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47. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

On montrerait sans peine que les différents degrés de la tristesse correspondent, eux aussi, à des changements qualitatifs. […] James, de ce qui se passe dans l’autre œil : celui-ci reste couvert pendant les expériences ; il se meut néanmoins, et l’on s’en convaincra sans peine. […] Ainsi le tic-tac d’une montre paraît plus sonore pendant la nuit, parce qu’il absorbe sans peine une conscience presque vide de sensations et d’idées. […] Vous vous en convaincrez sans peine si l’on vous invite à soulever un panier que l’on vous aura dit rempli de ferraille, alors qu’il est vide en réalité. […] C’est précisément ce qui arrive, comme on s’en convaincra sans peine, en jetant un coup d’œil sur les deux tableaux dressés par M. 

48. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Cette loi, en vérité, a eu bien de la peine à se faire comprendre dans son principe et dans l’esprit qui en avait inspiré le projet. […] La pensée généreuse du chef de l’État veut supprimer les peines corporelles ; l’empereur l’avait déjà voulu, et avec une intention très-marquée, quand il s’agissait de la prison pour dettes ; il manifeste le vouloir de nouveau en matière de délits de presse ; le Prince qui, sur le trône, se souvient des jours de l’adversité sait ce que lui, homme de cœur et de pensée, a souffert dans une prison : Non ignara mali, miseris succurrere disco ; et il veut épargner cette même peine aux hommes de pensée, même à ceux qui se trompent ; et cette délicatesse de sentiment n’est pas comprise ; et à diverses reprises on s’est obstiné à réintroduire dans la loi ces peines corporelles : expulsées d’un côté, elles y rentraient de l’autre. […] Cette peine corporelle est une petite torture lente, imperceptible, indigne d’être infligée, chez un peuple civilisé, à des hommes qui n’ont eu qu’une erreur intellectuelle (si tant est qu’ils l’aient eue en effet). […] Et ici je sens le besoin de remercier notre bienveillant rapporteur pour les bonnes paroles qu’il a prononcées : « Supprimer une peine, a-t-il dit, c’eût été faire un pas de plus dans la voie que suit depuis longtemps notre législation » ; et il a exprimé le vœu que cette peine corporelle, réintroduite au dernier moment dans la loi, ne fût appliquée à l’avenir que le plus rarement possible. […] Ce n’est pas à dire, messieurs, que j’eusse conseillé, en rejetant les peines corporelles, d’insister d’autant, en revanche, sur le chiffre des amendes et de l’aggraver.

49. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Peine inutile du reste ! […] La peine des grands hommes, comme leur récompense, c’est leur immortalité ! […] — était si maladroit dans l’exercice des armes, qu’il fut obligé de s’interdire la chasse pour ne blesser personne, et qu’on a gardé dans sa famille, comme souvenir unique de son genre parmi ses traditions de gloire, le souvenir de la seule perdrix qu’il eut une si grande peine à tuer ! […] … Spontané de génie sur mer, comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître ; inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire, et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fît se donner sans se reprendre, — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour, car derrière lady Hamilton il y a Caracciolo ; derrière le vice il y a un crime ; derrière le serment profané de l’époux à l’épouse, il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

50. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Peine inutile, du reste ! […] La peine des grands hommes, comme leur récompense, c’est leur immortalité ! […] — était si maladroit dans l’exercice des armes qu’il fut obligé de s’interdire la chasse pour ne blesser personne, et qu’on a gardé dans sa famille, comme souvenir unique de son genre parmi ses traditions de gloire, le souvenir de la seule perdrix qu’il eut une si grande peine à tuer ! […] … Spontané de génie sur mer comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson, comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître, inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fit se donner sans se reprendre — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour ; car derrière Lady Hamilton il y a Carracciolo, derrière le vice il y a un crime, derrière le serment profané de l’époux à l’épouse il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

51. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

L’ordre des mots et des propositions, la construction des phrases et des périodes contribuent pour beaucoup à la netteté : elle s’affaiblit, si les rapports grammaticaux des mots ne sont pas apparents, si les propositions incidentes et subordonnées s’enchevêtrent et se contrarient, ou s’accrochent avec peine aux principales, enfin si l’on oblige le lecteur à débrouiller son texte comme un écolier sa version. Les phrases longues peuvent être parfaitement nettes, et il n’est pas besoin d’écrire d’un style haché, ni d’éviter les qui et les que : mais il faut ménager la peine de son lecteur, lui offrir, comme disait Pascal, des reposoirs, pratiquer des jours, et ne pas l’essouffler à travers d’interminables périodes, inégales, tortueuses et mal éclairées. […] Mais comme l’abus de ces termes de liaison donne au discours un air pesant et pédant, et comme d’autre part il paraît facile de s’en passer, on ne se donne pas la peine d’en connaître l’énergie et les propriétés.

52. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Cela vaut la peine d’être expliqué. […] Stanley la montre, j’ai peine à imaginer que la caravane eût pu y faire en moyenne, comme nous le voyons, sept kilomètres par jour.) […] L’auteur pourrait nous dire : « Allez-y voir. » Mais cela prouverait seulement que nous sommes incapables de faire ce qu’il a fait, ce dont nous convenons sans peine.

53. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

N’allons pas cependant, passant d’un premier effroi à la superstition, et pour nous payer de notre peine, nous mettre à admirer des choses très simples et des plus ordinaires, uniquement parce qu’elles sont revêtues de ces formes devenues pour nous un peu étranges. […] Que de peine n’a-t-il pas à trouver dans tout le Midi un imprimeur qui ait des caractères grecs pour son Athénée ? […] Et sur ce seul sujet du saint mystère de l’Eucharistie, les choses en sont venues à ce point que les pieux et les sincères ont peine à fixer leur sentiment. […] Mme Casaubon ou, comme on disait alors pour les femmes de la bourgeoisie, Mlle  Casaubon, d’une santé délicate (on le serait à moins), au milieu de ces fatigues et des voyages qu’elle entreprend pour les affaires de la famille, avait peine à s’acclimater en Angleterre. […] Un jour que Casaubon l’était allé visiter (c’était dans le temps du procès du maréchal de Biron), l’aimable roi se mit d’abord à badiner avec lui en lui disant qu’il le croyait complice de la trahison de Biron ; puis tout d’un coup prenant un visage sérieux ; « Vous voyez, lui dit-il, combien j’ai de peine, moi, afin que vous puissiez étudier en paix. » Un tel mot rachète bien des ignorances82.

54. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Au contraire, la loi de contraste a une valeur propre quand il s’agit de peines et de plaisirs. Non seulement l’idée de peine suscite celle de plaisir par l’idée commune de sensibilité, mais en fait et réellement la peine et le plaisir s’engendrent l’un l’autre. Rappelons-nous, en effet, que le plaisir est le plus ordinairement précédé ou accompagné d’une certaine peine due au besoin et à la non-satisfaction d’une tendance : si la souffrance n’est pas la condition nécessaire du plaisir, elle en est du moins un antécédent habituel, et, au point de vue organique, il n’y a guère d’acquisition de force qui n’ait été précédée d’un manque de force. […] Ce n’est point de jouir que l’activité se lasse ; c’est de l’effort qu’elle fait pour jouir, de la peine qui est le prix de sa jouissance. […] En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort.

55. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Quelquefois ma raison, par de foibles discours, M’invite à la révolte, & me promet secours : Mais, lorsqu’à mon besoin je me veux servir d’elle, Après beaucoup de peine & d’effort impuissans, Elle dit qu’Uranie est seule aimable & belle, Et m’y rengage plus que ne font tous mes sens. […] Il eut des peines incroyables ; Il s’en plaignit, il en parla. […] Qu’ont de commun ses maux avec les peines d’un amant ?

56. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottier, Eugène (1816-1887) »

et Chants révolutionnaires, publiés, combien tard et avec quelle peine ! […] Tandis que le café-concert abrutissait la masse avec des refrains idiots, Pottier, en exil ou à l’écart, obscur, oublié, jetait aux quatre murs de sa chambre ces chansons de bataille, de revendication et de miséricorde : Jean Misère, Jean Lebras, Don Quichotte, Madeleine et Marie, Ce que dit le pain, Le Chômage, Tu ne sais donc rien, Chacun vit de son métier, Le Jour du terme, L’Insurgé, La Sacoche, Elle n’est pas morte, et cet émouvant Contremaître de fabrique, perdu dans ses œuvres posthumes… Yvette Guilbert peut convoquer le ban et l’arrière-ban de ses fournisseurs de tragique, reprendre Jules Jouy et faire appel à ses émules, elle aura de la peine à découvrir quelque chose qui atteigne au pathétique du Fils de la fange, des trois simples strophes intitulées : Déjà, ou du refrain, moins ignoré, si douloureux, si poignant, si pareil à un glas dans la bouche de Jean Misère :         Ah !

57. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 193-194

Presque toutes les Préfaces des Ouvrages de Baillet forment autant d’articles dans le Dictionnaire Encyclopédique, sans qu’on ait pris la peine d’en avertir le Lecteur. Il eût été cependant plus juste & plus honnête de faire connoître au Public à qui il avoit l’obligation de ces morceaux, que de consigner au bas le nom de l’Encyclopédiste, qui n’a pris que la peine de les transcrire ou de les faire transcrire.

58. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Un pauvre aujourd’hui est passé, puis un tout petit enfant. — Est-ce la peine d’en parler ?  […] non, je ne regrette pas le temps, ni rien de ce qu’il nous emporte ; ce n’est pas la peine de jeter ses affections au torrent. […] Plus j’y demeure, moins je m’y plais ; aussi je vois sans peine venir les ans, qui sont autant de pas vers l’autre monde. […] « Voilà bien la peine de prendre de l’encre pour écrire de ces inutilités !  […] Le jour a remplacé la chandelle, ce n’est pas la peine d’aller au lit.

59. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — W. — article » pp. 524-526

Si l'on fait attention aux difficultés du sujet qu'il a entrepris de traiter dans une Langue telle que la nôtre, & combien la Poésie Françoise se prête peu aux expressions techniques d'un Art dont la plupart des regles sont fondées sur l'Optique & l'Anatomie, on lui saura gré d'avoir surmonté de tels obstacles, & on passera sans peine sur le défaut d'intérêt & d'élégance, qu'on lui reproche, en lui tenant compte des vraies beautés qu'il a le plus souvent répandues sur une matiere ingrate par elle-même. […] Watelet, & n'en font que mieux sentir les défauts des autres Auteurs qui ont concouru à cet Ouvrage, sans avoir le talent, ou sans vouloir se donner la peine d'y fournir une tâche digne de l'enthousiasme avec lequel on l'avoit annoncé.

60. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

de ne pas prendre les images des poètes pour leurs opinions, quoique cela se ressemble beaucoup, dans les poètes, et rien n’est plus comique que cette peine effrayée chez le rédacteur des Débats de voir Horace compromis avec le pouvoir impérial d’Auguste. […] III Est-ce la peine de faire tant de bruit ? Est-ce la peine, pour si peu, de faire d’Horace un génie délicieux, un esprit divin, un modèle d’élégance, d’urbanité, d’atticisme, l’Attique même, toute une Athènes à lui seul, et Athènes avec son Pirée, que les singes prennent toujours pour un homme ? […] Se tempérer soi-même quand on commence de n’en pouvoir plus, se modérer quand on ne s’emporte pas, se rasseoir quand on est cul-de-jatte, quel mérite a-t-on et quelle peine intelligente ?

61. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

L’âme, troublée par les sentiments qui l’oppressent, se persuade qu’elle soulagera sa peine en s’en occupant davantage ; les premiers instants où le cœur s’abandonne à la rêverie, sont pleins de charmes, mais bientôt cette jouissance consume. […] La paix qui l’environne semble insulter au tumulte de son âme ; l’uniformité des jours ne lui présente aucun changement même dans la peine ; la violence d’un tel malheur au sein de la retraite, est une nouvelle preuve de la funeste influence des passions ; elles éloignent de tout ce qui est simple et facile, et quoiqu’elles prennent leur source dans la nature de l’homme, elles s’opposent sans cesse à sa véritable destination. […] Les aspects, les incidents de la campagne sont tellement analogues à cette disposition morale, qu’on serait tenté de croire que la Providence a voulu qu’elle devint celle de tous les hommes, et que tout concourut à la leur inspirer, lorsqu’ils atteignent l’époque où l’âme se lasse de travailler à son propre sort, se fatigue même de l’espérance, et n’ambitionne plus que l’absence de la peine.

62. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Mais le professeur Montmaur, aussi paresseux que caustique, lorsqu’il n’étoit point question de repas & de bonne chère, ne voulut point se donner la peine de réfuter des libèles par d’autres libèles. […] On vit briller, dans cette attaque générale, Feramus, un des plus élégans & des plus agréables latinistes de son temps ; Sarrasin, ce père de l’enjouement & de la bonne plaisanterie, à qui les vers ne coûtoient aucune peine ; toujours intéressant, quelque sujet qu’il traite, également recherché de son vivant des femmes, des gens de lettres & de cour ; Charles Vion d’Alibrai dont les poësies ont un tour original & naïf. […] A peine Montmaur est-il relâché, & lavé pleinement de ce soupçon de meurtre, qu’on invente d’autres horreurs.

63. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 280-282

Maynard excelloit dans l’Epigramme, & s’étoit donné la peine de former un sistême particulier sur cette sorte de Production. […] Son exemple n’a pas été suivi, parce qu’on s’en tient toujours aux choses consacrées, & que ce n’est pas la peine d’adopter de nouvelles regles, quand elles ne procurent pas un nouvel agrément.

64. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Prenons courage : nos peines, nos douleurs ne sont que pour un temps limité par sa providence, et la récompense sera éternelle. […] Homais arrivant d’emblée et avec si peu de peine au dernier mot de la philosophie, c’est bien dur à penser. […] J’aurais supprimé quelques verrues que je n’ai pas pris la peine, n’étant que laïque, d’extirper sérieusement, mais qu’il n’eût dépendu que de moi d’arracher. […] Ce dernier s’aperçut même que ce monde nouveau était fort curieux et valait la peine qu’on s’y attachât. […] Dans une des utopies de société aristocratique que je rêve, il n’y aurait qu’une seule peine, la peine de mort, ou plutôt l’unique sanction serait un léger blâme des autorités reconnues, auquel aucun homme d’honneur ne survivrait.

65. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

A peine de retour à ses vaisseaux, Jason a tenu conseil avec ses compagnons ; plus d’un se lève et s’offre, quoi qu’il arrive, à combattre et les taureaux monstrueux et les géants nés des dents du dragon. […] Se débattant d’effroi, elle s’élança hors du lit et regarda de tous côtés les murailles de sa chambre : elle eut peine à recueillir ses esprits comme auparavant, et elle laissa échapper ces paroles avec sanglots : « Malheureuse que je suis, quels songes pesants m’ont épouvantée ! […] Bien tard enfin elle se décida à dire de la sorte avec ruse, car les hardis Amours faisaient rage : « Chalciope, mon âme est tout en peine pour tes enfants : je crains que notre père ne les fasse périr du coup avec ces étrangers. […] Il prenait encore cette belle comparaison de l’âme en peine avec le rayon de soleil réverbéré dans l’eau : Sicut aquæ tremulum labris ubi lumen ahenis Sole repercussum………. […] Virgile aussi a montré, en un des plus beaux passages du ive livre, l’impuissance des devins ; c’est quand Didon perd sa peine à consulter les oracles des Dieux et à interroger les entrailles des victimes : Heu vatum ignaræ mentes !

66. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Il y a de lui une vingtaine de traits qu’on sait par cœur : cela suffit pour s’épargner la peine d’examiner le reste. […] C’est celui-ci, disent-ils, qui a porté leur langue à son point de perfection, qui a surpassé tous les autres en force et en majesté… J’ai lu quelque chose du Dante à grande peine ; il est difficile à entendre, tant par son style que par ses allégories, ………………………… Car un sublime dur S’y trouve enveloppé dans un langage obscur. […] Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc. […] Les beautés chez Dante sont grandes, et elles sont d’un ordre si imprévu, si puissant et si élevé, qu’on ne regrette point, quand on les possède une fois, la peine qu’elles ont coûtée ; elles ont pourtant coûté une grande peine, et il est de ceux qu’on admire, en étant obligé de les conquérir à chaque pas et à chaque instant.

67. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

A peine sortis du conduit ténébreux, Mâtho croit que Spendius va l’accompagner à la maison d’Hamilcar pour y voir Salammbô ; mais Spendius, qui a fait jurer à Mâtho, avant de tenter l’entreprise, de lui obéir en tout aveuglément, le contient dans son désir et se dirige avec lui vers le temple de la déesse Tanit. […] L’idée de Spendius est de se servir de Mâtho, plus fort et plus hardi que lui, pour enlever du temple de la déesse le voile sacré qui est comme le palladium de Carthage : il a de la peine, toutefois, à le décider, car Mâtho craint les dieux, et il est sérieusement persuadé de la vertu divine de l’objet ; il a peur de commettre un sacrilège. […] A peine arrivé à sa maison, un vieil esclave déguisé en négresse lui apporte des nouvelles du petit Hannibal qu’on élève clandestinement, et qui est déjà un enfant terrible : « Il invente des pièges pour les bêtes farouches. […] Il y a, à cet endroit, une peinture du Python ou serpent familier, qui est très-caressée par l’auteur : sans y chercher malice autant qu’on le pourrait, je me demande si c’était bien la peine d’aller nous ressusciter tout exprès une sœur d’Hannibal pour nous la montrer batifolant de la sorte, dans son belvédère, avec son serpent. […] J’ai même grand peine à me figurer que ces durs Carthaginois, que nous connaissons pour les avoir vus en Italie sous la conduite d’Hannibal, missent tant d’importance, un jour de bataille, à une guenille sacrée.

68. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Si vous croyiez cela, mon cher père, vous vous tromperiez, parce qu’il en résulte pour moi une peine infinie et pas la moindre petite portion de gloire. […] M. de Saint-Joseph nous y fait assister : « La chaleur que la saison et notre rapprochement du Midi rendaient chaque jour plus forte ; notre marche dans un pays sans routes, brûlé, sillonné par de longues fentes, où l’on eût dit qu’un vent dévastateur venait d’exercer ses ravages, l’épuisement des chevaux, nos fatigues, nos peines morales, tout nous rendit excessivement longue et pénible la petite distance de l’Alagon au Tago. […] On eut peine à soustraire le général à la fureur populaire. […] Ce n’est pas sans peine que mon ami M. de Chantelauze a retrouvé cet acte aux registres de la paroisse de Sainte-Croix. […] Camille Rousset avait pris la peine d’en faire un excellent résumé à mon usage, et je l’aurais donné si je ne craignais les longueurs.

69. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

A cette époque unique dans la vie, le génie, qui, depuis quelque temps adulte et viril, habitait avec inquiétude, avec tristesse, en sa conscience, et qui avait peine à s’empêcher d’éclater, est tout d’un coup tiré de lui-même au bruit des acclamations, et s’épanouit à l’aurore d’un triomphe. […] Il ne nous semble même pas impossible que quelque circonstance particulière de son aventure l’ait excité à composer Mélite, quoiqu’on ait peine à voir quel rôle il y pourrait jouer. […] Sans doute il en souffrait par moments, et il déplore lui-même quelque part ce je ne sais quoi d’abaissement secret, auquel un noble cœur a peine à descendre ; mais, chez lui, la nécessité était plus forte que les délicatesses. […] Nourris la plupart dans une discipline austère, ils ont sans cesse à la bouche des maximes auxquelles ils rangent leur vie ; et comme ils ne s’en écartent jamais, on n’a pas de peine à les saisir ; un coup d’œil suffit : ce qui est presque le contraire des personnages de Shakspeare et des caractères humains en cette vie. […] Une autre fois, il disait à Chevreau : « J’ai pris congé du théâtre, et ma poésie s’en est allée avec mes dents. » Corneille avait perdu deux de ses enfants, deux fils, et sa pauvreté avait peine à produire les autres.

70. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Il y a toute une éducation de la sensibilité, qui met de l’ordre et des nuances dans le chaos des émotions, qui surtout rend nettes et perceptibles les impressions confuses et faibles, qui développe le tact de l’âme, et fait qu’au plus léger attouchement elle frémit de joie et de peine, enregistrant les moindres phénomènes comme un instrument délicat. […] Et c’est pourtant où il faut parvenir, et c’est où la réflexion vous mènera sans trop de peine. […] Il fallait se former soi-même : dans le monde, dans les lectures, au théâtre, payer de sa personne, et ne pas s’endormir ; hors de soi, ni en soi, on n’avait de souffleur, qui dispensât de la peine.

71. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Les spectateurs, en demêlant sans peine le ridicule des personnages, auront encore assez de peine à y reconnoître le ridicule qui peut être en eux. […] Il ne suffit pas que l’auteur d’une comedie en place la scene au milieu du peuple qui la doit voir répresenter, il faut encore que son sujet soit à la portée de tout le monde, et que tout le monde puisse en concevoir sans peine, le noeud, le dénouëment et entendre la fin du dialogue des personnages.

72. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

En voilà suffisamment pour concevoir sans peine que l’air doit être sujet à une infinité d’altérations résultantes du mélange des corpuscules qui entrent dans sa composition, qui ne sçauroient être toujours les mêmes, et qui ne peuvent encore y être toujours en une même quantité. […] Le hemvé ne devient une peine de l’esprit, que parce qu’il est réellement une peine du corps.

73. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Les lumieres du discernement ont été éclipsées par les transports de l’enthousiasme, & on aura peine à croire jusqu’à quel point cette espece de fanatisme a poussé son aveuglement. […] La meilleure de ses Comédies auroit peine à figurer dans la classe de celles qu'on regarde comme médiocres. […] Quant à ses Odes, il suffit de les lire, & l'on n'aura pas de peine à deviner la cause de son acharnement contre le grand Rousseau & M. […] Tous les Poëtes qui l'ont précédé, lui sont inférieurs, & l'on pourroit prédire que ceux qui le suivront, auront de la peine à l'égaler. […] Les Jeunes-gens sur-tout, que le moindre joug importune ; les Esprits légers, à qui la nouveauté est toujours assurée de plaire, que les plus minces saillies persuadent dès qu’elles les amusent, n’ont pas eu de peine à passer du goût à l'enthousiasme, & de l'enthousiasme à une espece de fatanisme.

74. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

— Je n’aurai pas de peine à suivre ton idée, me dit-il en nous séparant, car ce ne sera que la vérité que je dirai au père Hilario, en parlant comme tu viens de dire. […] reprit Hyeronimo, je n’ai pas eu de peine à amener l’entretien où tu m’avais conseillé de le conduire ; car de lui-même, en me revoyant si pâle et si morne, il m’a demandé de lui ouvrir mon cœur comme je lui avais ouvert ma conscience, et de bien lui dire s’il ne me restait devant le Seigneur aucun mauvais levain de vengeance contre ceux qui avaient causé par malice ma faute et ma mort, si funeste et si prématurée ? […] Cela en valait-il la peine ? […] Quant à la mère d’Hyeronimo et à mon père, comment auraient-ils hésité à donner un consentement à une union sainte de tout ce qu’ils aimaient sur la terre, surtout quand ils espéraient que cette union serait peut-être le gage de la grâce accordée à Hyeronimo et tout au moins de mon retour auprès d’eux, si l’iniquité des hommes le retenait en captivité après sa commutation de peine. […] que sa vue me fit peine et plaisir à la fois, monsieur !

75. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Pascal, en son temps, remarquait que « c’est un grand avantage que la qualité (la naissance) qui, dès dix-huit ou vingt ans, met un homme en passe d’être connu et respecté comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans : ce sont trente ans gagnés sans peine ». […] On se jette en avant, on s’engage, on est en peine ensuite pour revenir. […] Je veux un sublime si familier, si doux et si simple, que chacun soit d’abord tenté de croire qu’il l’aurait trouvé sans peine, quoique peu d’hommes soient capables de le trouver. […] Si ces auteurs, qui semblent avoir été mis au monde tout exprès pour lui procurer un facile triomphe, n’existaient pas, votre critique serait bien en peine, et elle n’aurait pas toute sa matière.

76. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Il se livroit donc sans peine à la supposition sur laquelle les incidens de la piece sont fondez, au lieu que cette supposition est si peu vraisemblable parmi nous, que nous avons beaucoup de peine à nous y prêter. […] D’un autre côté, Cassiodore dit dans l’épitre cinquante et une du livre premier, que la voix de ceux qui joüent des tragédies, étant fortifiée par les concavitez, rendoit un son tel qu’on avoit peine à croire qu’il pût sortir de la poitrine d’un mortel. […] Si les écrivains de l’antiquité avoient pû croire que les generations à venir pussent être jamais en peine d’expliquer des choses qui étoient sans difficulté pour eux, soit parce qu’ils les voïoient tous les jours, soit parce que tout le monde avoit alors entre les mains des livres qui expliquoient méthodiquement ces choses-là, ils auroient mieux circonstancié leurs narrations.

77. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

” « Et aussitôt que le vent qui les chassait les eut rapprochées de moi : “Ô âmes en peine ! […] ” me dirent-elles, “qui parcours ainsi cet air réprouvé et qui viens nous visiter dans notre supplice, nous qui avons teint le monde où tu vis de notre sang ; « “S’il nous était permis d’invoquer pour un autre le maître de l’univers, qui nous afflige et nous punit, nous lui demanderions de te combler de sa paix, toi qui ressens une si tendre pitié pour nos peines sans remède ! […] l’image des peines qui font couler tes larmes me remplit de mélancolie et d’attendrissement sur toi. […] M. de Chateaubriand lui-même, dans son poème chrétien des Martyrs, cite l’autorité des Pères de l’Église pour expliquer en ce sens l’éternité des peines et pour effacer de la porte de l’enfer ce vers infernal du Dante : Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ! […] Quelques âmes en peine, représentées sous des traits de femmes avec des mains suppliantes et de grosses larmes sous les paupières, se dégagent à demi des langues de flammes qui lèchent la muraille.

78. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Nous avons vu, sous la forme de femmes du Nord, de tous ces types-là ; et elles nous étonnent dans nos timidités et nos agréables routines parisiennes, elles nous déconcertent toujours ; nous avons peine à nous les expliquer, car nous ignorons les origines et les sources premières. […]  » Je ne m’inquiète pas du fond de la pensée ni de savoir s’il est exact de supposer à ce vieux cœur breton de telles tendresses, mais on a peine à comprendre, quand on a vu M. de Lamennais, que l’idée de Clorinde ait pu venir à personne à son sujet. — D’autres fois, c’est la parfaite justesse qui manque aux idées de Mme Swetchine. […] Un grand géomètre, qui avait de la sensibilité31, a dit que « la philosophie s’est donné bien de la peine pour faire des traités de la vieillesse et de l’amitié, parce que la nature fait toute seule les traités de la jeunesse et de l’amour ». […] Je connais de bien sages vieillards qui, affligés de surdité et sujets à l’insomnie, ont peine à se payer de ces consolations-là. […] Les femmes d’esprit sont bien capables d’apercevoir ce qu’un valet de chambre ne soupçonne pas. — Ô vérité nue, ô vérité vraie, qu’on a donc de peine à vous trouver et de difficulté à vous dire !

79. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

La condamnation de ces deux derniers, anciens généraux de brigade sous la République, et depuis longtemps rentrés dans l’ordre civil, présente des circonstances d’animosité féroce que l’historien, s’il ne se replonge dans les passions du temps, a peine à s’expliquer. […] quels étaient les auteurs de ces propositions ultra-royalistes et vraiment révolutionnaires, qui allaient pleuvoir coup sur coup, qui tendaient à tout remettre en question, les idées et les intérêts modernes, à constituer la société entière en état de suspicion, à aggraver toutes les peines, à proposer la peine de mort de préférence à toute autre, à substituer le gibet à la guillotine, les anciens supplices aux nouveaux40, à maintenir la magistrature dans un état prolongé et précaire d’amovibilité, à excepter de l’amnistie des catégories entières de prétendus coupables, à rendre la tenue des registres civils au Clergé, à revenir sur les dettes publiques reconnues, etc., etc. ? On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à  la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible. […] A l’occasion de ces projets et propositions de rétablir la corde et de garder apparemment la peine de la tête tranchée pour les crimes d’État et les hauts personnages, une femme de qualité rencontrant le garde des sceaux, s’échappa à lui dire, et d’un air de satisfaction : « Eh bien !

80. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Spinoza, on le sait, expliquait toutes nos passions par le désir, la joie et la peine, qu’il ramenait à l’inclination fondamentale de tout être : « être et persévérer dans son être. » Jouffroy arrivait à la même conclusion sous une autre forme et d’une autre manière. […] II « Le sentiment, dit-il, comprend tous nos plaisirs et peines et certains modes d’excitation d’un caractère neutre, qu’on définira plus tard. » Le sentiment (feeling) comprend à la fois les diverses sensations précédemment examinées et les émotions179. […] L’auteur reconnaît les onze classes suivantes180 : Les plaisirs et peines résultant de la loi d’harmonie et de conflit. Nous sommes exposés à une pluralité de sensations ; quand elles s’accordent il y a plaisir ; quand elles se contrarient il y a peine. […] Physiquement, le système n’est ouvert qu’à une seule chose ; nous sommes « tout yeux ou tout oreille. » Psychologiquement, tout autre plaisir, toute peine étrangère sont suspendus ; nous sommes entièrement à l’objet que nous poursuivons, les préoccupations objectives étant anesthésiques par nature.

81. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Cela vaut la peine qu’on s’y arrête, pour examiner la valeur d’un tel jugement, surtout lorsque des pièces positives et neuves sont produites à l’appui. Il est arrivé au cardinal Mazarin, si heureux en toutes choses, un très grand malheur après sa mort : cet homme, sans amitiés et sans haines, n’a eu qu’un seul ennemi avec qui il ne se soit pas réconcilié et à qui il n’ait jamais pardonné, le cardinal de Retz ; et celui-ci, en écrivant ses immortels Mémoires, a laissé de son ennemi, de celui en qui il voyait un rival heureux, un portrait si gai, si vif, si amusant, si flétrissant, que les meilleures raisons historiques ont peine à tenir contre l’impression qui en résulte, et qu’elles ne parviendront jamais à en triompher. […] J’ai peine à le faire sans avertir M. de Chavigny, nos intérêts étant communs ; mais j’ose espérer que Sa Majesté daignera me garder le secret, comme je le garderai de mon côté religieusement. » Ces paroles étaient formelles ; mais Beringhen marqua qu’il désirait quelque gage plus précis et qui fît foi du succès de son message. […] De plus, dans ce genre d’histoire, il n’est pas obligé de renoncer à ses passions, dont il se détache avec peine. […] Que j’ai eu de peine à acquérir ces choses !

82. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Le plaisir est doux après la peine ! […] La naïveté de ses joies ou de ses peines, selon que l’enfant est plus ou moins admiré sur sa route, s’exprime dans ses lettres avec une inimitable candeur. […] La comtesse s’est donné beaucoup de peines pour nous, et toutes ces dames sont folles de mon fils. […] Nanerl pleurait et sanglotait sans mesure, et j’eus bien de la peine à la consoler. […] De plus, ces dames se donneront toutes sortes de peines pour obtenir des souscriptions pour tes compositions.

83. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Autran, Joseph (1813-1877) »

Je voyais avec peine un jeune poète, dont je pressentais le magnifique avenir, entrer dans cette voie où la première place était prise, et je me disais tout bas qu’il serait dur de ne s’appeler que Thomas Ponsard. […] Autran a cet air de cheveux blancs, et ils lui semblent venus dans la peine du labeur et des veilles de l’étude.

84. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

On perd bien du repos pour faire un peu de bruit, Et ce bruit ne vaut pas la peine qui le suit. […] Je contemplois déjà les miseres humaines, Et j’en accusois plus nos plaisirs que nos peines, J’en accusois sur-tout nos plaisirs amoureux, Comme les plus légers & les plus dangereux ; Je voyois qu’à la fin tous les cœurs s’en dégoûtent, Ou par les maux qu’ils font, ou par les biens qu’ils coutent ; Et me ressouvenant de ce qu’ils m’ont couté, Je m’en croyois aussi pour jamais dégoûté ; Mais j’osai voir Olympe, &c.

85. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Enfin, les anciens poètes philosophes ont senti que ce n’était pas assez de peindre les peines du repentir, qu’il fallait plus pour l’enfer, qu’il fallait montrer ce qu’on éprouvait au plus fort de l’enivrement, ce que faisait souffrir la passion du crime avant que, par le remord même, elle eut cessé d’exister. […] Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher. Un certain degré de peine décourage et fatigue ; l’irritation du crime attache à l’existence par un mélange de crainte et de fureur ; elle devient une sorte de proie qu’on conserve pour la déchirer.

86. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

On voit avec peine ces marques de ressentiment à côté des plus belles leçons de morale & de philosophie. […] Le magistrat de la police prit lui-même la peine de le justifier, « non seulement aux yeux de sa famille, mais encore par une lettre qu’il écrivit à M. l’abbé Bignon ; & cette lettre ayant été lue dans l’assemblée des journalistes, l’abbé Desfontaines fut rétabli d’une voix unanime ». […] On reconnut sans peine l’auteur de ces écrits clandestins.

87. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Le visage en a pris un air de contrainte et de peine. […] Malgré l’ignorance des effets et des causes, et les règles de convention qui ont été les suites de cette ignorance, j’ai peine à douter qu’un artiste qui oserait négliger ces règles, pour s’assujettir à une imitation rigoureuse de la nature, ne fût souvent justifié de ses pieds trop gros, de ses jambes courtes, de ses genoux gonflés, de ses têtes lourdes et pesantes, par ce tact fin que nous tenons de l’observation continue des phénomènes, et qui nous ferait sentir une liaison secrète, un enchaînement nécessaire entre ces difformités. […] On n’étudie l’écorché, dit-on, que pour apprendre à regarder la nature ; mais il est d’expérience qu’après cette étude on a beaucoup de peine à ne pas la voir autrement qu’elle est.

88. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Enfin dans une nation industrieuse et capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie sans être assujettie à un travail reglé, il s’est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. […] Ce n’est pas sans peine qu’il consent d’estimer un artisan né dans le même païs que lui, autant qu’un artisan né à cinq cens lieuës de la France. […] Les françois me croiront sans peine.

89. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Ce sentiment est une peine aussi, mais d’une tout autre nature : c’est le remords, c’est le repentir. […] L’homme est sensible au plaisir et à la peine : il fuit l’une, il recherche l’autre. […] Restent les récompenses et les peines de l’autre vie. […] L’idée de la peine n’est pas une idée artificielle, empruntée aux calculs profonds des législateurs ; ce sont les législations qui reposent sur l’idée naturelle de la peine. […] Si nous étions seuls dans le monde, nous serions déjà fort en peine de satisfaire tous nos désirs.

90. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Ils furent, il est vrai, les trois plus vigoureux hommes de peine que l’érudition et la philologie aient produits au xvie  siècle ; mais est-ce assez, au xixe  siècle, pour qu’on leur fasse une encadrure disproportionnée avec ce qu’ils furent en réalité et ce qu’ils sont aujourd’hui dans la mémoire des hommes ? En un siècle égoïste et pressé comme le nôtre, qui s’arrête à peine devant les grandes choses et devant les grands noms, était-ce bien la peine de faire poser devant nous la figure, ou plutôt la momie, de trois scholiastes comme eux ?

91. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Les yeux ne se sont pas formés pour contempler, mais pour avertir d’un danger et pour faciliter la prise d’une proie ; on ne peut même pas dire qu’ils se soient formés pour voir, mais plutôt pour pressentir la peine ou la jouissance, et pour agir. […] La loi primitive de l’appétit et du vouloir, c’est de déployer le plus d’énergie avec la moindre peine, par cela même d’obtenir le maximum de jouissance avec le minimum de souffrance. […] La fusion en un tout d’une multitude de plaisirs ou de peines à l’état naissant a fini par paraître étrangère au plaisir et à la peine, mais ne vous laissez pas prendre à cette apparence : toute sensation de chaleur ou de fraîcheur est du plaisir ou de la peine qui commence, c’est de l’émotion qui s’apprête et sollicite la volonté, c’est un ébranlement qui se prépare à passer de l’état moléculaire à l’état massif. […] On a parfois essayé de réduire tous les états qualitatifs de la conscience au plaisir et à la peine, plus ou moins mêlés en proportions diverses jusqu’à produire parfois une apparente indifférence. Nous admettons volontiers que le plaisir et la peine constituent le caractère dominant des sensations originaires, qui étaient surtout organiques et, en quelque sorte, physiologiques, tandis que celles des cinq sens sont plutôt physiques.

92. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

On ne peut pas admettre qu’elle soit vraie ; on lui oppose une fin de non-recevoir, et la passion, pour se justifier, n’a pas de peine à suggérer des raisons qu’on trouve facilement décisives. […] Par exemple, nous constatons l’existence d’un certain nombre d’actes qui présentent tous ce caractère extérieur que, une fois accomplis, ils déterminent de la part de la société cette réaction particulière qu’on nomme la peine. […] C’est ainsi que, quand on définit le crime par la peine, on s’expose presque inévitablement à être accusé de vouloir dériver le crime de la peine ou, suivant une citation bien connue, de voir dans l’échafaud la source de la honte, non dans l’acte expié. […] Non certes, ce n’est pas la peine qui fait le crime, mais c’est par elle qu’il se révèle extérieurement à nous et c’est d’elle, par conséquent, qu’il faut partir si nous voulons arriver à le comprendre. […] Si un groupe donné d’actes présente également cette particularité qu’une sanction pénale y est attachée, c’est qu’il existe un lien intime entre la peine et les attributs constitutifs de ces actes.

93. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Je crois pourtant que Gray va ici un peu loin : Froissart, à sa manière et selon sa mesure de jugement, s’était mis fort en peine de recueillir la vérité dans ce qu’il raconte. […] Tandis que le bon cardinal se démène ainsi tout le dimanche et perd ses peines, le preux chevalier messire Jean Chandos, l’ami et le conseiller du prince de Galles, gentil et noble de cœur, et de « sens imaginatif », profite de la trêve pour côtoyer l’armée des Français ; et de même fait du bord opposé messire Jean de Clermont, maréchal de France, et, se rencontrant, ils se prennent de paroles comme deux héros d’Homère. […] Ce messire Jacques d’Audelée avait donc fait depuis longtemps ce vœu tout chevaleresque que, s’il se trouvait jamais en une affaire où serait le roi d’Angleterre ou l’un de ses fils, il serait le premier assaillant et le mieux combattant de son côté, ou qu’il périrait à la peine. […] Mais Froissart, qui s’est écarté, rentre bientôt après dans son sujet, et par une réflexion assez piquante : « Ainsi adviennent souvent, dit-il, les fortunes en armes et en amours, plus heureuses et plus merveilleuses qu’on ne les pourroit ni oseroit penser et souhaiter. » Il se répète sensiblement en cet endroit, et a quelque peine à se remettre en train ; il recommence plus d’une fois à reprendre haleine ; on dirait qu’on est avec lui dans le flux et le reflux de la mêlée. […] Les cinq cents marcs de rente n’en resteront pas là : le généreux d’Audelée va les donner en cadeau et en héritage à ses quatre braves écuyers, par l’aide et confort desquels il a pu tenir son vœu : Car, cher Sire, dira-t-il ensuite au prince, je ne suis qu’un seul homme, et ne puis que ce que peut un homme, et c’est parce que je comptois sur leur secours et leur aide que j’ai entrepris d’accomplir le vœu que j’avois de longtemps voué ; et c’est grâce à leur force et à leur bravoure que j’ai été le premier assaillant ; je serais mort et j’aurois péri à la peine, s’ils n’eussent été là.

94. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

C’est bien la plus vive, la plus parlante image de cette moitié de Lamennais à laquelle on a peine à croire quand on n’a fait que le lire, moitié d’une âme qui semblait en conversant se livrer tout entière, tant elle était gaie et charmante, et qui s’éclipsait si vite alors que son front se plissait et que sa physionomie noircissait tout à coup. […] Il avait apporté à La Chênaie une peine secrète de cœur, je ne dis pas une passion, mais un sentiment. […] Quoi qu’il en soit, il avait une peine alors, et en se trouvant transporté, au sortir de la solitaire Chênaie, dans l’intimité tendre d’Hippolyte de La Morvonnais et de sa jeune femme, cette peine se guérit. […] Nous étions témoins de ces luttes étranges, du haut d’une falaise où nous avions peine à tenir contre les furies du vent.

95. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Cela parut louche au prince et à ses conseillers, et on décida, qu’en attendant de plus amples renseignements sur le meurtre provoqué du capitaine, que mon père et ma tante rentreraient dans la propriété de la maison, de la vigne et du châtaignier, et que la peine de mort d’Hyeronimo serait convertie (encore était-ce pour ne pas démentir les sbires) en deux ans de galères. […] Que de grâces nous rendîmes à la Providence, quand il nous apprit la commutation de peine ! […] Elle ne se doutait pas que Fior d’Aliza portait dans son sein un gage d’amour et d’agonie, mais l’amour est plus fort que la mort, écrit le livre qui est là sur la fenêtre, dit-elle en montrant l’Imitation de Jésus-Christ ; elle savait seulement par l’évêque et par les moines que Fior d’Aliza avait été mariée et qu’elle ne consentirait jamais à laisser son mari se consumer seul dans la honte et dans la peine à Livourne, sans aller lui porter les consolations que la loi italienne autorise les femmes à porter à leur mari captif à la grille de leur cabanon ou dans les rigueurs de leurs chaînes, au milieu de leurs rudes travaux. […] Elle lui demandait de permettre que la pauvre montagnarde eût un asile dans sa maison pendant la nuit pour y recueillir sa misère, en lui permettant d’en sortir le jour pour voir son mari meurtrier condamné à mort, gracié et commué en deux ans de peine, enchaîné dans les galères du port de Livourne. […] CCLXXII Enfin, monsieur, nos deux figures amenaient trop de foule dans la rue, et la supérieure me fit venir pour me dire que l’enfant et moi nous étions trop beaux à présent pour rester plus longtemps à Livourne, que cela pourrait donner lieu à de nouveaux bruits, bien qu’il n’y eût rien à me reprocher que l’enfant, dont tout le monde ne connaissait pas l’origine ; que Hyeronimo n’avait plus que six semaines pour achever sa peine, après quoi il pourrait revenir en liberté rejoindre, dans notre montagne, sa femme, son fils, sa mère et son oncle, et qu’il convenait que je disparusse immédiatement de Livourne, où ma jeunesse et ma figure faisaient trop de bruit et de scandale.

96. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

A peine y murmure-t-on quelque messe dans un recoin perdu. […] Il a raison de ne prêcher que pour les croyants, puisqu’il n’a plus, comme j’ai dit, que des croyants autour de sa chaire et qu’il perdrait sa peine à haranguer des absents. […] La conscience est inviolable : l’homme a le droit de n’être méprisable que devant soi  Mais, au contraire, répond l’orateur, la conscience a besoin de s’épancher : De tous les secrets que nous portons dans le vase trop fragile de notre cœur, aucun ne nous fatigue comme le secret du péché et des peines qu’il enfante. […] Se voir et se mépriser, haïr en soi le plus cher de sa vie, se sentir l’auteur des peines qu’on endure et entendre dire à ceux qui les voient du dehors : Quelle chose étrange de souffrir ainsi ! […] Ils s’attaquent au matérialisme, au positivisme, au scepticisme et autres monstres avec une éloquence qui m’a semblé chez quelques-uns, sincère et cordiale, et tour à tour par des raisons de sentiment et par des arguments un peu gros, bien appropriés à leurs auditoires  Le Père Lange, l’abbé Frémont, surtout l’abbé Perraud et plus encore l’abbé Huvelin valent certes la peine d’être entendus.

97. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

La complaisance qu’on a pour ses idées, la peine qu’on éprouve à se retrancher, à repousser un trait d’esprit ou une pensée originale, font qu’on manque sans cesse aux lois de la proportion, qu’on développe les parties au gré de sa fantaisie et de son plaisir, non pas selon leur importance, et qu’on produit des œuvres boiteuses, bossues, des monstres difformes qui ne se tiennent pas debout et qui ne sauraient vivre. […] Quand on a tant de peine souvent à trouver que dire et à dire ce qu’on a trouvé, qui aura le courage de chasser ce qui s’offre de soi-même sous la main, ce qu’on peut prendre sans peine, sans travail, et qui avec cela joint l’éclat et la beauté ? […] Quand vous aurez soigneusement distingué dans les produits de l’invention première ce qu’il faut garder ou rejeter, vous ne serez pas encore au bout de votre peine : il vous restera à distribuer, à ordonner ce que vous aurez gardé.

98. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Notre juste et droit sens a, en outre, quelque peine à le suivre dans sa logique brisée, saccadée, qu’interceptent à chaque pas les fusées de la métaphore. […] Heine, dans sa fertile et magique exubérance, a des allures bien moins françaises ; sa pensée, au lieu de traverser un peu vite, en s’en colorant, les jets irrésistibles qui naissent à chaque pas, se laisse prendre à cette efflorescence, et s’égare comme à plaisir, et monte dans l’air sur chaque fusée ; elle a peine ensuite à reprendre le fil du chemin, ou du moins on a peine à le reprendre avec elle.

99. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Et ce ne serait pas la peine d’être né après Montaigne, La Mothe-le-Vayer et Duclos, si… Mais jouissons des belles créations de Dieu ou des belles créations spontanées, comme vous voudrez. […] Pas à une page, le souci de vivre, en fait, la peine de l’argent n’écorche un seul personnage du récit. […] Et ses jalousies futures, il eût dû les rentrer, sous peine d’être ridicule, et de s’exposer à cette réponse : « Mais vous saviez… » D’ailleurs, s’il ne devine pas, ce sculpteur ingénieux est naïf.

100. (1940) Quatre études pp. -154

Au moment où l’on croyait qu’il allait exprimer sa peine essentielle, il quittait la partie, détournait la tête, et se mettait à sourire. […] Il est tout nerfs, toute peine, toute douleur. […] Mais au prix de quelles peines ! […] Encore le combat avec l’ange n’est-il pas terminé à ce point, car la peine de dégager une personnalité suppose la peine de vivre. […] qu’on a de peine à vaincre la nature ! 

101. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Ce n’étoit pas la peine de prendre un ton dogmatique, de se complaire à disserter, pour n’avoir raison que dans les choses dites & prouvées avant lui, & s’égarer en avançant des nouveautés paradoxales, que personne n’a été tenté d’adopter. […] Marmontel a cependant lui-même de quoi servir de modèle, en un genre ; &, après tous les grands essais auxquels il s’est attaché, on aura peine à croire que ce genre se réduise à des Contes.

102. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ce n’était pas la peine de discuter avec de petites gens qui ont l’impertinence de vouloir vivre. […] Les dignités municipales exercées sous la main de l’intendant ne valent pas la peine qu’on se sacrifie à elles ; échevin, maire, élu, il n’est qu’un fonctionnaire, fonctionnaire exploité et tenté d’exploiter les autres. […] Il n’a pas de peine à se rendre. […] Celui qui n’a pas épargné sa peine ne plaint pas celle des autres. […] Le noble a fait fortune en se donnant la peine de naître.

103. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

.) — La vie d’un voyageur est une étrange alternative de joies et de peines, de regrets et d’oublis, d’élans impétueux vers l’avenir et de retours mélancoliques vers le passé. […] Émile Michel, et dans des termes où la satisfaction se tempérait d’une modestie rare : « (Caen, 4 avril 1858.)… On n’a point paru mécontent de mes leçons ; je commence à les faire avec moins de peine, plus librement. […] ) Tandis que vous parliez de Haydn, de Mozart, de Beethoven, vous devinez sans peine que Montesquieu tenait une grande place dans nos entretiens de coin du feu. […] En prenant la parole, Gandar n’eut pas de peine à faire comprendre l’inopportunité de cette demande. […] Le sage Noël des Vergers, qui était présent, en avait gardé souvenir en ce sens, et il eut quelque peine à le pardonner à Gandar.

104. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Elle le montre en effet ; et nous admettrons sans peine, quant à nous, l’existence d’une relation entre l’état actuel et tout état nouveau auquel la conscience passe. […] Il y met en balance les plaisirs et les peines, comme autant de termes auxquels on pourrait attribuer, au moins par abstraction, une existence propre. […] On montrerait sans peine que ces actions insignifiantes sont liées à quelque motif déterminant. […] — Nous le reconnaissons sans peine ; mais une prévision de ce genre n’a pas la moindre ressemblance avec celle d’un acte volontaire. […] Au contraire, les phénomènes physiques qui se succèdent et sont perçus par nos sens se distinguent par la qualité non moins que par la quantité, de sorte qu’on aurait quelque peine à les déclarer d’abord équivalents les uns aux autres.

105. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Quelle somme de bonheur équivaut à l’intensité de la peine ? […] Je ne sais si l’on a détruit la foi religieuse du peuple en France, mais on aura bien de la peine à remplacer pour lui toutes les jouissances réelles dont cette idée lui tenait lieu ; la révolution y a suppléé, pendant quelque temps. […] Alors qu’il naît du malheur, alors que l’excès des peines a jeté l’âme dans une sorte d’affaiblissement qui ne lui permet plus de se relever par elle-même, la sensibilité fait admettre ce qui conduit à la destruction de la sensibilité, ou du moins ce qui interdit d’aimer de tout l’abandon de son âme.

106. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

trempées d’autre chose… et pour la peine d’être venues, le coup de vin qui récompense a peut-être souvent manqué… Eh bien ! […] ma peine est trop profonde, Plus de gaieté désormais ; J’ai perdu ce que j’aimais, Tout ce que j’aimais au monde. […] Et si les hommes à regarder font trop de peine, regardez les choses, et dites, entre le Réalisme en art et en littérature et le Positivisme en philosophie, si l’Idéal peut encore tomber !

107. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il en portait la peine. […] Puis, quand il vit la guerre inévitable, il eut les pronostics les plus sombres ; il lui semblait que Frédéric s’était engagé dans un labyrinthe d’où il aurait peine à sortir, qu’il s’était remis de gaieté de cœur dans une situation extrême : « Je vois que dans peu, lui écrivait-il, tout ce qu’un État a de précieux sera abandonné à la fortune, les biens, la vie, la réputation, la gloire, la sûreté de la société. » Frédéric lui fait vingt réponses meilleures les unes que les autres : On commet, mon cher frère, deux sortes de fautes : les unes par trop de précipitation, les autres par trop de nonchalance. […] — Si d’ailleurs cette guerre vous répugne, vous n’aviez qu’à me le dire, comme mon frère Ferdinand, et vous étiez maître de vous en dispenser ; mais dans le fond des choses, je ne vois pas ce qui vous peine tant. (17 avril.) […] Il n’y a point de gloire, mon cher frère, qu’à surmonter de grandes difficultés ; dans le monde on ne tient aucun compte des choses qui ne coûtent aucune peine. […] Cela ressort de maint passage des réponses de Frédéric : Je vois, mon cher frère, qu’un major Günther a fait seize prisonniers ; cela est fort bien, mais en vérité cela ne vaut pas la peine d’être cité.

108. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

La plupart de ces livres n’ayant jamais été traduits auparavant, on est fort obligé à un auteur qui a pris la peine de les mettre en notre langue. […] Même en rabattant beaucoup de ces pompeux éloges, on a peine à se figurer d’abord qu’ils portent tout à fait à faux ; lorsqu’on jette un coup d’œil rapide sur les traductions en prose de Marolles, comme elles ne paraissent pas plus mauvaises absolument que d’autres de la même date, on se dit qu’elles ont pu être utiles en effet aux gens du monde, aux dames, et que Marolles a continué en cela de remplir sa fonction de latiniste de société. […] On a peine, en effet, à s’expliquer ce décri soudain et absolu qui pesa sur lui, sans appel, dès le premier jour ; de plus indignes, assurément, ont eu moins de guignon. […] Il y a des étourderies qu’on perd sa peine à vouloir expliquer. […] Mais le discernement des noms, des sujets et des manières, avec un peu de mémoire locale, fait tout cela sans beaucoup de peine. » Un jour, l’avocat Jean Rou, dont on a récemment publié les Mémoires 31, lui procura une des plus vives jouissances qui puissent chatouiller l’amour-propre d’un collectionneur.

109. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Après avoir écouté Lélia, vous m’avez dit une chose qui m’a fait de la peine : vous m’avez dit que vous aviez peur de moi. […] Le reste ne vaut pas la peine qu’on se donne pour manger et dormir tous les jours.  […] Personne ne comprend rien à votre vie et n’en sait les plaisirs ou les peines. […] La même raison m’empêche de changer la manière générale du conte ; pour cela, il faudrait le recommencer, et il n’en vaut d’ailleurs pas la peine. […] Merci donc mille fois, mon ami, et pour vos avis utiles et pour la peine que vous avez prise pour m’obliger, et pour ce que vous me dites de Béranger.

110. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Mais croit-on que, si l’on prenait cette peine, on rendît un grand service à la critique ? […] Il est libre de ne point trouver une sauce excellente ; mais à ceux qui la trouvent bonne, c’est perdre son temps et sa peine que de démontrer qu’elle est mauvaise, et qu’une autre est meilleure au goût, d’après l’idée de la sauce en général. […] Le Marquis ne s’applique plus uniquement à soutenir la dignité d’un personnage du bel air ; il n’a plus de rubans et de canons à étaler aux yeux du public ; il ne hausse plus les épaules chaque fois que le parterre rit ; il se donne la peine d’écouter. […] si je ne craignais de faire de la peine à Gorgias, je te dirais une chose ; mais j’ai peur que ce ne soit un peu impoli. — Quelle chose donc, Socrate, s’il te plaît ? […] C’est là probablement le sens de cette phrase de Jean-Paul : Le comique n’est jamais entré qu’avec peine dans tes définitions des philosophes.

111. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Lui-même, érudit fort distingué, mais encore plus causeur spirituel, il se plaisait à raconter des scènes de la vie de son père, des épisodes dramatiques et comiques du Conseil d’État, des malices sur quelques contemporains du Consulat et de l’Empire, par exemple sur François de Neufchâteau, qui, ayant à faire le récit du 19 brumaire, le soir même, devant des auditeurs avides et impatients, ne parvenait pas à sortir des parenthèses ni des embarras que sa voiture avait rencontrés dans sa route vers Saint-Cloud : on lui demandait les grands résultats, les résolutions prises, et il vous expliquait, à n’en pas finir, comment il avait eu toutes les peines du monde à passer. […] C’était un piquant contraste auquel on avait peine à s’accoutumer. […] A peine arrivé à Paris, il allègue auprès de M. de Talleyrand les serments qu’il a prêtés et qui le lient. […] On a peine à comprendre comment il arrive si souvent à cet administrateur capable et habile de déchoir ainsi de rang et de devenir, comme on dit, d’évêque meunier.

112. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Il en porta la peine. […] Quoi qu’il en soit, et de quelque manière qu’ils s’y amusassent (ce qui ne regardait qu’eux), on aurait peine à se figurer, si les faits notaient présents, que c’eût été après dix années d’une existence voluptueuse et casanière, ainsi menée au grand jour, que le ministère fût allé faire choix du comte de Clermont pour le créer général en chef d’une armée dispersée en pays ennemi et qui avait déjà usé deux maréchaux. […] La lame devait avoir peine à sortir du fourreau. […] Il lui arriva de dire un peu plus spirituellement, en se désolant avec son neveu le prince de Condé : « Ce n’était pas la peine à M. de Belle-Isle de m’envoyer un tuteur ; j’en aurais bien fait autant tout seul. » Ce prince, quand il parlait ainsi, n’avait plus rien de cet aiguillon de la gloire qui prend au cœur les nobles natures et les laisse dévorées de douleur après un affront.

113. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Les peines cachées sont innombrables. […] L’adversité sert à détromper sur le mérite apparent, sur ce petit mérite commun qu’il est très-facile de paraître avoir, sur cette élévation qu’on affecte en vérité sans peine, quand le sort fait tout pour nous soutenir. […] « La grandeur humaine est extrêmement vantée, mais je n’ai pas vu que l’homme pût être très-grand, en sorte que j’ai renoncé sans peine à être grand ; mais j’ai vu que l’homme pouvait être très-bon, et il faut tâcher d’être bon : je crois que j’eusse pu l’être si j’avais eu des jours moins asservis.  […] On est effrayé de cette inutile consommation des jours, et on voit avec peine s’approcher le moment qui doit confirmer cette contradiction dans la vie, de devenir vieux sans avoir vu que l’on fût jeune.

114. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers. […] A peine la duchesse du Maine fut-elle morte a son tour, qu’on se disposa à publier les Mémoires : ils parurent en 1755 ; on n’attendit même pas que le baron de Staal eût disparu. […] Cela est écrit avec une élégance agréable, mais cela ne valoit guère la peine d’être écrit. » Trublet lui répondait que toutes les femmes étaient de cet avis, mais que tous les hommes n’en étaient pas.

115. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

J’ai pris la peine d’y revenir et j’ai senti leur charme riche, dense et rare. […] Mais, en admettant que leur soit familier le sens politique d’une usurpation de sphinx sous la quatorzième dynastie, j’ai peine à croire qu’elles aient goûté la saveur de la phrase, qui gît dans l’opposition du roi Ramsès II, de ses ibis et de ses obélisques, avec les bénins fonctionnaires à lunettes qui surveillent notre musée. […] On feint de croire qu’il peine à raffiner pour effaroucher les gens simples. […] Il comprend sans peine apparente, seulement son cerveau travaille, librement et avec joie ; il ne s’endort pas à la tiède veilleuse des médiocrités quotidiennes.

116. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Parlant des débauches des Fontrailles, des Matha et autres esprits forts : Les chansons de table, dit-il, n’épargnaient pas toujours le bon Dieu ; je ne puis vous exprimer la peine que toutes ces folies me donnèrenti. […] L’on ne peut imaginer la peine que la chaleur des esprits nous donna sur ce sujet. […] Parmi ceux dont le cardinal de Retz se souvint à son arrivée, il en est un que j’aime à distinguer, parce qu’il était bel esprit, poli, honnête homme et pauvre : c’est le célèbre avocat Patru, l’un des premiers académiciens français, si prisé de Boileau, un de ceux qui, les premiers, parlèrent le plus purement notre langue, un de ces Parisiens spirituels et malins que Retz n’avait pas eu de peine à rallier autour de lui pendant la Fronde, avec les Marigny, les Montreuil, les Bachaumont. […] [1re éd.] je ne vous puis exprimer la peine que toutes ces folies me donnèrent

117. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

On le conçoit sans peine, même lorsqu’on n’en aurait pas la preuve d’après les originaux. […] Fénelon, serein, confiant et sans tourment, voit l’admirable ordonnance d’une nuit étoilée et se dit avec le mage ou le prophète, avec le pasteur de Chaldée : « Combien doit être puissant et sage celui qui fait des mondes aussi innombrables que les grains de sable qui couvrent le rivage des mers, et qui conduit sans peine, pendant tant de siècles, tous ces mondes errants, comme un berger conduit un troupeau !  […] Sans être évêque ni prêtre, il est lui-même sûr de son fait, il sait à l’avance son but, et laisse assez voir sa certitude, ses dédains, son impatience ; il gourmande, il raille, il malmène celui qui résiste et qui n’entend pas : mais tout d’un coup la charité ou le franc naturel l’emportent ; ses airs despotiques ont cessé ; il parle en son nom et au nom de tous, et il s’associe à l’âme en peine qui n’est plus que sa vive image et la nôtre aussi. […] En le prenant de la sorte, on résistera suffisamment à sa logique quelque peu étroite, opiniâtre et absolue ; on s’ouvrira cependant à cette flamme, à cet essor, à tout ce qu’il y a de tendre et de généreux en lui ; on s’associera sans peine à cet idéal de perfection morale qu’il personnifie si ardemment en Jésus-Christ, et l’on sentira qu’on s’est élevé et purifié dans les heures qu’on aura passées en tête-à-tête avec cet athlète, ce martyr et ce héros du monde moral invisible : Pascal pour nous est tout cela.

118. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

L’art des pantomimes auroit eu plus de peine à réussir parmi les nations septentrionales de l’Europe, dont l’action naturelle n’est pas fort éloquente ni assez marquée pour être reconnuë bien facilement lorsqu’on la voit sans entendre le discours dont elle doit être l’accompagnement naturel. […] Mais le langage des muets du grand seigneur, que leurs compatriotes n’ont pas de peine à comprendre, et qui leur semble un langage distinctement articulé, ne paroîtroit qu’un bourdonnement confus aux peuples du nord de l’Europe. Joignons à ces remarques la refléxion qu’on fait ordinairement, qu’il y a des nations dont le naturel est plus sensible que celui d’autres nations, et l’on n’aura pas de peine à comprendre que des comédiens qui ne parloient point pussent toucher infiniment des grecs et des romains, dont ils imitoient l’action naturelle. […] Quoique Roger n’ouvrit point la bouche, on comprenoit sans peine tout ce qu’il vouloit dire.

119. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Corneille doit donc être plus facile à traduire que Racine, et, ce qui peut-être semblera paradoxe, Tacite doit l’être plus que Salluste : Salluste dit tout, mais en peu de mots, mérite qu’une traduction a peine à conserver ; Tacite sous-entend beaucoup et fait penser son lecteur, mérite qu’une traduction ne peut faire perdre. […] Ainsi les fruits nés dans leur sol naturel par une culture ordinaire et des soins médiocres, sont préférés aux fruits étrangers qu’on a fait naître dans ce même sol avec beaucoup de peine et d’industrie ; on goûte les derniers, et l’on revient toujours aux autres. […] Superstitieusement attachés à leur original, ils se croiraient coupables de sacrilège s’ils l’embellissaient, même dans les endroits faibles ; ils ne se permettent que de lui être inférieurs, et n’ont pas de peine à réussir. […] Quand l’original sera bien choisi, les occasions de le corriger ou de l’embellir seront rares ; si elles sont fréquentes, il ne vaut pas la peine qu’on le traduise.

120. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Il nous faut du grand, diront-ils, mais ce grand à quoi ils rêvent sans cesse, ils ne sauraient le trouver eux-mêmes ni l’inventer ; ils sont en peine des voies et moyens, et resteraient bien empêchés tous seuls à le réaliser ; il faut qu’on le leur prépare, qu’on le leur présente tout fait, et alors ils l’acceptent, sans trop de discernement toutefois, sans distinguer toujours le fond de l’apparence et le simulacre d’avec la réalité. […] L’esprit, à les vouloir servir, perdrait ses peines ; ils ont des côtés fermés ; ils sont sourds à tout ce qui n’est pas eux et l’écho de leur propre pensée.

121. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Et cependant te soucies-tu de ma peine ? au nom de Jupiter, te soucies-tu de ma peine ?

122. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

La comedie ne veut point traiter des actions atroces, Thalie ne sçauroit faire les imprécations ni imposer les peines dûës aux grands crimes. […] La peine dûë aux grands crimes ne nous paroît pas à craindre pour nous.

123. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Si Gérard de Nerval avait seulement écrit les Excentriques au front du livre où sont réunis les articles faits pour les journaux ou pour des revues, ces biographies, tout au plus spirituelles, qui n’ont que l’intérêt raccourci des anecdotes et dont le titre, souvent déplacé, semblait promettre davantage, on n’aurait peut-être rien à objecter contre son titre, quoiqu’il pût trouver sans grand peine des types d’excentricités plus frappants, plus dramatiques, plus exceptionnels enfin, que les types qu’il nous a décrits. […] Mais toujours est-il que, s’il est sceptique comme le siècle dont il est le fils, il n’a pas le style qui doit embaumer cette misérable larve d’un esprit qui n’ose pas vivre, puisqu’il n’ose affirmer, et qu’il faut pourtant avoir si on est sceptique, sous peine… de n’être même pas.

124. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

A peine embarqué dans une affaire, il se montrait impatient d’en sortir : sa pensée essentielle n’était pas là135. […] A peine s’il y a à glaner encore. […] Le malheur de La Rochefoucauld est de croire que les hommes ne se corrigent pas : « On donne des conseils, pense-t-il, mais on n’inspire pas de conduite. » Lorsqu’il fut question d’un gouverneur pour M. le Dauphin, on songea un moment à lui : j’ai peine à croire que M. de Montausier, moins aimable et plus doctoral, ne convenait pas mieux. […] Les joies, les peines de famille le trouvaient incomparable. […] « Les femmes croient souvent aimer, encore qu’elles n’aiment pas : l’occupation d’une intrigue, l’émotion d’esprit que donne la galanterie, la pente naturelle au plaisir d’être aimées, et la peine de refuser, leur persuadent qu’elles ont de la passion, lorsqu’elles n’ont que de la coquetterie. »(Maximes.

125. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

C’est Pauline Duchambge et Caroline Branchu qui me content leurs peines ; je me mets à leur place ; et tout ça, c’est de la littérature. » Valmore se laissait convaincre. […] Hippolyte Valmore ; et « c’est un beau trait de caractère, qui achève d’ennoblir une belle figure. » Soit ; mais, si Valmore savait tout, j’ai beaucoup de peine à m’expliquer les faux-fuyants par lesquels Marceline répondait à ses accès de jalousie. […] Toutefois, le plaisir bas, mais réel, de rendre autrui ridicule, ou de l’épouvanter, ou simplement de le faire souffrir, expliquait en quelque manière la peine que prenaient ces bizarres spécialistes, et leurs feintes prolongées, et leurs attentes, et leur endurance de Peaux-Rouges. […] — Elle assiste, chez Mme Récamier, à une lecture solennelle des Mémoires de Chateaubriand. « Je n’ai rien ressenti depuis longtemps qui m’arrachât si doucement à mes peines. […] Et enfin Sainte-Beuve faillit épouser Ondine, la fille aînée de Mme Valmore ; et c’est une histoire qui vaut peut-être la peine d’être brièvement contée, d’autant plus que cette Ondine ne fut point une personne négligeable2.

126. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Ceux qui ont calomnié M. d’Alton (et il en est qui ont un nom connu, honorable et presque illustre) auraient dû être condamnés pour toute peine à assister à cette conférence166. […] Carlier, pour la littérature, le jeune homme demeura rebelle au régime auquel la tradition monarchique, servie par d’assez plats directeurs, soumettait sans trop de peine les fils bien pensants de l’aristocratie. […] William d’Alton, né le 1er janvier 1766, volontaire à quinze ans (avril 1781) au régiment d’infanterie de Berwiek, y avait gagné ses premiers grades lorsque la Révolution éclata ; il eut à subir bien des vicissitudes ; il était en 1793 à l’armée du Rhin, commandée par Beauharnais ; il fit la campagne de 1795 dans l’armée de Rhin-et-Moselle, puis passa dans l’armée de l’Ouest, où il devint aide de camp du général Hédouville ; il l’accompagna à Saint-Domingue en 1798 ; il était estimé de Hoche, sous qui il avait servi en Vendée ; mais cette expédition de Saint-Domingue l’avait retardé dans sa carrière ; il eut quelque peine à se voir confirmé dans le grade de chef de brigade (colonel) que le général Hédouville lui avait conféré dans la traversée ; nommé par le premier consul aux fonctions d’adjudant commandant (titre analogue), employé à l’armée d’Italie, il allait enfin pouvoir se produire sur un théâtre en vue, quand la fortune du premier coup le mit en lumière et le frappa.

127. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Autran a cet air de cheveux blancs, et ils lui semblent venus dans la peine du labeur et des veilles de l’étude. […] Encore une fois, il est de salutaire exemple de le dresser aujourd’hui comme une objection devant la théorie des travailleurs, — des hommes de peine en littérature. […] Il a pris de la peine et il en fait.

128. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Il eut ensuite beaucoup de peine à continuer son voyage. […] les hommes ne se donnent point la peine de démêler le sens véritable de toutes les paroles. […] Clitiphon parmi tout ce danger avait de la peine à se repentir de sa faute. […] Ils admirent sans peine des tours de main aisés à attraper, et qui ne sont rien. […] Il lui fit la cour et y perdit sa peine probablement.

129. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Singulier génie toujours en suspens et en peine, qui se peint en ces mots : « Le Ciel n’a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m’a donné pour éloquence que de beaux mots. […] Joubert avait peine à accepter cela. […] Mais dans le beau et le sublime, et dans tout ce qui y participe en quelque sorte que ce soit, on sort des temps, on ne dépend d’aucun, et, dans quelque siècle qu’on vive, on peut être parfait, seulement avec plus de peine en certains temps que dans d’autres. » Il devint un admirable juge du style et du goût français, mais avec des hauteurs du côté de l’antique qui dominaient et déroutaient un peu les perspectives les plus rapprochées de son siècle. […] J’aime le papier blanc plus que jamais, et je ne veux plus me donner la peine d’exprimer avec soin que des choses dignes d’être écrites sur de la soie ou sur l’airain. […] C’est là que je résiderai quand je voudrai prendre mon vol ; et lorsque j’en redescendrai, pour converser avec les hommes pied à pied et de gré à gré, je ne prendrai jamais la peine de savoir ce que je dirai ; comme je fais en ce moment où je vous souhaite le bonjour. » Il y a sans doute quelque chose de fantasque, d’un peu bizarre si l’on veut, dans tout cela : M. 

130. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

D’autres fois, la vue d’un danger, les caprices d’un cheval fougueux que son mari se plaisait à monter ; lui causaient de si vives terreurs qu’elle en perdait connaissance… » Toutes ces recherches et ces inventions de sensibilité étaient peine perdue. […] Eynard a très-bien résumé ces premières phases du développement de Mme de Krüdner, quand il dit : « Encore enfant, à Millau, elle ne cherchait que l’amusement ; à Venise, son cœur parle ; à Copenhague, sa vanité s’éveille ; mais c’est à Paris que son intelligence semble réclamer ses droits. » A peine y est-elle arrivée en effet, que Mme de Krüdner recherche les savants et les gens de lettres en renom, l’abbé Barthélémy, Bernardin de Saint-Pierre. […] Je conviendrai sans peine qu’il est de plus belles morts que celle du prince de Ligne ; mais, à moins de se placer au point de vue de l’éternité (chose toujours rare), on devra convenir aussi qu’il est peu de morts plus aisées et plus douces. […] A peine arrivée le soir au château où elle devait coucher, Mme de Krüdner et son monde se mirent donc à prêcher et le maître et les gens ; et, comme il y avait menace d’orage ce soir-là, le bon gentilhomme de campagne, qui craignait que le vent n’enlevât sa toiture, et qui avait hâte d’aller fermer les fenêtres de son grenier, se voyant arrêté sur l’escalier par une prédication, trouvait que c’était mal prendre son heure. […] Il donne à tout ce monde un tel attrait pour moi, un tel besoin de m’ouvrir leur cœur, de me demander conseil, de me confier toutes leurs peines, enfin un tel amour, qu’il n’est pas étonnant que les gouvernements qui ne connaissent pas l’immense puissance que le Seigneur accorde aux plus misérables créatures qui ne veulent que sa gloire et le bonheur de leurs frères, n’y comprennent rien.

131. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Rien de plus visible que ce va-et-vient dans ce qui s’est écrit en notre siècle à propos de la peine de mort. […] » Ainsi tout autour de la peine de mort s’épanouit une abondante floraison d’œuvres littéraires, qui, si elles n’ont pas encore réussi à la faire disparaître, l’ont du moins réduite à se défendre, à se cacher, à reculer devant la lumière du jour et le regard de la conscience humaine. […] Contre ceux qui contrevenaient aux ordonnances étaient édictées les peines les plus sévères comportant pour les libraires la saisie des exemplaires mis en vente, l’amende, la prison, le pilori, les galères, entraînant pour les auteurs le bannissement, la Bastille, et même en certains cas la mort. […] Si l’on essayait de déterminer dans quel ordre s’est opéré l’affranchissement des diverses matières qui peuvent faire l’objet des livres, on verrait que la littérature pure, celle qui borne ses visées à plaire et à divertir, qui par conséquent ne heurte aucun intérêt grave et ne peut guère commettre d’autre méfait que d’ennuyer, a la première, comme il est naturel, obtenu sa place au soleil ; que la science, grande redresseuse de préjugés et par là suspecte, mais protégée contre les défiances du pouvoir par sa sereine impassibilité comme par les formules mystérieuses dont elle est d’abord enveloppée, a eu déjà plus de peine à se dérober au contrôle des gouvernants excités contre elle par l’Eglise ; que les écrits philosophiques et religieux ou antireligieux, malgré de nombreux retours offensifs de la même Eglise, ont su ensuite se libérer de la surveillance officielle ; enfin que l’histoire, les mémoires, et surtout les ouvrages traitant de questions politiques et sociales, exprimant de la sorte des idées pouvant du jour au lendemain se transformer en actes et troubler l’ordre établi, ont été les derniers à conquérir la faculté de paraître sans encombre. […] A peine mentionnerai-je la vieille tradition qui rattache au Palais les origines de notre théâtre comique : personne n’ignore que la table de marbre de la grand’salle a servi longtemps de scène aux « causes grasses », aux soties et moralités, et ce n’est point par hasard que la farce de l’Avocat Patelin est demeurée le chef-d’œuvre dramatique de notre moyen âge.

132. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ninette Pourquoi ne puis-je voir sans plaisir et sans peine Les baisers du zéphyr trembler sur la fontaine, Et l’ombre des tilleuls passer sur mes bras nus ? […] Ainsi agit Philiberte, et elle n’a pas de peine à faire tomber à ses pieds cet écervelé de chevalier, qui lui offre son cœur, sa main et l’héritage de son oncle par-dessus le marché. […] Elle a choqué souvent, blessé parfois, inquiété toujours, mais elle n’a jamais ennuyé ; elle est brusquée, décousue, sans vérité sociale et sans vie morale ; mais elle amuse, elle intéresse, elle tient en haleine, elle jette aux yeux la poudre d’or de l’esprit ; elle vivra, je le crois du moins, quoiqu’elle n’ait fait que se donner la peine de naître… tout au plus. […] Il ne prend pas même la peine de préparer à son abandon la douce enfant qui ne comprend rien à cette détestable disgrâce ; il la brusque, il la maltraite, il hausse les épaules à ses reproches ingénus et tendres. […] J’ai peine aussi, je l’avoue, à reconnaître un baron de vieille roche allemande dans ce grec de succession qui fait l’héritage, comme on fait le foulard, et une margrave de margraviat dans la douairière intrigante qui parie pour lui.

133. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Elle disait souvent à Mme de Maintenon, dans cet intervalle où elle se disposait et s’aguerrissait à sa dernière retraite : « Quand j’aurai de la peine aux Carmélites, je me souviendrai de ce que ces gens-là (le roi et Mme de Montespan) m’ont fait souffrir. » Elle souffrait, de la part d’une rivale, ce qu’elle-même, si douce et si indulgente, avait pourtant fait souffrir à une autre. […] Il exhortait et fortifiait de son mieux la pauvre âme en peine, que Bossuet soutenait et excitait de son côté : J’ai vu M. de Condom (Bossuet), et lui ai ouvert mon cœur, écrivait Mme de La Vallière au maréchal (21 novembre 1673) : il admire la grande miséricorde de Dieu sur moi, et me presse d’exécuter sur-le-champ sa sainte volonté ; il est même persuadé que je le ferai plus tôt que je ne crois. […] voilà mon supplice. » La vue de sa fille, Mlle de Blois, l’attendrit, mais sans l’ébranler : Je vous avoue que j’ai eu de la joie de la voir jolie comme elle était ; je m’en faisais en même temps un scrupule ; je l’aime, mais elle ne me retiendra pas un seul moment ; je la vois avec plaisir, et je la quitterai sans peine : accordez cela comme il vous plaira ; mais je le sens comme je vous le dis. Ces luttes, ces difficultés dernières traînent encore et se prolongent quelque temps, jusqu’à ce que la résolution persévérante vienne à son terme, et qu’éclate un matin l’accent de délivrance : Enfin je quitte le monde, s’écrie-t-elle le 19 mars 1674 : c’est sans regret, mais ce n’est pas sans peine ; ma faiblesse m’y a retenue longtemps sans goût, ou, pour parler plus juste, avec mille chagrins ; vous en savez la plus grande partie, et vous connaissez ma sensibilité ; elle n’est point diminuée, je m’en aperçois tous les jours, et je vois bien que l’avenir ne me donnerait pas plus de satisfaction que le passé et le présent. […] Elle a été dispensée de cette peine, car le roi n’est jamais venu.

134. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Quand l’esprit humain fait un pas, il faut que tout marche avec lui ; tout change avec ses clartés ou ses ombres : ainsi il nous fait peine à présent d’admettre de petites divinités, là où nous ne voyons plus que de grands espaces. […] Elle eut de la peine à s’y introduire ; car elle fut combattue par l’ancien genre italique, que Dorat et quelques autres avaient fait revivre ; elle triompha pourtant, et ce fut à Delille et à Saint-Lambert qu’elle dut la victoire.

135. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Les pieds et les mains des autres figures sont aussi mal dessinés ; mais qui est-ce qui se donne aujourd’hui la peine de finir ces parties ? […] … Belle Sophie, qui est le malheureux qui vous a causé de la peine ?

136. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Ce qui vaudrait aujourd’hui la peine d’être inventé, dans le roman, ce serait un notaire honnête homme. […] Par une belle soirée le poète se dirigea vers ce lieu de délices avec Campe, son éditeur ; tous deux avaient le projet d’oublier les peines de la vie dans un repas confortable. […] Nous ne doutons pas qu’elle ne trouve chez nous autant de lecteurs, qu’en a trouvé au-delà du Rhin, sa sœur aînée l’édition allemande dont on a toutes les peines du monde à se procurer un exemplaire. […] Janin et il y aurait bien de la mauvaise volonté à ne pas faire attention à un homme qui possède là ce que nos plus grands écrivains, nos plus illustres politiques, ont peine à exciter autour d’eux, à savoir l’attention. […] Si vous vous donniez la peine de chercher un peu, vous trouveriez indubitablement que ce n’est pas sans cause, si M. 

137. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Je me calme avec grand peine et je me console en disant : Étudions, étudions, notre tour viendra. […] vraiment, je ne vaux pas cette peine, Je rentre chez moi et je me mets à écrire. […] Plus je vois, plus je veux regarder, je m’arrache avec peine à toutes ces beautés. […] Le type n’était plus grotesque, on ne se donne pas la peine de le regarder. […] Vous avez été affligé de m’avoir fait de la peine.

138. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Brahma, dit le philosophe du Gange, créa à l’usage des rois le génie des peines. […] Que le roi donc, après avoir bien considéré la loi divine, inflige justement les peines à ceux qui agissent injustement ! […] La race entière des hommes est retenue dans l’ordre par la peine, car l’innocence est rare. Il n’y aurait que désordre et iniquité parmi les hommes si la peine cessait d’être administrée ou si elle l’était injustement ; mais, lorsque la peine à l’œil de feu se montre pour anéantir le crime, le peuple est sauvé si le juge a l’œil juste… etc., etc. » On voit par ce terrible et sublime passage du livre indien qu’il y avait des de Maistre, des Platon, des Bossuet en ce temps-là aux bords du Gange. […] On a peine à croire à la pleine conviction d’un philosophe ou d’un publiciste qui se détourne à chaque instant de son chemin pour cueillir un bon mot, et qui s’interrompt d’un dithyrambe par un éclat de rire.

139. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

« Et maintenant, c’est donc la peine de mort que Mélitus, Anytus et Lycon demandent contre moi !… Mais moi, Athéniens, à quelle peine me condamnerai-je moi-même ?  […] » Ici, il est interrompu par les juges, qui, impatientés de cette impassibilité badine, prononcent la peine de mort. […] Je m’en tiens à ma peine, et eux à la leur. » Il disserte ensuite un moment avec une sérénité complète sur les avantages comparés de la vie et de la mort. […] Socrate n’a pas de peine à le confondre en lui démontrant que l’harmonie est une chose abstraite qui subsiste en soi-même, indépendamment de l’instrument où elle est exprimée, et qui ne périt pas avec la corde…… Elle se manifeste.

140. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Au premier examen d’un de ses livres, un lecteur un peu exercé reconnaîtra sans peine qu’il a devant lui un auteur pour lequel le monde extérieur n’existe guère en soi, qui ne tâche d’en reproduire ni les événements usuels, ni l’aspect pittoresque, ni les agrégats sociaux, ni les êtres vivants, tels que ces ensembles et ces individus se présentent à la connaissance normale. […] Dickens était porté à reproduire tout l’existant ; il a commencé, d’abord comme tous ses congénères, par prendre ce qu’il est convenu que l’on dédaigne ; il s’en est tenu là, et dans toute son œuvre on aurait peine à trouver un grand homme ou une femme séduisante, ou simplement des gens bien élevés. […] Les livres de Dickens, quelque peine qu’on ait à le comprendre à notre époque de littérature morose, sont amusants et sont faits pour amuser. […] Le seul principe qui puisse dériver de ce résumé essentiel de tout l’être, est le même que celui qui découle de la réalité brute qui meut toute matière, qui attise toute vie, et que commence à déduire de l’ensemble dont il est l’âme, la philosophie naturaliste en posant la vertu de toute expansion et la peine de toute contraction, l’identité fondamentale de la force et de la bonté. […] Ses lettres sont humoristiques, passionnées, joyeuses, émues ou sèches ; on aurait peine à y trouver plus de quelques croquis de sites et de mœurs.

141. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Ceux qui l’ont connue alors disent ce que l’on croira sans peine, c’est qu’elle eut dès le premier jour la place que sa distinction et ses manières lui assuraient partout. […] Après Paris, où plaisirs et peines au moins se rencontrent, terre et ciel, le reste est vide. […] Elle le redira plus vivement un jour, et après avoir bu à la coupe de douleur : « Car, voyez-vous, je n’aime pas pour ce monde, ce n’est pas la peine ; c’est le ciel le lieu de l’amour. » Le moindre incident, le moindre mouvement, dans cette vie tranquille, produit des jeux d’une fantaisie ou d’une affection pleine de grâce. […] Le succès du fragment publié par la Revue des deux mondes l’avait avertie qu’il y avait pour Maurice un groupe fidèle, un public d’élite tout préparé : Ne soyez pas en peine pour le cours de notre poète, écrivait-elle à quelqu’un qui lui exprimait quelques doutes ; son lit est creusé dans les pentes où coulent les fleuves d’or, et il n’a qu’à jaillir.

142. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Pour mériter le nom de passion, il faut qu’il absorbe toutes les autres affections de l’âme, et ses plaisirs comme ses peines n’appartiennent qu’au développement entier de sa puissance. […] L’homme vertueux ne fait de grands sacrifices que pour fuir la peine du remord, et s’assurer des récompenses au-dedans de lui : enfin, la félicité de l’homme lui est plus nécessaire que sa vie, puisqu’il se tue pour échapper à la douleur. […] On confie longtemps les peines du cœur, parce que leur durée même est honorable, parce qu’elles répondent à trop de souvenirs dans l’âme des autres, pour que ce soit parler de soi que d’en entretenir ; mais comme la philosophie et la fierté doivent vaincre, ou cacher, les regrets causés même par la plus noble ambition, l’homme qui les éprouve ne s’abandonne point à les avouer entièrement. L’attention constante sur soi est un détail de jouissances pendant la prospérité, c’est une peine habituelle quand on est retombé dans une situation privée ; enfin, aimer !

143. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Pour lui, écrire un feuilleton est devenu trop facile, il veut plus, il veut quelque chose qui lui coûte : « Car enfin, disent les coquettes de profession, s’il n’y avait pas un brin de peine, où serait le plaisir ?  […] Cette fois, il parle encore de son présent ouvrage avec laisser-aller et en toute franchise : À faire un livre, je l’avoue, dit-il, il faut que je trouve mon compte, à savoir : la peine et le travail, la cadence et la recherche. […] C’est une idylle rustique empruntée à la vie réelle, et peut-être imitée des Grecs, dans laquelle le poète nous représente un pauvre laboureur se levant avant l’aube et préparant avec peine, avant de se rendre à l’ouvrage, son mets frugal composé d’ail et d’autres ingrédients : c’est ce mets qui avait nom Moretum. […] Mais supposez que le récit soit partout sur le ton simple et de la vérité, représentez-vous nos amoureux en peine, à travers champs, dans cette marche de nuit, et cherchant depuis une heure ou deux leur invisible château.

144. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Car bien que l’inscription apprenne leur nom, on a encore beaucoup de peine à deviner la valeur et le merite de tous les attributs emblêmatiques dont ils sont ornez. […] Le spectateur se prête sans peine à la croïance qui avoit cours dans les tems où l’évenement que le peintre et le poëte répresentent est arrivé. […] Je l’ai déja dit, les livres qui firent l’occupation de notre jeunesse, la vrai-semblance qu’on trouve à voir un heros secouru par les dieux qu’il adoroit, nous mettent en disposition de nous prêter sans aucune peine à la fiction. à force d’entendre parler durant notre enfance des amours de Jupiter et des passions des autres dieux, nous sommes en habitude de les regarder comme des êtres qui auroient autrefois existé, étant sujets à des passions du même genre que les nôtres. […] Il seroit superflu de prendre beaucoup de peine pour persuader aux peintres qu’on peut faire quelquefois un bon usage des compositions et des personnages allegoriques.

145. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Mais on m’a fait remarquer que ce silence pouvait, à la longue, être mal interprété ; qu’il était de mon devoir de ne point laisser ébranler la conviction que nous avions pris la peine de donner à nos lecteurs, et qu’une réponse aux objections pouvait encore faire partie de notre enseignement. […] Albalat, avec une érudition profonde et un esprit d’observation remarquable, aiguisés encore par la concentration d’un effort continu, s’est proposé de combler et qu’il a comblée, au jugement des critiques de valeur, qui ont pris la peine de suivre attentivement son œuvre. […] On a constaté le fait. « A peine, dit entre autres M.  […] Ils croient écrire sans reproche parce qu’ils écrivent sans peine, et, prenant l’absence d’effort pour un signe d’inspiration, ils refusent d’en avoir le démenti ; il n’y a vraiment pas moyen de leur en vouloir.

146. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Seules, elles peuvent être populaires, parce que seules elles peuvent être comprises sans peine ; seules, elles peuvent être traitées en beau style, parce qu’étant du domaine public, elles ne demandent pas un langage spécial ; seules, elles ouvrent une pleine carrière à l’orateur, parce qu’avec le devoir de convaincre, elles lui imposent l’obligation de toucher et de plaire ; seules, elles donnent des œuvres d’art, parce qu’avec la logique, elles ont à leur service la passion et le bon goût. […] Un souffle puissant pousse et soutient cette vaste machine ; suspendue deux fois, elle reprend son mouvement sans peine, par les tours les plus naturels et les plus simples : l’émotion va croissant ; elle est si vraie et si bien justifiée, qu’elle autorise deux mots qui ailleurs seraient emphatiques. […] On appelle conscience la connaissance que nous avons de nos sensations, idées, jugements, peines, plaisirs, résolutions, et autres opérations ou événements intérieurs. […] Répondre d’une action, c’est en porter la peine ou en recevoir la récompense.

147. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Il y a des âmes qui apportent dans la vie comme un besoin de souffrances et une faculté singulière de sentir la peine : elles sont d’ordinaire servies à souhait. […] Elle manque à ma peine, elle aiderait mes jours. […] Elle manque à ma peine, elle aiderait mes jours ; Dans leurs cent mille voix je ne l’ai pas trouvée.

148. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Oui, mais ce même Horace a prouvé le goût qu’il avait pour les vers, en prenant la peine d’en faire d’excellents ; et vous, tout ce qui ne vous instruit pas, tout ce qui ne vous apprend rien, en un mot, tout ce qui n’est pas lecture utile, ne peut obtenir votre suffrage. […] Est-ce la peine de parler en rimes et en cadences pour ne dire que des choses rebattues et triviales ? […] je pense qu’on ne peut jamais savoir parfaitement qu’une seule langue ; c’est la sienne propre : encore cela est-il rare ; et je me souviens que Despréaux avait fait une espèce de dialogue satirique contre les versificateurs latins modernes, qu’il supprima de son vivant, pour ne point blesser trois ou quatre latinistes de ses amis, et surtout de ses admirateurs, qui avaient pris la peine de mettre en vers latins son ode sur Namur ; ouvrage d’ailleurs si faible et si défectueux, que les traductions même, toutes latines qu’elles sont, ne paraissent pas au-dessous de l’original.

149. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Et voilà pourquoi l’auteur de ce pamphlet des Uns et des Autres s’est donné tant de peine contre cet autre-là, sa haine contre la Papauté l’emportant, dans Pelletan, jusque sur sa haine contre l’Empire ! […] Devenu superficiel par le fait de ce journalisme qui diminue les facultés des hommes, quand il ne les tue pas après les avoir dépravées, Pelletan, qui n’a plus rien de sérieux dans la pensée, ne s’en est pas moins donné la peine du diable qu’est obligé de se donner tout journaliste pour enlever son publie, tout en l’amusant. […] Ôtez le pittoresque de l’expression dans cette page terrible des Soirées de Saint-Pétersbourg, écrite ainsi pour faire mieux sentir la vérité de sa thèse, de Maistre, en parlant du bourreau, n’a posé que la nécessité de la peine de mort pour la conservation de tout ordre social, ce qu’on peut soutenir, n’est-il pas vrai ?

150. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Enfin notre molesse vient-elle de notre genre de vie, ou bien est-ce parce que nous naissons plus foibles par l’estomac et par les visceres que nos ayeux, que chacun dans sa condition cherche de nouvelles préparations d’alimens, des nourritures plus aisées, et que les abstinences que ces ayeux observoient sans peine, sont aujourd’hui réellement impraticables au tiers du monde. […] On les engageoit sans peine d’aller chercher la guerre à mille lieuës de leur patrie au mépris des fatigues de plusieurs mois de voyage qui paroissent les travaux d’Hercule à leur postérité amollie.

151. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

A peine entrée au bal, ce fut autour d’elle un murmure universel d’admiration et de louanges ; son sourire, dont sa mère avait un instant douté, y répondit et ne cessa plus : délicieux ravage ! […] M. de Longueville, outre la disproportion de son âge, avait le tort de paraître aimer Mme de Montbazon ; les deux rivales n’eurent pas de peine à se haïr. […] Le Nain peut-être (père de M. de Tillemont et chef du conseil de Mme de Longueville), à coup sûr l’entremise de Mme de Sablé, indiquèrent à la postulante en peine Port-Royal et ses directeurs. […] C’est que, dans la vérité, cette personne se fait d’étranges peines, qu’elle n’aura plus quand elle sera fixée. […] Ses austérités, jointes à ses peines d’esprit, hâtèrent sa fin : un changement s’opéra dans sa dernière maladie, et elle entra dans l’avant-goût du calme.

152. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

On a peine d’abord à débrouiller cette incohérence ; cependant des courants se laissent distinguer dans ces tumultueuses ondulations ; l’on s’aperçoit qu’en dépit de tout, l’instinct classique du temps l’emporte, et organise peu à peu la littérature à son image. […] Il trace des modèles d’une belle vie, sans peines et sans devoirs que par l’amour, à qui elle est dédiée. […] Le public fit la loi : il imposa d’abord la clarté, l’unique et admirable clarté de nos chefs-d’œuvre classiques ; il obligea les auteurs à ménager sa peine sans plaindre la leur, à savoir nettement ce qu’ils voulaient dire, et à le dire sûrement. […] Son ignorance et sa paresse le préservèrent des pointes ; et même il n’accepta des enseignements de son maître que ce qui ne coûtait pas plus de peine à pratiquer qu’à négliger. […] Garasse, il fut condamné à être brûlé en 1623, puis, après un long procès, vit sa peine commuée en bannissement (1625), et alla mourir à Chantilly chez le duc de Montmorency son protecteur. — Édition : par Alleaume, Bibl.

153. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

A peine arrivé à Beaune, le soir, à la comédie, à un endroit des Fourberies de Scapin, comme on riait trop, un jeune homme du parterre s’écria : « Paix donc, messieurs ! […] Le commissaire, sur ces réponses, n’a pas de peine à deviner à qui il a affaire. […] Vous voyez que les spectateurs valaient la peine du spectacle : aussi le jeu a-t-il bien valu la chandelle. […] A peine sentait-il la démangeaison, il se grattait vite et le bourgeon lui sortait. […] Qu’on imagine quelles devaient être les peines de son âme !

154. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Telle est la loi d’Angleterre…  » — Ailleurs il réclame des peines sévéres contre les libelles qui attaquent le gouvernement, tout en recommandant aux particuliers de mépriser les libelles qui sont faits contre eux, en quoi il a bien raison, quoique n’ayant jamais prêché d’exemple : « Un écrit qui vous diffame semble punissable à proportion du mal qu’il veut faire. S’il est à craindre qu’il n’excite la sédition contre le souverain, il doit être réprimé par une grande peine ; et telle a été souvent la jurisprudence romaine.  » Enfin ailleurs Voltaire remercie le roi de Danemark d’avoir établi la liberté de la presse dans ses Etats. […] Il n’a pas de peine à comprendre ni à montrer que cette solution n’est jamais qu’un expédient, et éphémère : « Si, lorsque le législateur fait un pareil partage, il ne donne pas des lois pour le maintenir, il ne fait qu’une constitution passagère ; l’inégalité rentrera par le côté que les lois n’auront pas défendu. […] Dès qu’un homme a cette provision par devers lui, il ne doit pas s’embarrasser de sa fortune : il trouve dans le cloître une vie tranquille, qui dans le monde lui aurait coûté des sueurs et des peines. […] Ceux qui ne font qu’en troubler l’exercice doivent être renvoyés à la catégorie des délits qui choquent la tranquillité des citoyens et punis de peines très faibles.

155. (1888) Études sur le XIXe siècle

Les poètes de l’époque classique ont pris au moins autant de peine pour déterminer la direction de leur génie que pour en réaliser les conceptions. […] Frappé, par exemple, par l’horreur de la peine de mort et du bagne, il s’en est pris au bagne et à la peine de mort sans s’inquiéter en aucune façon des monstruosités dont ces deux monstruosités ne sont que les corollaires. […] Fatigues, peines, privations, qu’est-ce que cela, quand on combat pour la sainte cause de son propre pays et de l’humanité ?  […] « La cause que vous défendez, lui écrit-il par exemple à propos de l’abolition de la peine de mort, est celle de l’humanité, de la civilisation. […] Cavour se donne une peine infinie pour l’amener « à des sentiments plus raisonnables », Il discute, il ergote, et, naturellement, il réussit.

156. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Ne crains pas pourtant que sa flamme Lui donne d’injustes transports : Nous avons les peines de l’âme Sans avoir les plaisirs du corps. […] Il y a plusieurs circonstances et applications personnelles qui faisaient tout l’agrément de ces petits ouvrages poétiques ; ces sortes d’idées sont effacées, et j’abandonne sans peine ces vers que j’ai oubliés à qui les voudra.

157. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

Bœrne avait pris la peine de s’informer à ce sujet, il eût rencontré facilement, à Paris, des conférences philosophiques moins ridicules que celles dont il nous a tracé une agréable caricature. […] A peine l’histoire se  lève qu’elle a déjà atteint l’éclat du midi et qu’elle s’y a couche ; les yeux vous font mal et on se meurt de chaleur. » Il marque un étonnement ingénu qui fait sourire, quand, à propos des charmantes lettres retrouvées de Diderot à mademoiselle Yoland, il s’écrie : « Croiriez-vous que moi, homme de quarante ans, qui en ai vu de toutes les couleurs, elles « m’ont fait rougir plus de vingt fois ?

158. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Tropmann eût été un mauvais adversaire de la peine de mort ; signés de ce grand criminel, les beaux plaidoyers de Jules Simon et de Victor Hugo, encore que leur logique et leur véhémence ne fussent pas diminuées, eussent perdu de leur autorité. […] Ce n’était point seulement pour économiser son temps et parce qu’une calomnie réfutée, les polémistes ne sont pas en peine d’en imaginer une seconde ; c’était surtout, je le pressens, que M. 

159. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Ce n’est pas vraiment la peine d’employer l’encre et le temps à cela, et je ferais mieux peut-être de m’occuper d’autre chose. […] Je parle quand je veux à ce petit cahier ; je lui dis tout, pensées, peines, plaisirs, émotions, tout enfin, hormis ce qui ne peut se dire qu’à Dieu, et encore j’ai regret de ce que je laisse au fond du cœur. […] Est-ce la peine d’y demeurer ? Non, ce n’est pas la peine, si ce n’était quelques âmes chères à qui Dieu veut qu’on tienne compagnie dans la vie. […] Je pense que mes nuits et mes jours seront changés, et je n’y puis penser sans peine.

160. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Ainsi entendues, les idées-forces, c’est-à-dire les états de conscience corrélatifs aux vibrations du cerveau, luttent pour l’existence et les plus fortes l’emportent : il y a conflit dynamique et sélection dans les plaisirs et les peines, dans les émotions, dans les pensées, dans les états de conscience de toute sorte, dont chacun, étant lié aux vibrations de cellules particulières dans le cerveau, enveloppe une tendance à se maintenir et à survivre, corrélative de la tendance des cellules à leur propre conservation et à leur propre développement. […] Il peut subsister au sein de la conscience des actions et passions latentes, des états confus de plaisir ou de peine, des appétitions plus ou moins vagues, enfin des représentations obscures et confondues dans la masse ; quand tout cet ensemble se trouve réaliser actuellement un ensemble analogue à tel état passé de l’esprit et à telle aperception passée, la même idée doit renaître en vertu des mêmes conditions à la fois mentales et physiques, comme la même illumination de la mer sous les mêmes rayons solaires, et elle est de nouveau aperçue ; mais nous ne croyons pas que l’idée, comme acte intellectuel, comme pensée, puisse subsister d’une manière inconsciente. […] En premier lieu, par cela même que la mémoire, au point de vue organique, consiste en voies nerveuses plus faciles qui se sont établies dans le cerveau pour aboutir à des mouvements, le souvenir d’une peine trouve des voies toutes tracées qui ne permettent pas à la peine même (πόνος) de se reproduire. […] Selon Maudsley, les peines se renouvellent moins aisément dans l’imagination que les plaisirs, parce qu’elles impliquent une désorganisation et un trouble de l’élément nerveux ; de plus, Maudsley remarque que, chez un organisme sain, il y a une disposition spéciale au plaisir : le plaisir doit donc reparaître plus aisément dans la mémoire que les peines, à intensité égale.

161. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

C’est d’elle que Despréaux a dit : Que, dès les premiers vers, l’action préparée, Sans peine du sujet aplanisse l’entrée. […] Selon lui, il est à craindre que le spectateur ne voie avec peine le théâtre presque vide, après l’avoir vu occupé par une foule de personnages. […] À moins d’avoir des gens aussi dociles que furent autrefois ceux de la nouvelle troupe du Marais, on aurait bien de la peine à faire réussir une scène de cette qualité. […] Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, Pour croître ta douleur et pour hâter ma peine. […] ……………………………………… Ton malheureux amant aura bien moins de peine A mourir par ta main, qu’à vivre avec ta haine.

162. (1774) Correspondance générale

J’ai trop souffert, et je souffre trop encore pour m’exposer à recevoir la même peine. […] La peine capitales les attend. […] En abrégeant le temps et l’ouvrage, j’aurais bien abrégé vos peines et les miennes. […] Luneau était du nombre des coopérateurs ; j’ai peine à le croire. […] Tiens, ma femme, j’ai peine à te continuer cette conversation, car je sens que mon âme s’embarrasse.

163. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Mais il se taisait : il voulait leur donner le temps de s’accoutumer à la peine que leur causaient les adieux de leurs compagnons ; et cependant il se préparait en silence à les éveiller tout à coup par le hourra du Cosaque, pour rallumer avec une nouvelle puissance le courage dans leur âme. […] La trace de Boulba se retrouve bientôt en effet : il est retourné parmi les siens ; il les a soulevés sans peine au récit de ses douleurs, et cent mille Cosaques reparaissent en armes sur les frontières de l’Ukraine. […] Gogol, mais je regrette que, pour un premier recueil, on n’ait pas pu choisir une suite plus homogène et plus capable de fixer tout d’abord sur les caractères généraux de l’auteur : le critique se trouve un peu en peine devant cette diversité de sujets et d’applications.

164. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Et quand, à son tour, Fontenelle explique la peine que Leibniz avait à parler « par la dose des choses qu’il avait dans la tête, et qui était beaucoup trop forte par rapport à la dose des paroles », que nous veut-il, sinon nous faire dégager une inconnue ? Je vous donne à deviner ce qui s’appelait, en ce temps-là, tour à tour, « une bibliothèque vivante où l’on apprend tout sans peine et sans étude ; une salle de musiciens où l’on entend les plus savants concerts ; un théâtre magnifique où tout ce qui frappe les yeux étonne l’esprit et glace la voix ; une école toute céleste où les esprits, de quelque étage qu’ils soient, peuvent, en y arrivant, s’élever à tous moments, et, par l’approche et la communication d’un corps lumineux, acquérir tous les jours des clartés nouvelles ; un parterre orné de fleurs de toutes les couleurs ; un corps qui marche à frais communs et à pas égaux vers l’immortalité ; le sanctuaire et la famille des Muses ; une si haute région d’esprit, que l’on en perd la pensée, comme, quand on est dans un air trop élevé, on perd la respiration. » C’est l’Académie française à qui s’adressaient ces louanges à la fois si énigmatiques et si outrées, dans des discours de réception où les nouveaux élus se donnaient toute cette peine pour ne pas se dire simplement reconnaissants.

165. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Le P. de La Chaise est un honnête homme ; mais l’air de la cour gâte la vertu la plus pure, et adoucit la plus sévère. » M. de Beausset, dans son Histoire de Bossuet, voit avec peine que madame de Maintenon se soit montrée en cette occasion peu équitable envers Bossuet. […] Toute la suite de sa vie a montré qu’en cette occasion sa peine la plus sensible fut la perte des espérances qu’elle avait déjà conçues de ramener le roi à une conduite plus conforme aux sentiments de religion et de piété dont elle était pénétrée. » M. de Beausset se fonde sur les Mémoires de Saint-Simon, et il en cite l’extrait suivant : « Bossuet était un homme dont les vertus, la droiture et l’honneur étaient aussi inséparables que la science et la vaste érudition. […] Je vous avoue que j’ai bien de la peine à demeurer dans un état où j’aurai tous les jours de pareilles aventures.

166. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

La vie que menait l’auteur dans ces lieux peuplés de souvenirs, on se la figure sans peine. […] Loin de là : si une œuvre aussi incomplète valait la peine d’être discutée à ce point, on surprendrait peut-être beaucoup de personnes en leur disant que, dans la pensée de l’auteur, il y a eu tout autre chose qu’un caprice de l’imagination dans le choix de ce sujet et, qu’il lui soit permis d’ajouter, dans le choix de tous les sujets qu’il a traités jusqu’à ce jour. […] Ceci vaut la peine d’être développé.

167. (1760) Réflexions sur la poésie

Mais pourquoi se donner la peine d’exprimer une perruque poétiquement ? […] Cependant, pour acquérir le droit d’être plus sévère à l’avenir, elle a pris le parti, depuis quelques années, de laisser aux poètes le choix des sujets, mais elle voit avec peine que les auteurs semblent se négliger à proportion de la liberté qu’elle leur laisse, et de la rigueur qu’elle a résolu de mettre dans ses jugements. […] D’après ces principes, et d’après le témoignage presque général de tous les gens de lettres, j’ai bien de la peine à croire qu’Homère et Virgile aient jamais été lus sans interruption et sans ennui par leurs plus grands admirateurs.

168. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

C’était-il bien la peine ? Est-ce bien la peine de la lire ? […] C’était bien la peine d’être une charmante femme !

169. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Ils font appel de la sorte au sentiment de répulsion, d’horreur, de désespoir que cause cette image de dégradation, mais aussi au sentiment de profonde sympathie, de pitié que cause la vue de cette humanité qui peine et se châtie. […] Les sentiments, nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, sont l’état de conscience le plus énergique qui soit, parce qu’ils sont nos peines et nos joies. […] Ici intervient la théorie moderne du plaisir et de la peine, pour expliquer comment cet être aux libres délicatement vivantes, au lieu d’être affecté, vivement mais également, par les sensations agréables et les douloureuses, tend plutôt çà s’assimiler ces dernières et transforme même les jouissances en sources de peine ; comment, en somme, tout artiste descriptif est exposé à ressentir dans sa vie plus de peines que de joies. […] Le voilà donc forcé par métier de scruter et de s’assimiler toutes les calamités humaines, d’essayer sur sa propre âme les peines aiguës qu’il va faire ressentir obtuses et presque suaves. […] Les romantiques par la description à laquelle ils s’astreignaient de tout ce monde extérieur qui provoque de si vifs mouvements d’âme, par le souci de trouve une forme d’expression qui rendît ces puissantes passions qu’ils voulaient montrer, furent des stylistes ; ils se tirent, avec mille peines, une langue nouvelle, compliquée et riche, que leurs successeurs travaillèrent encore.

170. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Pour ma part, je l’avoue, j’ai peine à le croire. […] N’est-ce pas vraiment peine perdue ? […] Guizot n’eût pris la peine de nous l’expliquer. […] Guizot ne l’ignore pas et n’a pas eu de peine à le démontrer. […] Il ne l’a pas voulu et porte la peine de sa faute.

171. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Nous eussions partagé nos peines, et elles n’eussent plus été des peines. […] Ce renoncement suprême en vue de Marianne ne lui paraissait pas même mériter le nom de sacrifice : « Je ne sens que de la joie, disait-il, en songeant que je vais, en attendant la mort, mener une vie plus triste qu’elle, et j’aime si fort ma douleur qu’il me semble que c’est encore un moindre malheur de la souffrir que de la perdre ; si ma chère Marianne la peut voir, elle lui fait plaisir. » Il haïssait les biens, les grandeurs, tout ce qu’il ne pouvait plus partager ; il n’aimait que cette douleur, la seule chose qui lui restât de son amie ; il en parlait, d’ailleurs, comme d’une peine poignante, qui le tenait cruellement éveillé durant les nuits et qui prolongeait ses insomnies jusqu’au matin, où il ne s’assoupissait qu’à la fin et par excès de fatigue : « Mais j’ai beau faire, je ne saurais perdre de vue l’objet de mon tourment. […] Lassay, en cet âge de vingt-six à vingt-sept ans, eut donc une peine aussi profonde que sa nature le comportait ; il eut un accès ardent de pénitence, une veine religieuse bien sincère.

172. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

C’était bien la peine, dira-t-on, de faire la plus simple et la plus sensée des Logiques tout exprès pour quelqu’un, et d’atteindre justement en sa personne à ce résultat. […] Fénelon l’avertit toutefois de prendre garde et de ne pas trop se livrer à sa pente : il croit utile que le bon duc ait quelquefois entretien avec un autre que soi, avec quelqu’un de simple, de pieux, de sincère : « Cette personne, lui dit-il, vous consolerait, vous nourrirait, vous développerait à vos propres yeux et vous dirait vos vérités. » On a beau se persuader qu’on se dit à soi-même ses vérités, on n’y atteint jamais complètement ni par le coin le plus sensible : « Une vérité qu’on nous dit nous fait plus de peine que cent que nous nous dirions à nous-même : on est moins humilié du fond des vérités que flatté de savoir se les dire. » En attendant que le duc de Chevreuse ait trouvé de près ce quelqu’un pour lui rendre ce service, Fénelon le lui rend de loin tant qu’il peut, en lui parlant sans réticence, sans ménagement ; il lui expose d’une manière sensible son grand défaut, ce beau défaut tout curieux, tout intellectuel ; il le lui étend avec ses replis et le lui fait toucher au doigt : Plus une vie est profonde, délicate, subtile et spécieuse, plus on a de peine à l’éteindre. […] Les religieuses sont pourtant séparées, mais j’occupe une partie de leurs logements… » Interrogé sur un cas de conscience lorsqu’il venait de donner un conseil royal et de politique, Fénelon souffre évidemment ; il rassure en deux mots son élève : « Vous ne devez avoir aucune peine, lui dit-il, de loger dans la maison du Saulsoir : vous n’avez rien que de sage et de réglé auprès de votre personne ; c’est une nécessité à laquelle on est accoutumé pendant les campements des armées. » Mais il fait précéder sa réponse sur ce point-là de bien des avis plus généraux que le duc de Bourgogne devait être capable d’entendre : « On dit que vous êtes trop particulier, trop renfermé, trop borné à un petit nombre de gens qui vous obsèdent.

173. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il cherchait partout, il était en peine et perdait courage. […] Ce premier tableau un peu grand, qui fut celui de Corinne, devenu plus tard L’Improvisateur, lui avait coûté bien de la peine ; ce devait être sa condition de faire et son élément : « D’ailleurs, disait-il, chacun a sa manière de jouir au monde : la mienne est de me donner beaucoup de peine, ce qui naturellement doit m’occuper beaucoup la tête, l’esprit et l’âme, avantage que j’ai toujours apprécié. » Malgré l’impression de sérieux et d’élévation que font à bon droit les œuvres de Léopold Robert et la lecture de ses lettres citées par M.  […] L’or y est, mais j’ai de la peine à le faire sortir.

174. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Vous et vos enfants en porterez la peine plus que moi. […] Le prince Guillaume ne survécut que d’un an à peine à sa disgrâce ; il mourut l’année suivante (juin 1758), et cette mort, à laquelle Frédéric s’attendait si peu, et à laquelle il put se reprocher d’avoir contribué, vint ajouter dans ces sanglantes années aux peines morales qui assiégeaient de toutes parts son âme. […] Frédéric n’est pas tel envers son frère ; il l’aime, il s’impatiente (après en avoir souffert) de son système compassé de froideur et de bouderie ; il ne demanderait pas mieux que de se l’attacher, et il se donne de la peine pour y parvenir ; il le flattera même par moments et le caressera d’exquises louanges. […] Toutes mes peines dans cette campagne, et la fortune qui m’a secondé, tout est perdu par Frédéric.

175. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Paul Boiteau, à qui l’on doit de la reconnaissance pour la peine infinie qu’il a prise à la rassembler, à la mettre en ordre et à l’éclaircir, s’est trop prodigué ; il a oublié que la parfaite bienséance, pour un éditeur, est de se considérer comme une femme de chambre qui ne se montre plus, dès que sa maîtresse est habillée. […] » Son ami l’académicien Arnault, à qui il fait l’histoire de ces remaniements sans rien lui en communiquer toutefois, s’étonne de tant de constance et de son peu d’empressement à se faire connaître ; il l’invite à publier ses ouvrages : « Je n’en ferai rien que je ne les aie portés au point de la perfection où je sens que puis arriver ; ensuite il en sera tout ce qui plaira au sort ; mais je ne crois pas recueillir jamais le fruit des peines que je me donne. J’ai tort, au reste, d’appeler peines ce qui est plutôt un charme pour moi qu’une occupation. » En tout ceci, nous saisissons bien chez Béranger l’homme de lettres coexistant dès l’origine avec le chansonnier, et, pour ainsi dire, le côtoyant. […] Voilà notre homme heureux, mais, dans son besoin de malencontre, il se met encore en peine ; il se tourmente de se voir décoré quand Béranger ne l’est pas.

176. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

J’ai vu avec peine que la mémoire et la célébrité de Mme de Staël n’avait eu aucune de ces bonnes fortunes et aucun de ces rafraîchissements. […] Mme Lenormant, en citant cette lettre, en use et en abuse un peu, ce me semble, quand elle en conclut que Schlegel a dû, sous peine d’inconséquence, mourir catholique, et en donnant à entendre que le soin seul de sa position comme professeur à l’université de Bonn le rejeta ensuite dans la profession extérieure du protestantisme. […] Or, elle l’a dit, on ne cause véritablement qu’en France et en français : « la conversation, comme talent, n’existe qu’en France. » En Angleterre on ignore cette nuance particulière et si charmante de faire sentir l’éloquence dans la conversation ; si l’on a l’instinct et si l’on se donne la peine d’être éloquent, on l’est pour les Chambres et pour la vie publique ; on passe outre au salon, on ne s’amuse pas à ce prélude devant les dames. […] Dans la poésie la plus vantée, elle ne retrouvait pas d’idée, et dans la conversation point de sentiment. » Car elle voulait du sentiment aussi et avant tout, mêlé aux idées, avec des éclairs de gaieté fugitive, quantité de rapports fins, subtils, déliés, des anecdotes d’une application spirituelle et imprévue, de soudains essors et comme des flammes vers les plus hauts sommets ; mieux que des aperçus, des considérations politiques et historiques, fortement exprimées, mais sans s’y appesantir ; des images même, qui peut-être n’auraient point paru des images en plein soleil, mais qui en faisaient l’effet dans un salon ; puis tout à coup (car c’était une femme toujours) un soupir romanesque jeté en passant, et quelque perspective lointaine vaguement ouverte sur la destinée, les peines du cœur, les mystères de la vie ; un coin mélancolique à l’horizon.

177. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Il y a de la peine à prendre et des services à rendre pour quiconque est à peu près valide. […] Mais ces mots, il semble qu’il les cherche et les accumule avec trop de peine à la fois et de satisfaction ; et l’impression directe des choses s’évanouit dans ce labeur de grammairien. […] Les marins, ces gueux de la mer, y sont glorifiés par quelqu’un qui les a vus de près et qui les aime ; et nous avons moins de peine à les aimer que les « gueux de Paris » ou même les « gueux des champs ». […] Ce faiseur de tours en vaut la peine.

178. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Combien prendraient ta peine, enfant, contre les leurs ! […] je sens ma peine plus cuisante, Vous avez évoqué tous mes rêves perdus : Pitié !

179. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Mais si ce que l’on m’écrit de Paris est véritable, j’espère qu’il en portera bientôt la peine, parce que l’on dit qu’il n’est plus caressé que de M.  […] Voici une de ces remarques qui porte sur l’ensemble de mon œuvre critique : « J’ai beaucoup écrit, on écrira sur moi, on fera ma biographie, et les critiques chercheront à se rendre compte de mes ouvrages fort différents ; je veux leur épargner une partie de la peine et leur abréger la besogne, en expliquant ma vie littéraire telle que je l’ai entendue et pratiquée.

180. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

On n’est pas en peine comment les enfans de génie, nez dans les villes, tombent entrent les mains des personnes capables de les instruire. […] Que ceux qui ne voudront pas se donner la peine de lire cette histoire, fassent du moins refléxion sur la vivacité de la jeunesse, sur sa docilité, sur les voïes sans nombre, dont nous n’avons indiqué qu’une partie, et qui peuvent toutes en particulier, conduire un enfant jusques à une situation où il puisse cultiver ses talens naturels.

181. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Tout est pour le sartyi maintenant. » Alors le doyen des bouchers égorgea Takisé sans nulle peine. […] A peine était-elle assise qu’elle entendit du bruit dans la case.

182. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Le cavalier doit sentir frémir dans sa main la bouche délicate du cheval, sous peine d’être renversé avec dédain par lui. […] Il faut donc que la France soit sauvée, sous peine d’entraîner tous les autres états de la vieille Europe dans une vaste ruine.

183. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Le ton du diapason, dans l’éloge et dans la critique, comme dans la musique, a fort monté depuis lors, mais il paraissait déjà fort monté, et aussi haut que possible, à cette date ; chaque époque renchérit ainsi sur la précédente et a peine à concevoir qu’on puisse aller au-delà : C’est un singulier spectacle pour un observateur, écrivait Bonstetten, que celui de l’opinion publique. […] — Dumont96 prend une vive part à vos peines. […] Quand je suis malheureux, je tire l’épée de son fourreau et je combats ma peine à outrance. […] On dirait qu’à Genève on aime plus les morts que les vivants ; du moins on y sympathise plus avec les peines qu’avec les plaisirs. […] Ce caractère de prudence évite bien des peines, mais décolore la vie.

184. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Cousin s’est donc levé, disions-nous, et il a exprimé quelque chose d’approchant et en des termes bien meilleurs, bien plus persuasifs, on le supposera sans peine ; mais nous ne croyons pas trahir sa pensée en la produisant sous cette forme ; et voilà la période philologique qui commence. […] J’ai peine à me figurer, je l’avoue, l’édition d’aujourd’hui, si excellente philologiquement, si bien telle que nous la réclamons, avec ses phrases saccadées, interrompues, et ce jet de la pensée à tout moment brisé, j’ai peine à me la figurer naissant en janvier 1670, en cette époque régulière, respectueuse, et qui n’avait pas pour habitude de saisir et d’admirer ainsi ses grands hommes dans leur déshabillé, ses grands écrivains jusque dans leurs ratures. […] Ce point de vue vaudrait la peine d’être développé peut-être ; mais nous rentrons ici plus que jamais dans les types, et l’homme réel doit s’interroger de plus près. […] Il s’est fait chrétien en enrageant, il est mort à la peine.

185. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » — Ils en manquent pendant les vingt-cinq années suivantes, et meurent par troupeaux ; j’estime qu’en 1715 il en avait péri près d’un tiers608, six millions, de misère et de faim. […] On les excite, et ils répondent tous la même chose, que ce n’est pas la peine de faire des malheureux comme eux. […] À Lyon, il y a plus de vingt mille ouvriers en soie qui sont consignés aux portes ; on les garde à vue, de peur qu’ils ne passent à l’étranger. » À Rouen616 et en Normandie, « les plus aisés ont de la peine à avoir du pain pour leur subsistance, le commun du peuple en manque totalement, et il est réduit, pour ne pas mourir de faim, à se former des nourritures qui font horreur à l’humanité »  « À Paris même, écrit d’Argenson617, j’apprends que le jour où M. le Dauphin et Mme la Dauphine allèrent à Notre-Dame de Paris, passant au pont de la Tournelle, il y avait plus de deux mille femmes assemblées dans ce quartier-là qui leur crièrent : Donnez-nous du pain, ou nous mourrons de faim. » — « Un des vicaires de la paroisse Sainte-Marguerite assure qu’il a péri plus de huit cents personnes de misère dans le faubourg Saint-Antoine depuis le 20 janvier jusqu’au 20 février, que les pauvres gens expiraient de froid et de faim dans leurs greniers, et que des prêtres, venus trop tard, arrivaient pour les voir mourir sans qu’il y eût du remède. » — Si je comptais les attroupements, les séditions d’affamés, les pillages de magasins, je n’en finirais pas : ce sont les soubresauts convulsifs de la créature surmenée ; elle a jeûné tant qu’elle a pu ; à la fin l’instinct se révolte. […] Sitôt que le prix du pain hausse, il n’y peut plus atteindre, et même sans hausse il n’y atteint qu’avec peine. […] Dans les contrées les plus fertiles, en Limagne par exemple, chaumières et visages, tout annonce644 « la misère et la peine »  « La plupart des paysans sont faibles, exténués, de petite stature. » Presque tous récoltent dans leurs héritages du blé et du vin, mais sont forcés de les vendre pour payer leurs rentes et leurs impositions ; ils ne mangent qu’un pain noir fait de seigle et d’orge, et n’ont pour boisson que de l’eau jetée sur le restant des marcs. « Un Anglais645 qui n’a pas quitté son pays ne peut se figurer l’apparence de la majeure partie des paysannes en France. » Arthur Young, qui cause avec l’une d’entre elles en Champagne, dit que, « même d’assez près, on lui eût donné de soixante à soixante-dix ans, tant elle était courbée, tant sa figure était ridée et durcie par le travail ; elle me dit n’en avoir que vingt-huit ».

186. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Je doute fort qu’en fait de peines proportionnées aux délits, on aille jusqu’à condamner l’incendiaire, « qu’on brûlait, dit Voltaire, en cérémonie », à rebâtir la grange incendiée, puis « à veiller toute sa vie, chargé de chaînes et de coups de fouet, à la sûreté de toutes les granges du voisinage. » Je doute qu’on imagine jamais de punir le faux monnayeur, en le forçant de fabriquer toute sa vie en prison la monnaie de l’État ; le faussaire, en le contraignant à copier de bons ouvrages, ou à transcrire sa sentence sur les registres des juges. Mais si l’on ne va pas jusqu’à ces chimères, on ira peut-être plus loin dans l’idée supérieure d’employer la peine au profit moral de celui qui la subit, et de la société qui la lui inflige ; et quelque progrès qu’on fasse en cette matière, Voltaire y aura sa part. […] On verra moins un supplice qu’un bienfait dans une peine qui n’énerve pas la sévérité de la justice, et qui laisse au criminel le remède du repentir. […] Voltaire y réussit, et sa vertu ne sent pas la peine. […] Tel est trop souvent le bon sens de Voltaire, et son goût en porte la peine.

187. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Et, en effet, il suffit de se rappeler la noble et vigoureuse campagne qui fut alors menée contre la guerre, contre les usages barbares fidèlement conservés par les cours de justice, contre la torture, contre la disproportion des délits et des peines, contre l’atrocité de certains supplices et déjà même contre la peine de mort. […] On peut deviner sans peine les vices qui correspondent à ces vertus guerrières et on les rencontre à chaque pas dans les mêmes poèmes. […] Il serait à souhaiter qu’à toute époque un représentant de tous les groupes intellectuels existant alors eût pris la peine de faire un travail analogue pour lui et les siens ; on aurait de la sorte une série de témoignages qui donneraient le droit d’embrasser une époque entière dans les conclusions qu’on tirerait sur l’origine de ses principales tendances. […] Quiconque lit avec attention les Confessions de Jean-Jacques y découvre sans peine qu’en son enfance la Bible, Plutarque et les romans de Mlle de Scudéry sont les ouvrages qui ont eu la part prépondérante dans la formation de son caractère.

188. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

On s’est donné bien de la peine pour étudier une langue difficile, on ne veut pas avoir perdu son temps, on veut même paraître aux yeux des autres récompensé avec usure des peines qu’on a prises, et on leur dit avec un froid transport, ah ! […] Je n’ai pas eu de peine à le croire ; mais comment veut-on après cela que j’ajoute foi à l’enthousiasme d’un Français, qui s’extasie à la lecture d’Anacréon ? […] Cicéron, dans un endroit des Tusculanes2, a pris la peine de marquer les différentes significations des mots destinés à exprimer la tristesse. […] Il avait fait ou projeté sur ce sujet une espèce de dialogue, qu’il n’osa publier, de peur de désobliger deux ou trois régents qui avaient pris la peine de mettre en vers latins l’ode que ce poète avait faite en mauvais vers français sur la prise de Namur ; mais depuis sa mort on a publié et imprimé dans ses œuvres une esquisse de ce dialogue.

189. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Emporté rapidement dans un traîneau découvert, il voyait ces êtres fantastiques s’agiter autour de lui, et il avait peine à ne pas croire à leur réalité. […] Sa peine n’était pas de savoir comment il souperait, mais bien comment il approcherait de la grande Catherine: car la voir et la persuader était une même chose pour lui. […] Alors, voyant que sa bonne se tenait debout pour le servir, il lui dit de se mettre à table à côté de lui ; mais ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à l’y décider. […] C’est moi qui suis la cause de toutes tes peines, et de celles qu’éprouvent maintenant nos mères. […] Il faut penser comme les autres, sous peine d’être déshonoré. « Que me parlez vous de modération !

190. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Cette passion, partagée un moment par la fille de la Béjart, les rendit tous les trois insensés. « Molière avait passé, dit son commentateur, des badinages qu’on se permet avec un enfant à l’amour le plus violent qu’on a pour une maîtresse ; mais il savait que la mère avait d’autres vues, qu’il aurait de la peine à déranger. […] Mais ma femme, toujours égale et libre dans la sienne, qui serait exempte de tout soupçon pour tout autre homme moins inquiet que je ne le suis, me laisse impitoyablement dans mes peines ; et, occupée seulement du désir de plaire en général, comme toutes les femmes, sans avoir de dessein particulier, elle rit de ma faiblesse. […] ils n’auraient pas été à la peine de se rétracter, et de s’avouer faibles connaisseurs en ouvrages. […] des mœurs du temps mettons-nous moins en peine Et faisons un peu grâce à la nature humaine ; Ne l’examinons point dans la grande rigueur, Et voyons ses défauts avec quelque douceur. […] En vous est mon espoir, mon bien, ma quiétude ; De vous dépend ma peine ou ma béatitude ; Et je vais être enfin, par votre seul arrêt, Heureux si vous voulez, malheureux s’il vous plaît.

191. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Comment exister sans être utile, et se donner la peine de vivre quand personne ne s’affligerait de nous voir mourir ! […] Les passions qui dégradent l’homme, en resserrant son égoïsme dans ses sensations, ne produisent pas, sans doute, ces bouleversements de l’âme où l’homme éprouve toutes les douleurs que ses facultés lui permettent de ressentir ; mais il ne reste aux peines, causées par des penchants méprisables, aucun genre de consolation ; le dégoût qu’elles inspirent aux autres, passe jusqu’à celui qui les éprouve ; il n’y a rien de plus amer dans l’adversité que de ne pas pouvoir s’intéresser à soi : l’on est malheureux sans trouver même de l’attendrissement dans son âme ; il y a quelque chose de desséché dans tout votre être, un sentiment d’isolement si profond, qu’aucune idée ne peut se joindre à l’impression de la douleur ; il n’y a rien dans le passé, il n’y a rien dans l’avenir, il n’y a rien autour de soi, on souffre à sa place, mais sans pouvoir s’aider de sa pensée, sans oser méditer sur les différentes causes de son infortune, sans se relever par de grands souvenirs où la douleur puisse s’attacher.

192. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

La Peine veille sur la paix ; le Châtiment couvre la sécurité de son glaive, et sa menace seule est une protection. […] Œil pour œil, dent pour dent, plaie pour plaie, l’usure du tourment centuplant la dette du coupable, l’horreur de la peine enchérissant sur la grièveté du délit ; les vieilles Vengeresses en étaient restées à cette routine sanguinaire.

193. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

Voilà une belle page ; elle paraît écrite sans peine ; tout y est coulant, nulle trace de travail ; point de rhétorique ; netteté, limpidité, tour, nuance, saillie, rien n’y manque. […] La page a peut-être été écrite avec beaucoup de peine, à l’aide de procédés, par l’effort d’une laborieuse rhétorique.‌

194. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Quoi, ce faible écho, si faible que mon oreille a peine à le saisir, c’est donc tout ce qui reste des grands bruits d’autrefois ? […] Convenez cependant que ce n’était pas la peine de vivre si longtemps, pour si peu. […] Que de fois a-t-elle dû prendre en pitié l’obstination, la peine, et la gloire de mademoiselle Mars ! […] En trente vers, l’huissier Loyal est récompensé de sa peine ! […] c’était cette aimable fille qui était une dupe de se donner tant de peine, pour te retenir dans ses liens !

195. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Une image bien choisie frappe vivement son imagination et se grave sans peine dans sa mémoire. […] On trouverait sans peine dans cette chanson tous les éléments d’une action comique. […] Je n’ai pas pris la peine de préparer les strophes que je vais vous réciter ; eh bien ! […] En vérité, on a peine à comprendre qu’un tel personnage ait pu être conçu par M.  […] Hugo ne se donne pas la peine de nous l’apprendre.

196. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Juste est la peine au front de la victime, Sage est le sage, et le vainqueur sublime : Que reste-t-il à qui pleure à genoux ? […] Depuis un certain moment, cette âme, ce talent de tendre poëte a eu peine évidemment à se faire aux saisons décroissantes d’une vie qui va flétrissant, chaque jour, ses premières promesses. […] mon bon Félix, quand nous n’en pouvons plus du fardeau de nos peines, n’oublions pas que sa bonté ne nous a pas tout à fait abandonnés et qu’enfin nous sommes ses enfants. […] Ses lettres à Mme Valmore, d’un ton vif et résolu, presque viril, la font voir sous ce jour, — un fidèle et brave cœur, d’une affection active, et sur qui l’on pouvait compter ; et Mme Valmore le lui rendait par un véritable culte de reconnaissance : « (7 avril 1847)… Cette bonne lettre me trouve au milieu de nouvelles et vives afflictions. — A peine avais-je été frappée de la perte foudroyante de M. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaîté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer.

197. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

lui écrivait-il dans l’été de 1678 ; car pour ceux du roi, je ne m’en mets pas autrement en peine. […] On n’avait pas plus de douceur et de sel tout ensemble : C’était, a dit de lui son tendre ami Chaulieu, un homme qui joignait à beaucoup d’esprit simple et naturel tout ce qui pouvait plaire dans la société ; formé de sentiment et de volupté, rempli surtout de cette aimable mollesse et de cette facilité de mœurs qui faisait en lui une indulgence plénière sur tout ce que les hommes faisaient, et qui, de leur part73, en eurent pour lui une semblable… Les siècles auront peine à former quelqu’un d’aussi aimables qualités et d’aussi grands agréments que M. de La Fare. […] La Fare cite à ce sujet un mot de M. de La Rochefoucauld qui avait été l’un des principaux acteurs de cette dernière guerre civile, et qui lui disait : « Il est impossible qu’un homme qui en a tâté comme moi veuille jamais s’y remettre. » La Fare en conclut que l’histoire est un va-et-vient, un jeu de bascule perpétuel ; que l’abus qu’on fait d’un des éléments pousse à l’élément contraire, jusqu’à ce qu’on en abuse comme on avait fait du premier ; que « l’idée des peines et des maux venant à s’effacer peu à peu de la mémoire des hommes, et frappant peu l’esprit de ceux qui ne les ont point éprouvés, les mêmes passions et les mêmes occasions rengagent les hommes dans les mêmes inconvénients ». […] [NdA] Il y a bien du mélange dans ces Poésies de La Fare, mélange de bon et de mauvais, mélange de ce qui est de lui et de ce qui lui a été à tort attribué : on cite toujours comme de sa meilleur façon ces jolis vers sous le titre de madrigal : Présents de la seule nature, Enfantement de mon loisir, Vers aisés par qui je m’assure Moins de gloire que de plaisir, Coulez, enfants de ma Paresse : Mais, si d’abord on vous caresse, Refusez-vous à ce bonheur ; Dites qu’échappés de ma veine Par hasard, sans force et sans peine, Vous méritez peu cet honneur !

198. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

. — Mais j’en doute, ajoute Walpole, elle prend trop de peine pour le faire croire. […] Elle a beaucoup de peine à nettoyer ma montre avec un vieux gant ; elle me fait voir que le fond en est toujours noir. […] Voilà le tableau exact de tout ce que j’ai éprouvé hier et aujourd’hui en vous écrivant, et presque tout cela à la fois ; jugez si je suis lasse du monde et si vous devez vous donner tant de peine pour m’en procurer ; jugez aussi si je vous aime pour pouvoir m’occuper de vous, et comme votre pauvre grand-maman est impatientée, tiraillée, harcelée ! […] Et les gouvernements sont également fondés sur les mœurs et sur les lois ; détruisez les uns ou les autres, et vous renverserez l’édifice… L’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public est une des plus grandes scélératesses, parce que de sa nature elle est ou la plus impunissable ou la plus impunie ; et de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine même infligée au coupable, et des siècles après lui.

199. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Nouer un commerce intime et de tête-à-tête avec les plus grands hommes d’un grand siècle ; tenir entre ses mains les lettres originales de Louis XIV, de Louvois, de Turenne, de Condé, de Vauban, de Luxembourg et de tant d’autres, dont l’écriture semble encore fraîche, comme si elle était tracée d’hier ; démêler sans peine tous les secrets de la politique et de la guerre ; assister à la conception et à l’éclosion des événements ; surprendre l’histoire, pour ainsi dire, à l’état natif, quelle plus heureuse fortune et quelle plus grande joie ! […] Rousset, le seul point où son excellent esprit me paraît avoir cédé à la prévention, est celui-ci, et j’ai peine à comprendre qu’au moment où il nous produit tant de preuves directes et nouvelles de l’élévation de sentiments, de la magnanimité et du bon esprit du jeune monarque, il soit si attentif à nous le présenter sous l’aspect le plus saillant de ses défauts. […] Le fils du plus souple des hommes, du doucereux Le Tellier, eut bien de la peine à se plier d’abord à ce manège. […] Je suis sur les lieux ; je vois les choses avec application, et c’est mon métier que de les connaître ; je sais mon devoir, aux règles duquel je m’attache inviolablement, mais encore plus que j’ai l’honneur d’être votre créature, que je vous dois tout ce que je suis, et que je n’espère que par vous ; ce qui étant de la sorte, et n’ayant pour but que très-humble et très parfaite reconnaissance, ce serait bien y manquer et me rendre indigne de vos bonnes grâces, si, crainte d’une rebuffade ou par l’appréhension de la peine, je manquais à vous proposer les véritables expédiants qui peuvent faciliter le ménage et avancement de cet ouvrage-ci, et de tous ceux que vous me ferez l’honneur de me commettre.

200. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Ceci est bientôt dit, mais que de pas et de peines pour arriver à ce résultat heureux ! […] Mais ce n’est là que le prétexte ; il aurait eu bien de la peine, même sans cette rencontre, à ne pas devenir un jour ou l’autre ce qu’il a été. […] A peine entré dans la société, Molière en devient le chef. […] Eudore Soulié, voué comme il l’est à la mémoire de Molière, et piqué au jeu par le succès même, aura bien de la peine à ne pas entreprendre cette recherche, qui ne serait pas ingrate à ses yeux si elle lui procurait un seul document d’importance.

201. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Il y a tant d’autres manières d’employer son temps, quand on est jeune, beau, riche, noble, un pied, je le crois, dans les fonctions publiques, que j’ai peine à m’expliquer, chez quelqu’un qui n’y est pas condamné par le sort, cette précipitation à écrire, à compiler, à copier, à éditer sans prendre même la peine de se relire. […] Était-ce donc la peine de tant aller chez Mme de Sablé pour prendre tout à coup, et sans même s’en apercevoir, une expression à la bohème ? […] n’eut en son temps aucun effet littéraire ni autre, aucun retentissement ni aucune sorte d’influence : aujourd’hui c’est un simple témoignage de la manière dont écrivaient les grands seigneurs quand ils s’en donnaient la peine, vers 165090.

202. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

est-ce bien la peine de faire intervenir Dieu et de prendre à témoin la société tout entière, la postérité et le genre humain, pour se donner le droit de rétablir, au profit d’une édition plus complète et qu’on veut autoriser, quatre ou cinq passages, quelques-uns lestes en effet et assez indécents, qu’un peu de réflexion ou un bon conseil eussent très probablement fait retrancher à l’auteur, s’il avait eu le temps de consulter ou de se relire ? […] Dauban ; mais est-ce la peine de tant se targuer de sa rigidité de doctrine ? […] « Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute : « L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. » Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision. […] Elle est explicite là-dessus dans ses Mémoires tels qu’on nous les rend aujourd’hui ; elle se vante et s’honore de cette passion tardive et profonde, elle s’y rattache en toute rencontre avec orgueil, avec élévation ; et je dirai nettement que dans tout cet inédit dont on fait tant de bruit, il n’y a que cela de bien et qui en vaille la peine ; il n’y avait que cela qui méritât véritablement de nous être donné.

203. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Celui-ci avait le gosier solide ; quoique ses airs soient très-monotones et souvent faux, ils valent la peine d’être déchiffrés. […] Posez d’abord avec lui qu’il y a deux psychologies : l’une analogue aux sciences physiques, ayant pour objet de constater, de décrire et de classer les plaisirs, les peines, les sensations, les idées, bref, toutes nos opérations passagères ; l’autre ne ressemblant à aucune des sciences physiques, unique en son genre, ayant pour objet d’observer et de définir le sujet permanent et la cause durable de ces opérations17. […] Le moi s’identifie de la manière la plus complète et la plus intime avec cette force motrice (sui juris) qui lui appartient18. » Ainsi le moi n’est plus ce tout indivisible et continu dont nos idées, nos plaisirs, nos peines sont les parties composantes, isolées par fiction et par analyse. […] Avant de chercher si loin et avec tant de peine la nature de la force et l’origine de son idée, il fallait analyser le sens du mot qui l’exprime.

204. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Ce long cercle de peines, Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines Ce que Cérès nous donne et vend aux animaux : Et cet autre vers : V. 62. […] J’en vois quelques traits confus, comme, par exemple, que nombre d’hommes se permettent ce qu’ils interdisent aux autres, l’effet de leurs discours anéanti par leurs actions ; mais cela ne vaut guère la peine d’être dit. […] Je le ferais bien voir : etc… L’auteur n’aurait pas eu grand peine dans l’époque où il vivait.

205. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Ce code instruirait aussi les élèves de leurs devoirs et des peines qu’ils encourront s’ils y manquent. […] C’est lui qui prononcerait la peine, c’est lui qui distribuerait les prix de science et de vertus. […] ils ont moins de peine et ils sont également salariés.

206. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poëte et d’une femme : Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ; Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ; J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ; C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux Elle frappa à d’autres portes encore ; et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie. […] Ainsi, page 281, dans la piece intitulée les Deux Chiens, au lieu de : laissez-leur ce bazar, il faudrait : laissez-leur ce hasard ; et page 321, dans l’Ame en peine, au lieu de : je ne peux m’étendre, il faudrait : je ne peux m’éteindre.

207. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Ce que je vais dire n’est pas un conte : je sais telle grande ville de province, siège de Facultés, dont la Bibliothèque possède un manuscrit d’Alfieri ; un jeune homme demande à le consulter : le bibliothécaire, gardien du trésor, s’effraie à cette seule demande : « Je puis bien vous le montrer, répond-il ; prenez le chiffre du format, le nombre de pages, si vous le voulez ; parcourez-le même, mais je ne puis vous en laisser copier une ligne. » Et pendant tout le temps que le manuscrit était en main, le malheureux homme en peine était là tournant, rôdant autour du pauvre curieux qui se sentait lui-même sur les épines de se voir ainsi épié. […] Ce qu’un individu a peine à faire, une société composée des notables du pays le fera aisément.

208. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’opposition de votre peine, et de la félicité de votre ennemi, produit dans le sang un véritable soulèvement. Ce qu’on a le plus de peine aussi à supporter dans l’infortune, c’est l’absorbation, la fixation sur une seule idée, et tout ce qui porte la pensée au-dehors de soi, tout ce qui excite à l’action, trompe le malheur ; il semble qu’en agissant, on va changer la situation de son âme, et le ressentiment, ou l’indignation contre le crime étant d’abord ce qui est le plus apparent dans sa propre douleur, on croit, en satisfaisant ce mouvement, échapper à tout ce qui doit le suivre ; mais en observant un cœur généreux et sensible, on découvre qu’on serait plus malheureux encore après s’être vengé qu’auparavant.

209. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

« Bien écrire, c’est penser ou sentir quelque chose qui vaille la peine d’être dit, et le dire précisément comme on le pense ou comme on le sent. […] On pourrait leur communiquer par ce procédé une espèce d’habileté et de correction hâtives, mais on compromettrait leur progrès pour l’avenir, et ils auraient peine ensuite à secouer la tyrannie des puériles pratiques qu’on leur aurait enseignées.

210. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Je ne compte point Denys le tyran, que le démon des vers posséda toute sa vie ; qui briguoit d’en remporter le prix dans les jeux olympiques ; & chargeoit des lecteurs d’une poitrine forte & d’une voix admirable, d’y faire valoir ses poësies ; qui avoit dans son palais l’élite des gens de lettres comme autant de flatteurs à gages, employés à se récrier sur ses poëmes, à lui prostituer l’encens & des hommages ; qui ne trouva la vérité que dans la bouche d’un Philoxène, cet homme toujours le même malgré la crainte des supplices & la peine des carrières où il fut condamné. […] A peine avoit-il fait quelques vers, qu’il les lisoit en public, & demandoit qu’on le couronnât.

211. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Un peintre pecheroit contre ces loix, s’il faisoit lever par un homme qui seroit mis dans une attitude, laquelle ne lui laisseroit que la moitié de ses forces, un fardeau qu’un homme, qui peut faire usage de toutes ses forces, auroit peine à ébranler. […] La regle qui enjoint aux peintres comme aux poëtes de faire un plan judicieux, et d’arranger leurs idées de maniere que les objets se débroüillent sans peine, vient immediatement après la regle qui enjoint d’observer la vrai-semblance.

212. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Au contraire, l’action de lire est en quelque façon une peine. […] En écoutant réciter des vers, nous n’avons pas la peine de lire, et nous sentons leur cadence et leur harmonie.

213. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Je parle de cette hauteur qui consiste dans la noblesse des sentimens du coeur, et dans une élevation d’esprit, et qui fait mettre un juste prix aux avancemens où l’on peut aspirer, comme à la peine qu’il faut prendre pour y parvenir, sur tout quand il est question de les solliciter auprès de personnes qu’on ne croit pas être des juges compétens du mérite. […] On n’a point crû que ces maîtres eussent assez de part à la gloire de leurs éleves, pour mériter qu’on se donnât la peine de demander et de retenir leurs noms.

214. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

J’avouerai sans peine que j’ai été entraîné par le mouvement de la pensée, et que j’ai dépassé la vérité. […] Cette première idée sur l’abolition de la peine de mort a reçu, depuis, bien d’autres développements.

215. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Des centaines de millions d’hommes, d’êtres vivant, sentant et pensant, nés sur une terre identique à la nôtre, possédant les mêmes désirs que nous, pétris de la même substance, participant à la même vie, riches des mêmes énergies, se crurent, par la plus surprenante des aberrations, des condamnés à une peine irrémissible, la peine de vivre.

216. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Peines perdues ! […] Que de peines pour être froid & petit ! […] Enfin le droit de dédaigner la Philosophie devroit coûter au moins le soin & la peine de l’étudier. […] — Parce que j’aurai avec vous une double peine. […] Idée noble, où l’on reconnoîtra sans peine l’expression & la pensée de M.

217. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Il ne fut pas d’abord le dieu du vin, mais il le devint sans peine, parce que l’ivresse où il mettait l’âme n’était pas sans ressemblance avec celle que le vin produit. […] Il y a pourtant une santé intellectuelle solidement assise, exceptionnelle, qui se reconnaît sans peine. […] Mais cette peine toute superficielle n’aurait qu’à s’approfondir pour venir se perdre dans l’attente et l’espoir d’un instrument merveilleux. […] Et, certes, celui qui professe une telle opinion n’aura pas de peine à la faire accepter. […] Mais posez cette incandescence, la matière en ébullition se coulera sans peine dans le moule d’une doctrine, ou deviendra même cette doctrine en se solidifiant.

218. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Sa science n’est qu’un ordre de répugnances et d’inclinations qui le mènent et qu’il aurait bien de la peine à expliquer ; mais ces mouvements si variés et si spontanés cachent une sagesse intérieure et obscure, qui l’écarte involontairement des choses déplacées ou inutiles, et le porte machinalement vers les meilleures et les plus belles. […] Autre habitant du Styx : la Parque et ses ciseaux Avec peine y mordaient ; la déesse infernale Reprit à plusieurs fois l’heure au monstre fatale. […] Le voyage est un arbre qui ne donne pour tout fruit que des inquiétudes. — Si les fatigues des voyageurs sont grandes, repartit l’Aimé, elles sont bien récompensées par le plaisir qu’ils ont de voir mille choses rares, et quand on s’est accoutumé à la peine, on ne la trouve plus étrange. — Les voyages, reprit l’Aimant, ne sont agréables que lorsqu’on les fait avec ses amis : car, quand on est éloigné d’eux, outre qu’on est exposé aux injures du temps, on a la douleur encore de se voir séparé de ce qu’on aime. Ne quittez donc point un lieu où vous êtes en repos, et l’objet que vous aimez. — Si ces peines me paraissent insupportables, reprit l’Aimé, dans peu de temps je serai de retour. […] A peine çà et là un trait vrai perdu dans le barbouillage. « Nous vivions contents sur nos propres terres. » La Fontaine gardera ce trait.)

219. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Si je vous envoie quelque peine ou quelque contradiction, n’en murmurez point, et que votre cœur n’en soit point abattu ; je peux en un moment vous soulager et changer votre chagrin en joie. […] Vous ne travaillerez pas longtemps ici-bas, et vous ne serez pas toujours dans les douleurs ; attendez un peu et vous verrez bientôt la fin de vos maux ; un moment viendra où toutes les peines et les agitations cesseront ; tout ce qui passe avec le temps est court et peu considérable. […] La nature se plaint bientôt de ce qui lui manque et de ce qui lui fait de la peine : la grâce supporte constamment la pauvreté. […] Rendez gloire à Dieu de ses grâces, et reconnaissez que n’ayant rien à vous que le péché, rien ne vous est dû que la peine du péché. […] Vous envoie-t-il des peines et des châtiments, recevez-les encore avec joie : car c’est toujours pour notre salut qu’il fait ou qu’il permet tout ce qui nous arrive.

220. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Elle donne un choc à l’esprit, et de ce choc dangereux, l’esprit a peine à se remettre ; il se souvient longtemps du spectacle animé de ces licences ; il y revient complaisamment, il les médite, et c’est pourquoi Tertullien appelle le théâtre : « l’Église du diable : Ecclesia diaboli !  […] Vous avez beau crier, une comédie dont Henriette d’Angleterre accepta la dédicace, dont Boileau a fait l’éloge, une œuvre agréable et charmante, qui faisait rire aux éclats Louis XIV et sa cour, dont Molière a pris la défense, non pas sans succès, dans un intermède écrit tout exprès contre ses censeurs, une pareille comédie vaut bien la peine qu’on en parle. […] À l’aspect de ce bel instrument au repos, ne vous êtes-vous pas pris de tristesse en songeant à toutes les misères musicales que contenait cette âme en peine : les sonates de la petite demoiselle au retour de sa pension, les romances du faiseur de romances, les opéras-comiques des grands prix de Rome, les roulades des chanteurs et des chanteuses, tout ce menu fretin des mélodies de pensionnat et de salon ? […] Aujourd’hui, prenant ses ébats sur les gazons fleuris, le jour d’après marchant à grand peine sur le théâtre, et déchirant ses petits pieds aux clous d’un tapis poudreux ! […] Elle était ainsi la femme déclassée, et l’on dirait que Pascal lui-même a voulu tracer le portrait de cette créature malheureuse : « Le peu de temps qui lui reste l’incommode si fort et l’embarrasse si étrangement, qu’elle n’essaye qu’à le perdre : ce lui est une peine insupportable de vivre avec soi et de penser à soi ; ainsi, tout son soin est de s’oublier soi-même et de laisser couler ce temps, si précieux et si court, sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser.

221. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

En même temps et par contre-coup, la théorie de la peine se trouve renouvelée ou, plutôt à renouveler. Si, en effet, le crime est une maladie, la peine en est le remède et ne peut être conçue autrement ; aussi toutes les discussions qu’elle soulève portent-elles sur le point de savoir ce qu’elle doit être pour remplir son rôle de remède. Mais si le crime n’a rien de morbide, la peine ne saurait avoir pour objet de le guérir et sa vraie fonction doit être cherchée ailleurs. […] Il n’existe pas de société ou il ne soit de règle que la peine doit être proportionnelle au délit ; cependant, pour l’école italienne, ce principe n’est qu’une invention de juristes, dénuée de toute solidité46. […] Si la peine, si la responsabilité, telles qu’elles existent dans l’histoire, ne sont qu’un produit de l’ignorance et de la barbarie, à quoi bon s’attacher à les connaître pour en déterminer les formes normales ?

222. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Don Diego, sans me répondre, alla rapporter mes paroles à Francesco, qui en eut tant de peine qu’il ne savait que devenir. […] « Le roi, en s’en allant, me laissa si rempli de ses bontés, que j’aurais peine à l’exprimer. […] Le duc, pendant que je parlais, se tournait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et semblait m’écouter avec peine ; et moi, je m’affligeais en pensant à l’état magnifique que j’avais laissé en France. […] J’espérais que, si je venais à bout de mon Persée, toutes mes peines se changeraient en gloire et en plaisirs. […] Je la payerai plus qu’elle ne vaut. — Je ne m’étais attendu, pour le prix de mes peines, lui dis-je alors, qu’à l’approbation de cette école.

223. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

La découvrir a coûté bien des peines, l’établir n’en coûte pas moins. […] On peut, d’après ce qui précède, le deviner presque sans peine. […] Mais, avant de mourir, il veut se baigner, afin d’épargner aux femmes la peine de laver un cadavre. […] Je veux parler de cette éternité que Platon attribue à l’âme, de cette vie antérieure où l’âme sans le corps a connu directement les Idées dont elle ne fait que se souvenir ici-bas, de ces existences successives par lesquelles l’âme doit passer pour recouvrer sa pureté première, de ces récompenses et de ces peines que lui réserve la justice des dieux, selon qu’elle aura bien ou mal vécu. […] Ceci nous explique sans la moindre peine pourquoi la morale de Platon est à la fois si vraie et si sublime, si profonde et si pratique.

224. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Ce génie philosophique répandu dans tous les livres et dans tous les états, est l’instant de la plus grande lumière d’un peuple ; c’est alors que le corps de la nation commence à avoir de l’esprit, ou plutôt, ce qui revient à peu près au même, commence à s’apercevoir qu’il en manque après deux siècles de peines prises pour lui en donner. […] Je ne crains point que ceux des gens de lettres qui ont pris la peine de descendre quelquefois en eux-mêmes et de s’interroger en philosophes, ne conviennent de la vérité de ce que j’avance. […] Lucien, qu’on peut appeler le Swift des Grecs, parce qu’il se moquait de tout comme lui, même de ce qui n’en valait pas la peine, nous a laissé un écrit assez énergique sur les gens de lettres qui se dévouent au service des grands. […] Il faut avouer que la nation Française a bien de la peine à secouer le joug de la barbarie qu’elle a porté si longtemps. […] En un mot, le cardinal de Richelieu vit sans peine qu’il était trop dangereux d’établir dans les compagnies littéraires un esprit d’inégalité capable d’y entretenir le trouble, de rebuter les grands talents, de remplir à la longue ces sociétés illustres de gens médiocres à qui le titre d’académicien est nécessaire, et de rendre les récompenses littéraires trop dépendantes du caprice et de l’envie.

225. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Jusque-là il était abbé comme on l’était volontiers alors, ayant le titre et quelques bénéfices ; mais il n’était point lié à son état, il n’était prêtre à aucun degré ; et en 1755, à l’âge de quarante ans, on le voit hésiter beaucoup avant de franchir ce pas dont il sent le péril, et d’où sa délicatesse d’honnête homme l’avait tenu éloigné jusque-là : « Je me suis lié à mon état, écrit-il à Pâris-Duverney (le 19 avril 1755), et j’ai mis moi-même dans cette démarche tant de réflexions que j’espère ne m’en repentir jamais1. » Quant aux petits vers galants, ils sont de sa première jeunesse ; il cessa d’en faire à l’âge de trente-cinq ans : J’ai abandonné totalement la poésie depuis onze ans, écrit-il à Voltaire en décembre 1761 ; je savais que mon petit talent me nuisait dans mon état et à la Cour ; je cessai de l’exercer sans peine, parce que je n’en faisais pas un certain cas, et que je n’ai jamais aimé ce qui était médiocre ; je ne fais donc plus de vers et je n’en lis guère, à moins que, comme les vôtres, ils ne soient pleins d’âme, de force et d’harmonie ; j’aime l’histoire… Il y a donc, avant tout, quand on parle de Bernis, à bien marquer les époques, si l’on veut être juste envers un des esprits les plus gracieux et les plus polis du dernier siècle, envers un homme d’une capacité réelle, plus étendue qu’on ne pense, et qui sut corriger ses faiblesses littéraires ou ses complaisances politiques par une maturité décente et utile, et par une fin honorable. […] Pour moi, je ris de la peine qu’on s’est donnée inutilement de me faire des niches. […] Un jour que Bernis sortait de chez Mme de Pompadour, emportant sous son bras une toile de perse qu’elle lui avait donnée pour meubler son nouvel appartement, le roi le rencontra dans l’escalier, et voulut absolument savoir ce qu’il portait ; il fallut le montrer et expliquer le pourquoi : « Eh bien, dit Louis XV en lui mettant dans la main un rouleau de louis, elle vous a donné la tapisserie, voilà pour les clous. » Pourtant l’impatience vint à Bernis, et, suivant la spirituelle remarque de Duclos, voyant qu’il avait tant de peine à faire une petite fortune, il résolut d’en tenter une grande : cela lui fut plus facile. […] Il sentait bien que ses amis de Versailles ne l’y laisseraient pas éternellement ; il avait l’espérance vague, mais certaine, d’un futur retour : « Ma plus grande peine n’est donc que d’aspirer à être utile, d’en ouvrir modestement les voies, et d’être toujours renvoyé à l’inaction et à l’inutilité : voilà pour le moral. » Au physique, sa santé s’altérait faute d’exercice ; son embonpoint augmentait, la goutte se portait aux genoux.

226. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Venez ici, vous qui pressez vos lits d’édredon et qui n’y dormez pas ; voyez-le, l’homme de peine, suant au-dessus de son pain avant de le manger. […] on a toute la variété et les contrastes du tableau : un ancien eût fini peut-être par ce dernier trait et par cet image, mais Cowper ne s’y est pas tenu ; il y a mêlé son idée de fils d’Adam sur le travail qui est une peine et un châtiment, mais qui est devenu un moyen ou un gage de rachat. […] Quel que soit le lieu où j’aie entendu une mélodie pareille, la scène m’en revient à l’instant, et avec elle tous ses plaisirs et toutes ses peines. […] C’est cette union qui manque essentiellement chez Rousseau, et par toutes sortes de raisons qui font peine à ses admirateurs : ce peintre aux larges et puissantes couleurs vit et habite dans un intérieur souillé.

227. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

La question des prétendus mémoires de la marquise de Créqui vaut pourtant la peine d’être traitée avec quelque détail, à cause du grand succès de vogue qu’ils ont obtenu et qu’ils méritaient en partie par beaucoup d’anecdotes piquantes sur l’ancien régime et d’historiettes joliment racontées : je n’en veux ici qu’à leur authenticité et à leur crédit, nullement à l’espèce de bonne grâce de leur commérage de salon. […] Certes, si on lisait avec un peu d’attention et de critique, si l’on se donnait la peine de comparer et de raisonner à propos de lectures auxquelles on ne demande qu’une heure de distraction et de délassement, on arriverait à une conviction personnelle très motivée, et qui dispenserait (au moins pour soi, simple lecteur) de beaucoup d’autres recherches. […] Si vous vouliez jeter sur le papier, à vos moments perdus, quelques réflexions sur cette matière, et me les communiquer, vous seriez bien payée de votre peine si elles m'aidaient à faire un ouvrage utile, et c’est à de tels dons que je serais vraiment sensible (il a les poulardes sur le cœur) : bien entendu pourtant que je ne m’approprierais que ce que vous me feriez penser, et non pas ce que vous auriez pensé vous-même. […] La considération de l’éternité forme la limite habituelle et assez rapprochée de son horizon ; c’est là qu’elle porte les yeux dès qu’elle veut anéantir le présent et amortir en elle quelque peine, quelque regret qui remue encore : « Ce ne sont là que des dégoûts, se dit-elle en songeant aux procédés de son fils ; le détachement suit, et alors l’éternité paraît et absorbe tout. » Elle ne nous dit jamais comment elle anime et elle éclaire cette éternité.

228. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Gaspard et Bernard de Murat, conseillers d’État, étaient allés à Turin, et avec un peu de peine ils avaient trouvé moyen de se faire écouter. […] Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle ! […] Les troupes ont eu de la peine par l’âpreté du pays ; mais le soldat en a été bien récompensé par le butin. […] J’ai ordonné que l’on eût un peu de cruauté pour ceux que l’on trouve cachés dans les montagnes, qui donnent la peine de les aller chercher, et qui ont soin de paraître sans armes lorsqu’ils se voient surpris étant les plus faibles.Ceux que l’on peut prendre les armes à la main et qui ne sont pas tués, passent par les mains du bourreau. » Atrocité à jamais regrettable chez un guerrier humain l'erreur chez un esprit sage !

229. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Il paraît bien que le manque de munitions, de vivres, de mulets, était porté sur cette frontière à un degré qu’on a peine à se figurer. […] Cela ne m’a pas fait de peine, et je suis disposé de la meilleure foi du monde et du fond de mon cœur de joindre mes soins, mes peines et les connaissances que je puis avoir, pour contribuer au rétablissement de la gloire et de la réputation des armes du roi. […] Ainsi l’imposteur n’aurait eu rien qui le payât de sa peine… » À cette date, dans le public, on s’occupait donc beaucoup de Catinat, et l’on commentait sa conduite et celle que la Cour avait tenue envers lui.

230. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

L’intention était bonne ; mais ces articles de journaux ne valaient réellement pas la peine qu’il les réimprimât. […] Coulmann s’étaient querellés en promenade, s’étaient arraché les cheveux, « mais qu’on avait peine, tant la couleur était la même, à savoir à qui appartenaient les uns et les autres. » Voilà donc un jeune homme de très bon air, fort bien accueilli ; fort goûté en tout lieu, et qui dut être, en effet, parfaitement aimable. […] S’il y avait eu, comme dans la Révolution, peine de mort pour des signes de commisération, si les têtes avaient dû tomber, la plupart se seraient gardés de me dire un mot, et j’aurais eu peu de visites. […] En un mot, il a le goût un peu hybride ; son esprit, qui est assez solide, n’a pas la trempe ni le fil : il ne lui a manqué peut-être que le dur besoin, la nécessité, cette pierre à aiguiser ; mais le fait est qu’il ne sépare pas nettement les choses, il ne discerne pas toujours vivement les personnes ; son métal n’est pas d’un son clair et net : il admet quelque amalgame. — À cela près, le plus galant homme, le plus droit, le plus véridique, je le crois sans peine, bon à écouter de temps en temps ou à parcourir, et méritant, comme je viens de le faire, qu’on aille glaner chez lui.

231. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les sujets antiques et leurs imitateurs produisent moins d’effet dans la république que dans la monarchie : les distinctions de rang rendaient encore plus sensibles les peines attachées aux revers du sort, elles mettaient entre l’infortune et le trône un immense intervalle que la pensée ne pouvait franchir qu’en frémissant. […] L’action infatigable de la peine fait passer et repasser sans cesse dans notre cœur des idées et des sentiments qui tourmentent notre être en dedans de nous-mêmes, comme si chaque instant amenait un événement nouveau. […] Il y a donc nécessairement une profondeur de peine, un genre de vérité que l’expression poétique affaiblirait, et des situations simples dans la vie que la douleur rend terribles, mais que l’on ne peut soumettre à la rime, et revêtir des images qu’elle exige, sans y porter des idées étrangères à la suite naturelle des sentiments. […] Je ne conseille pas cependant d’essayer en France des tragédies en prose, l’oreille aurait de la peine à s’y accoutumer ; mais il faut perfectionner l’art des vers simples, et tellement naturels, qu’ils ne détournent point, même par des beautés poétiques, de l’émotion profonde qui doit absorber toute autre idée.

232. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Cependant un sanglier, monstre énorme et superbe Tente encor notre archer, friand de tels morceaux Autre habitant du Styx : la Parque et ses ciseaux Avec peine y mordaient ; la déesse infernale Reprit à plusieurs fois l’heure au monstre fatale ; De la force du coup pourtant il s’abattit. […] 205 Nous dirions bien encore que la difficulté est exprimée dans cette coupe pénible et dans cette suspension lourde :          La Parque et ses ciseaux Avec peine y mordaient ; qu’un peu plus loin le vers interrompu laisse l’esprit dans l’attente : Dans le temps que le porc revient à soi, l’archer… Mais cette critique pourra sembler minutieuse. […]     Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants Parcourant, sans cesser, ce long cercle de peines Qui, revenant sur soi, ramenait dans les plaines, Ce que Cérès nous donne et vend aux animaux :     Que cette suite de travaux Pour récompense avait de tous tant que nous sommes. […] « Il dit qu’il portait pour nous seuls les fruits les plus pesants du labeur des années ; parcourant sans s’arrêter de long cercle de peines qui ramène dans nos champs, en revenant sur soi, ce que Cérès nous donne et ce qu’elle vend aux animaux ; que cette suite de fatigues avait, de tous tant que nous sommes, pour récompense force coups, peu de gré ; puis que, quand il était vieux, on croyait l’honorer toutes les fois que les hommes achetaient l’indulgence des cieux au prix de son sang. » Il fallait faire ainsi « le peseur de syllabes et le regratteur » de consonnes, et se hasarder jusqu’à la critique de Batteux et de Denys d’Halicarnasse, pour montrer que l’instinct d’un poète, même bonhomme, est aussi savant que la réflexion d’un philosophe.

233. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

elle vient voir ce qu’elle pourra recueillir de mon inventaire. » Cet inventaire en valait la peine, puisqu’il se composait tout d’abord de Fontenelle, de Montesquieu, de Mairan. […] Elle a fait son éducation sous la fameuse Mme de Tencin, qui lui a donné pour règle de ne jamais rebuter aucun homme ; car, disait l’habile matrone, « quand même neuf sur dix ne se donneraient pas un liard de peine pour vous, le dixième peut vous devenir un ami utile ». […] En un mot, elle nous offre un abrégé d’empire qui subsiste au moyen de récompenses et de peines. […] Si cela valait la peine qu’elle s’en mêlât, je puis vous assurer, madame, qu’elle pourrait me gouverner comme un enfant.

234. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Parlant de celles des Romains : « Nous tirons cet avantage, disait-il, de la médiocrité de nos fortunes, qu’elles sont plus sûres : nous ne valons pas la peine qu’on nous ravisse nos biens. » Montesquieu ne concevait pas qu’il y eût un jour possible, un jour prochain, où le clergé en masse serait dépossédé, où la noblesse le serait en grande partie, où les premières têtes du parlement de Paris monteraient en ordre sur l’échafaud : un 1793, cela ne se devine pas. […] Et le marquis d’Argenson, qui le juge très bien à cette date, disait : Comme il a infiniment d’esprit, il fait un usage charmant de ce qu’il sait ; mais il met plus d’esprit dans ses livres que dans sa conversation, parce qu’il ne cherche pas à briller et ne s’en donne pas la peine. […] On prend, en lisant, une note avec esprit, avec saillie, et ensuite, en composant, on se donne une peine infinie pour faire passer sa route royale par l’endroit de la note illustre ou même quelquefois de l’historiette légère. […] Il avait la bonhomie de croire qu’il avait négligé de faire la fortune de son nom et l’illustration de sa maison : « J’avoue, disait-il, que j’ai trop de vanité pour souhaiter que mes enfants fassent un jour une grande fortune ; ce ne serait qu’à force de raison qu’ils pourraient soutenir l’idée de moi ; ils auraient besoin de toute leur vertu pour m’avouer. » Ainsi il croyait, par exemple, que si l’un de ses enfants devenait ministre, chancelier, ou quelque chose de tel, ce serait un embarras à un personnage si considérable que d’avoir un père ou un aïeul comme lui qui n’aurait fait que des livres, Ceci même est un excès de modestie ou un reste de préjugé qu’on a peine à comprendre.

235. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Lorsque son Testament politique parut en 1687, de bons juges y reconnurent le cachet du maître : Ouvrez son Testament politique, dit La Bruyère, digérez cet ouvrage : c’est la peinture de son esprit ; son âme tout entière s’y développe ; l’on y découvre le secret de sa conduite et de ses actions ; l’on y trouve la source et la vraisemblance de tant et de si grands événements qui ont paru sous son administration : l’on y voit sans peine qu’un homme qui pense si virilement et si juste a pu agir sûrement et avec succès, et que celui qui a achevé de si grandes choses, ou n’a jamais écrit, ou a dû écrire comme il a fait. […] On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine. […] À la comtesse de Soissons, à l’occasion de la mort du comte son mari, il dira assez singulièrement et pour lui persuader qu’elle y a gagné plutôt que perdu : « Si vous désirez votre bien, il est meilleur que vous ayez un avocat au ciel qu’un mari en terre (sur la terre). » Une fois, il donne des conseils intérieurs et tout spirituels à une âme dévote qui éprouvait des peines et des découragements dans l’oraison ; il essaye avec elle d’un langage et d’une science mystique, où il est aisément vaincu par les saint François de Sales et les Fénelon. […] Il y a un mot de Montesquieu qui me paraît un véritable contresens et que j’ai peine à comprendre venant d’un si grand esprit : « Les plus méchants citoyens de France, dit-il en une de ses Pensées, furent Richelieu et Louvois. » Laissons de côté Louvois, dont il n’est point question présentement ; mais Richelieu, un mauvais citoyen de la France !

236. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

En 1598, pendant que le comte d’Essex ravageait l’Irlande ayant à son chapeau un gant de la vierge-reine Élisabeth, il fit les Deux gentilshommes de Vérone, le Roi Jean, Peines d’amour perdues, la Comédie d’erreurs, Tout est bien qui finit bien, le Songe d’une nuit d’été et le Marchand de Venise. […] En 1609, pendant que la magistrature de France, donnant un blanc seing pour l’échafaud, condamnait d’avance et de confiance le prince de Condé « à la peine qu’il plairait à sa majesté d’ordonner », il fit Troïlus et Cressida. […] C’est, par exemple, sur une simple note de Mères, auteur du Trésor de l’esprit, qu’on est forcé d’attribuer à la seule année 1598 la création de six pièces, les Deux gentilshommes de Vérone, la Comédie d’erreurs, le Roi Jean, le Songe d’une nuit d’été, le Marchand de Venise et Tout est bien qui finit bien, que Mères intitule Peines d’amour gagnées. […] Nous disons acheta ou fit bâtir une maison, car il l’acheta selon Whiterill, et la fit bâtir selon Forbes, et à ce sujet Forbes querelle Whiterill ; ces chicanes d’érudits sur des riens ne valent pas la peine d’être approfondies, surtout quand on voit le père Hardouin, par exemple, bouleverser tout un passage de Pline en remplaçant nos pridem par non pridem.

237. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

On a de la peine à se faire une idée nette de cet hôpital, de cette fabrique, de ce massif. […] On a de la peine à la suivre ; elle est quelquefois équivoque, ou elle s’arrête tout court, ou il faut bien de la complaisance à l’œil pour en poursuivre le chemin. […] S’il est vrai, comme on le reproche à Doyen, et comme il aurait un peu de peine à se justifier, qu’il ait emprunté la distribution, la marche générale de sa machine d’une composition de Rubens où l’on prétend que l’ordonnance est la même, je ne suis plus surpris du défaut d’air et de plans ; il est presque inséparable de cette sorte de plagiat. […] Le tableau de Doyen est même très-vigoureusement colorié, mais il manque d’harmonie, et quoiqu’il soit chaud de toute part, on ne saurait le regarder longtemps sans être peiné, mais c’est principalement au groupe des six figures placées sur le massif que cette peine se fait sentir, c’est un grand papillotage insupportable.

238. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Isolé par Richelieu des objets les plus légitimes de son affection, privé de sa mère, qui errait dans l’exil, et de son épouse, avec laquelle il fut brouillé toute sa vie, il contait mystérieusement ses peines à quelque favori en titre, qu’il ne conservait pourtant que sous le bon plaisir du cardinal. […] Par malheur, le langage résiste souvent à la pensée et se plie avec peine à l’inspiration : de là quelque chose de prétentieux, ou, comme d’autres disent, de romantique, surtout dans les préambules où l’auteur parle en son nom, plusieurs fois même dans le dialogue ; lorsque Cinq-Mars et Marie de Gonzague s’entretiennent, on s’aperçoit trop que M. de Vigny est en tiers avec eux.

239. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Le libraire Tompson eut de la peine à se charger de l’impression du Paradis perdu ; &, si cet ouvrage a depuis enrichi sa famille, Tompson lui-même ne trouva pas de lecteurs pour le vendre. […] Milton répondit sans peine au livre de la défense des rois, par un autre ouvrage sous ce titre : Défense pour le peuple Anglois (**).

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