « science psychique ».

127. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Les sciences de la nature surtout et les sciences historiques et philologiques sont non seulement les libératrices de l’esprit, mais encore les maîtresses de la vie. Pédagogie, politique, morale, tout sera régénéré par la science. […] Taisons-nous, obéissons, vivons dans la science. […] J’ai dit cela expressément dans ma préface en distinguant entre les sciences exactes et les sciences inexactes, c’est-à-dire les sciences qui se groupent autour des mathématiques et les sciences qui se groupent autour de l’histoire, toutes deux opérant sur des quantités, mais les premières sur des quantités mesurables, les secondes sur des quantités non mesurables. […] La science y devient inexorable.

128. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Renan, l’Avenir de la Science (Pensées de 1848) est un in-octavo de plus de cinq cents pages compactes, un répertoire et comme un « trésor » de toutes les idées que M.  […] Renan, et notamment dans l’Avenir de la Science. […] L’Avenir de la Science est sans doute un des premiers livres où une entreprise qui passait, il y a cent ans, pour irréligieuse, ait été tentée chez nous religieusement et ait ainsi repris son vrai caractère. […] C’est que l’ancien clerc de Saint-Sulpice n’avait point changé d’âme : il était devenu clerc de la science, voilà tout. […] L’Avenir de la Science est un livre de foi, si vous pensez que la foi peut être autre chose que la croyance aux formules dogmatiques de quelqu’une des religions établies.

129. (1881) Le roman expérimental

Voilà donc le progrès de la science. […] Ce caractère conquérant de la science, il l’admettait jusque dans le domaine des sciences de l’humanité. Le rôle actif des sciences expérimentales, disait-il, ne s’arrête pas aux sciences physicochimiques et physiologiques ; il s’étend jusqu’aux sciences historiques et morales. […] C’est la science qui fait reculer l’idéal devant elle, c’est la science qui prépare le vingtième siècle. […] La science pour lui est l’ennemie.

130. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Renan est un savant, point seulement un penseur méditant sur la science. Celle-ci, pratiquée patiemment, a apporté une unité à sa vie, et une unité non limitée, car dans la science rien ne se perd, et, dans l’effort heureux, on a conscience de continuer, de couronner les efforts du passé, de capitaliser en même temps pour l’avenir. La science a libéré l’esprit de Renan de sa discipline d’enfance ; elle lui a appris à douter pour la vérité. […] Il constate : Renan a posé son bonheur dans la science, comme dans la science toute assurance sociale. — Or la science a fait faillite, comme dit l’autre. […] Renan fera de la science.

131. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Cette différence peut bien impliquer que l’emploi du raisonnement expérimental en sociologie offre plus de difficultés encore que dans les autres sciences ; mais on ne voit pas pourquoi il y serait radicalement impossible. […] Pour le savant, elle ne fait pas question ; elle est supposée par la méthode de la science. […] Que de fois il est arrivé à la science de réduire à l’unité des causes dont la diversité, au premier abord, paraissait irréductible ! […] Sans doute, il n’est pas de science qui ait jamais pu instituer d’expériences où le caractère rigoureusement unique d’une concordance ou d’une différence fût établi d’une manière irréfutable. […] Cependant, quoique l’élimination absolue de tout élément adventice soit une limite idéale qui ne peut être réellement atteinte, en fait, les sciences physico-chimiques et même les sciences biologiques s’en rapprochent assez pour que, dans un grand nombre de cas, la démonstration puisse être regardée comme pratiquement suffisante.

132. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

N’est-ce pas assez pour rendre fragile et illusoire cette science que vous prétendez construire ?  […] Il est certain que toute science humaine, même quand elle suit une méthode sûre, a ses limites et ses impuissances. […] Mais qui donc osera conclure de là que la botanique et la zoologie ne sont pas des sciences ? […] Corriger une erreur, c’est toujours en appeler de l’homme mal informé à l’homme mieux informé ; c’est toujours, en somme, faire un acte de foi dans la possibilité de la science. […] Mais nous n’avons à dessein considéré jusqu’ici dans l’histoire littéraire que des choses qui peuvent être matière à science, des phénomènes et la liaison entre ces phénomènes.

133. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Avertissement de l’auteur »

Alexandre de Humboldt, de Blainville, et Poinsot, membres de l’Académie des sciences, qui voulurent bien suivre avec un intérêt soutenu l’exposition de mes idées. […] Fourier, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, MM. de Blainville, Poinsot, Navier, membres de la même Académie, MM. les professeurs Broussais, Esquirol, Binet, etc., auxquels je dois ici témoigner publiquement ma reconnaissance pour la manière dont ils ont accueilli cette nouvelle tentative philosophique. […] Mais je n’ai pas dû choisir cette dernière dénomination, non plus que celle de philosophie des sciences, qui serait peut-être encore plus précise, parce que l’une et l’autre ne s’entendent pas encore de tous les ordres de phénomènes, tandis que la philosophie positive, dans laquelle je comprends l’étude des phénomènes sociaux aussi bien que de tous les autres, désigne une manière uniforme de raisonner applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer. En outre, l’expression philosophie naturelle est usitée, en Angleterre, pour désigner l’ensemble des diverses sciences d’observation considérées jusque dans leurs spécialités les plus détaillées ; au lieu que, par philosophie positive, comparé à sciences positives, j’entends seulement l’étude propre des généralités des différentes sciences, conçues comme soumises à une méthode unique, et comme formant les différentes parties d’un plan général de recherches.

134. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il croit à une science absolue que l’on peut construire à l’aide d’une méthode absolue. Déification de la science et de l’homme, tout simplement ! […] C’est enfin d’admettre l’optimisme absolu d’une science absolue, car, une fois admise, cette terrible notion d’absolu se répercute en mille échos et fait craquer la création tout entière. […] C’est encore la Science qui est cette religion comme elle est tout, puisqu’elle est absolue ; « c’est la lumière de la pensée pure, — comme dit M.  […] D’ailleurs, puisqu’il a l’orgueilleuse faiblesse de croire à la science absolue, ce M. 

135. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Physiologiquement, ce n’est pas de la science non plus, de la science pour de la science, comme en fit Goethe à son déclin, peut-être (il ne nous l’a pas dit) par désespoir de sentir fléchir son génie. La science a les mains plus froides, quand elle remue des faits. […] c’est la science qui la première se plaindra des familiarités de Michelet. La science ne pardonne jamais à la grâce. […] la science ne permettra jamais qu’un écrivain qui n’a qu’une plume (c’est elle qui parle et non pas moi !)

136. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Il regrette — en juillet 1862 — « que la science du moraliste » encore mal organisée, soit à l’état pour ainsi dire anecdotique ; la critique reste donc un art qui demande chez celui qui l’exercice de dons innés. […] Tous ces travaux marquent une tendance croissante à considérer l’étude des œuvres littéraires comme un département des sciences morales. […] C’est dire que l’esthopsychologie est une science qui permet de remonter de certaines manifestations particulières des intelligences à ces intelligences mêmes et au groupe d’intelligences qu’elles représentent. […] C’est entre ces trois sciences, l’esthétique, la psychologie et la sociologie, qu’il convient de fixer provisoirement le ressort propre de la critique scientifique. L’objet des pages suivantes sera d’explorer en détail ce domaine, des départements où l’investigation a été poussée fort avant à ceux ou elle n’a pas encore commencé ; puis de définir les relations actives et passives de la nouvelle science avec ses ainées.

137. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Les tentatives modernes de changer la méthode de cette science, en la raccordant aux découvertes récenles et surtout à la tendance démocratique de ce temps, ont abouti à une interprétation singulière des événements sociaux. […] Taine au rang d’un moyen d’enquête sociale et employée ainsi, avec une incontestable hauteur de talent et de science, à l’étude de tout le développement de l’Angleterre, elle nous paraît atteindre, par une série de vues nouvelles, à l’un des points culminants de toute la série des sciences de la vie, qui ne forment en définitive par leur but et leur union qu’une immense anthropologie. […] — L’esthopsychologie est donc une science ; elle a un objet, une méthode, des résultats, des problèmes. […] Elle occupe, dans la science, la région située entre l’esthétique, la psychologie, la sociologie et la morale. […] Cette thèse a des accents rousseauistes : le progrès des sciences et des arts accompagne la décadence politique et morale.

138. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Quoi qu’il en soit, il est intéressant pour la philosophie de rechercher ce que la science a pu découvrir jusqu’ici dans cette voie si nouvelle, si obscure, si délicate. […] Ce livre est certainement d’une science profonde ; mais il est trop passionné. […] La science ne doit pas être sans doute la servante de la théologie ; mais elle n’en doit pas être l’ennemie : son rôle est de ne pas s’en occuper. […] Claude Bernard ne s’est point occupé particulièrement de la question qui nous intéresse : pour dire la vérité, il ne la croit pas mûre pour la science. […] Quoi qu’il en soit, allons au fait, et cherchons à résumer, je ne dirai pas notre science, mais notre ignorance sur le siège et les conditions organiques de l’intelligence humaine.

139. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ce mot veut dire amour ou zèle de la science ; mais quelle science ? la science des sciences, la science suprême, la science première et la science dernière, la science surnaturelle, c’est-à-dire la science des choses qui sont au-dessus de la portée des sens. Cela était nécessaire à vous dire pour ne pas vous laisser confondre cette philosophie surnaturelle, ou cette science des choses invisibles et impalpables, avec toutes ces autres sciences naturelles qui se sont appelées aussi improprement du nom de philosophie, mais qui n’ont pour objet que les choses sensibles et matérielles, telles que la physique, la chimie, l’astronomie, les mathématiques. […] Cette science-là, en effet, englobe et domine toutes les autres, parce qu’elle est la science de l’âme elle-même, la science de l’infini, la science de Dieu, la science de nos rapports avec l’Être des êtres, la science de notre origine, la science de notre vie morale, la science de notre fin ! Pouvait-on appeler d’un autre nom que sagesse cette science qui enseigne à l’homme où il est, ce qu’il est, où il va, et comment il doit penser, agir, adorer, vivre, mourir et revivre ?

140. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

On peut l’affirmer en toute certitude, un grand peuple est plus que jamais aujourd’hui incapable de se passer de la science, qui est une condition de vie dans la sélection nationale ; d’autre part la science ne peut se passer de la théorie pure, et enfin, partout où il y aura de la science pour la science, aucune considération morale ou historique ne peut faire prévoir que l’art pour l’art ne puisse apparaître. […] La poésie est elle-même une sorte de science spontanée. […] La science même ne peut se passer du génie. […] Cette science a été l’objet, depuis quelques années, d’un certain nombre de travaux. […] Non seulement la science remplace ainsi l’instinct, mais une science supérieure peut aussi se substituer très facilement à une science inférieure : tel problème, qu’un algébriste résoudra en un instant, exigerait plus de tension intellectuelle pour être résolu par l’arithmétique ; aussi préférera-t-on l’algèbre.

141. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

il faut avouer que sur ce point, comme sur tant d’autres, l’Église avait vu plus juste et plus loin que les sciences écloses hors de son sein. […] Mère à qui la tendresse avait appris la vraie science, l’Église savait mieux que l’Économie politique de nos jours le mystère de la douleur humaine et ses profondes complexités. […] Doué d’un de ces esprits chez lesquels le principe sensible domine le principe pensant, Jobez a tué avec les conclusions insuffisantes de sa science la meilleure partie de son esprit et de son livre. […] L’existence en dehors de Dieu (comme la veut la science moderne) s’explique par la liberté, mais la liberté ne s’explique que par la douleur. […] Deviendrait-elle impuissante quand il faudra féconder le travail de la terre par l’application de la science unie à une direction intelligente ?

142. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Marselli, comme l’ouvrage plus considérable de M. de Rougemont, sont, pour ainsi dire, les vestibules de la science du progrès. […] On sait enfin avec quelle puissance de généralisation, quelle abondance de preuves empruntées aux sciences les plus diverses, M.  […] L’Allemagne n’en est-elle pas à la période de la science, qui vient toujours après celle de l’action ? […] elles ne savent plus tenir l’épée, — comme si de nos jours la guerre n’était pas principalement affaire de science et d’argent ! […] En histoire naturelle, la classification est, en effet, le point d’arrivée de la science, ou plutôt elle est la science même, ramassée comme en un tableau.

143. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

L’avenir d’une science dépend de la manière dont elle a d’abord découpé son objet. […] Comme notre science élargit de plus en plus le champ de notre prévision, nous concevons à la limite une science intégrale pour laquelle il n’y aurait plus d’imprévisibilité. […] Il faut d’abord supposer abolie toute notre science. […] Ou a vu aussi dans la magie un prélude à la science. […] Car la magie est l’inverse de la science.

144. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Cependant, s’il existe une science des sociétés, il faut bien s’attendre à ce qu’elle ne consiste pas dans une simple paraphrase des préjugés traditionnels, mais nous fasse voir les choses autrement qu’elles n’apparaissent au vulgaire ; car l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues. À moins donc qu’on ne prête au sens commun, en sociologie, une autorité qu’il n’a plus depuis longtemps dans les autres sciences ― et on ne voit pas d’où elle pourrait lui venir ― il faut que le savant prenne résolument son parti de ne pas se laisser intimider par les résultats auxquels aboutissent ses recherches, si elles ont été méthodiquement conduites. Si chercher le paradoxe est d’un sophiste, le fuir, quand il est imposé par les faits, est d’un esprit sans courage ou sans foi dans la science. […] S’ils sont intelligibles tout entiers, ils suffisent à la science comme à la pratique : à la science, car il n’y a pas alors de motif pour chercher en dehors d’eux les raisons qu’ils ont d’être ; à la pratique, car leur valeur utile est une de ces raisons.

145. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

La science les constate et ne les explique pas. […] Des jugements inexplicables, une induction inexplicable, une certitude subie, à cela se réduit la science. […] Mais je serai conséquent, j’irai jusqu’au bout de ma tâche ; ce que je fais en philosophie, je le ferai dans toutes les sciences. […] Si la philosophie ne doit pas être philosophique, mais morale, la science ne doit pas être scientifique, mais morale. […] Dogme très-beau et très bon, et qui, à ce titre, a le droit de régler la science des fœtus, comme la science des roches, et comme la science du corps humain. » À ces réclamations que diront les savants ?

146. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

Avis du traducteur Les Principes de la Philosophie de l’Histoire dont nous donnons une traduction abrégée, ont pour titre original : Cinq Livres sur les principes d’une Science nouvelle, relative à la nature commune des nations, par Jean-Baptiste Vico, ouvrage dédié à S.  […] Si l’on voulait la suivre, on pourrait accuser dans la Science nouvelle, non pas l’aridité, mais bien un luxe de végétation. […] Il a fallu encore écarter quelques paradoxes bizarres, quelques étymologies forcées, qui ont jusqu’ici décrédité les vérités innombrables que contient la Science nouvelle. […] Nous avons abrégé ce morceau, en élaguant toutes les idées qu’on devait retrouver dans la Science nouvelle, mais nous y avons ajouté de nouveaux détails, tirés des opuscules et des lettres de Vico, ou conservés par la tradition. […] Si cette première traduction française de la Science nouvelle, résolvait d’une manière satisfaisante les nombreuses difficultés que présente l’original, elle le devrait en grande partie au zèle infatigable de son amitié.

147. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Vous aviez cru qu’il fallait la docte destination du Bénédictin pour qu’un prêtre, par exemple, avec les saintes occupations de son ministère, pût devenir, par la science, un Mabillon ou un Pitra ? […] M. l’abbé Gorini n’a pas non plus cet amour en cercle de serpent qui se mord la queue, qu’on appelle l’amour de l’art pour l’art ou de la science pour la science. Sa science à lui, c’est l’Église. S’il n’y avait pas d’Église, peut-être que pour lui il n’y aurait pas de science du tout. […] Sa charité pour le moins égalait sa science.

148. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Malgré ses allures de dilettante, il a couvert sa curiosité d’une intention de philosophie et de science. […] Je ne lui en ferai pas un reproche ; mais cette méthode est juste le contraire de la science. […] C’est un puissant effort pour faire de la psychologie une science, dans toute la rigueur du mot. […] Quel est le romancier qui refuserait d’être un grand romancier, en s’abstenant de faire de la science ? […] Appliquant à la science des facultés de métaphysicien et de logicien, il a enfermé l’univers, extérieur et intérieur, dans des formules abstraites.

149. (1909) De la poésie scientifique

Mais, avec sa science prosodique si avertie, M.  […] Et c’est ici que nous avons demandé l’intervention, l’aide nécessaire et épanouissante de la Science. […] — Donc, son plus de science (d’où, son plus de conscience) crée son plus de valeur intellectuelle et morale. […] René Ghil ont convaincu la jeune Ecole de : la nécessité d’enrichi y de science l’inspiration littéraire ». […] Son but a été de produire dans une expression poétique adéquate les plus récents résultats obtenus par la science, et, en particulier, par la science biologique.

150. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

. — La physiologie devient aujourd’hui une science autonome qui se sépare de l’anatomie. — Elle est une science expérimentale […] Il introduisait l’expérimentation dans les recherches physiologiques ; il attendait d’elle seule, pour la science qu’il cultivait, les bénéfices que les sciences physiques et chimiques ont elles-mêmes retirés de cette méthode. […] Définitions dans les sciences ; Pascal. […] Il en est autrement dans les sciences de la vie. […] Il en est d’ailleurs ainsi dans toute science.

151. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

— Il indique enfin les trois grands principes d’où part la science nouvelle, et la méthode qui lui est propre (chap.  […] Vaines prétentions des Égyptiens à une science profonde et à une antiquité exagérée. […] — Le point de départ de la science nouvelle est la première pensée humaine que les hommes durent concevoir, à savoir, l’idée d’un Dieu. == Cette science emploie d’abord des preuves philosophiques, ensuite des preuves philologiques. […] La science nouvelle est une démonstration historique de la Providence ; elle trace le cercle éternel d’une histoire idéale dans lequel tourne l’histoire réelle de toutes les nations.

152. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). […] Il était l’Alexandre le Grand de la science, le plus grand héros de génie de ce siècle, dans la recherche des phénomènes de la nature et des signes sensibles de l’âme. […] Telle est l’impression que ce double caractère de ses traits avait toujours produite involontairement sur moi : un savant véritable, enclin au mépris de la race humaine et dans lequel la science seule était vraie ; mais une science bornée, comme une science moderne, qui faisait calculer, mais qui ne faisait point penser, et qu’on pouvait écrire en chiffres au lieu de l’écrire en enthousiasme et en contemplation. […] Les limites de la science du Cosmos et la méthode d’après laquelle j’essaye de l’exposer y sont également discutées. […] L’état imparfait des sciences auxiliaires dans lesquelles il devait puiser ne pouvait pas répondre à la grandeur de l’entreprise.

153. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Science et morale. […] L’esprit des laïcs ne pouvait rester indéfiniment fermé à la science des clercs. […] Notre écolier dégorge sa science avec complaisance et même avec coquetterie. […] Ce pédant est d’ailleurs un savant, d’une science étendue et solide : il n’est pas nourri de fariboles, de romans et chansons. […] Les plus apparentes et vulgaires beautés de l’art font défaut à son œuvre : il n’a ni souci ni science de la composition, des proportions, des convenances.

154. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

La Religion du Progrès par la science La faculté, de mécontentement. […] Dupe de ce mirage, l’homme s’ingénie et le souci constant de rendre son existence meilleure le conduit à créer les sciences. […] Plus tard avec Kant, cette science soupçonneuse devient la science pure de la connaissance. […] Ce siècle a comme les autres une religion qui le domine : c’est la religion du progrès par la science. […] L’étude des propriétés curatives des minéraux et des plantes a précédé la chimie et la botanique et a donné naissance à ces sciences.

155. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Quand on compare la philosophie aux autres sciences, on est frappé tout d’abord d’une différence éclatante. Dans toutes les sciences en général, le progrès a lieu d’une manière continue et en quelque sorte insensible, par additions ou réformes successives. […] Dans une science qui a pour objet l’absolu, il n’y a pas de milieu, à ce qu’il semble, entre la vérité et l’erreur : dans cette science, on ne prétend pas seulement découvrir des vérités, mais on croit atteindre et posséder la vérité. Les sciences qui étudient les choses diverses et particulières peuvent accepter tout ce qui est acquis sans renoncer à y ajouter ; mais la science qui prétend atteindre au fond des choses ne peut pas admettre qu’il y ait deux manières de concevoir le fond des choses. […] Ils n’ont point de valeur en eux-mêmes, et représentent seulement les divers degrés de notre science de la nature.

156. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Or, en étudiant la nature, c’est-à-dire les tendances fondamentales de l’homme, on s’aperçoit qu’elle ne peut être satisfaite en ce monde, et, par exemple, atteindre la plénitude de la science, de l’activité, du bonheur. […] Que notre science soit imparfaite, peu importe ; notre destinée est toujours de connaître. […] Considérez le plaisir, la puissance, la science. […] Jouffroy demeura dans cette religion, qui fournissait un aliment à sa foi sans fermer la carrière à sa logique, qui s’appuyait sur la science nouvelle, au lieu d’être ébranlée par la science nouvelle, qui défendait la liberté au lieu de soutenir la tyrannie, et qui, tolérante, accréditée, nationale, convenait à son patriotisme, à son orgueil et à sa raison. […] Les sciences naturelles tout d’un coup devenaient adultes, et la Société Royale semblait la capitale du monde pensant.

157. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Trois principes fondamentaux Maintenant, afin d’éprouver si les propositions que nous avons présentées comme les éléments de la Science nouvelle, peuvent donner forme aux matériaux préparés dans la table chronologique, nous prions le lecteur de réfléchir à tout ce qu’on a jamais écrit sur les principes du savoir divin et humain des Gentils, et d’examiner s’il y trouvera rien qui contredise toutes ces propositions, ou plusieurs d’entre elles, ou même une seule ; chacune étant étroitement liée avec toutes les autres, en ébranler une, c’est les ébranler toutes. […] La vanité des nations, dont chacune veut être la plus ancienne de toutes, nous ôte l’espoir de trouver les principes de la Science nouvelle dans les écrits des philologues ; la vanité des savants, qui veulent que leurs sciences favorites aient été portées à leur perfection dès le commencement du monde, nous empêche de les chercher dans les ouvrages des philosophes ; nous suivrons donc ces recherches, comme s’il n’existait point de livres. […] Cela admis, tout homme qui réfléchit, ne s’étonnera-t-il pas que les philosophes aient entrepris sérieusement de connaître le monde de la nature que Dieu a fait et dont il s’est réservé la science, et qu’ils aient négligé de méditer sur ce monde social, que les hommes peuvent connaître, puisqu’il est leur ouvrage ? […] C’est de là que nous tirerons les principes qui expliquent comment se forment, comment se maintiennent toutes les sociétés, principes universels et éternels, comme doivent l’être ceux de toute science. […] C’est pourquoi nous avons pris ces trois coutumes éternelles et universelles pour les trois premiers principes de la science nouvelle.

158. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Avant-propos La musique des anciens étoit une science bien plus étenduë que ne l’est notre musique. […] La science de la musique avoit parmi les grecs et parmi les romains, un objet bien plus vaste. […] En premier lieu je donnerai une idée generale de la musique speculative et des arts musicaux, c’est-à-dire, des arts qui parmi les anciens étoient subordonnez à la science de la musique. Si je ne dis rien ou très-peu de choses sur la science, qui enseignoit les principes de toute sorte d’accords et de toute sorte d’harmonie, c’est qu’il ne m’appartient pas de changer quelque chose ou d’ajouter rien aux explications que Monsieur Meibomius, Monsieur Brossard, Monsieur Burette et d’autres écrivains modernes ont fait des ouvrages que les anciens ont composez sur l’harmonie, et qui nous sont demeurez. […] Je montrerai en troisiéme lieu, que les anciens avoient si-bien réduit l’art du geste ou la saltation, qui étoit un des arts subordonnez à la science de la musique, en methode reglée, que dans l’execution de plusieurs scenes ils pouvoient partager et qu’ils partageoient en effet la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont le premier recitoit tandis que le second faisoit les gestes convenables au sens des vers récitez, et que même il se forma des troupes de pantomimes ou de comédiens muets qui jouoient sans parler des pieces suivies.

159. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Ceux qui en font profession adorent encore une entité : l’Art, la Science, la Patrie, l’Amour. […] La science a écarté les nuages d’un ciel dont notre ignorance avait fait une cloison. […] Les autres poursuivent leur marche à l’étoile en s’adressant soit à la seule intuition, soit aux sciences hermétiques. […] En l’abordant, il constate que cette science est dans un grand désordre. […] L’occultisme est l’instrument des plus hautes capacités humaines, la synthèse de toutes les sciences et la clef de tous les mystères.

160. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Avec de pareilles « révélations » on peut bien faire une histoire, non une science. […] Peut-être en est-il d’« extra-sociales » — toutes physiques ou toutes psychiques — et alors d’autres sciences les distingueront. […] Seulement, par cela même qu’elle se présente comme une science abstraite de l’histoire, ce sera moins une science de causes suffisantes et de lois immuables qu’une science de tendances et d’influences. […] Les sciences physiques et naturelles ont prouvé mille fois qu’elles savaient suppléer à la première par la seconde ; plus que toutes les autres, les sciences sociales devront user de cette faculté. […] Lacombe, De l’Histoire considérée comme science, p. 326.

161. (1895) Hommes et livres

Il avait le goût des sciences naturelles, des collections, un herbier que Montaigne admira. […] Qui furent donc ces étranges moines à qui nous demandons encore des exemples de dévouement à la science ? […] Ce n’est pas qu’il se défiât particulièrement de la science, comme mortelle à la foi. […] La science se défie de l’Église ; l’Église a peur de la science. […] Alberoni a des idées : il manque de science.

162. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Je l’avoué, non comme un philosophe qui pose orgueilleusement des bornes à la science humaine,, mais en homme de bonne foi qui pense que la science humaine peut résoudre au moins la question de la critique littéraire, qui confesse sa propre ignorance sans y condamner l’univers, et qui ne demande pas mieux que d’être instruit. […] Mais, en revanche, de la critique ainsi annihilée elle seule réussit à faire une science. […] Ce qu’il s’agit de savoir, c’est si les Philosophies de l’Art, les Traités complets d’Esthétique, les livres qui s’intitulent Science du Beau, justifient leur titre. […] Sans définir les mots d’art et de science (ce dont il faut se garder, si l’on veut s’entendre soi-même et se faire entendre), on peut dire qu’entre la science et l’art il y a cette différence que, dans l’une les gens médiocres peuvent rendre d’utiles services, au lieu que dans l’autre ils ne font rien qui vaille. […] L’école historique ayant fait de la critique une science, tout le monde peut sans art et sans génie, faire avec du travail un bon livre, intéressant et utile, dans le système de cette école.

163. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Au point de vue de la science positive, en effet. […] L’Eau de Jouvence est l’éloge de la science, le symbole du changement que seule la science peut réaliser. […] — notre science moderne. […] Mais la science, Mme Blavatsky, que faites-vous de la science ? […] Je voulais une vraie science, une science capable de confondre ma nourrice ; et on m’offrait un choix de sciences en simili, à l’usage du public, s’avariant l’une l’autre.

164. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science On peut regarder le traité sur la musique, écrit en grec par Aristides Quintilianus et traduit en latin par Monsieur Meibomius, comme l’ouvrage le plus instructif que l’antiquité nous ait laissé sur cette science. […] D’ailleurs la musique des romains étoit la même que celle des grecs, dont ils avoient appris cette science. […] Notre auteur rapporte aussi quelques autres définitions de la musique un peu differentes de la sienne, mais qui supposent toutes également que cette science avoit l’étendue que nous lui donnons. […] Il y écrit que la musique donne des preceptes sur la contenance, sur le geste, en un mot, sur tous les mouvemens du corps dont il avoit été possible de reduire la theorie en science et la pratique en méthode. […] La science de la musique, ou si l’on veut, la musique speculative, s’appelloit la musique harmonique, parce qu’elle enseignoit les principes de toute harmonie et les regles generales de toute sorte d’accords.

165. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Strada, José de (1821-1902) »

. — Jésus et l’Ère de la science (1896). — Philippe le Bel (1896). — Don Juan (1897). — Pascal et Descartes (1897). — Rabelais (1897). — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897). […] Léon Deschamps Cinq volumes de science pure, quatre volumes de science sociale, quinze volumes de poésie, telle est l’œuvre publiée de Strada, notoirement inconnue du public. […] Strada est d’une autre époque : travailleur acharné, comme Zola, il n’a pas, comme ce dernier, l’intuition de l’humanité future, il se contente de croire en la science, divinité de l’Erreur ; il est naturaliste métaphysique !

166. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

Par exemple, ceux des livres des anciens qui sont écrits sur des sciences dont le mérite consiste dans la multitude des connoissances, ne l’emportent pas sur ceux que les modernes ont écrit touchant ces mêmes sciences. Je serai même aussi peu surpris qu’un homme qui auroit pris son idée du mérite des anciens sur leurs ouvrages de physique, de botanique, de geographie et d’astronomie, parce que sa profession l’auroit obligé à faire sa principale étude de ces sciences, n’admire point l’étendue des connoissances des anciens, que je suis peu surpris de voir l’homme qui a formé son idée du mérite des anciens, sur leurs ouvrages d’histoire, d’éloquence et de poesie, rempli de véneration pour eux. Les anciens ignoroient dans les sciences que j’ai citées bien des choses que nous sçavons, et par la démangeaison naturelle aux hommes de porter leurs décisions plus loin que leurs lumieres distinctes, ils sont tombez, comme je l’ai déja dit, en une infinité d’erreurs. […] Il en est de même des anatomistes, des navigateurs, des botanistes et de tous ceux qui professent des sciences dont le mérite consiste plus à sçavoir qu’à inventer, à connoître qu’à produire. […] Le mérite des ouvriers illustres et des grands hommes dans toutes les professions dont je viens de parler, dépend principalement de la portion de génie qu’ils ont apportée en naissant, au lieu que le mérite du botaniste, du physicien, de l’astronome et du chymiste, dépend principalement de l’état de perfection où les découvertes fortuites et le travail des autres ont porté la science qu’ils entreprennent du cultiver.

167. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Les deux infinis : la limite de la science. […] En 1631, son père s’établit à Paris ; il s’occupe de sciences physiques et mathématiques ; et des savants, le Père Mersenne, Roberval, fréquentent sa maison. […] Il écrit sa Préface d’un traité du Vide, le morceau fameux où, rejetant le culte de l’antiquité dans les sciences, il expose la théorie scientifique du progrès. […] Il ne s’était pas aperçu, ce fort logicien, que le principe de la science, la croyance au déterminisme absolu des phénomènes, excluant Dieu de l’univers connaissable, implique la négation de la Révélation dans l’ordre de la science, que la méthode par conséquent contient la conclusion, et que le seul moyen de sauver la foi est de la mettre hors de la raison, sans contact immédiat et sans liaison directe avec elle. […] Si nous dépouillons le morceau de sa grandiose poésie, et que nous en cherchions le sens précis, nous remarquerons avec étonnement que Pascal, au temps même où la science faisait ses premiers pas, lorsque le premier emploi des méthodes et des instruments remplissait d’orgueil et d’espérance, mesure avec sûreté le domaine de la science et la puissance de la science.

168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Je veux bien la reconnaître dans la révolte de la science renaissante s’attaquant, sous l’inspiration de Descartes, à l’autorité superstitieuse d’Aristote mal traduit et mal compris. […] Une seule chose est sérieuse dans la polémique de Perrault, c’est ce travers d’esprit, propre à son temps, et qui, depuis le glorieux avènement des sciences dans les temps modernes, a pris les proportions d’un travers de l’esprit humain ; je veux parler de la prétention des savants à juger des choses littéraires par les principes qui régissent les sciences. Confondre l’art dans les lettres avec la méthode dans les sciences, attribuer à l’un et à l’autre la même vertu, c’est une illusion plus ancienne que Perrault et qui lui a survécu. […] Dans les sciences, la méthode est à l’origine toute l’invention et toute la science. […] Étendre de la science aux lettres le principe de la raison substituée à l’autorité est un effet du même travers.

169. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

1° Nous savons une science ou une langue, etc. ; elles existent en nous à l’état latent, tant que nous n’en faisons pas usage. […] S’ils ont une haute intelligence, ils s’adonneront à l’histoire ou aux sciences plutôt qu’à un art. Le résultat de leur sensibilité médiocre sera vraisemblablement l’amour de la science ou de la vérité abstraite, et le défaut de goût et de chaleur. […] Et je n’ai, ajoute-t-il, qu’à ouvrir l’histoire des sciences pour justifier mon assertion. […] Tel est le rapport qui existe entre la moralité fondée sur l’utilité (expediency-morality) et la morale comme science.

170. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

La forme seule de la dialectique est une science. […] Cette science est admirable, mais elle est cachée. […] L’universel est le seul objet de la science pour Aristote aussi bien que pour Platon. […] De là, la dialectique, « science toute rationnelle qui, sans invention des sens, s’élève à l’essence des choses », et les entend aussi parfaitement qu’il est donné à l’homme de les entendre : science supérieure à toutes les sciences physiques, supérieure même à toutes les sciences intelligibles, parce que c’est elle seule qui a le secret de toutes les autres et connaît leurs limites et leurs rapports. […] Il semble bien que d’autres sciences, la médecine, par exemple, avaient déjà trouvé la leur.

171. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

De là la prépondérance de la science en ce siècle, et la passion avec laquelle il s’y attache. Les savants font concurrence aux écrivains jusque dans la faveur des salons : et tous les grands écrivains s’occupent de science. La science s’est substituée à la religion, pour expliquer à l’homme ce qu’il est, d’où il vient, où il va, ce qu’il doit être. Les sciences morales se détachent de la théologie, et se soudent aux sciences physiques. […] Le malheur fut que les sciences mathématiques étaient incomparablement plus avancées que les sciences physiques et naturelles ; et ce furent les premières qui imposèrent leur méthode à l’étude de l’humanité, comme si elle eût été un objet idéal.

172. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il révéla au rationalisme mondain son essentielle identité avec l’esprit scientifique : il vulgarisa la science et ses principes. […] Il causa de la science agréablement, avec une légèreté, une grâce, une ironie souvent exquises, et, il faut le dire aussi, avec un excès parfois de gentillesse et de galanterie. […] Il enfonce dans les esprits la foi au progrès, par le spectacle de toutes les découvertes que la raison a faites dans les sciences au siècle précédent. […] Bayle La science n’assiégea pas seulement la religion par le dehors, elle y pénétra pour la mieux ruiner. […] Il fit des opéras, des comédies, divers ouvrages de science et de philosophie.

173. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

apprenez aux enfants de la géométrie et vous verrez avec le temps l’effet de cette science. […] La science des probabilités a lieu jusque dans les matières de législation. […] La bibliographie33 est une partie de la science du professeur. […] Quel est l’art mécanique où la science du chimiste n’entre pas ? […] 1° Il faut, disent-ils, appliquer à la science des mots l’âge où l’on a beaucoup de mémoire et peu de jugement.

174. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

En attendant, la guerre est un de ces grands faits historiques qu’il faut reconnaître et savoir étudier dans le passé : du moment qu’elle cesse d’être une pure dévastation et un brigandage, c’est un art, une science, et digne, à ce titre, de toute l’attention des esprits éclairés. […] Homme d’art et de science avant tout, il eut l’idée dès lors d’entrer au service de la Russie, et il se présenta chez le chargé d’affaires, M. d’Oubril, son manuscrit à la main. […] Et avant tout, il faut bien se rendre compte de l’état de la science critique militaire en France pour apprécier ce qu’il y introduisit de tout à fait neuf, et qui mérita de faire événement. […] Les Mémoires et les écrits du duc de Rohan marquent un pas, dit-on, dans la science, du moins pour la spécialité de la guerre de montagne. […] La critique de détail, chez lui, paraît donc des plus avancées ; mais, malgré tout, la science proprement dite était comme dans l’enfance au commencement du xviiie  siècle.

175. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Entre des résultats de ce genre et ceux que doit nous présenter une étude vraiment approfondie, il existe toute la différence qui sépare les définitions usuelles, de celles que donne la géométrie ou toute autre science. […] Grâce à ces progrès des sciences morales, notre travail d’interprétation et d’explication doit aboutir à la connaissance complète de l’esprit dont on aura analysé les manifestations et pénétré les parties. […] Or, la critique scientifique doue la science mentale d’un nouveau procédé de vérification et d’investigation en permettant d’étudier le jeu des lois psychologiques chez toute une classe de personnes extrêmement intéressantes, les géniaux. […] Ribot joua également un rôle décisif au plan institutionnel, comme artisan de l’autonomisation de la science « psychologie » autour de La Revue philosophique (1876), et de la Chaire de psychologie expérimentale créée au Collège de France en 1887. […] Des humanités aux sciences de l’homme, dir.

176. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Des livres classiques. » p. 533

Il en faut pour tous les âges et pour toutes les sciences ; cependant on a d’excellents traités en tout genre, et un bon livre classique n’est qu’un abrégé bien fait de ces grands traités. […] Ceux qui auraient pu nous rendre ce service ont préféré leur gloire particulière à l’intérêt public et mieux aimé avancer la science d’un pas que de tracer les pas qu’elle a faits. Un bon livre classique suppose que l’art ou la science touche à sa perfection. […] D’Alembert : Monsieur D’Alembert, faites-moi tous les livres classiques de la science des mathématiques… et M. 

177. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Qu’est-ce donc que la science purement matérielle ? […] donc néant de la prétendue science ! […] Une telle science vaut-elle qu’on s’en occupe ? […] — et ils vont, et ils s’appellent la science ! — Quelle science, que la négation du seul principe qui peut rendre raison de tout !

178. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Bailey est, comme eux, plus logicien que psychologue, et son analyse verbale ne pénètre pas assez dans une science « aussi enfoncée dans les faits » que la psychologie. […] Il n’est point cependant si épris d’algèbre qu’il ne cède aux entraînements de l’éloquence, quand c’est le lieu : et il a revendiqué les droits de la science, dans un langage si ferme et si élevé, qu’il faut traduire : « Quoi ! […] Bailey ne reconnaît pour les faits de conscience qu’une méthode, celle des sciences de la matière (tom. […] La science de l’acoustique, dit-il, est inutile pour faire de bonne musique : de même, connaître les moyens physiques ou mécaniques qui engendrent ou influencent les phénomènes psychologiques, ce n’est pas en pénétrer la nature. […] Ajoutons que les progrès de la science semblent donner à l’auteur un démenti.

179. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

… À quoi d’impérieux a-t-il obéi en se décidant pour la science, après avoir donné à ses amis, dans des confidences qu’ils n’oublieront jamais, la preuve des plus hautes aptitudes littéraires ? […] Du Méril s’est donné à la science en pur don, comme on se donne à tout ce qu’on aime, et la science, ingrate comme tout ce qu’on aime, ne lui a pas même rendu de la gloire. […] le visage est par-dessous, et nous pouvons le voir encore… Édelestand du Méril peut planter là son masque et sa science ! […] Quoique la science et la littérature ne soient pas intimement des amies, quel bon tour cependant ce serait de prendre Édelestand du Méril à la philologie ! […] Il sait que la science a le temps d’attendre son temps et qu’il vient toujours, pendant que les générations jouent à leurs fossettes ou califourchonnent leurs vélocipèdes.

180. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Il cultiva les sciences exactes et la littérature étrangère. […] Sans doute l’algèbre est la plus belle des langues, dans le même sens que les sciences mathématiques sont les plus vraies des sciences. […] Voltaire avait essayé les sciences exactes pour être universel. […] Leur temps était consacré à acquérir la science. […] Cette séparation de la science humaine rabaissa beaucoup la philosophie.

181. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

La race des égoïstes, qui n’ont le sens ni de l’art, ni de la science, ni de la morale, est de tous les temps. […] La culture intellectuelle, la recherche spéculative, la science et la philosophie, en un mot, ont la meilleure de toutes les garanties, je veux dire le besoin de la nature humaine. […] La sécularisation de la science ne pouvait s’opérer que par une classe indépendante et par conséquent aisée. Si la population des villes fût restée pauvre ou attachée à un travail sans relâche, comme le paysan, la science serait encore aujourd’hui le monopole de la classe sacerdotale. […] La science du bonhomme Richard m’a toujours semblé une assez mauvaise science.

182. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Mme de Staël risque celle-ci : « Tout ce qui concerne l’exercice de la pensée dans les écrits, les sciences physiques exceptées » ; et Schlegel : « Tous les arts et toutes les sciences, ainsi que toutes les créations et toutes les productions qui ont pour objet la vie et l’homme lui-même, mais qui, sans avoir aucun acte extérieur pour but, n’agissent que par la pensée et le langage et ne se manifestent qu’à l’aide de la parole et de l’écriture. » Cette définition encyclopédique est peut-être juste, mais, si elle définit quelque chose, elle exprime que la littérature embrasse tout ce qui s’écrit, car où serait la démarcation ? […] On constaterait, en, second lieu, que, au même titre que l’économie politique ou la psychologie, l’histoire et la critique sont des sciences, posant les faits et cherchant les lois des manifestations réelles ou fictives de l’activité des hommes. On discernerait enfin que des labeurs vulgarisateurs et commerciaux, étrangers à l’art et à la science, relèvent de l’Industrie : le journal, le roman populaire, le théâtre en gros, les manuels, les prospectus. […] Il y a, jusque sur les livres de la collection à cinq sous, la vieille trilogie : Sciences — Lettres — Arts, où l’on ne voit pas que le terme moyen, réductible aux extrêmes, est de toute inutilité. […] On méconnut que le critique doit faire effort et œuvre de science, sous peine de rester un amuseur plus ou moins spirituel.

183. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ne devrait-elle plus attendre qu’une de ces époques déjà signalées dans le monde, où la science des choses matérielles avait détruit le sentiment de l’idéal, où la force et le travail tenaient enchaînées dans un vulgaire bien-être des millions d’intelligences éteintes à l’amour de la liberté civile et des arts ? […] Hâtez-vous de répondre à ces sophismes d’une science intéressée que le fait, invoqué à défaut du droit, est inexact et trompeur. […] Aimons donc à le dire : dans la religion, dans la science, dans les arts, dans la vertu politique enfin, ce dernier but de la société civile, il reste encore, il se reproduira sans cesse un levain précieux d’enthousiasme. […] Les ruines désertes et les pierres brisées des inscriptions nous apprennent ce que cette terre admirable pourrait redevenir, non plus seulement sous la domination active d’une race d’Europe, mais sous la puissance électrique des arts nouveaux et de la science moderne. C’était le rêve de Fourier, l’illustre secrétaire de l’Académie des sciences.

184. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Toute science aboutit à des vues d’ensemble, hasardeuses, si l’on veut, mais que pourtant on aurait tort de se refuser, car elles sont le couronnement du reste, et c’est pour monter à ce haut belvédère que, de génération en génération, on a bâti. […] Ce qui compose véritablement une science, ce sont des travaux de pionnier. — À cet égard, il reste beaucoup à faire en psychologie ; comme toutes les autres sciences expérimentales, elle ne peut avancer que par des monographies détaillées et précises. […]   À côté de ces études qui sont les sources mêmes de la psychologie, il en est d’autres qui, appartenant aux sciences voisines, viennent néanmoins verser leur afflux dans son courant. La plus proche de ces sciences est la physiologie, surtout la physiologie du système nerveux. […] Deux autres sciences, la linguistique et l’histoire, viennent encore l’accroître de leurs découvertes.

185. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Vide et dénué comme l’est celui-ci, il veut être un homme de science. […] La révélation de l’immense richesse intellectuelle qui leur est livrée n’excite en eux qu’un sentiment d’admiration pour la science, pour l’art, pour la philosophie, pour la pensée sous ses formes les plus hautes. […] Les causes s’enchaînent sans fin, il prend patience, met des noms sur les phénomènes, des noms sur les sciences diverses qui s’y appliquent, trace des divisions et des solutions de continuité parmi la trame indéfinie du réel. […] Seuls quelques esprits supérieurs échappent à cet empire : pour le vulgaire, sa foi scientifique est absolue et on l’en voit témoigner avec fanatisme en toute occasion où la science conclut à des applications pratiques. […] La foi populaire en l’absolu de la science repose donc sur une croyance latente en l’existence d’une cause première d’où l’ordre phénoménal pourrait être déduit dans son entier.

186. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Il n’y a pas de physique, pas d’astronomie, pas de science possible, si l’on refuse au savant le droit de figurer schématiquement sur une feuille de papier la totalité de l’univers. […] Si maintenant on remarque que la science opère exclusivement sur des mesures, on s’apercevra qu’en ce qui concerne le temps la science compte des instants, note des simultanéités, mais reste sans prise sur ce qui se passe dans les intervalles. […] Au regard de la science il n’y aurait rien de changé. […] Mais si notre science n’atteint ainsi que de l’espace, il est aisé de voir pourquoi la dimension d’espace qui est venue remplacer le temps s’appelle encore du temps. […] Mais c’est là une métaphysique greffée sur la science, ce n’est pas de la science.

187. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La philosophie n’existe donc qu’à la condition d’un rapprochement général de toutes les sciences ; comme aussi, par une nécessité corrélative, il n’y a pas de science légitime et de bonne classification des sciences sans une philosophie. […] Chez tous les sages primitifs, la science naturelle est complètement fille de la théosophie. […] Ce serait écarter comme inutiles toute science, tout effort, toute sagesse. […] De là naît un autre ordre de sciences, qui, avec les connaissances que l’homme tire directement du monde physique, constitue la science en général. […] La science, comme la poésie, est fille de l’inspiration.

188. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Les Gouvernements et les Parlements doivent trouver que l’Astronomie est une des sciences qui coûtent le plus cher : le moindre instrument coûte des centaines de mille francs, le moindre Observatoire coûte des millions ; chaque éclipse entraîne à sa suite des crédits supplémentaires. […] Mais ce que je voudrais vous montrer avant tout, c’est à quel point l’Astronomie a facilité l’œuvre des autres sciences, plus directement utiles, parce que c’est elle qui nous a fait une âme capable de comprendre la nature. […] Quelle science eût pu être plus utile ? […] Certes, ce point de vue n’est pas le mien ; moi, au contraire, si j’admire les conquêtes de l’industrie, c’est surtout parce qu’en nous affranchissant des soucis matériels, elles donneront un jour à tous le loisir de contempler la Nature ; je ne dis pas : la Science est utile, parce qu’elle nous apprend à construire des machines ; je dis : les machines sont utiles, parce qu’en travaillant pour nous, elles nous laisseront un jour plus de temps pour faire de la science. […] Mais, dira-t-on, l’Astronomie a donné aux autres sciences tout ce qu’elle pouvait leur donner, et maintenant que le Ciel nous a procuré les instruments qui nous permettent d’étudier la nature terrestre, il pourrait, sans danger se voiler pour toujours.

189. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

certes, il ne fallait rien moins que la prépondérance de l’Académie des sciences morales et politiques sur l’opinion pour faire de saint Thomas d’Aquin une actualité. […] Charles Jourdain eût été mis au monde par l’Académie des sciences morales et politiques, il se faisait, depuis 1854, une traduction de la Somme de saint Thomas, texte latin en regard, avec notes, commentaires, éclaircissements et toute l’armature nécessaire à un pareil vaisseau en matière de livre ; et qui l’a annoncée ? […] Cela mutile saint Thomas, le géant d’ensemble, qui concentra dans une colossale unité la science divine et la science humaine. […] Saint Thomas d’Aquin ne serait donc qu’un tome second d’Aristote, si le théologien, l’homme de la science surnaturelle, ne le frappait pas tout à coup d’une différence sublime, — empreinte éternelle qui empêchera désormais les siècles de confondre cette tête rase de moine avec la tête aux cheveux courts de la médaille du Stagyrite. […] voilà le théologien dans l’œuvre duquel l’Académie des sciences morales et politiques, qui bat, en ce moment, le ban et l’arrière-ban de la Philosophie en détresse, a donné l’ordre d’aller chercher un philosophe, et M. 

190. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Vous entreverrez alors le but de la science, et vous comprendrez ce que c’est qu’un système. […] De chacun de ces groupes, on déduit un ordre de faits compliqués et ramifiés en détails innombrables, la vie privée, la vie publique, la vie de famille, la religion, la science et l’art. […] Ce ne sont là que les procédés des sciences physiques, et ce sont là tous les procédés des sciences physiques. Ici, enfin, comme dans les sciences physiques, la cause n’est qu’un fait. […] Les faits se sont réduits, les formules les ont remplacés ; le monde s’est simplifié, la science s’est faite.

191. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Son règne annonça les beaux jours qui devoient éclairer, quelques siècles après, les Sciences & les Arts. […] Alors plus d’émulation, plus d’empressement, plus d’attrait pour les sciences. […] Non, si la science est une arme fatale, ce n’est qu’entre leurs mains. […] En effet, à quoi peuvent servir la science & le mérite, quand la fortune & la protection disposent de tout, conduisent à tout ? […] Peuple avide de gloire, dont les Arts annonçoient le goût, les Sciences le génie, & la gaïeté le caractère !

192. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

dans la science, il est peut-être le premier. […] De nature, il avait l’attraction et l’aptitude à la science, cela n’est pas douteux. […] Résumé de la science et de la vie de son auteur, un jour le Kosmos résumera sa gloire, — mais comme on résume, en diminuant. […] « Le but véritable de mon livre — ajoute encore Humboldt — est de voir de haut l’ensemble de la science contemporaine », c’est-à-dire que ce n’est pas une idée ou un système d’idées, mais simplement un tableau. […] L’essentiel, selon lui, n’est point du tout le coup de râteau plus ou moins bien jeté sur les notions des sciences physiques contemporaines et qu’il n’a pas toutes ramassées ; non !

193. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

dans la science, il est peut-être le premier ! […] Lorsque les savants qui seuls parlent d’eux avec compétence auront assez répété à la masse ignorante et superficielle ce que furent Geoffroy Saint-Hilaire, Ampère et Cuvier, ce triumvirat de génie, ces grands hommes, trop enterrés dans leur science même et la technicité de leur langage, ne seront plus cachés par l’éclat de personne et auront sur leur nom autant de rayons qu’on leur en doit. […] De nature, il avait l’attraction et l’aptitude à la science, cela n’est pas douteux. […] Résumé de la science et de la vie de son auteur, un jour le Kosmos résumera sa gloire, — mais comme on résume, — en diminuant. […] « Le but véritable de mon livre, ajoute encore Humboldt, est de voir de haut l’ensemble de la science contemporaine », c’est-à-dire que ce n’est pas une idée ou un système d’idées, mais simplement un tableau.

194. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

En s’attachant à toutes les Sciences, ses recherches n’ont souvent abouti qu’à rassembler dans son esprit des doutes sur les plus intéressantes matieres. […] Il est Sceptique, mais il n’admet le Scepticisme que dans les Sciences, & ne l’érige point en systême. […] « Comme humainement parlant, dit-il, tout est problématique dans les Sciences, & dans la Physique principalement, tout doit y être exposé aux doutes de la Philosophie sceptique, n’y ayant que la véritable science du Ciel, qui nous est venue par révélation divine, qui puisse donner à nos esprits un solide contentement avec une satisfaction entiere ».

195. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Les paroles bienveillantes de M. le rapporteur, entremêlées qu’elles étaient d’une nuance de blâme et de regret, n’ont pas suffi à la susceptibilité bien juste de la science, qui se sentait remise en question et comme assise sur la sellette. […] La guerre du clergé et de la science pure, de l’enseignement catholique et de l’enseignement purement philosophique, ne se mènerait donc point, de part et d’autre, à armes égales et enseignes déployées. Dans de telles conditions, il ne saurait être raisonnable de faire au clergé cette concession exorbitante dont il userait aussitôt moins dans le sens de la science même que dans l’intérêt de sa propre influence à lui. […] Il y aurait la science aisée, comme il y a la dévotion aisée. […] Il y a longtemps que je l’ai pensé : la seule garantie de l’avenir, d’un avenir de progrès, de vigueur et d’honneur pour notre nation, est dans l’étude, — et surtout dans l’étude des sciences naturelles, physiques, chimiques et de la physiologie.

196. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Qui dit science, dit soumission de l’esprit au fait. […] « Il n’y a donc pas une Science, il y a des Sciences. […] Mais ces Sciences sont-elles les seules légitimes ? […] Il n’y a pas une Science, il y a des Sciences, chacune avec sa méthode particulière, parce que chacune a son objet particulier. […] Il ne nie pas la Science.

197. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Athéisme ; instinct ; science. — 3. […] Il a fait des mathématiques, il a fait de la physique, il a fait de l’histoire naturelle, il connaît les plus récentes hypothèses, les expériences les plus suggestives des sciences qui actuellement se constituent et s’étendent. […] La nature, enfin, pour Diderot, c’est la science. […] Dès le milieu du siècle, il annonce, bien témérairement, que le règne des mathématiques est fini : mais il annonce, par une sûre divination, que le règne des sciences naturelles va commencer. […] La philosophie de Diderot, dans ses parties caractéristiques, est vraiment une philosophie de la nature : ce qu’il tire de Leibniz, ce sont ces principes de raison suffisante, de moindre action, de continuité, que l’étude scientifique du monde organisé et inorganique suppose et vérifie constamment ; et c’est lui d’abord qui, avant Helvétius, avant d’Holbach, remet l’homme dans la nature, et réduit les sciences morales aux sciences naturelles.

198. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Si la science va jusqu’au bout et isole complètement, c’est pour la commodité de l’étude. […] Comme la connaissance usuelle, la science ne retient des choses que l’aspect répétition. […] Voilà le point de vue de la science. […] R. de l’Ac. des sciences, vol.  […] R. de l’Ac. des sciences, vol. 

199. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

L’avènement du « droit des gens », du « droit naturel des nations », en tant que science positive, marque l’un des plus gigantesques pas en avant qu’ait accompli le monde. […] Arthur Desjardins, vice-président de cet Institut, a récemment donné communication à l’Académie des sciences morales et politiques d’une notice sur sa genèse, son organisation et ses travaux, d’où il ressort que la pensée de se fondation est due à M.  […] Ayant comme but la « réunion intime d’un groupe restreint d’hommes déjà connus dans la science du droit international, par leurs écrits ou par leurs actes, et appartenant, autant que possible, aux pays les plus divers », M.  […] Quelle que soit sa science et son indépendance, le pur homme de droit pourra manquer de cette largeur d’esprit ; qui est indispensable pour remplir cette fonction suprême. […] La science proprement juridique est ici secondaire ; et s’il en était besoin, on pourrait leur adjoindre des jurisconsultes.‌

200. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

De sorte que la science et les principes de la science nous engagent à ne point isoler de « l’action » la vérité. […] Et ils préfèrent la science à l’objet même de la science. […] Les caractères de la science française, M.  […] Et, l’idée de la Science, les savants y renoncent, tandis que leurs sciences progressent. […] La pédagogie est-elle une science ?

201. (1929) La société des grands esprits

Athènes obtient le titre de cité d’où rayonne toute science ; et sans doute il ne s’agit que de science humaine. […] Mais Pascal méprise la science, pour laquelle il était si merveilleusement doué. […] Au fond, nous ne souscrivons plus réellement qu’à la science positive. […] Le second volume est consacré aux sciences historiques et philologiques, que Renan appelait les sciences de l’humanité par opposition à celles de la nature. […] Berthelot (les sciences de la nature et les sciences historiques), Berthelot répondit par une autre lettre sur la Science positive et la science idéale 41, où il se tient au niveau de son illustre correspondant et n’est nullement éclipsé.

202. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

La philosophie est plus près de la poésie que de la science. […] N’oublions pas qu’aux origines, la poésie était l’unique interprétation des mystères que se sont partagés la philosophie, la poésie et la science. […] La science fait son devoir, mais sa marche est lente, souvent mal assurée. […] Autrefois, c’est l’art qui faisait intrusion dans l’empire scientifique ; la science prend aujourd’hui sa revanche. […] Ce que l’art fut sous la forme asservie du rite pour les religions, il le sera pour la science — j’entends la vraie science, celle dont les regards s’adressent hors des apparences — sous la forme plus pure de l’art libre, à la seule condition que la science, cette ligne évoluant autour de l’axe idéal du monde, respecte dans l’art le double pôle stable, invariable et constant des désirs et des satisfactions de l’humanité dans sa sensibilité spirituelle et physique.

203. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

D’après Guyau, l’originalité du dix-neuvième siècle et surtout des siècles qui viendront ensuite consistera, selon toute probabilité, dans la constitution de la science sociale et dans son hégémonie par rapport à des études qui, auparavant, en avaient paru indépendantes ; science des religions, métaphysique même, science des mœurs, science de l’éducation, enfin esthétique. […] Mais l’union sociale à laquelle tendent la métaphysique, la morale, la science de l’éducation, n’est pas encore complète : elle n’est qu’une communauté d’idées ou de volontés ; il reste à établir la communauté même des sensations et des sentiments ; il faut, pour assurer la synergie sociale, produire la sympathie sociale : c’est le rôle du grand art, de l’art considéré au point de vue sociologique. […] La science est pour l’intelligence ce que la charité est pour le cœur ; elle est ce qui rend infatigable, ce qui toujours relève et rafraîchit ; elle donne le sentiment que l’existence individuelle et même l’existence sociale n’est pas un piétinement sur place, mais une ascension. Disons plus, l’amour de la science et le sentiment philosophique peuvent, en s’introduisant dans l’art, le transformer sans cesse, car nous ne voyons jamais du même œil et nous ne sentons jamais du même cœur lorsque notre intelligence est plus ouverte, notre science agrandie, et que nous voyons plus d’univers dans le moindre être individuel. » VII. — La part croissante des idées scientifiques dans les sociétés modernes produira, selon Guyau, une transformation de l’art dans le sens d’un réalisme bien entendu et conciliable avec le véritable idéalisme. […] Tel sentiment est plus vraiment nous que ce qu’on est habitué à appeler notre personne ; il est le cœur qui anime nos membres, et ce qu’il faut avant tout sauver dans la vie, c’est son propre cœur12. » Voilà pourquoi le savant, par exemple, fait tout naturellement « la science humaine avec sa vie ».

204. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Les leçons sur les sciences suffisent lorsqu’elles ont indiqué au talent naturel l’objet particulier qui deviendra l’étude et l’exercice particulier du reste de la vie. […] Il y a un milieu entre l’ignorance absolue et la science parfaite, il n’y en a point entre le bien et le mal, entre la bonté et la méchanceté. […] Si peu d’hommes savent tirer parti de leurs talents, soit pour conserver leur bien, soit pour l’accroître, la misère est une si puissante ennemie de la probité, le renversement des fortunes est si fréquent et a de si funestes effets sur l’éducation des enfants, que j’ajouterais ici les éléments de la science économique, ou de l’art de conduire sa maison ; art dont les Grecs et les Romains faisaient si grand cas. […] L’auteur y établit les principes généraux de la science des mœurs, et finit par les contrats, les actes de mariage, les promesses verbales, les promesses écrites, le serment et le reste de ces engagements que nous prenons si légèrement et qui ont des suites si longues et si fâcheuses. […] La science économique est ébauchée dans Xénophon.

205. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

On allait emprunter à la science médicale. […] Non, la philosophie n’y est plus, la science n’y est plus. […] Zola et la Science, au cirque Fernando. […] Ajoutons que la science n’a pas dit son dernier mot. […] Zola est nulle par rapport à la science.

206. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Poésie, science et philosophie, — II. […] Un grand homme de l’antiquité disait qu’il aimerait mieux la science d’oublier que celle de se souvenir ; un moyen d’oubli, c’est l’alcool. […] La poésie grandit la science de tout ce que celle-ci ignore. […] Avoir trouvé par le raisonnement ou l’expérience, voilà la science ; sentir ou pressentir en s’aidant de l’imagination, c’est la plus haute poésie. […] En outre, les inspirations venues de la science et de la philosophie sont à la fois toujours anciennes et toujours renouvelées.

207. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Encore moins connut-il l’idée nouvelle, créée par la science grecque, base de toute philosophie et que la science moderne a hautement confirmée, l’exclusion des dieux capricieux auxquels la naïve croyance des vieux âges attribuait le gouvernement de l’univers. […] La négation du miracle, cette idée que tout se produit dans le monde par des lois où l’intervention personnelle d’êtres supérieurs n’a aucune part, était de droit commun dans les grandes écoles de tous les pays qui avaient reçu la science grecque. […] Quoique né à une époque où le principe de la science positive était déjà proclamé, il vécut en plein surnaturel. […] Philon, qui vivait dans un grand centre intellectuel, et qui avait reçu une éducation très complète, ne possède qu’une science chimérique et de mauvais aloi. […] La notion du surnaturel, avec ses impossibilités, n’apparaît que le jour où naît la science expérimentale de la nature.

208. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Les Études de M. le docteur Tessier n’intéressent pas, en effet, que les hommes d’une science déterminée. […] Aveuglés par leur long tête-à-tête avec des organes et des phénomènes, la plupart des médecins ont, depuis Bacon et son observation raccourcie, dégradé la science dont ils relèvent, et ils l’ont réduite à n’être plus qu’un empirisme superficiel et grossier. […] La Science probablement trempe la tête dans un Styx, comme le corps d’Achille, afin de faire à ses enfants un sentiment moral invulnérable, et (le croiront-ils, ceux-là qui ne sont pas médecins ?) […] Il suit avec une longueur de vue et une implacabilité de logique, auxquelles rien n’échappe, les conséquences de ces doctrines dont la science est empoisonnée, et, Dieu merci ! […] Tessier, le retour aux idées spirituelles et chrétiennes dans l’enseignement de cette science immense, — la médecine, — ce n’est donc pas de l’invention, mais c’est mieux.

209. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

De tous les livres que peuvent publier la science et la foi réunies, le plus élevé dans tous les temps, mais le plus utile dans les temps actuels, c’est à coup sûr la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] Le froid de la science et l’hypocrisie de la théologie protestante n’y font rien. […] Elle se sait de ce vieux xixe  siècle, profondément et presque exclusivement historique, comme tous les vieillards, qui n’ont plus d’autre fonction dans le monde que de raconter le passé, et c’est la science historique, la science même du siècle, qu’elle vient dresser, dans la plus monstrueuse de ses négations, contre la divinité de Notre-Seigneur. […] L’auteur, l’abbé Brispot, à qui, si nous ne nous trompons, on doit un livre de prières, a fait preuve dans cette distribution nouvelle des quatre Évangiles et dans leurs diverses concordances, d’une intelligence remarquable et d’une science véritablement sacerdotale. […] Plus d’un courageux esprit a lutté avec elles ; car ce n’est pas une idée d’aujourd’hui ou d’hier, mais un besoin qui date de loin dans l’Église, qu’une concorde lumineuse des Évangiles devant laquelle la mauvaise foi et la mauvaise science fussent obligées de baisser le ton et les yeux.

210. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Ce mot n’est exact qu’autant qu’il exprime une communauté de principes et de méthode : — constituer la psychologie comme science naturelle, avec l’appui de l’expérience et en l’absence de toute métaphysique. […] Il est conforme aux données des sciences de croire que ce monde matériel, pris en lui-même, ne ressemble nullement aux perceptions que nous en avons : ce qui condamne le réalisme vulgaire. […] La psychologie ainsi conçue peut et doit être une science distincte. […] Si la psychologie a sa base dans la physiologie, elle sert de base à son tour aux sciences morales, sociales et politiques. Elle doit pour cela se compléter par une étude pratique : l’éthologie ou science de la formation des caractères, soit individuels, soit nationaux.

211. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Or, d’Arpentigny l’avoue lui-même, la physiologie n’est pas une science constituée. […] Encore une découverte, et peut-être cette science atteindra-t-elle un degré suffisant, sinon complet, de certitude. […] Son essai sur la Science de la main n’a forcé celle de personne. […] Dans son livre de la Science de la main, où il risque des philosophies de l’histoire fondées sur des données physiologiques sans certitude, et où il nous bâtit — c’est le cas de le dire !  […] Ils n’eurent pour la poésie qu’un goût passager et de reflet, pour les beaux-arts qu’un goût de vanité, méprisant les idées spéculatives et n’ayant d’estime que pour la guerre, l’histoire, l’éloquence politique, la science du droit et les plaisirs sensuels.

212. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Edmond Perrier (Préface du Nouveau Dictionnaire des Sciences) établit sommairement la précellence de la science. […] Pour apprécier sainement le rôle de la science, il faut séparer la science pure de la science appliquée. […] La science veut connaître et faire connaître. […] La science dit non, et elle rêve. […] Sianse (science).

213. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Barthélémy Saint-Hilaire, des leçons de sanscrit d’Eugène Burnouf ; il n’en fit jamais parade, mais il assurait ainsi par les plus fortes assises les fondements de sa science philologique. […] Il mêlait la pratique à la science. […] Littré, avec l’assentiment de tout ce qui compte dans la science, revoyait (1851) et annotait pertinemment la traduction du Manuel de Physiologie de l’illustre Mueller de Berlin, et y mettait une Préface philosophique où il assignait à la biologie ou physiologie sa vraie place et son vrai rôle dans l’ordre des sciences. […] Eusèbe Salverte, avait fait, sur les Sciences occultes et sur la Magie, un livre rempli de faits curieux et d’explications hypothétiques. […] Littré depuis une quinzaine d’années environ, il importe de se représenter l’état de la question, l’état de la science au moment où il y intervint.

214. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

A la différence de Montesquieu qui, au début, hésite entre les sciences et les lettres, soit égale capacité pour les deux choses, soit penchant de jeunesse vers la plus populaire, Buffon va tout d’abord aux sciences, poussé par l’instinct du génie et l’amour de la gloire. Incertain quelque temps sur la science particulière à laquelle il doit se fixer, il flotte entre la géométrie, la physique et l’agriculture, si c’est flotter que d’être attiré tour à tour par des sciences limitrophes de l’histoire naturelle. […] Cependant Buffon ne dédaigne pas les faits dont la connaissance, dit-il quelque part, constitue la seule et vraie science. […] Dans cette merveilleuse histoire de deux créations, tout ce qu’il a décrit ou deviné, la science le vérifie. […] La mode même s’en mêle, et cette fois la mode a du bon, en mettant les ignorants au service de la science.

215. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Les dogmes abstraits acquis par la science se changeaient ainsi en émotions personnelles et en espérances journalières ; dans une observation de psychologie, dans une classification de logique, il apercevait contenus sa conduite et son bonheur.  […] Appuyé sur ses chers Écossais, surtout sur lui-même, il essayait de fonder la science, et laissait son rival installé sur le trône amasser des nuages et emprunter des rayons. […] Dans toutes les autres sciences, le savant continue l’œuvre de ses prédécesseurs ; en philosophie, il crée tout lui-même. Qu’il échoue ou qu’il réussisse, il a soulevé toute la science, et il a prouvé souvent plus de génie que le physicien le plus adroit et le plus heureux. […] —De l’organisation des sciences philosophiques.

216. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

De même, dans toute langue, et dans notre français, à côté des mots de l’usage commun et que tout le monde comprend à peu près, il y a des mots techniques, des termes de sciences, d’arts, de métiers, qui sont comme autant de langues dans la langue, et qui font aux profanes le même effet que le latin d’Ovide à ses voisins scythes. […] Un philosophe écrivant pour des philosophes, un archéologue écrivant pour des archéologues, un savant écrivant pour des savants, n’ont qu’à appliquer aux choses les termes techniques de leur science spéciale : ils ne veulent pas être compris de tout le monde, et il leur suffit d’être entendus de ceux qui connaissent ces vocabulaires particuliers, et plus ils mettront de rigueur dans cet emploi des mots techniques, plus ils préciseront leur pensée et éclairciront leur sujet. Tous les ouvrages faits pour une classe spéciale de lecteurs, traités de science, d’art, d’industrie, peuvent et doivent ainsi être rédigés dans la langue spéciale de ces lecteurs, et donner à chaque objet le nom exact qui l’y désigne pour eux. […] Alors, de quoi que l’on parle, science, art, industrie, il faut employer les mots de tout le monde. […] La langue que tout le monde parle emprunte aux langues spéciales des sciences et des métiers un certain nombre de termes techniques qui correspondent aux objets les plus usuels et les plus connus.

217. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Les faits significatifs, préférés aux faits suggestifs, sont la caractéristique de la science ; la science pénètre donc dans l’art. […] Le naturalisme se définit lui-même « la science appliquée à la littérature ». […] En somme, qu’est-ce qu’il y a d’immédiatement certain dans la science ? […] En outre, on confond souvent, dans cette question, l’art avec la science. — Le romancier, répète-t-on, est un naturaliste, qui n’a qu’à observer les hommes et à les classer ; or, c’est ainsi que la science agit à l’égard de toute chose : il n’y a rien de vil dans l’art, pas plus que dans la science. […] Il est faux que la science et le roman ne fassent qu’un.

218. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

On l’avait déjà dit, du reste, parmi ses amis, que Taine s’était définitivement arraché à la littérature pour se donner, cervelle, tripes et boyaux, à la science, à la grande science, à la science austère. […] Aujourd’hui qu’il publie chez Hachette, le libraire des gros messieurs de la philosophie et de la science, ce livre De l’Intelligence, qui a pour visée de nous dire de quoi elle est faite, je vois bien qu’on ne mentait pas. […] C’est sur le nez coupé dans le front de Condillac, par le procédé rhinoplastique, appliqué à la philosophie, que Taine porte, comme les équilibristes portent leur perche ou leur échelle, la masse des faits scientifiques qu’il a ramassés dans tous les bouquins de la science moderne sans exception. […] Il nie l’activité spirituelle ; il n’y a pas d’esprit dans ce livre, qui est d’un homme autrefois d’esprit, mais qui, en se faisant savant dans les sciences matérielles, a donné sa démission d’homme d’esprit.

219. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Quand la philosophie prétend appuyer cette thèse paralléliste sur les données de la science, elle commet un véritable cercle vicieux : car, si la science interprète la solidarité, qui est un fait, dans le sens du parallélisme, qui est une hypothèse (et une hypothèse assez peu intelligible 1, c’est, consciemment ou inconsciemment, pour des raisons d’ordre philosophique. C’est parce qu’elle a été habituée par une certaine philosophie à croire qu’il n’y a pas d’hypothèse plus plausible, plus conforme aux intérêts de la science positive. […] Sans contester à la psychologie, non plus qu’à la métaphysique, le droit de s’ériger en science indépendante, nous estimons que chacune de ces deux sciences doit poser des problèmes à l’autre et peut, dans une certaine mesure, l’aider à les résoudre. […] Bien des problèmes qui paraissent étrangers les uns aux autres, si l’on s’en tient à la lettre des termes où ces deux sciences les posent, apparaissent comme très voisins et capables de se résoudre les uns par les autres quand on en approfondit ainsi la signification intérieure.

220. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Si la philosophie, entendue comme science, a certainement un domaine très limité, entendue comme libre pensée, elle est accessible à tous. […] C’est pour cela qu’il est vrai de dire que la philosophie, considérée comme science, ne peut remplacer la religion. […] Tout ce qui tend à élever l’âme est donc favorable à la morale ; c’est ainsi que les arts, la science, la liberté politique, la philosophie, sont des forces qui tendent à maintenir un niveau élevé dans l’humanité. […] Le christianisme raisonnable de Locke, le christianisme dans les limites de la raison de Kant, le christianisme progressif de Lessing, le christianisme, unitaire de Channing, peut encore sauver l’idée religieuse du péril où l’ont jetée parmi nous la science et la philosophie. […] La philosophie considérée à un certain point de vue, est une science qui, comme toute science, procède par analyse, raisonnement, démonstration, dont les conclusions sont toujours subordonnées à la solidité de la méthode qui nous les fournit, qui est obligée de donner beaucoup à la dialectique, c’est-à-dire à la discussion du pour ou du contre, qui est en un mot essentiellement rationnelle.

221. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Hennequin a voulu fonder la critique scientifique et donner le plan d’une étude complète d’esthopsychologie : il proposait ce nom pour désigner un ensemble de recherches qui formeraient une science véritable, ayant « un objet, une méthode des résultats, des problèmes » (p. 218). […] Elle n’a pas pour objet d’envisager l’œuvre d’art dans son essence, son but, son évolution, en elle-même ; mais uniquement au point de vue des relations qui unissent ses particularités à certaines particularités psychologiques et sociales, comme révélatrices de certaines âmes ; l’esthopsychologie est la science de l’œuvre d’art en tant que signe. » Ce dernier mot annonce déjà quelle sera la méthode. […] L’évolution de la critique, en résumé, s’est faite de l’esthétique à la psychologie, et enfin à la sociologie : elle peut être fixée provisoirement dans le ressort de ces trois sciences. […] Un plan d’étude ne saurait, d’ailleurs, constituer une science nouvelle, au vrai sens du mot, et M.  […] Une psychologie des peuples, est-il besoin de le faire remarquer, exigerait, outre la connaissance des événements artistiques, matière de l’esthopsychologie, celle des événements économiques, juridiques (moraux, religieux) et intellectuels (développement des sciences, etc.).

222. (1894) Critique de combat

Science officielle ! […] pouvoir échapper aux lois inéluctables de la science ? […] Place donc à la science ! […] La science ne relève que de la science. […] Faguet, et non la science, qui la condamne.

223. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

La propriété des biens et celle de la personne, ou la liberté civile, supposent de bonnes lois et avec le temps amènent la culture des terres, la population, les industries de toute espèce, des arts, des sciences, le beau siècle d’une nation. Entre les sciences, les unes sont filles de la nécessité ou du besoin, telles sont la médecine, la jurisprudence, les premiers éléments de la physique et des mathématiques ; les autres naissent de Tàisance et peut-être de la paresse, telles sont la poésie, l’éloquence et toutes les branches de la philosophie spéculative. […] Il faut que cette classe de paresseux soit bien nombreuse et que les sciences aient déjà fait de grands progrès chez une nation pour y donner naissance aux académies. […] Tout bien considéré, l’état de savant est doux ; on s’y portera naturellement partout où la science sera un peu récompensée et fort honorée.

224. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Dans le premier, il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement. Les sciences s’y trouvent réduites à trois : la poésie, l’histoire, la philosophie. […] Condillac s’écrie : « Les métaphysiciens mes devanciers se sont perdus dans les mondes chimériques, moi seul j’ai trouvé le vrai ; ma science est de la plus grande utilité. […] C’est ce que Platon appelait par excellence la science des Dieux, et Pythagore, la géométrie divine.

225. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats » pp. 290-294

Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats On m’objectera que les arts et les sciences ont fleuri sous des climats bien differens. Memphis, ajoutera-t-on est plus près du soleil que Paris de dix-huit dégrez, et cependant les arts et les sciences ont fleuri dans ces deux villes. […] Loin de borner à quatre ou cinq dégrez la temperature convenable à la culture des sciences et des beaux arts, je crois que cette temperature peut comprendre vingt ou vingt-cinq dégrez de latitude.

226. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Quel est, selon lui, le véritable objet des sciences. —  Comparaison de Bacon et des anciens. […] L’objet de la science n’est pas la théorie, mais l’application. […] Là étaient rassemblés, de toutes les parties d’un empire vaste, libre, éclairé et prospère, la grâce et l’amabilité féminines, l’esprit et la science, les représentants de toute science et de tout art. […] La science de la politique, à quelques égards, ressemble fort à la science de la mécanique. […] The science of Politics bears in one respect a close analogy to the science of Mechanics.

227. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

C’est en suivant les leçons d’Antoine Petit qu’il prit un goût particulier pour l’anatomie, pour cette anatomie physiologique qui sera sa science de prédilection. […] Les mémoires de Vicq d’Azyr lui ouvrirent les portes de l’Académie des sciences dès 1774, et il recevait vers le même temps le bonnet de docteur de la faculté de Paris. […] Turgot, contrôleur général, demanda, vers la fin de cette année, à l’Académie des sciences qu’elle voulût bien nommer deux commissaires pour se transporter sur les lieux ; il désirait qu’un physicien et un médecin fissent ce voyage. […] Les professeurs doivent, en effet, posséder tout entière la science qu’ils enseignent ; mais ils n’ont point à veiller à ses progrès. […] L’un remonte aux éléments, à l’origine des sciences, et des temps modernes il se porte vers l’Antiquité ; l’autre, par des chemins nouveaux, s’élance vers l’avenir.

228. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Le fanatisme religieux est ennemi des sciences et des arts, aussi bien que de la philosophie ; mais la royauté absolue ou l’aristocratie féodale protègent souvent les sciences et les arts, et ne haïssent que l’indépendance philosophique. […] Après avoir affirmé que c’est dans les sciences seulement, que l’Italie a marché progressivement, et fourni son tribut aux lumières du genre humain, examinons dans chaque branche de l’entendement humain, dans la philosophie, dans l’éloquence et dans la poésie, les causes des succès et des défauts de la littérature italienne. […] Ce qui a empêché l’Italie d’être une nation, la subdivision des états, lui a donné du moins la liberté suffisante pour les sciences et les arts ; mais l’unité du despotisme d’Espagne, secondant l’active puissance de l’inquisition, n’a laissé à la pensée aucune ressource dans aucune carrière, aucun moyen d’échapper au joug. […] Ils s’occupaient cependant des sciences et de la poésie ; mais ils cultivaient les sciences en astrologues, et la poésie en guerriers. […] Il s’ensuit que tous les ouvrages des Italiens, excepté ceux qui traitent des sciences physiques, n’ont jamais pour but l’utilité ; et dans quelque genre que ce soit, ce but est nécessaire pour donner aux pensées une force réelle.

229. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Les fins groupées ou agrégées, comme l’argent, la santé, l’éducation, la science, la position sociale, le succès professionnel, toutes choses qui supposent l’addition de plusieurs fins particulières. […] Le mot nécessité est également une expression impropre, qui devrait même être bannie de toutes les sciences physiques ou morales. […] D’ailleurs, en accordant à la conscience le privilège de l’infaillibilité, elle ne peut exister que pendant un court moment, qui ne constitue pas une science. […] Ainsi, tant que l’infaillibilité dure, il n’y a pas de science ; et quand la science commence, il n’y a plus d’infaillibilité. […] Il plaira à ceux qui aiment les faits, qui pensent qu’ils sont la substance même d’une science expérimentale, qu’elle ne vit que par eux, que toute généralisation est vide et vaine, sans une ample collection de phénomènes qui lui serve de point de départ et de vérification.

230. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

En effet, ils conviennent que les sciences font des progrès continuels, et ils veulent que la raison n’en fasse pas. Mais les sciences ont une connexion intime avec toutes les idées dont se compose l’état moral et politique des nations. […] L’imprimerie est une découverte des sciences. […] La superstition est à la longue inconciliable avec les progrès des sciences positives. […] Les progrès des sciences rendent nécessaires aussi les progrès de la politique.

231. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Appuyée sur l’antiquité, l’Italie prenait confiance en la nature humaine, confiance en la raison ; écartant la contrainte du dogme, la tristesse de l’ascétisme, elle faisait en tous sens l’expérience des forces de l’esprit : forte de la première et saisissante victoire de la raison sur la théologie dans la découverte de Colomb, elle affranchissait les sciences et la philosophie, et s’essayait librement, par toute sorte de pointes hardies, à les constituer dans leur pleine indépendance. […] Mais partout, dans l’aise élégante de la vie comme dans l’élan hardi de la pensée, une sensation esthétique se dégageait : dans la politique, l’amour, la philosophie, la science, le besoin s’enveloppait d’art, et l’activité humaine, s’affranchissant des fins particulières qu’elle poursuivait, les dépassant, se complaisait dans la grâce de son libre jeu, ou se réalisait en formes d’une absolue beauté. […] Déjà hommes, ils s’enferment dans un collège, ils échappent à l’inertie d’un couvent, comme Budé ou Rabelais, pour épeler ces langues si nouvelles et si anciennes, les langues fondamentales de la science et de la religion : l’hébreu, le grec. […] Toutes les sciences se détachent et se constituent : histoire, philosophie, politique, agronomie, sciences naturelles : les spécialités, les écrits techniques apparaissent en Paré et Palissy. […] Ces sciences et la philologie se séparent de la littérature : celle-ci garde l’homme moral, et le grand traducteur du siècle, Amyot, offre Plutarque, non aux philosophes, ni aux grammairiens, mais à tous ceux qui veulent savoir ce que c’est que l’homme et que la vie.

232. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

D’ailleurs, une science uniquement faite en vue des applications est impossible ; les vérités ne sont fécondes que si elles sont enchaînées les unes aux autres. […] C’est ce que je vais m’efforcer de démontrer en précisant la nature des rapports entre la science pure et ses applications. […] Il faudrait avoir complètement oublié l’histoire de la science pour ne pas se rappeler que le désir de connaître la nature a eu sur le développement des mathématiques l’influence la plus constante et la plus heureuse. […] Sans lui il n’y aurait pas d’analyse infinitésimale ; toute la science mathématique se réduirait à l’arithmétique ou à la théorie des substitutions. […] J’espère en avoir assez dit pour montrer que l’analyse pure et la physique mathématique peuvent se servir l’une l’autre sans se faire l’une à l’autre aucun sacrifice et que chacune de ces deux sciences doit se réjouir de tout ce qui élève son associée.

233. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Jésus a fondé la religion dans l’humanité, comme Socrate y a fondé la philosophie, comme Aristote y a fondé la science. Il y a eu de la philosophie avant Socrate et de la science avant Aristote. Depuis Socrate et depuis Aristote, la philosophie et la science ont fait d’immenses progrès ; mais tout a été bâti sur le fondement qu’ils ont posé. […] Aristote, s’il eût assisté aux débats de l’école, eût répudié cette doctrine étroite ; il eût été du parti de la science progressive contre la routine, qui se couvrait de son autorité ; il eût applaudi à ses contradicteurs. […] Il se peut que, dans la « Physique » et dans la « Météorologie » des temps modernes, il ne se retrouve pas un mot des traités d’Aristote qui portent ces titres ; Aristote n’en reste pas moins le fondateur de la science de la nature.

234. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

indépendamment de ce que l’âme et la foi du prédicateur versent dans sa parole de chaleur, de mouvement et de vie, il y a toujours au fond de toute prédication chrétienne deux sciences immenses et formidables : la science de Dieu et la science de l’homme, la théologie et la morale. […] Comme le prédicateur dirait lui-même, avec ces images prises à la Bible dont il s’est abreuvé : le discours, c’est la citerne tarie, mais le livre, c’est le puits d’eau de source où la doctrine et la science doivent être éternellement puisées par ceux que tourmentent de si nobles soifs ! […] Semblable à cet autre grand moraliste chrétien, le saint auteur des Confessions, Dieu ne l’a pas appelé à lui tout d’abord, et ces premières années d’une jeunesse dépensée dans les misères voluptueuses du monde, ont tourné au profit de l’âme convertie et lui ont donné une science terrible, la science de ces passions qui nous ravissent à Dieu, quand nous ne nous ravissons pas à elles. […] Lacordaire une science et des traces qui le rendent plus éloquent et plus pénétrant.

235. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Ce recueil est un des plus beaux monuments qui ait été élevé en l’honneur des sciences, et l’un des ouvrages qui laissent le plus dans l’esprit le sentiment de son élévation et de sa force. Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Si vous les comparez par leur état, vous trouvez, dans cette liste, des militaires qui ont uni les sciences avec les armes, des médecins qui, forcés d’être instruits pour n’être pas coupables, autant par devoir que par génie, sont devenus grands ; des religieux qui, privés par leur état même de toutes les passions, s’en sont fait une dont l’activité a redoublé par le retranchement des autres ; enfin un certain nombre d’hommes qui, jaloux d’être libres, n’ont voulu pour eux d’autre état que celui de s’instruire, et d’autre rang que celui d’éclairer. […] On sait que Fontenelle est le premier qui ait orné les sciences des grâces de l’imagination ; mais, comme il le dit lui-même, il est très difficile d’embellir ce qui ne doit l’être que jusqu’à un certain degré. […] On en trouve aussi d’un genre plus relevé, et faites pour contenter le goût le plus austère ; telles sont les idées générales répandues sur chaque science, sur leur origine, leur progrès, leur but, les moyens de les perfectionner, leur liaison et les points de communication par où elles se touchent.

236. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Mais qu’entendaient-ils par la Science ? […] Il n’y a pas de Science, il y a des sciences, chacune avec son domaine propre, ses méthodes propres. […] Il y aura donc, une science du physico-chimique, une science du biologique, une science du psychique. Pour résumer, il n’y a pas une Science. Il y a des sciences.

237. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Nous avons pris trois sciences au hasard. […] Ce sera l’âge de la Science. […] La science n’a pas de patrie, si l’on entend par science les affirmations dégagées par la recherche scientifique. […] On a beaucoup parlé, pendant la guerre, de la science allemande et de la science française. […] Ils se disaient les dévots de la Science.

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