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29. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IV. Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes. »

C’est une chose miraculeuse, sans doute, qu’en peignant la colère ou la tristesse du ciel chrétien, on ne puisse détruire dans l’imagination du lecteur le sentiment de la tranquillité et de la joie : tant il y a de sainteté et de justice dans le Dieu présenté par notre religion ! […] Le poète trouve dans notre ciel des êtres parfaits, mais sensibles, et disposés dans une brillante hiérarchie d’amour et de pouvoir ; l’abîme garde ses dieux passionnés et puissants dans le mal comme les dieux mythologiques ; les hommes occupent le milieu, touchant au ciel par leurs vertus, aux enfers par leurs vices ; aimés des anges, haïs des démons ; objet infortuné d’une guerre qui ne doit finir qu’avec le monde. […] Satan, s’apprêtant à combattre Michel dans le paradis terrestre, est superbe ; le Dieu des armées, marchant dans une nuée obscure à la tête des légions fidèles, n’est pas une petite image ; le glaive exterminateur, se dévoilant tout à coup aux yeux de l’impie, frappe d’étonnement et de terreur ; les saintes milices du ciel, sapant les fondements de Jérusalem, font presque un aussi grand effet que les dieux ennemis de Troie, assiégeant le palais de Priam ; enfin il n’est rien de plus sublime dans Homère, que le combat d’Emmanuel contre les mauvais anges dans Milton, quand, les précipitant au fond de l’abîme, le Fils de l’Homme retient à moitié sa foudre, de peur de les anéantir.

30. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Les oiseaux du ciel les nourrissent71, les lions portent leurs messages72 ou creusent leurs tombeaux73 ; en commerce familier avec les anges, ils remplissent de miracles les déserts où fut Memphis74. […] Redites-nous cette histoire, chère au ciel, l’histoire de Joseph et de ses frères. […] Un vaisseau est prêt à périr : l’aumônier, par des paroles qui délient les âmes, remet à chacun la peine de ses fautes ; il adresse au ciel la prière qui, dans un tourbillon, envoie l’esprit du naufragé au Dieu des orages. […] Elle tient son enfant dans les bras, et calme les flots par un sourire : charmante religion, qui oppose à ce que la nature a de plus terrible, ce que le ciel a de plus doux !

31. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais celles-ci s’éteignent à leur tour ; le ciel jusqu’alors empourpré bleuit de plus en plus. […] Le ciel continuait à s’éclaircir ; on commençait à y voir dans le bois. […] — Relâche-moi, au nom du ciel. […] Vous sortez du ravin… Le ciel prend à l’horizon une teinte de plomb. […] Le crépuscule du soir éclaire la moitié du ciel comme un vaste incendie.

32. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Puis, nous oublions vite, et ce travail nous plaît ; Le ciel est d’un bleu clair et flambe sur nos têtes, Et quand le vent d’été chasse un rire de fêtes, Nous avons la gaîté des fossoyeurs d’Hamlet ! […] Nous ne savions pas quels cris cela jetait vers le ciel, qui n’était pour eux que du bleu, — que de l’azur sourd, vide et stupide ! […] Vous rappelez-vous cette page inouïe de Jean-Paul, dont le sublime transportait madame de Staël, quand, au Jugement dernier, il peint le désespoir des âmes qui auront vécu en Jésus-Christ sur la terre et compté sur le ciel pour prix des plus cruelles vertus, lorsqu’elles entendront une voix sortant des profondeurs de l’Infini, qui criera par tout Josaphat : Vous vous êtes trompés ! Il n’y a pas de ciel ! […] Il n’y a pas de ciel !

33. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Avant de ravir le feu du ciel, le Prométhée d’Hésiode et d’Eschyle, en germe sous une tige de figuier, l’avait tiré d’un trou creusé dans un disque en bois de bouleau. […] La guerre de dix ans que les Titans soutiennent sur le champ de bataille de la Thessalie, entre l’Olympe et l’Othryx, contre Zeus tonnant dans le ciel, n’est au fond qu’une époque géologique en action. […] Le Titan a tiré le feu du ciel, mais il ne peut en faire jaillir l’étincelle divine de la vie. […] L’un dérobant au ciel le feu salutaire, l’autre éteignant le feu ravageur dans la gueule des monstres qui le vomissaient. […] Lucifer pardonné avait repris sa place dans le ciel, mais il sentait encore la foudre, et la cicatrice de sa plaie saignait toujours à son flanc.

34. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

« Je dois d’abord, disait-il, faire le bien où le ciel m’a fait naître. […] L’étude des cérémonies nous apprend comment on doit s’acquitter envers le ciel, les esprits et les ancêtres ; elle nous enseigne à ne pas confondre les rangs. […] Témoigner au ciel (Dieu) sa reconnaissance, est le premier des devoirs de l’homme ; se montrer reconnaissant envers les ancêtres est le second. […] Comme il fonda tout le système politique sur le sentiment naturel et sur le devoir de la piété filiale, il détermina qu’aussitôt après avoir offert l’hommage au ciel, on offrirait par la bouche du Fils du ciel (le souverain) l’hommage aux ancêtres. […] Après le printemps, l’automne s’avance ; quand le soleil se lève, c’est pour marcher rapidement vers le bord du ciel où il se couche.

35. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Son âme, issue de la communion du ciel et de la multitude, s’est dissoute au souffle de l’esprit du temps. […] Georges Clemenceau dans un examen merveilleusement aigu des cathédrales de Monet, darde au ciel l’élan de sa masse autoritaire qu’il offre au combat des clartés. […] Le paganisme avait divinisé les énergies cosmiques ; le christianisme immatérialise son Dieu dans un ciel fictif et jette l’anathème sur la nature. […] Le ciel est tout, la terre n’est rien ; là-haut, une montagne de félicités, ici-bas, une vallée de larmes. […] En premier lieu, il n’y a plus, dans le ciel éternel, un Dieu tout-puissant, sur le globe éphémère, d’humbles créatures, ses esclaves : il y a, en tout et pour tout, l’Univers vivant, matériel-spirituel, au sein duquel l’homme est plongé.

36. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Que me ferait le ciel, si le ciel était vide ? […] Premier rayon du ciel vu dans des yeux de femmes, Premier foyer d’une âme où s’allument nos âmes, Premiers bruits de baisers au cœur retentissants ! […] On eût dit qu’il sortait du ciel, de la terre, des bois, des plantes, des fenêtres de la maison visible là-bas, du foyer d’enfance, des lèvres de mes sœurs, de la mâle poitrine de mon père, du cœur encore chaud de ma mère, pour m’accueillir à ce retour, et pour me toucher des lèvres sur la joue et au front. […] Le soleil avait baissé sans que je m’en aperçusse pendant cette halte dans mes souvenirs : il touchait presque aux petites têtes du bois de sapins que vous connaissez, et qui dentellent le ciel au sommet de la montagne, en face de moi, en se découpant sur le bleu du ciel comme les mâts d’une flotte à l’ancre dans un golfe d’eau limpide de la mer d’Ionie. […] Je me dis parfaitement l’heure qu’il est à l’observation des chants d’oiseaux, du bourdonnement des insectes et des bruits de feuilles qui s’élèvent ou qui s’éteignent dans la campagne, selon que le soleil monte, s’arrête ou descend dans le ciel.

37. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Jamais le décor de septembre ne fut si riant, jamais bleu du ciel ne fut si pur, jamais beau temps ne fut aussi beau. […] Sous le ciel sans lune et sans gaz, la Seine roule une eau sombre, une eau de Phlégéton. […] Et ce paysage de coloriste avait, pour ciel, un ciel de feu rouge cerise, enfermant dans des cernées, deux ou trois taches étranges de bleu pâle, du bleu que Lessore jette sur la faïence de ses assiettes. […] Cela a aussi quelque chose d’un déménagement céleste, où des Titans remueraient sur votre tête les commodes du ciel. […] Le ciel fond dans un brouillard aqueux, transpercé de la clarté diffuse d’un clair de lune.

38. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

On la revoit telle qu’elle fut toujours, ses chastes bras suspendus au cou de son frère, dans ces lettres où elle a laissé un peu de l’immortalité de son âme, avant de la porter au ciel. […] Ce serait à faire chûter toutes les Clarisses du côté du ciel. […] Abîme de profondeur pour qui saurait y descendre, que cette existence retirée et close, sous un pan de ciel bleu, — au fond des campagnes — dans la pratique active et sensée des vertus chrétiennes ; mais, hélas ! […] le riant Cayla ne fut point pour elle un désert, et comme elle ne mettait pas de bornes au ciel, elle n’en mit ni à sa vie ni à son âme. […] « Quand le ciel tomberait, écrivait Eugénie, il n’ajouterait rien à mon accablement. » Sans la foi, qui lui fit soutenir sa croix, à deux bras sur son cœur brisé, elle aurait, comme tant d’autres, qui ont l’air de vivre et qui sont finis, été finie à la source des palpitations et dans les racines mêmes de son être.

39. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Quels ciels ! […] C’est Vernet qui sait rassembler les orages, ouvrir les cataractes du ciel, et inonder la terre. […] C’est toute l’étendue du ciel sous l’horizon le plus élevé ; c’est la surface d’une mer ; c’est une multitude d’hommes occupés du bonheur de la société ; ce sont des édifices immenses, et qu’il conduit à perte de vue. […] Voilà ce qu’on peut appeler un ciel.

40. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Elles veulent lui persuader qu’il a encore des amis, dans ce ciel même qui l’a terrassé. […] L’Orient et l’Occident du ciel s’accouplent ainsi dans la figure de leur précurseur. […] Ses mille hymens aériens prirent corps et figure, le ciel et la terre furent peuplés de ses concubines. […] Il a brisé la voûte d’or que les Olympiens prenaient pour leur dôme, il a rompu les vitres du ciel solide auquel Aristote croyait encore. […] La légende imposait d’ailleurs à Eschyle cette paix entre le ciel et la terre représentée par son glorieux défenseur.

41. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Le ciel répand une teinte générale sur les objets. […] Autour de moi les objets gardent toute la force et toute la variété de leurs couleurs, ils se ressentent moins de la teinte de l’atmosphère et du ciel ; au loin ils s’effacent, ils s’éteignent, toutes leurs couleurs se confondent ; et la distance qui produit cette confusion, cette monotonie, les montre tous gris, grisâtres, d’un blanc mat ou plus ou moins éclairé, selon le lieu de la lumière et l’effet du soleil. […] Qu’il s’élève une vapeur qui attriste le ciel, et qui répande sur l’espace un ton grisâtre et monotone, tout devient muet, rien ne m’inspire ni ne m’arrête, et je ramène mes pas vers ma demeure. […] Comparez une scène de la nature dans un jour et sous un soleil brillant avec la même scène sous un ciel nébuleux. […] C’est l’instant du jour, la saison, le climat, le site, l’état du ciel, le lieu de la lumière qui en rendent le ton général fort ou faible, triste ou piquant.

42. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Il y continua les mêmes accents sous un ciel plus favorable et dans l’ardeur d’un apostolat plus impérieux : mais en même temps il y fut poëte de la nature et de la vie privée ; il y fut poëte inspiré par les lieux comme par les souvenirs, mêlant ses joies de famille à ses épreuves de missionnaire, son amour humain à ses espérances célestes. […] Déjà le bruissement des arbres annonce une pluie, à la suite de la brise ; les flammèches d’un ciel d’été ont pris une teinte plus profonde et plus rouge : la lampe qui là-bas tremblote sur le fleuve projette de notre cabine son rayon vers nous ; et il nous faut reposer de bonne heure, pour trouver au réveil le vent salubre du matin. […] La vie de Réginald Héber s’épuisa vite sous le ciel brûlant île l’Inde. […] Consumé par les fatigues de son zèle et par le regret de ses stériles efforts, Héber succomba de bonne heure il l’épreuve dévorante du ciel de l’Inde. […] Puisse, sous un autre ciel et parmi d’autres descendants de ses compatriotes, l’invocation religieuse de son nom adoucir un peu la rudesse de l’extrême démocratie !

43. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Jamais muse du ciel ne fut si bien venue       Et de mon âme et de mon cœur ! […] — La terre était fleurie, Le ciel pur, l’ombre fraîche, elle… heureuse d’amour ! […] Vous avez mis la terre entre nous ; n’y mettez pas le ciel, et laissez-moi l’espérance de vous rencontrer enfin là où rien ne pourra plus séparer le frère de sa sœur. » Il suivit le conseil : « Non, répondit-il, je ne mettrai pas le ciel entre nous, après y avoir mis la terre ; ce serait me condamner deux fois à l’enfer. » Il quitta Paris, « ville néfaste » ; il lui fit des adieux maudits comme jamais n’en firent le poëte Damon ni JeanJacques ; il revint à Belley un moment ; puis il alla dans le Dauphiné au sein des Alpes, dans le voisinage de sa patrie. […] « Les eaux du torrent remontent à leur source avec les nuages du ciel pour s’épancher de nouveau dans les vallées ; les arbres fleurissent tous les printemps ; le soleil ne se lasse point d’éclairer et de féconder la terre ; les oiseaux qui partent avant l’hiver reviennent avec les beaux jours ; mais, hélas ! […] Tes eaux sont déchirées par les rochers aigus ; tu tombes des pics voisins du ciel dans des cavernes qui touchent, aux enfers ; brisé toi-même, tu brises tout ce qui se trouve sur ton passage.

44. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Le jeune enfant occupe le centre de la toile ; il est debout, il a le regard et la main droite tournés vers le ciel. […] Quand il aurait ajouté que ses deux bras allaient toucher aux deux extrémités de l’horizon, aux deux endroits opposés où le ciel confine avec la terre, il n’aurait presque rien fait de plus. […] Voici donc comment Homère s’est exprimé : la Discorde, faible d’abord, s’élève et va appuyer sa tête contre le ciel, et marche sur la terre. Il y a trois images dans ces deux vers ; on voit la Discorde s’accroître ; on la voit appuyer sa tête contre le ciel ; on la voit marcher rapidement sur la terre. […] Un petit nombre de syllabes emphatiques et lentes lui ont suffi pour étendre la tête de sa figure ; cette tête est énorme lorsqu’elle touche le ciel, il en faut convenir ; et l’imagination a passé, malgré qu’elle en ait, de l’image d’un enfant de quatre ans à l’image d’un colosse épouvantable.

45. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Montez donc vers le ciel, montez, encens qu’il aime, Soupirs, gémissements, larmes, sanglots, blasphème,             Plaisirs, concerts divins ! […] Nous demandons donc par les religions de la terre au Dieu du ciel de nous révéler le mystère de cet inconnu de la mort ! […] ou dans quelque autre feu « De ces foyers du ciel, dont le grand doigt de Dieu « Pourrait seul mesurer le diamètre immense ? […] « Tu creuseras en vain le ciel, la mer, la terre, « Pour m’y trouver un nom ; je n’en ai qu’un… Mystère. […] ô grand vide où l’écho vient du ciel !

46. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau. […] La nature avant tout, la nature en elle-même et avec toutes ses variétés de collines, de pentes, de vallées, de clochers à distance ou de ruines, la nature surmontée d’un ciel haut, profond et chargé d’accidents, voilà le paysage comme l’entend M. […] A gauche, au pied de la montée, commence la plaine : le village est là avec son enclos de verdure, et sa flèche qui domine ; on distingue en avant les sillons des pièces labourées et les plans potagers des jardins, mais au delà du village la plaine fuit en s’élargissant ; les fermes et les enclos s’y effacent ; la rivière y serpente comme un filet ; le ciel est voilé, bien que spacieux, et de grands nuages échevelés le parcourent, venus de l’Océan ; pourtant çà et là il est crevé en azur, et quelque rayon effleure par places le lointain de la plaine : une fumée montante anime le fond et se détache en tournoyant sur l’uniformité bleuâtre des horizons redoublés qui se confondent avec le gris plus foncé des nuages. […] c’est bien là, du côté de la Picardie et près de la mer, cette Normandie grasse et féconde, ouverte et reposée, sans beaucoup d’éclat, sans transparence, mais non sans beauté ni sans grandeur ; c’est bien elle avec ses ruines sévères, son ciel variable, sa forte terre de labour et sa végétation ni folâtre ni sombre, mais un peu uniforme dans sa verdure ; c’est bien la plaine d’Arques avec ses souvenirs d’Henri IV et de sa petite armée valeureuse, armée plus serrée et solide que brillante, sur laquelle la soie et l’or se voyaient moins que le fer ; héroïque tous les matins à la sueur de son front, et combattant pour un but lointain, mais sans perspective trop sereine.

47. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Accoutumé à errer dans les bois, et sous le beau ciel de Naples, méditant la nature qu’il savait si bien peindre, il devait mettre un grand prix au repos : il ne faut donc pas s’étonner qu’il ait loué Octave ; on dormit dans ses chaînes. […] que le jour où sa famille sacrée célébrera son retour au ciel, ne luise que dans l’autre siècle ; et pour nos derniers neveux25 !  […] Tout le monde sait que Néron fut loué par Lucain ; nous avons vingt vers de lui, à la tête de la Pharsale, où ce monstre est placé dans le ciel. […] Ses deux poèmes sont dédiés à ce tyran, qu’il place aussi dans le ciel, sans doute entre Octave et Néron. […] On croirait qu’il est impossible d’être plus vil ; Martial a trouvé l’art de l’être encore plus ; c’est de répéter les mêmes éloges pour Trajan, et de blâmer alors les crimes de Domitien, qu’il avait élevé jusqu’au ciel quand il régnait.

48. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

La même timidité l’a fait échouer dans son ciel. […] « Ô mortel trop heureux d’avoir connu la disgrâce, si le ciel ne t’envie point la douce destinée dont tu jouis, aie pitié de mes malheurs ! […] Elle semblait dire : Le ciel s’ouvre et je m’en vais en paix. […] Il reçut cet arrêt comme une délivrance, éleva les mains au ciel pour remercier Dieu, et ne s’entretint plus que des choses éternelles. […] « Voilà », s’écria-t-il en joignant les mains, « voilà le char triomphal sur lequel je désire être couronné, non pas du laurier du poète, mais de la gloire des saints dans le ciel ! 

49. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

pour maudire une terre à laquelle la nature et le ciel ont prodigué tous leurs dons, dont l’histoire est encore un des trophées du genre humain ? […] La comtesse Léna ne se retrouvera que dans le ciel ; elle était trop belle pour cette terre. […] Ou planent-ils entre le ciel et nous ? […] Ils ont péché : mais le ciel est un don ! […] Peut-être cela fut-il simplement la vue d’un de ces beaux cyprès immobiles se détachant en noir sur le lapis éclatant du ciel, et rappelant le tombeau.

50. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

La nuit qui tombait n’augmenta ni la solitude, ni l’abandon, ni l’inexprimable désolation de ce lieu. » Je note en passant ce « ciel balayé, brouillé, soucieux », cette transposition et comme ce reflet de l’âme au ciel et aux objets environnants. […] Ces vues de haut me plaisent toujours, et toujours j’ai rêvé de grandes figures dans une action simple, exposées sur le ciel et dominant un vaste pays. […] D’ailleurs, l’éclat du ciel s’adoucit par des bleus si tendres, la couleur de ces vastes plateaux, couverts d’un petit foin déjà flétri, est si molle, l’ombre elle-même de tout ce qui fait ombre se noie de tant de reflets, que la vue n’éprouve aucune violence, et qu’il faut presque la réflexion pour comprendre à quel point cette lumière est intense… Elle se retire insensiblement devant la nuit qui s’approche, sans avoir été précédée d’aucune ombre. […] Elle s’est démasquée tout à coup à ses yeux au sortir d’une vallée, — un monticule blanc sur un ciel d’argent mat que ferme une barre violette, et dans l’intervalle une étendue sablonneuse, frappée de lumière. […] On se demande, en la voyant commencer à ses pieds, puis s’étendre, s’enfoncer vers le Sud, vers l’Est, vers l’Ouest, sans route tracée, sans inflexion, quel peut être ce pays silencieux, revêtu d’un ton douteux qui semble la couleur du vide ; d’où personne ne vient, où personne ne s’en va, et qui se termine par une raie si droite et si nette sur le ciel ; — l’ignorât-on, on sent qu’il ne finit pas là et que ce n’est, pour ainsi dire, que l’entrée de la haute mer… — J’ai devant moi le commencement de cette énigme.

51. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

J’étais au ciel, et j’y dois retourner encore, pour donner à d’autres le charme de ma lumière. […] Le Purgatoire du Dante est une aspiration vers le ciel ; le Paradis est l’hymne de reconnaissance de l’imagination, pour un bonheur infini comme son espérance. […] Encore un peu de temps, et les dialectes vulgaires, à peine dégagés des ruines romaines, allaient s’emparer de cette thèse inépuisable, que la religion rendait présente aux cœurs de la foule, et que le beau ciel de l’Italie animait de sa lumière. […] Mais, sur la route du ciel et dans le ciel même, l’admiration mystique n’a pas de repos, et l’enthousiasme ne peut passer ni renaître. […] Le poëte nous ramène à la terre par ses douleurs, comme il nous élève à Dieu par son génie ; mais il est théologien, il argumente, il déclame, il accuse, il est implacable dans le ciel.

52. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Il semble aussi que son séjour près de Jean, moins par l’action du baptiste que par la marche naturelle de sa propre pensée, mûrit beaucoup ses idées sur « le royaume du ciel. » Son mot d’ordre désormais, c’est la « bonne nouvelle », l’annonce que le règne de Dieu est proche 340. […] Ce mot de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel », ainsi que nous l’avons déjà dit 342, était depuis longtemps familier aux Juifs. […] Le ciel, la terre, la nature tout entière, la folie, la maladie et la mort ne sont que des instruments pour lui. […] Un ciel nouveau sera créé, et le monde entier sera peuplé d’anges de Dieu 351. […] Cette terre nouvelle, ce ciel nouveau, cette Jérusalem nouvelle qui descend du ciel, ce cri : « Voilà que je refais tout à neuf 358 ! 

53. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Nourris par la religion, entre la terre et le firmament, sur ces roches escarpées, c’est là que de pieux Solitaires prennent leur vol vers le ciel comme des aigles de la montagne. […] Un ciel transparent abaisse le cercle de ses horizons sur la terre et sur les mers, et semble enfermer l’édifice de la religion sous un globe de cristal. […] Vieux cloître où de Bruno les disciples cachés Renferment tous leurs vœux sur le ciel attachés ; Cloître saint, ouvre-moi tes modestes portiques ! […] Et vous, qu’un roi charmoit de ses divins accords, Cèdres du haut Liban, sur votre cime altière, Vous portiez jusqu’au ciel leur ardente prière ! Cet antre protégeoit leur paisible sommeil ; Souvent le cri de l’aigle avança leur réveil ; Ils chantoient l’Éternel sur le roc solitaire, Au bruit sourd du torrent dont l’eau les désaltère, Quand tout à coup un ange, en dévoilant ses traits, Leur porte, au nom du ciel, un message de paix.

54. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Vois le ciel Immense et vois les lys dans les ombres brillantes Et la pâle clarté des glaciers éternels. […] Dans le gris du ciel qui s’y reflète Ainsi qu’un arbre mort qui mire son squelette, Veux-tu que nous penchions notre aube sur cette eau ? […] Il ne va point par la ville et la campagne, une main sur son cœur et les yeux au ciel. […] Léon Bocquet (Flandre) a célébré le sol natal et le ciel gris et tragique des villes d’usine. Ce qu’un Souchon ou un Gasquet ont fait pour le Midi Français, Léon Bocquet l’a tenté pour la région de Lille ; ce n’est pas toutefois, qu’il ne regrette le ciel de perle et les nets profils d’Athènes.

55. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Ils se détachent nettement sur l’azur du ciel et vont par couples, qui babillent et se suivent à des intervalles réguliers. […] Ces orages ne durent point ; ils laissent dans le ciel, jusqu’à la nuit, des nuages immobiles d’un bleu noir. […] Une neige tombée en abondance la nuit précédente en faisait ressortir les gigantesques lignes sur l’horizon ; un ciel bleu, découpé par ses jours, éclatait dans l’intérieur ; il était absorbé dans l’admiration muette, cherchant comment il dresserait dans le ciel le théâtre de la grandeur du Dieu des chrétiens. […] On poursuit sa route et l’on retrouve enfin la lumière du jour, mais on la retrouve dans le ciel. […] C’est ce qu’on appelle ciel ou enfer.

56. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

La terre donne des empires ; le ciel seul donne la gloire aux règnes. […] Mais un platonique et mystérieux amour, plus semblable à un culte qu’à une passion, lui laissait depuis longtemps un pan de ciel encore ouvert à travers les nuages de sa vie. […] Elles flottaient entre une tombe et le ciel, comme des nuées du soir sur un champ des morts. […] On dirait aujourd’hui que dans le ciel la justice s’est endormie, puisqu’un seul s’approprie ce qui fut donné à tous. […] La terre a recueilli ton beau corps et le ciel tes saintes pensées !

57. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Les descriptions pittoresques, les marines qui viennent ensuite y gagnent en beauté ; ces conversations élevées en font le ciel. […] Un voile immense, immobile, sans le moindre pli, couvre toute la face du ciel ; l’horizon porte une couronne de vapeurs bleuâtres ; pas un souffle dans l’air. […] Hippolyte, nous eûmes ce bonheur hier, nous devons en remercier le ciel. […] Des nuages gris, mais légèrement argentés par les bords, sont répandus également sur toute la face du ciel. […] Ce beau jeune homme, emporté mourant dans le Midi, expira dans l’été de 1839, au moment où il revoyait le ciel natal, et où il y retrouvait toute la fraîcheur des tendresses et des piétés premières.

58. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Elle est dans le ciel, dans les cœurs, et crée une émotion de fraternité. […] ) Nul n’a remarqué cette visite quasi muette, sans bruit, insignifiante, mais elle ouvre à l’imagination de ces communiants le chemin de leur village et le chemin du ciel. […] Ils retrouveront leurs familles, dans leurs villages, après la paix, ou, s’ils tombent, dans le ciel. […] Et dites-vous bien que les morts au champ d’honneur vont tout droit au ciel. »‌ Quel élargissement de l’être ! […] Elle convie en des appels enthousiastes tout le ciel à venir faire cortège à l’âme qui va monter.

59. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

qui, du milieu des astres circulant au ciel, peuples la mer chargée de vaisseaux et la terre couverte de moissons ; car c’est par toi que toute race vivante est conçue, et visite en naissant la lumière du jour : ô déesse ! devant toi les vents fuient ; devant toi, devant ton approche, les nuages du ciel disparaissent ! pour toi la terre diaprée épanouit ses fleurs ; pour toi sourit la face de l’Océan, et le ciel apaisé brille de flots de lumière. […] « Déjà le printemps ramène sa fraîche tiédeur ; déjà l’impétueuse violence du ciel équinoxial se tait sous Ct la douce haleine du Zéphire. […] Elle ne réveillait ni le courage actif au bien, ni la pitié pour le malheur, ni l’ambition de la gloire : elle n’aspirait point vers le ciel désert et fermé ; elle ne consolait point la terre ; elle n’était pas plus capable de courageux dévouement que d’indignation vertueuse.

60. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Comme rythme général, deux grandes demi-périodes, l’une largement ouverte et comme à pleines ailes, montrant l’aigle évoluant dans le ciel, puis fondant sur sa proie ; l’autre plus courte, plus pressée et plus pressante, donnant cette sensation que non seulement aussi vite et aussi foudroyant, mais plus vite et plus foudroyant encore était le vol du prince de Condé. […] Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent des rochers et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. » Je laisse de côté l’effet de peinture qui est étonnant ; mais j’appelle l’attention sur l’effet rythmique ; il est dans l’opposition, légère du reste, et qu’il serait inepte de marquer comme un contraste, mais dans l’opposition cependant, des sons étouffés, sourds, des tons tristes « mousses marines… au fond des baies solitaires…, nuages sans couleur » et des sons plus clairs, plus chantants, sans avoir rien d’éclatant, de triomphant ni de sonore, « yeux de jeune fille…, vertes fontaines. ., se mire le ciel ». Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme. […] Il en faut user avec lui comme avec un peintre, dont tantôt on étudie la composition, tantôt le dessin, tantôt la couleur, tantôt les figures et physionomies humaines, tantôt les eaux et tantôt le ciel. […] Il n’y a pas de rumeur à ce « moment crépusculaire », et il est indifférent pour l’effet à produire qu’il y en ait une ou qu’il n’y en ait pas, et c’est à ce « reste de jour » mêlé à l’ombre que l’auteur et le lecteur doivent penser, pour bien voir le geste du semeur élargi jusqu’au ciel.

61. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Il y a des souvenirs d’enfance, la Maison de ma Mère : Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ; Rien que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse, Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs ; Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière, Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux, Et la vague harmonie inondait ma paupière : Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour On m’entendrait aimer pour me répondre : Amour ! […] Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poëte et d’une femme : Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ; Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ; J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ; C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux Elle frappa à d’autres portes encore ; et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie. […] sous le ciel d’Italie. […] Donne-nous le baiser sublier Dardé du ciel dans tes rayons, Phare entre l’abîme et l’abîme, Qui fait qu’aveugles nous voyons !

62. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

La terre est déjà un ciel pour ces figures de prédestinés de l’amour, du bonheur et du génie sans obstacles. […] Il faudrait convoquer la terre, le ciel et l’enfer à y assister. […] La poésie est descendue avec lui d’un degré du ciel : paix à sa cendre ! […] Par le ciel ! […] Ô ciel !

63. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

c’est la saison où les soupirs les plus pesants s’arrachent péniblement du plus profond de ce cœur dont celle qui n’est plus emporta avec elle au ciel la vie et la félicité. […] Nul homme ne jouit aussi complètement, mais aussi modestement, de sa gloire ; il n’avait que l’ambition de la postérité et du ciel : il était amoureux d’une mémoire. […] Le regard s’étend de là sur la rive éloignée de l’Adriatique ; l’horizon y est vaste et lumineux comme les horizons que reflète la mer ; l’œil y nage dans un ciel bleu tendre. […] Elle meurt ; son poète ne meurt pas, mais l’âme de son adorateur la suit d’en bas dans le ciel et trouve dans son veuvage des accents d’une mélancolie pieuse qui sanctifient son deuil. […] La langue dans laquelle ces vers s’épanchent ne semble avoir été composée ni pour les hommes, ni pour les esprits délivrés de leurs corps ; mais c’est une langue entre ciel et terre, entendue également en haut et en bas, qui a de la terre la passion et la douleur, qui a du ciel l’espérance et la sérénité.

64. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Toi, demeure ici, afin que, s’il est écrit dans le ciel que je doive mourir, tu puisses raconter ma mort...” […] ô destinée si douce, qu’unis comme l’étaient leurs corps, je ne doute pas que leurs âmes, également enlacées, s’en allèrent ensemble au même ciel !  […] » Puis, en l’honneur de la victime, il fait décréter dans le ciel que toutes celles qui porteront sur la terre le nom d’Isabelle seront douées des mêmes charmes et des mêmes vertus. […] Il vit aussi, parmi tant de choses perdues, ce qu’il croyait et ce que nous croyons tous posséder en si grande abondance que jamais nous ne prions le ciel de nous l’accorder, hélas ! […] L’ermite habitait depuis quarante ans cet ermitage, qu’il semblait que le ciel eût choisi pour l’entretenir sans cesse dans la prière et la contemplation.

65. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Les Dieux ne pouvaient en préserver le maudit, l’Imprécation soutirant sa foudre d’un ciel supérieur et antérieur à l’Olympe. […] » — Toute la dévotion homérique est là dans sa rudesse ingénue : don pour don, réciprocité entre le ciel et la terre. […] Il les a créés par l’invention de ses poètes, et il envoie ces lions émissaires, chargés, non point des péchés du peuple, comme le Bouc d’Israël, mais des griefs de l’humanité souffrante, rugir contre le ciel à sa place. […] C’est le miracle d’ÉIie à la renverse : le quadrige du devin païen qui sombre dans les entrailles de la terre fait pendant au char de feu du prophète biblique s’envolant au ciel. […] Elle jeta à terra le philtre divin, et remonta vers le ciel, laissant cette bête féroce crever sur sa proie.

66. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Une fois le sacrifice accompli, tu vivras paisible ici-bas ; je vivrai éternellement dans le ciel, et j’acquerrai dans ce monde la gloire du devoir accompli. […] Cette fleur innocente se fanera sur sa tige ; s’il monte dans le ciel avant le temps, nos ancêtres seront privés du sacrifice qu’il leur doit, et ils en seront affligés. […] Le cri qui sort du cœur torturé de l’homme ou de la femme retentit dans le ciel plus que sur la terre : la nature s’absorbe dans la religion. […] Que le ciel écarte de son flanc le trait du chasseur ! […] Puisse le ciel t’accorder un fils doué de toutes les vertus, un fils digne de régner un jour sur le monde entier !

67. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

L’an 1129, sous le règne de Louis VI, un feu du ciel tomba sur la ville de Paris, il dévorait les entrailles et l’on périssait de la mort la plus cruelle. […] Il n’y a point de circonstances où les hommes soient plus exposés à faire le sophisme, post hoc, … etc. que celles où les longues calamités et l’inutilité des secours humains les contraignent de recourir au ciel. […] Sur le milieu du parvis, devant la porte de l’hôpital, une mère agenouillée, les bras et les regards tournés vers le ciel et la sainte, la bouche entr’ouverte, l’air éploré, demande le salut de son enfant. […] Le père affligé a les yeux tournés vers le ciel, expectando… etc. . […] Le cadavre effrayant qui pend du massif avait les bras élevés vers le ciel quand il est tombé mort, comme on le voit.

68. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Scapin dit : Le ciel s’est déguisé ce soir en scaramouche. Nul ne se dérobe dans ce monde au ciel bleu, aux arbres verts, à la nuit sombre, au bruit du vent, au chant des oiseaux. […] Il aurait le culte de la conscience comme Juvénal, lequel sentait jour et nuit « un témoin en lui-même », nocte dieque suum gestare in pectore testem ; le culte de la pensée comme Dante, qui nomme les damnés « ceux qui ne pensent plus », le gente dolorose ch’anno perduto il ben del intelletto ; le culte de la nature comme saint-Augustin qui, sans crainte d’être déclaré panthéiste, appelle le ciel « une créature intelligente », Coelum coeli creatura est aliqua intellectualis. […] Seulement, dans les Rayons et les Ombres, peut-être l’horizon est-il plus élargi, le ciel plus bleu, le calme plus profond.

69. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

« Il n’y a rien, ni dans le ciel ni sur la terre, qui soit ou plus doux, ou plus fort, ou plus élevé, ou plus étendu, ou plus agréable, ou plus plein, ou meilleur que l’amour, parce que l’amour est né de Dieu, et que, s’élevant au-dessus de toutes les créatures, il ne peut se reposer qu’en Dieu. […] « Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations, et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. » Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte53 (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie). […]                     Tout beau, Pauline, il entend vos paroles ; Et ce n’est pas un Dieu comme vos dieux frivoles, Insensibles et sourds, impuissants, mutilés, De bois, de marbre ou d’or, comme vous le voulez ; C’est le Dieu des chrétiens, c’est le mien, c’est le vôtre ; Et la terre et le ciel n’en connoissent point d’autre. […] C’est peu d’aller au ciel, je veux vous y conduire.

70. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il eut un tremblement, il regarda le ciel, et une larme germa lentement dans ce regard. […] continua-t-il en levant le doigt vers le ciel. […] Il se borna à montrer le ciel. […] Aussi l’évêque se prosterne devant son impénitence, l’adore, et montre le ciel à son troupeau. […] Il semblait que ce fut une sorte de rite pour lui de se préparer au sommeil par la méditation en présence des grands spectacles du ciel nocturne.

71. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Je suis née sur la terre d’Allemagne ; mon étoile est au ciel de l’Italie. […] Me voici prête à vous suivre de l’enfer au ciel. […] Nous revoyons le ciel. […] Ce char descend du ciel. […] Le sixième ciel, le ciel de Jupiter, où nous montons avec Dante et Béatrice, est le séjour de la justice.

72. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre premier »

L’innombrable querelle sous le ciel livide fait silence. […] Tous les prophètes qui voudront durant la bataille élever leurs mains vers le ciel, nous sommes prêts à soutenir leurs bras.‌ […] Un ciel étincelant d’étoiles.

73. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

pas un second dans tout le ciel de Swedenborg. […] Les vieilles défroques poétiques que je retrouve dans les anges et le ciel de Swedenborg, et qui me les gâtent, lui paraissent, à lui, de la vraie poésie, et je lui en fais mon compliment. […] Matter, qui, du reste, multiplie dans son livre les preuves à l’appui d’une affirmation qui doit changer l’opinion commune et superficielle, Swedenborg n’est pas, au fond, ce qu’on croit : — un visionnaire tombé du ciel comme un aérolithe, le polem sine matre creatam des grandes natures phénoménales et solitaires. […] Quand il assiste, comme il l’affirme, au spectacle du ciel ou de l’enfer, ce sont les raisons théologiques ou philosophiques des choses qu’il perçoit. […] Il n’eut plus d’accointances qu’avec le monde extra-mondain du ciel ou de l’enfer, et il vécut avec les trépassés et les anges, qui, dans son système, d’ailleurs, sont la nature et la forme humaines.

74. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Mes soupirs et mes poésies soulèvent ma peine sans la soulager ; serait-elle donc déjà au ciel ? […] Le ciel qui nous l’enlève semble nous envier la possession d’un trésor dont nous n’étions pas dignes. […] Elle savait, ajoute-t-il, toutes les routes qui mènent au ciel !  […] « Allons chercher au ciel ce que nous ne pouvons plus trouver sur la terre !  […] qui m’appelles des profondeurs du ciel, par la mémoire de ta mort si amère, oh !

75. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Le ciel, les arbres, les prairies, tout est enveloppé au loin d’une vapeur laiteuse, semblable à un léger blanc de gouache, répandu sur une aquarelle. […] Et les joncs piqués d’iris jaune, et la feuillée verte, et le ciel bleu, et les nuages blancs, semblables à des ventres de cygnes nageurs dans le ciel, tout se mire et tremble, en reflets remuant dans une moire de lumière, et l’eau qui va, roule la gaieté des choses, la splendeur claire du beau temps, — traversée à tout moment, de la tache faite par le vol rapide d’un oiseau, heureux de vivre. […] La fraîche imagination que ces pensées de jeunes filles courant le ciel et l’espace, à la patte d’un oiseau ! […] Les arbres roux, dans un ciel qui semble coloré de la chaude fumée d’un incendie, et la lisière du bois regardant le couchant, comme déchiquetée sur du feu, et toute gazouillante et toute rossignolante du sautillant bonsoir des oiseaux au soleil. […] Des oiseaux de proie tombent avec leur vol étoupé sur les branches des grands arbres, faisant le bruit de gros flocons de neige… Le ciel n’a plus de jour ni de teinte, et sur cette plaque neutre, les arbres dessinés, en leurs infinies ramures, se lèvent comme d’immenses feuilles de Gorgone.

76. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

La même époque, un peu plus avancée, le même état du ciel allaient éveiller une autre âme poétique. […] L’Espagne, avec son ciel, ses monuments, sa langue sonore, était comme une seconde patrie où il se reconnaissait : son esprit s’en colorait ; sa voix harmonieuse et forte en prenait tous les accents. […] Ce séjour sous un ciel plus tempéré, dans une société moins violente, devait lui inspirer d’autres chants. […] Maintenant cette poésie, séparée de son ciel, de son idiome, de la voix qui en est, pour ainsi dire, l’instrument natal et sonore, gardera-t-elle le même charme et la même puissance ? […] Que le ciel, la terre, l’abîme, s’inclinent sitôt que ton nom retentit !

77. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Vous nous accuserez peut-être de vous porter un peu plus haut que terre, mais ce qui s’élève dans le ciel n’est-il pas aussi clair que ce qui rampe ? […] Poème immense qui commence par une pastorale dans un ciel terrestre, qui se poursuit par des épithalames comme le Cantique des cantiques, par des élégies dans les Psaumes de David, par des odes dans les versets des prophètes, par une tragédie dans l’holocauste d’une victime pure sur le Golgotha, et dans des apothéoses dans le ciel final des esprits ! […] De frontières au ciel voyons-nous quelques traces ? […] L’antiquité n’avait pas cette éloquence sereine et impérieuse parlant à la conscience au nom du ciel. […] Pour l’entendre, il faut d’abord monter à son niveau, le ciel.

78. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

et je voudrais bien qu’Alfred de Musset eût reçu du ciel ce complément de la journée humaine qu’on appelle le soir. […] Il y eut éclipse dans leur ciel, elles en souffrirent, et tout le monde en souffrit avec elles. […] On l’appelait sur la terre la Malibran ; on l’appelle sans doute au ciel la sainte Cécile du dix-neuvième siècle. […] Nous avons entrevu dans tous les climats bien des femmes dont les traits éblouissaient les yeux, dont le timbre de l’âme dans la voix ébranlait le cœur, dont les regards répandaient plus de lueurs qu’il n’y en a dans l’aube et dans les étoiles d’un ciel d’Orient ; mais nous n’avons jamais vu et nous craignons qu’on ne revoie jamais (car la nature s’égale mais ne se répète pas) une créature innomée comparable à cette bayadère du ciel ici-bas. […] Ses bienfaits incalculables l’avaient devancée dans le ciel et l’attendaient sur le seuil des miséricordes.

79. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

J’osai, dans le ciel même, déclarer la guerre au roi du ciel. […] Par toi, du moins, avec le roi du ciel je partagerai l’empire ; peut-être même régnerai-je sur plus d’une moitié de l’univers, comme l’homme et ce monde nouveau l’apprendront en peu de temps78. » Quelle que soit notre admiration pour Homère, nous sommes obligé de convenir qu’il n’a rien de comparable à ce passage de Milton.

80. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

Conformément à l’axiome 106, elle part du point même où commence le sujet qu’elle traite : elle part de χρόνος, le temps, ou Saturne, ainsi appelé a satis, parce que l’on comptait les années par les récoltes ; d’Uranie, la muse qui contemple le ciel pour prendre les augures ; de Zoroastre, contemplateur des astres, qui rend des oracles d’après la direction des étoiles tombantes. […] Du ciel les mathématiques descendirent pour mesurer la terre, sans toutefois pouvoir le faire avec certitude à moins d’employer les mesures fournies par les cieux. […] Cette méthode pouvait leur faire connaître les conjonctions et les oppositions qui avaient pu avoir lieu dans le ciel entre les planètes ou les constellations ; mais ne pouvait leur rien apprendre de la succession des choses de la terre.

81. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

. —  Le sol, la mer, le ciel, le climat. —  La nouvelle patrie. —  Le pays humide et la terre ingrate. —  Influence du climat sur le caractère. […] Ici le barbare, mal clos dans sa chaumière fangeuse, qui entend la pluie ruisseler pendant des journées entières sur les feuilles des chênes, quelles rêveries peut-il avoir quand il contemple ses boues et son ciel terni ?  […] — il a établi le commencement. —  Il a formé d’abord,  — pour les enfants des hommes,  — le ciel comme un toit,  — le saint Créateur !  […] » Ayant retenu ce chant à son réveil, il vint à la ville, et on le mena devant les hommes savants, devant l’abbesse Hilda, qui, l’ayant entendu, pensèrent qu’il avait reçu un don du ciel, et le firent moine dans l’abbaye. […] — Bien différent, en effet, des autres — que nous connaissions — là-haut dans le royaume du ciel ! 

82. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Cela répondait au temps où la piété de Chateaubriand et d’autres poètes confondait le ciel et la terre dans les mêmes adorations. […] Puis, tandis que l’on coupait ses cheveux, il éleva les yeux au ciel et dit en soupirant : — Mon Dieu, qu’est-ce que ce monde ? […] Kitty Bell, à genoux, les mains au ciel. Puissances du ciel ! […] prie pour moi sur la terre et dans le ciel.

83. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Ne voyez-vous pas qu’il établit pour nos yeux un nouveau plan ; qu’il annonce un espace en deçà et au-delà, qu’il recule le ciel, et qu’il fait avancer les autres objets ? […] Le ciel était serein, le vent soufflait du rivage vers le château, et nous fîmes le trajet en un clin d’œil. […] Quelquefois mes yeux et mes bras s’élevaient vers le ciel, quelquefois ils retombaient à mes côtés comme entraînés de lassitude. […] J’ai ouï dire à des personnes qui avaient fréquenté longtemps les bords de la mer, qu’elles reconnaissaient sur cette toile ce ciel, ces nuées, ce temps, toute cette composition. […] Séparez la partie de la mer et du ciel, d’où la lumière lunaire tombe sur les eaux, et vous aurez un beau tableau.

84. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Voici une description de Buffon : Qu’on se figure un pays sans verdure et sans qu’au, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l’œil s’étend et le regard se perd sans pouvoir s’arrêter sur aucun objet vivant ; une terre morte et, pour ainsi dire, écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert, où le voyageur n’a jamais inspiré sous l’ombrage, où rien ne l’accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante : solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l’homme qui se voit seul ; plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l’espace comme son tombeau : la lumière du jour, plus triste que l’ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l’horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l’abîme de l’immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu’il tenterait en vain de parcourir ; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort. […] Mais lisez maintenant cette page de Fromentin, d’un art absolument contraire : C’est une terre sans grâce, sans douceurs… Un grand pays de collines expirant dans un pays plus grand encore, et plat, baigné d’une éternelle lumière ; assez vide, assez désolé pour donner l’idée de cette chose surprenante qu’on appelle le désert ; avec un ciel toujours à peu près semblable, du silence, et de tous côtés des horizons tranquilles. […] De courtes aurores, des midis plus longs, plus pesants qu’ailleurs, presque pas de crépuscule ; quelquefois une expansion soudaine de lumière et de chaleur, des vents brûlants qui donnent momentanément au paysage une physionomie menaçante et qui peuvent produire alors des sensations accablantes ; mais, plus ordinairement, une immobilité radieuse, la fixité un peu morne du beau temps, enfin une sorte d’impassibilité qui du ciel semble être descendue dans les choses, et des choses avoir passé dans les visages. […] Le premier venu peut décrire un paysage, dire si le ciel est bleu, les arbres verts, et quels arbres, s’il y a à droite un chemin, à gauche une colline. L’inventaire à la façon de Delille, qui épuise le ciel, puis la terre, puis l’eau, est un procédé facile, mais de nul effet.

85. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Sully-Prudhomme dit à l’hirondelle : Toi qui peux monter solitaire Au ciel, sans gravir les sommets, Et dans les vallons de la terre Descendre sans tomber jamais…, ce mot de ciel traîne après lui pour tout le monde les mêmes images : l’espace libre, profond, sans limites, d’un bleu intense ou laiteux, baigné de soleil, ou traversé de nuages. […] Taine : « J’étais hier vers cinq heures du soir sur le quai qui longe l’Arsenal, et je regardais en face de moi, de l’autre côté de la Seine, le ciel rougi par le soleil couchant. […] Toute cette voûte semblait incrustée d’écailles de cuivre ; des bosselures innombrables, les unes presque ardentes, les autres presque sombres, s’étageaient par rangées avec un étrange éclat métallique jusqu’au plus haut du ciel, et, tout en bas, une longue bande verdâtre qui touchait l’horizon était rayée et déchiquetée par le treillis noir des branches. […] Une demi-heure après tout s’éteignait ; Il ne restait plus qu’un pan du ciel clair derrière le Panthéon ; des fumées roussâtres tournoyaient dans la pourpre mourante du soir et fondaient les unes dans les autres leur couleur vague.

86. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Chaque soir espérant des lendemains épiques, L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ; Ou, penchés à l’avant des blanches caravelles, Ils regardaient monter dans un ciel ignoré Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles. […] J’ai vu parfois, ayant le ciel bleu pour émail, Les nuages d’argent et de pourpre et de cuivre, A l’Occident, où l’œil s’éblouit à les suivre, Peindre d’un grand blason le céleste vitrail. […] Certe, aux champs de l’azur, dans ces combats étranges Que les noirs Séraphins livrèrent aux Archanges, Cet écu fut gagné par un baron du ciel. […] Et le vent gonfle, ainsi que deux immenses voiles, Les ailes qui, volant d’étoiles en étoiles, Aux amants enivrés font un tiède berceau ; Tandis que, l’œil au ciel et s’étreignant dans l’ombre, Ils voient, étincelant du Bélier au Verseau, Leurs constellations poindre dans l’azur sombre. […] Et lorsque le regret du sol latin t’assiège, Tu regardes le ciel, triste Sabinula… V M. 

87. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Les fils de Zébédée voulaient qu’il appelât le feu du ciel sur les villes inhospitalières 832. […] Une fois surtout, il se laissa aller, dans la synagogue de Capharnahum, à un mouvement hardi, qui lui coûta plusieurs de ses disciples. « Oui, oui, je vous le dis, ce n’est pas Moïse, c’est mon Père qui vous a donné le pain du ciel 856. » Et il ajoutait : « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif 857. » Ces paroles excitèrent un vif murmure : « Qu’entend-il, se disait-on, par ces mots : Je suis le pain de vie ? […] Comment peut-il dire qu’il est descendu du ciel ?  […] C’est ici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. […] C’est ici le pain qui est descendu du ciel.

88. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Il a créé le ciel des âmes pures, où se trouve ce qu’on demande en vain à la terre, la parfaite noblesse des enfants de Dieu, la pureté absolue, la totale abstraction des souillures du monde, la liberté enfin, que la société réelle exclut comme une impossibilité, et qui n’a toute son amplitude que dans le domaine de la pensée. […] Je sais que nos idées modernes sont plus d’une fois froissées dans cette légende, conçue par une autre race, sous un autre ciel, au milieu d’autres besoins sociaux. […] Un Apollonius de Tyane, avec sa légende miraculeuse, devait avoir plus de succès qu’un Socrate, avec sa froide raison. « Socrate, disait-on, laisse les hommes sur la terre, Apollonius les transporte au ciel ; Socrate n’est qu’un sage, Apollonius est un dieu 1238. » La religion, jusqu’à nos jours, n’a pas existé sans une part d’ascétisme, de piété, de merveilleux. […] Mais, au milieu de cette uniforme vulgarité, des colonnes s’élèvent vers le ciel et attestent une plus noble destinée. […] C’est par cet accès de volonté héroïque qu’il a conquis le ciel.

89. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Tout cet extrême horizon de l’Hellade antéhistorique est rouge de sang humain lancé vers le ciel. […] A Sparte, disait-on, son aigle, tombant furieusement du ciel, avait arraché de la main du prêtre le fer prêt à immoler une jeune fille. […] S’il en existait de pareils, on devait les renier et les mépriser comme des Démons impuissants. » — Tandis qu’ils délibéraient sous leur tente, une pouliche de poil pourpre, échappée d’une prairie voisine, traversa le camp au galop, en hennissant avec éclat vers le ciel. […] Le ciel se faisait sombre autour de cette race ; le trésor des colères divines amassé par elle tomba sur ses fils. […] Cependant des signes effrayants menacent l’abominable banquet : les Pléiades ferment leurs yeux d’étoiles pour ne point le voir, le Soleil rebrousse chemin dans le ciel, une famine dévorante sévit sur Argos.

90. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Il a les bras étendus et la tête élevée au ciel. […] Il a les yeux tournés vers le ciel. […] Je défie le plus hardi d’entre eux de suspendre le soleil ou la lune au milieu de sa composition, sans offusquer ces deux astres ou de vapeurs ou de nuages ; je le défie de choisir son ciel, tel qu’il est en nature, parsemé d’étoiles brillantes comme dans la nuit la plus sereine. […] Ne voyez-vous pas combien cette action faible et vague du ressuscité portée vers le ciel et distraite des assistants, rendra la joie et l’étonnement de ceux-ci énergiques ? […] En revenant de Saint-Martin des Champs, n’oubliez pas de faire un tour à Saint-Gervais, et d’y voir les deux tableaux du Martyre de saint Gervais et de saint Protais ; et quand vous les aurez vus, élevez vos bras vers le ciel, et écriez-vous : Sublime Le Sueur !

91. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

L’essor ne se soutient pas, parce que le ciel est absent. Mais le souvenir du ciel est présent… Avant refusé — (pourquoi donc a-t-il refusé ?) […] » Et, cependant : « Michelet sentait avec énergie ce besoin, qui est l’homme même, de poser dans le ciel sa conversation et sa vie… Les cathédrales gothiques lui parlaient leur langage. […] Il n’entendit pas la flûte d’Hello, qui lui jouait vainement le ranz du ciel ! […] … Ils montent, aveugles, intrépides ; ils montent, combattant toujours, comme s’ils allaient pousser la bataille jusque dans le ciel !

92. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Pour bien saisir la grandeur du Cosmos, il ne faut pas subordonner la partie sidérale, que Kant a appelée l’histoire naturelle du ciel, à la partie terrestre. […] On descend du millième ciel pour assister à un cours de littérature. […] “Le Seigneur, revêtu de lumière, a étendu le ciel comme un tapis. […] Les oiseaux du ciel chantent sous le feuillage. […] On est surpris, dans un poème lyrique aussi court, de voir le monde entier, la terre et le ciel, peints en quelques traits.

93. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

J’aime surtout à contempler les montagnes éloignées qui se confondent avec le ciel dans l’horizon. […] On dirait que le ciel se plaisait à empoisonner les tristes jouissances qu’il vous laissait. […] Semblable à l’enfant déshérité, j’ai sous les yeux le riche patrimoine de la famille humaine, et le ciel avare m’en refuse ma part. […] Mon premier mouvement fut de lever les yeux vers le ciel pour le remercier de m’avoir préservé du plus grand des malheurs. […] Je voyais son voile s’élever de temps en temps, et ses mains blanches se diriger vers le ciel.

94. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Quand on écoute au ciel, dit Hugo, on croit entendre marcher quelqu’un. […] La science a écarté les nuages d’un ciel dont notre ignorance avait fait une cloison. […] Il nous a redit la chambre studieuse de Guaita, la table pliant sous le poids des livres, leurs soirées d’été, la fenêtre ouverte sur un ciel étoilé que zébraient les éclairs de chaleur. […] Il vit là, sous un ciel bas, un horizon immobile, dans le mystère d’un bois de chênes et d’un parc fermé dont le cri aigre des paons importune seul le silence. […] Il veut, lui aussi, escalader le ciel.

95. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Le ciel est-il couvert et le vent mauvais ? […] Des nuages changeants courent sur la ligne basse du ciel. […] Ô ciel couvert ! […] De l’autre côté, la mer, pâle aujourd’hui sous le ciel bas, écumante. […] Le ciel couvert a des lueurs et des teintes fines.

96. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Après, vint Mercure, qui pria Orphée de continuer les doux airs de sa musique, l’assurant que, non seulement les bêtes farouches, mais les étoiles du ciel danseraient au son de sa voix. […] Aussitôt on vit que les étoiles du ciel commencèrent à se remuer, sauter, danser ; ce que Mercure regardant, et voyant Jupiter dans une nue, il le supplia de vouloir transformer quelques-unes de ces étoiles en des chevaliers qui eussent été renommés en amour par leur constante fidélité envers les dames. À l’instant, parurent plusieurs chevaliers dans le ciel, tous vêtus d’une couleur de flamme, tenant des lances noires, lesquels, ravis aussi de la musique d’Orphée, lui en rendirent une infinité de louanges.

97. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Si le soin de l’entretenir est le seul dont il plaise au ciel de nous charger, il faut s’en acquitter gaiement et de la meilleure grâce qu’il est possible, et attiser ce feu sacré, en s’y chauffant de son mieux, jusqu’à ce qu’on vienne nous dire : C’est assez. […] Ma vie intime va tout entière se passer entre le ciel et moi. […] » Il y a trop d’étoiles dans le ciel de M.  […] je ne la hais ni ne la crains ; mais j’en suis, grâce au ciel, tout à fait désabusé. […] Chateaubriand produit avec le feu ; il fond toutes ses pensées au feu du ciel.

98. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Il regarde le firmament ; par un mouvement de désir, il veut s’élancer vers cette voûte, et il se trouve debout, la tête levée vers le ciel. […] Adam s’endort : Dieu tire du sein même de notre premier père une nouvelle créature, et la lui présente à son réveil : « La grâce est dans sa démarche, le ciel dans ses yeux, et la dignité et l’amour dans tous ses mouvements. […] Cependant la faute est connue au ciel, une sainte tristesse saisit les anges ; mais that sadness mixt with pity, did not alter their bliss ; « cette tristesse, mêlée à la pitié, n’altéra point leur bonheur » ; mot chrétien et d’une tendresse sublime. […] Le Fils de Dieu remonte au ciel, après avoir laissé des vêtements aux coupables.

99. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Je m’avançai vers ce lieu, avec une pensée timide ; je m’assis sur la rive verdoyante, pour regarder dans le lac transparent, qui semblait un autre ciel. […] Adam, ravi de sa beauté et de ses grâces soumises, sourit avec un supérieur amour : tel est le sourire que le ciel laisse au printemps tomber sur les nuées, et qui fait couler la vie dans ces nuées grosses de la semence des fleurs. Adam presse ensuite d’un baiser pur les lèvres fécondes de la mère des hommes…… Cependant le soleil était tombé au-dessous des Açores ; soit que ce premier orbe du ciel, dans son incroyable vitesse, eût roulé vers ces rivages ; soit que la terre, moins rapide, se retirant dans l’orient, par un plus court chemin, eût laissé l’astre du jour à la gauche du monde. […] Les oiseaux du ciel reposaient dans leurs nids, les animaux de la terre sur leur couche ; tout se taisait, hors le rossignol, amant des veilles : il remplissait la nuit de ses plaintes amoureuses, et le Silence était ravi.

100. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Beau ciel, bien chaud, bien terrible, bien épais, bien enflâmé d’une lumière rougeâtre. […] Vous voyez le ciel et des nuées. […] Le ciel est si léger qu’ayant pris ce morceau pour un ouvrage de Loutherbourg, cette qualité qui manque à celui-ci me fit suspecter mon erreur. […] Toute cette partie du tableau est dans la demi-teinte ; ou plutôt il n’y a guère que la croupe du cheval qu’on ferre qui soit frappée de la lumière qui tombe du ciel.

101. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Lorenzo part, il arrive à Hambourg, il traverse l’Allemagne et les Alpes ; il arrive ivre d’amour pour le ciel retrouvé de sa patrie, à Castelfranco, non loin de Venise et de Cénéda, sa ville natale ; laissons-le maintenant parler. […] Tout était sérieux en lui, parce que tout était sublime ; sa piété, qui était l’héritage de son père et de sa mère, lui faisait élever sans cesse sa pensée vers ce ciel chrétien où il les voyait des yeux de sa foi. […] Quant à nous, nous aimons mieux détacher ce plomb des ailes du musicien et nous laisser emporter par lui seul au troisième ciel. […] « Mais, au nom du ciel, que signifie cette musique confuse si près de moi ? […] sans doute, des attaques de nerfs, et si terribles, qu’on n’a pas pu l’emporter du théâtre. » Moi. « Au nom du ciel !

102. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

C’est peut-être quelque dieu ardemment imploré qui sera venu à ses prières et descendu du ciel, et elle veut l’avoir toute sa vie. […] c’est un beau livre que celui-là ; Scheffer a fait un beau tableau de ce fils qui écoute et qui voit le ciel à travers les yeux bleus de sa mère. […] Vous rempliriez le ciel de vos rugissements contre les dieux et contre les hommes, si ce chapelet de votre mère ne vous soulevait pas la nuit, au-dessus de votre couche de douleur, et ne vous rattachait pas au ciel, où elle vous entend ; vous tomberiez dans l’abîme sans fond du désespoir. […] Il pouvait se cacher dans la foule, vivre et mourir incognito ; bonheur qui, par punition du ciel, m’est refusé. […] prie pour les amis que tu as laissés ici-bas, et entre dans ta vraie place, dans le ciel des poètes, des martyrs, pour chanter et combattre avec eux ; et entre aussi dans le ciel des colombes, où tu as retrouvé la tienne qui t’attendait ; symbole de tendresse et d’inspiration, pour t’aider à aimer ton Dieu dans l’éternité, communion de ceux qui s’aimèrent dans la région des larmes !

103. (1894) Textes critiques

La sobriété de son métier réel trace son sillon jusqu’au ciel bas encombré — il doit l’être — d’ailes lourdes.‌ […] Ciels de bleu rare aux touches larges, perpendiculaires en damier, évoquant les parallèles en croix de Saint-André devenant ciseaux d’O’Conor. […] Un ciel de plomb, sinistre. […] C’est un très beau livre qui laisse horrifié qui l’a fermé — avec le bruit des becs des corbeaux en lichen sur le ciel bleu, quand en la capsa rampe le lion roulé. […] Il y a deux sortes de décors, intérieurs et sous le ciel.

104. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Esprit du même ordre, mais avec le don de plus qui élève la pensée jusqu’au ciel, la poésie. […] Le ciel et la terre se touchaient et se confondaient, dans cette atmosphère de la théologie monastique et populaire, comme deux horizons dans la brume. […] Au seuil de la carrière, le cœur un moment lui manqua ; mais trois femmes bénies veillaient sur lui dans la cour du ciel. […] « Mes yeux se sont fatigués à force de s’élever au ciel. […] Il éleva ses mains au ciel et dit à haute voix : « Je vous remercie, mon Dieu, des souffrances et des afflictions que vous m’avez envoyées dans cette demeure que je quitte.

105. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

À l’exception des heures où nous étions penchés, le livre ou la plume à la main, sur nos tables, nous pouvions plonger librement nos regards et nos pensées sur le ciel, sur la campagne, sur les spectacles agrestes, si délicieux à l’enfance. […] Quand la lune se répandait comme une silencieuse inondation de la lueur du ciel sur les prairies, je me soulevais sur le coude pour m’égarer en idée d’arbre en arbre et de ruisseau en ruisseau dans ces vallées ; des flots de pensées, ou plutôt d’ombres de pensées, montaient de ces horizons à mon âme. […] Ces sensations de la nature se mêlaient de jour en jour davantage dans mon âme avec les pensées et les visions du ciel. […] « Il n’a donc jamais, celui-là, dans ses infortunes, levé les yeux vers le ciel, ou dans son bonheur abaissé ses regards vers la terre ? […] « L’oiseau », continua-t-il à lire, « semble le véritable emblème du chrétien ici-bas : il préfère, comme le fidèle, la solitude au monde, le ciel à la terre, et sa voix bénit sans cesse les merveilles du Créateur.

106. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * Tout ce qui est beau en Italie : la femme, le ciel, le pays, est crûment, brutalement, matériellement beau. […] Un Christ qui est un frater commun, sanguin et rose, peint, ainsi que disent les scoliastes du tableau, peint de couleurs pour le jour de l’autre vie, — montant pesamment au ciel, au bout de pieds de modèle ; un Moïse et un Élie s’enlevant, en sa compagnie, avec des poings sur la hanche de danseurs, et rien là, d’une fulguration, d’un rayonnement, d’une gloire, avec lesquels les moins imaginatifs des peintres essayent de faire le ciel des bienheureux. […] Le ciel du Champ-de-Mars revêtait les teintes d’un ciel d’Orient ; le tohu-bohu des constructions du jardin silhouettait, sur le violet du soir, la découpure d’un paysage de Marilhat ; les dômes, les kiosques, les minarets colorés mettaient dans la nuit parisienne les transparences reflétées de la nuit d’une cité d’Asie ; le bœuf gras empaillé du boucher primé Fléchelle, blanchissait des blancheurs sacrées d’Apis. […] À peine deux ciels de mer… Hors de là, chose piquante, chez ce maître du réalisme, rien de l’étude de la nature. […] Un enfant, son aîné, est venu s’asseoir tout contre elle, beau comme un enfant fait au ciel.

107. (1813) Réflexions sur le suicide

qui sait si, touché de nos larmes, il n’a pas obtenu du ciel même le pouvoir de veiller sur nous ? […] Le ciel du nord est bien moins agréable que celui de l’Angleterre, et cependant on y est moins sujet au dégoût de la vie, parce que l’esprit y a moins besoin de mouvement et de diversité. […] Si c’est l’appel d’un Dieu sous ce voile de ténèbres, sans doute alors le jour est derrière cette nuit, et le ciel ne nous est caché que par de vains fantômes.  […] Pardonnez ma faiblesse, ô mon père en religion, vous qui m’avez tendrement chérie ; nous serons réunis dans le ciel, mais entendrai-je encore cette voix si touchante qui m’annonçait un Dieu de bonté ? […] Oh sainte mort, don du ciel comme la vie, c’est vous qui maintenant êtes mon ange tutélaire, c’est vous qui me rendez du calme.

108. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

C’est moi-même ébloui que j’ai nommé le ciel, Et je ne sens pas bien ce que j’ai de réel. […] L’homme, dont le cœur seul, dans l’univers, a conçu la justice, disparaîtra, et la terre disparaîtra à son tour, et le ciel entier, avec ses étoiles, s’abîmera dans l’éternelle nuit. […] Sur ces lèvres sans voix éclate un rire amer, Ils m’entraînent, parmi la ronce et les décombres, Très loin, par un ciel lourd et terne de l’hiver. […] Dès ses premiers regards, il s’est appliqué « à noter les tons fins d’un ciel mélancolique » sans jamais dépasser les « vieux bords de la Seine », ligne de l’horizon. […] Les premiers serments d’amour furent échangés près d’un arbre effeuillé par les vents, sur un roc en poussière, devant un ciel toujours voilé qui change à tout moment, sous les yeux de l’Etre immobile qui regarde mourir245.

109. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse, dans l’impression des choses terrestres, l’humanité. […] On ne rit pas au ciel. […] Le ciel intervient pour réunir les amants. […] Le ciel même, par de cruels prodiges, semble conspirer contre les deux époux. […] Les dieux, par une pluie de fleurs qui tombe miraculeusement du ciel sur l’épouse, attestent la pureté de Damayanti.

110. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Lally-Tollendal, à qui toute force a été donnée pour pacifier le monde, à qui tout pouvoir a été confié pour restaurer la France, a dit au Prince des Prêtres, comme autrefois Cyrus : Jéhovah, le Dieu du ciel, m’a livré les royaumes de la terre, et il m’a commis pour relever son temple. […] « Prêtre du Très-Haut, qui m’entendez, pardonnez à un malheureux que le ciel avait presque privé de la raison. […] L’œil de la pénitente était attaché sur la poussière du monde, et son âme était dans le ciel. […] « Je ne sais ce que le ciel me réserve, et s’il a voulu m’avertir que les orages accompagneraient partout mes pas. […] Quiconque a reçu des forces, doit les consacrer au service de ses semblables ; s’il les laisse inutiles, il est d’abord puni par une secrète misère, et tôt ou tard le ciel lui envoie un châtiment effroyable. » Troublé par ces paroles, René releva du sein de Chactas sa tête humiliée.

111. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

On dit que le ciel nous inspire : Mais c’est en parcourant les cieux Que j’ai perdu pinceaux et lyre. […] Vous pouviez intituler votre livre Histoire du ciel, à bien plus juste titre que l’abbé Pluche, qui, à mon avis, n’a fait qu’un mauvais roman… Je vois dans votre livre, monsieur, une profonde connaissance de tous les faits avérés et de tous les faits probables. […] L’invention dépend essentiellement d’une certaine inquiétude de l’esprit qui sans cesse tire l’homme du repos, où il tend sans cesse à revenir. » Il y a un degré d’ignorance et de stagnation qui, selon lui, ne peut exister avec l’esprit inventeur : Quand je verrai dans la ménagerie de Versailles un éléphant qui ne produit pas, j’en conclurai que c’est un animal étranger, né sous un ciel plus chaud. […] Cette maison était environnée d’un air plus pur, le soleil y était ardent comme l’amitié, le ciel aussi tranquille que le fond des cœurs. […] La jeunesse, bannie de son pays, ne l’a point quitté sans douleur ; elle a trouvé un ciel plus beau, une terre plus fertile, mais ce n’était pas le sol natal ; ce n’était plus ce ciel dont la lumière avait d’abord frappé sa vue, ce n’était plus cette terre où bon avait commencé à vivre, cette terre témoin des soins paternels, des jeux de l’enfance, où l’on avait reçu les premières impressions du plaisir et du bonheur.

112. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais c’est ici-bas et non dans un ciel fantastique que se réalisera cette vie de l’esprit. […] Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité ! […] Dieu n’est pas seulement au ciel, il est près de chacun de nous ; il est dans la fleur que vous foulez sous vos pieds, dans le souffle qui vous embaume, dans cette petite vie qui bourdonne et murmure de toutes parts, dans votre cœur surtout. […] Allez voir au Louvre ce merveilleux musée espagnol : c’est l’extase, le surhumain, saints qui ne touchent pas la terre, yeux caves et aspirant le ciel ; vierges au cou allongé, aux yeux hagards ou fixes ; martyrs s’arrachant le cœur ou se déchirant les entrailles, moines se torturant, etc. […] « Grâce à ces moyens, ajoute-t-il, le ciel brillera pour vous d’un éclat plus vif, et le plaisir fera battre votre cœur.

113. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Vous figurez-vous combien l’humanité serait diminuée, si, sous un ciel constamment couvert de nuages, comme doit l’être celui de Jupiter, elle avait éternellement ignoré les astres ? […] Croit-on que, sans les leçons des astres, sous le ciel perpétuellement nuageux que je supposais tout à l’heure, elles auraient changé si vite ? […] Les Chaldéens qui, les premiers, ont regardé le ciel avec quelque attention, ont bien vu que cette multitude de points lumineux n’est pas une foule confuse errant à l’aventure, mais plutôt une armée disciplinée. […] Avais-je tort de dire que c’est l’Astronomie qui nous a fait une âme capable de comprendre la Nature ; que, sous un ciel toujours nébuleux et privé d’astres, la Terre elle-même eût été pour nous éternellement inintelligible ; que nous n’y aurions vu que le caprice et le désordre, et que, ne connaissant pas le monde, nous n’aurions pu l’asservir ?

114. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On voit ce qu’est le ciel de Milton : un Whitehall de valets brodés. […] Le ciel est divisé comme une bonne carte de géographie. […] Quel ciel ! […] Fin du deuxième Faust. —  Prologue dans le ciel. […] Il s’ennuya fort, et fut « très-joyeux » de revenir au ciel.

115. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

C’est le poème épique par excellence, car il embrasse tout, le ciel, la nature et l’homme. […] La descente de Minerve sur la terre est peinte d’un coup de pinceau qui fend le ciel de la nuit. […] Les divinités s’y confondent aux hommes, pour prendre la part du ciel et du destin aux événements de la terre. […] » Les deux déesses forcent Mars blessé à abandonner les Troyens pour aller se faire panser dans le ciel. […] Ici Homère remonte au ciel pour y chercher la cause des événements humains.

116. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Casier, Jean »

. — Au ciel (1892). — Flammes et flammèches (1894). […] Aujourd’hui, ce sont des prières mystiques : Au ciel, où, sous la diversité des rythmes, dans une forme soignée, s’épanche la plus ardente adoration.

117. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Et peu à peu dans ce commerce avec toutes les terreurs imaginaires de l’homme, il pénètre de l’antique croyance aux dieux de ténèbres, à ce vol de spectres et de larves qu’a fait naître dans les âmes septentrionales et médiévales, la dureté des temps, la tristesse menaçante du sol et du, ciel, le désastreux empire des forces élémentaires. […] Tout cela se mélangea de la plus singulière façon en une âme diverse elle-même, inquiète et changeante, pleine de larmes et de ciel, violente et rêveuse, abandonnée, rétive et crispée, variable surtout, charmante et traîtresse comme un ciel d’équinoxe. […] Le décor est ce vague pays du lied allemand, plus indéterminé que la Sicile ou la Bohème de Shakespeare, un pays bleu où les fleurs murmurent, où les oiseaux ne chantent que pour réjouir ou contrister l’âme des amoureux, où le ciel est couleur de leur humeur. […] Du charme au désespoir, de la mélancolie à la dérision, du gai au grave, de l’admiration au mépris, il existait dans l’esprit de Heine de rapides transitions, des passes soudaines qui mêlaient et heurtaient le sombre au gai, comme succède l’obscur au clair dans un ciel fouetté de nuages. […] Cependant, à travers l’amour de ce culte, où les prières finissent par des baisers lancés au ciel, la théologie sémitique continuait à le préoccuper ; le « petit Juif Jésus-Christ » jetait sur ses conceptions d’homme heureux l’ombre noire de son gibet.

118. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Demain soir, nous serons assis dans le ciel. » Sous de telles angoisses, le corps fléchit. […] La terre est le marche-pied de ce grand Dieu, le ciel est son vêtement. […] Il avait lancé sa balle et allait recommencer, quand une voix dardée du ciel entra soudainement dans son âme : « Veux-tu quitter tes péchés et aller au ciel, ou garder tes péchés et aller en enfer ?  […] Car les bienheureux resplendissants se promenaient souvent en cette contrée, parce qu’elle était sur la frontière du ciel. […] Voici l’abrégé des événements : Du haut du ciel, une voix a crié vengeance contre la cité de la Destruction où vit un pécheur nommé Chrétien.

119. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Au grand jour, éclatera dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; ce sera une vision bruyante et lumineuse comme celle du Sinaï, un grand orage déchirant la nue, un trait de feu jaillissant en un clin d’œil d’Orient en Occident. […] Comment, vous qui jugez la face du ciel, ne savez-vous pas reconnaître les signes du temps 798 ?  […] Pardonnons-lui son espérance d’une apocalypse vaine, d’une venue à grand triomphe sur les nuées du ciel. […] Son royaume de Dieu, c’était sans doute la prochaine apocalypse qui allait se dérouler dans le ciel. […] Ce fantastique royaume du ciel, cette poursuite sans fin d’une cité de Dieu, qui a toujours préoccupé le christianisme dans sa longue carrière, a été le principe du grand instinct d’avenir qui a animé tous les réformateurs, disciples obstinés de l’Apocalypse, depuis Joachim de Flore jusqu’au sectaire protestant de nos jours.

120. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gaubert, Ernest (1880-1945) »

C’est à nous rendre jaloux du soleil du Midi, quand nous voyons ces éclosions trop précoces pour notre ciel du Nord. Et je détache, avec plaisir, des Poèmes de légende et d’amour, ces quelques vers : Et notre barque, aux flots menteurs de l’Avenir, Sous le ciel fastueux connue un dais de parade, Flottera, s’attardant et lente, vers la rade Où s’égrènent les chansons grêles des cigales, Où l’ombre des palmiers frêles, sur l’eau tranquille, Tisse au soir glorieux un manteau de silence Comme un rêve d’amour épandu sur les lies, Plein d’un chant nostalgique et doux de fiancées Dont les ailes du soir ont pris la douceur blanche.

121. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Son emphase complimenteuse, sa déclaration que la boucle de cheveux est placée au ciel parmi les astres, tout son attirail de phrases n’est qu’une parade de galanterie qui laisse percer l’indélicatesse et la grossièreté […] Un homme passionné, triste, naturellement replié sur lui-même, fait la conversation avec les objets ; un grand ciel grisâtre où dorment des vapeurs d’automne, un jet soudain de soleil qui vient illuminer une prairie humide l’abattent ou le raniment ; les choses inanimées lui semblent vivantes ; et la clarté faible, qui le matin vient rougir le bord du ciel, le remue autant que le sourire d’une jeune fille à son premier bal. […] Là1131, « le vent du sud amollissant échauffe le large espace de l’air, et sur le vide du ciel souffle les lourdes nuées distendues par les pluies printanières. Tout le long du jour les nuages gonflés versent leurs ondées bienfaisantes, et la terre arrosée se gorge profondément de vie végétale, jusqu’à ce que, dans le ciel occidental, le soleil penché sorte resplendissant du milieu de la pourpre des nuages qu’il a rompus. […] Quand Roland, devenu ministre, se présenta devant Louis XVI avec un habit uni et des souliers sans boucles, le maître des cérémonies leva les mains au ciel, pensant que tout était perdu.

122. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

L’homme qui a osé les écrire fut plus et moins qu’un homme en les dictant, il fut le martyr du ciel et de la terre ; il faut chercher son nom et ne pas le prononcer, comme celui de la passion ineffable devant l’ineffable feu du désir et les ineffables larmes de l’expiation. […] ………… Mais un jour que, plongé dans ma propre infortune, J’avais lassé le ciel d’une plainte importune, Une clarté d’en haut dans mon sein descendit, Me tenta de bénir ce que j’avais maudit, etc. […] » Et encore, toutes ces stances célestes sur Ischia : Maintenant sous le ciel tout repose ou tout aime : La vague, en ondulant, vient dormir sur le bord ; La fleur dort sur sa tige, et la nature même, Sous le dais de la nuit, se recueille et s’endort. […] Ce tableau d’assez poétique intention, mais d’exécution médiocre, représentait une vierge en tunique blanche qu’on vient chercher dans son sépulcre ; mais, à la place de la morte, on ne trouve qu’un lit de fleurs dont les gerbes fraîchement nées semblent répandre dans le cercueil merveilleux des parfums et des ivresses du ciel. […] Mais, à cela près, il eut tous les talents qu’on peut emprunter à la terre, et que le ciel ne donne pas directement et mystérieusement à l’espèce humaine.

123. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

« Si le ciel tient en réserve des châtiments plus terribles que tous ceux que je puis te souhaiter, oh ! […] Le soleil couchant apparaissait à l’horizon avec une extrême splendeur, dans la déchirure d’un ciel sombre ; sa lueur aveuglante se promenait au roulis, et il éclairait cet hôpital en vacillant, comme une torche que l’on balance…… « Il se débattait maintenant, il râlait. […] Il était bien le même soleil, et au même instant précis de sa durée sans fin ; là pourtant il avait une couleur très différente ; se tenant plus haut dans un ciel bleuâtre, il éclairait d’une douce lumière blanche la grand’mère Yvonne, qui travaillait à coudre, assise sur sa porte. […] Il rayonnait tristement, dans un fiord où dérivait la Marie, et son ciel était, cette fois, d’une de ces puretés hyperboréennes qui éveillent des idées de planètes refroidies n’ayant plus d’atmosphère.

124. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Le mouvement et le progrès sont donc deux choses dans le ciel : n’en serait-il pas de même dans l’esprit humain ? […] Pourquoi m’as-tu ravi ma part de ciel, de lumière, d’air, de jeunesse, de joie, de vie ? […] « Le poète racontait l’ascension graduelle d’un héros, d’épreuve en épreuve, jusqu’au ciel, par les gradins ardus de l’Himalaya. […] « Le héros arrive enfin aux portes du ciel. […] Les dieux, attendris de ce sacrifice de générosité, laissent entrer l’animal avec l’homme, et le ciel se referme sur tous les deux.

125. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

toi qui as envoyé du ciel un pain nouveau, et du rocher as fait jaillir la source vive dans le désert ! […] tu as enfin montré toi-même aux hommes la route du ciel. […] Né sous un autre ciel, n’ayant vu que la solitude et la ruine des écoles d’Athènes, que Grégoire avait fréquentées aux jours de leur éclat renaissant, Synésius tient plus d’Alexandrie et des doctrines abstraitement mystiques de l’Égypte grecque. […] « Que le ciel et la terre soient en paix ! […] devant toi tremblaient les tribus des démons dispersées dans les airs, le chœur immortel des astres était frappé de stupeur, le ciel souriait.

126. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Bel » p. 171

Point de ciel. […] L’autre est une belle plaque de cuivre rouge ; terrasses, arbres, ciels, montagnes, lointain, campagne, tout est cuivre, beau cuivre ; si cela s’était fait de hazard en coulant du fourneau dans le catin, ce serait un prodige.

127. (1923) Nouvelles études et autres figures

C’est le cri qui monte encore vers le ciel. […] Il lui faut surveiller le ciel, la nature, les bêtes et les plantes. […] En somme le Lucifer islamique a été précipité par Dieu du ciel sur la terre. […] Leur premier fils leur fût tombé du ciel qu’il n’aurait pu leur ressembler moins. […] Du sein de cette vaste glèbe on ne regardait que le ciel.

128. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Les formes y sont ordonnées par groupes, sous le ciel libre, comme pour un chœur, pour un hymne en commun. […] Et la moitié du ciel pâlissait… . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Ainsi, dans le Rig-Véda : « Ô Varuna, le vent, c’est ton souffle agitant les airs… En toi repose l’immensité de la terre et du ciel. […] Des teintes du matin le ciel se nuançait. […] Tout exhale un soupir, tout balbutie un nom ; Ce cri, qui dans le ciel d’astre en astre circule, Tout l’épelle ici-bas, l’homme seul l’articule.

129. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

que ton nom est resplendissant sur toute la terre, tandis qu’il resplendit si magnifiquement dans le ciel ! […] Le verset bondit de la terre au ciel, du ciel à la terre, comme le cœur du poète ou comme les taureaux de Basan. […] Avec vous je réveillerai moi-même l’aurore matinale dans le ciel ! […] C’étaient ces sons, ces horizons, ces joies du ciel et ces tristesses de la terre qui l’avaient fait poète. […] Le roi est poussière ; il ne possède pas même son propre tombeau ; mais sa harpe possède l’univers, et qui sait si elle n’a pas son écho jusque dans le ciel ?

130. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Et voilà comme nous abrégions les dimanches à nous réjouir dans nos deux enfants, et tous les pèlerins qui passaient en montant aux Camaldules s’arrêtaient pour respirer sous le châtaignier de la montagne et disaient : « Le ciel vous a bien bénis ! […] — Pourvu qu’ils nous laissent la fontaine, avec le bassin à l’ombre de la grotte, où je me vois dans l’eau en me baignant les pieds et en filant ma quenouille, comme une sainte Catherine dans un ciel d’église, quand je garde les brebis paissant sur le bord ! […] Il y en aura toujours assez long et assez large pour recouvrir mes pauvres os quand j’irai rejoindre au ciel la céleste mère de Fior d’Aliza, à qui je pense toujours quand j’entends sa voix si claire dans les lèvres de l’enfant ! […] — Ô ciel ! […] c’est trop vrai, ajouta-t-il en levant les mains au ciel et en regardant les feuilles mortes qui n’avaient plus la force de supporter le poids de leurs lourdes grappes flétries.

131. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

si c’est là le prix qu’exige le ciel pour nous épargner, qu’il nous tue tout de suite ; qu’il nous ensevelisse tous les quatre ensemble dans le tronc de l’arbre que ces bourreaux de bûcherons vont abattre sur nos têtes ! […] pourquoi ces seigneurs pèlerins de Lucques nous avaient-ils découverts dans notre pauvre cabane, et pourquoi Fior d’Aliza les avait-elle éblouis, comme une étoile dans un ciel de nuit, sur nos montagnes, éblouit l’œil et fait rêver à mal le berger ! […] CXV À ces coups de feu, à ces cris, à cette vue, monsieur, nous nous étions tous levés en sursaut, comme à un coup de feu du ciel, pour courir au-devant de notre enfant ; la mère nous devançait les bras tendus, les cheveux épars ; moi-même je courais au bruit sans mon bâton, comme si j’y avais vu clair, à la seule lueur de mon cœur ; Hyeronimo, s’élançant du toit d’un seul bond, avait décroché du mur, en passant, l’espingole de son père, qui n’avait pas été déchargée depuis sa mort ; il courait comme le feu du ciel au secours de Fior d’Aliza, à la fumée des six coups de feu, flottant comme un brouillard sur les cannes de maïs. […] Enfin, ce fut une inspiration de quelqu’un de ces chérubins qu’on voit jouer de leurs harpes dans les voûtes peintes du dôme des églises, sans doute, preuve que le ciel même se plaît à la musique des pifferari, qui jouent le mieux la prière de leurs cœurs, des pauvres vieillards ou des pauvres enfants, sur leurs instruments. […] monsieur, ce fut pourtant le premier air que je me sentis inspirée de jouer devant la Madone du pont ; jamais les sons de la zampogne ne m’avaient paru avoir une telle expression sous les doigts de mon père, de mon oncle, d’Hyeronimo, de moi-même, ni de personne ; il me semblait que ce n’était pas moi qui jouais, mais qu’un esprit du ciel, caché dans l’outre, soufflait les notes et remuait les doigts sur le roseau à sept trous du chalumeau.

132. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Ce matin.j’ai vu un beau ciel, le marronnier verdoyant, et entendu chanter les petits oiseaux. […] Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage. […] » Son âme reflète le ciel ; elle a l’âme couleur du temps, et elle se le reproche ; car il y a des jours tristes, — les jours de neige « où l’âme se recoquille et fait le hérisson » ; — les jours de pluie, où l’on a envie de pleurer : « Il pleut ; je regardais pleuvoir, et puis je me suis dit de laisser tomber ainsi goutte à goutte mes pensées sur ce papier. Cela éclaircira mon ciel qui, aussi bien que l’autre, est chargé, non pas de gros nuages, mais de je ne sais quoi qui voile le bleu, le serein. […] … » Il y a aussi des jours mêlés, moitié gais, moitié tristes, indécis, d’une teinte indéfinissable ; mais elle sait très bien les définir : « Le 25 mai. — Notre ciel d’aujourd’hui est pâle et languissant comme un beau visage après la fièvre.

133. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Le poète ne s’est-il pas encore un peu trompé lorsqu’il a transporté la philosophie dans le ciel ? […] Ne lui demandait-on pas de la poésie, un ciel chrétien, des cantiques, Jéhovah, enfin le mens divinior, la religion ? […] Quel dommage qu’il n’ait rien voulu dire de ces bergères transformées par leurs vertus en bienfaisantes divinités ; de ces Geneviève qui, du haut du ciel, protègent, avec une houlette, l’empire de Clovis et de Charlemagne !

134. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Le peuple connaissait déjà le grand homme du ciel que la terre venait de perdre, avant qu’aucun journal en eût charrié la gloire jusqu’à lui. […] Tel a été le but dominant de l’abbé Monnin, en écrivant, pour la première fois, la vie prodigieuse de cet homme inouï qui a perdu son nom dans le titre de sa fonction, et qui, dans l’avenir comme dans le ciel, ne s’appellera plus que le Curé d’Ars. […] Malgré deux ou trois efforts qu’il fît un jour pour s’ôter de la place où Dieu l’avait mis aux regards du monde comme un pont du ciel qu’il lui avait jeté, malgré la tentation qui le prit de la pénitence au désert, du silence ardent des Chartreuses et de la contemplation rigide et extatique en Dieu des grands Solitaires, Dieu ne permit point au serviteur qu’il s’était choisi d’être autre chose qu’un grand confesseur, et je dirai plus : le confesseur au dix-neuvième siècle. […] IV Tel il m’apparaît dans le livre de l’abbé Monnin et tel il fut peut-être dans les desseins de Dieu, ce Curé d’Ars qui n’est pas seulement au ciel un Saint de plus, mais qui devait être sur la terre le type le plus accompli du grand confesseur, peut-être pour refaire aimer la confession à l’orgueil, devenu muet, des hommes !

135. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Ils sont comme les saints les plus aimés de Dieu, que l’on trouve, au fond de leurs tombes, avec des grâces de sommeil incomparables, tout vermeils et déjà parfumés du ciel. […] Poète naturaliste (pictura poesis), qui traverse la description pour aller heurter obstinément sa rêverie contre l’obstacle, éblouissant ou sombre, de la Nature, qui cache invinciblement son secret sous les formes incompréhensibles de la vie, il procède toujours par larges échappées de paysages, par prolongement d’horizons, ou par ces traits qui, tout déliés qu’ils soient, se fondent dans la transparence qui est l’infini au regard : Elle (sa Muse) me conterait sans pause Toutes les merveilles des mers, Et le mystère qui se passe En ce point vague de l’espace Où le ciel et les flots amers S’entre-baisent dans les jours clairs. […] Ce ne sont pas les grands artistes par la délicatesse et par la beauté pure de l’idéal, bien plus difficile à comprendre… Assurément cet idéal, que Guérin souffrait tant de ne pouvoir saisir comme il le voyait, pour l’emprisonner dans la forme vive et diaphane d’une langue digne de le contenir, cet idéal rayonne, comme un ciel lointain, à travers les paysages qu’il nous a peints ; mais il n’y rayonne que pour ceux qui savent l’y voir ; tandis que pour le plus grand nombre, que la réalité visible attire, ce qui constituera le grand mérite de ces paysages, c’est leur vie, c’est la vérité d’impression  de ces aperçus, transposés de la vision plastique dans la vision littéraire… et qui nous effacent presque du coup les paysagistes les plus vantés : Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, madame Sand, dont la seule qualité qui n’ait pas bougé dans des œuvres déjà passées est d’être une paysagiste ! […] Gœthe, si respecté par Sainte-Beuve, Gœthe, qui aurait joui si profondément du Centaure et qui aurait rêvé à son tour cet Hermaphrodite, fils des Musées et de Pausanias, et qui devait devenir, dans la pensée de Guérin, le frère du Centaure ; Gœthe n’aurait confondu avec personne ce panthéiste original qui ne vit jamais au monde que la Nature, — la grande Nature qu’aimait Lucrèce, celle-là qui tient sous le bleu du ciel, entre deux horizons, — et, tout allemand qu’il fût, il aurait mieux compris que Sainte-Beuve l’interprétation presque consubstantielle de cette nature que Guérin nous a faite, dans ces fragments inouïs de pureté, de mollesse et de transparence, de contours sinueux et rêveurs !

136. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Elle prit le parti de regarder le ciel, comme si elle pensait que Marius pouvait aussi venir de là. […] Elle se dit qu’elle n’était sûre de rien, que se perdre de vue, c’était se perdre ; et l’idée que Marius pourrait bien lui revenir du ciel, lui apparut, non plus charmante, mais lugubre. […] Les pensées qui tombaient du ciel étaient douces comme une petite main d’enfant qu’on baise. […] « — Et peut-être aussi la pluie elle-même va pleuvoir ; le ciel s’en mêle ; la branche cadette est condamnée. […] Mais, pour tempérer nos misères et pour désarmer l’utopie, le ciel nous a laissé un divin intermédiaire, l’assistance mutuelle, cette charité de tous pour tous.

137. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Et pourquoi écrit-on la vie des dieux, ô ciel ! […] Si tu avais vu les neiges du pôle et les mystères du ciel austral, ton front, ô déesse toujours calme, ne serait pas si serein ; ta tête, plus large, embrasserait divers genres de beauté. […] Il est l’image de la voûte du ciel. […] Ô ciel ! […] Et les vieux bardes, ô ciel !

138. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Le caractère principal d’une apothéose doit être le sentiment surnaturel, la puissance d’ascension vers les régions supérieures, un entraînement, un vol irrésistible vers le ciel, but de toutes les aspirations humaines et habitacle classique de tous les grands hommes. […] Quel ciel et quelle mer ! […] Un poëte a essayé d’exprimer ces sensations subtiles dans des vers dont la sincérité peut faire passer la bizarrerie :                           Delacroix, lac de sang, hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent comme un soupir étouffé de Weber30. Lac de sang : le rouge ; — hanté des mauvais anges : surnaturalisme ; — un bois toujours vert : le vert, complémentaire du rouge ; — un ciel chagrin : les fonds tumultueux et orageux de ses tableaux ; — les fanfares et Weber : idées de musique romantique que réveillent les harmonies de sa couleur. […] Sans avoir recours à l’opium, qui n’a connu ces admirables heures, véritables fêtes du cerveau, où les sens plus attentifs perçoivent des sensations plus retentissantes, où le ciel d’un azur plus transparent s’enfonce comme un abîme plus infini, où les sons tintent musicalement, où les couleurs parlent, où les parfums racontent des mondes d’idées ?

139. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

» Ces quelques lignes nous suffiraient pour saisir la signification profonde de l’œuvre de Michelet et pour constater que l’objet de son ardente poursuite spirituelle n’est plus un ciel chimérique, mais une terre réelle que nous devons tous, du plus humble au plus fort, labourer et ensemencer, si nous ne voulons pas que la faim nous dévore. […] La conception chrétienne du monde et de l’homme, avec son ciel et son âme purement fictifs et irréels, a longtemps empêché la naissance d’un tel sentiment. Elle nous disait : L’âme seule dans l’homme est pure, est divine ; le corps est un « sac de fumier » ; le monde est un exil dans le crime et la douleur ; « dans la fleur se cache le démon » ; le ciel est le seul réel séjour de lumière et de beauté. […] « Je ne viens pas du ciel qui abaisse un regard de compassion sur la terre. Je viens des entrailles de la terre qui, par tous ses jaillissements printaniers, ouvre des yeux avides vers le ciel, — vers ce ciel que j’augmenterai, que j’enrichirai de toute ma croissance, quand mon instinct sublimé y versera le triomphe de ses effluves42 ».

140. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Par le ciel ! […] Toute la nuit il entend leur long galop monotone, et à la fin sa force s’abat : « la terre s’enfonçait, le ciel roulait ; —  il me sembla que je tombais à terre : — je me trompais, j’étais trop bien lié ! —  Mon cœur devint malade, mon cerveau douloureux ; —  il palpita un temps, puis ne battit plus. —  Le ciel tournoyait comme une grande roue. —  Je vis les arbres chanceler comme des hommes ivres. —  Un éclair faible passa devant mes yeux, —  qui ne virent plus. […] La beauté est venue, la beauté méridionale, éclatante et harmonieuse, épanchée sur toutes choses, sur le ciel lumineux, sur les paysages calmes, sur la nudité des corps, sur la naïveté des cœurs. […] Mais par malheur Juan est en mer, et le mal de cœur commence. « Oui, dit-il, le ciel se confondra avec la terre avant que… —  (Ici il se trouva plus malade.) — Ô Julia !

141. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

L’ordre social autrefois se peignait dans tous les arts ; l’art était comme un grand lac qui n’est ni la terre ni le ciel, mais qui les réfléchit. […] Il porte plus haut sa vue ; il est trop philosophe pour être chrétien et homme de cette façon : il veut, sans oser bien se l’avouer, un autre ciel, une autre terre. […] Où est le ciel avec cet athéisme, et que devient la terre avec lui ? […] Quand les premiers chrétiens s’éloignèrent des idoles et désertèrent les temples des païens, ils n’eurent d’abord pour temples que la voûte du ciel. […] Le soleil, dans son cours, le gouverne ; sa vie dépend de ses rayons ; suivant le mois de l’année et le temps qu’il fait, il erre en furieux dans le ciel ou dans l’enfer.

142. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Vous y trouvez bien quelques Sapho qui y jettent un ou deux cris qu’on entend toujours, quelques âmes divines comme sainte Thérèse, qui a fait, elle, son saut de Leucade dans le ciel, mais le talent littéraire, dans son expression la plus haute, est bien plus que des émotions éloquentes, que de sublimes palpitations. […] Dans les Horizons prochains, le mysticisme de l’auteur des Horizons célestes n’était qu’une douce lueur entre ciel et terre et qui ressemblait à une aube, le point blanchissant qui s’est enfin étendu, comme le jour, sur sa pensée, un jour si plein maintenant qu’il ne grandira plus ! […] L’Église a laissé faire au Dante son rêve immense et elle a souffert dans son sein ces autres poëtes, appelés mystiques, qui souvent ont été des Saints, et qui, eux aussi, ont cherché à percer le ciel de leur regard et à voir ce qu’il y avait derrière cette éternité éblouissante ! […] Ici, ce n’est plus la moquerie incrédule qui se rit de ces idées du ciel, tombées d’en haut, montées d’en bas ; c’est la foi, c’est la volonté, c’est l’esprit, c’est tout l’être humain qui se révolte et se cabre devant ces imaginations naïves ou laborieusement combinées qui n’offrent rien que puisse éteindre et dont puisse jouir ce quelque chose qui s’appelle le moi, dans sa plénitude impérieuse ! Ce qui distingue l’auteur des Horizons célestes de tous les grands inventeurs chrétiens, c’est que le paradis de sa pensée est le paradis, du moi intégral, de ce moi qui a aimé et qui a vu mourir ce qu’il aimait, et qui ne veut pas accepter la notion affreuse d’un ciel terrible où le moi serait mutilé dans son bonheur même.

143. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Les choses du ciel se modelèrent sur les choses de la terre. […] La même révolution renouvela le ciel et l’Etat. […] On vit alors le spectacle le plus extraordinaire et le plus ridicule, la poésie séparée de la religion, dont elle est le fond naturel et l’aliment intime, un ciel païen introduit dans un monde chrétien, l’Olympe restauré, non par sympathie sensuelle comme à la Renaissance, ou par sympathie archéologique comme aujourd’hui, mais par convenance, pour remplir un cadre vide et ajouter une parade de plus à toutes celles dont ce siècle s’était affublé. […] Il voit deux servantes au rouet et trouve que « les soeurs filandières ne font que brouiller auprès d’elles. » Du galetas, il entre de plain-pied dans le ciel.

144. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

« Je suis en tout de la plus grande faiblesse, dit-elle, mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des]symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères, quatorze d’hommes et seize de filles. […] Tarissez ces larmes dans ces yeux pâmés vers le ciel, et qui, fermes et attentifs, redescendent tout à coup sur la terre, et vous avez la seconde grandeur de Sainte Térèse, vous avez la Térèse des Fondations ! […] Dire que c’est la vie d’une âme éprise de Dieu et de perfection, qui a monté pendant quarante ans, chaque jour, une marche du ciel, le chrétien seul nous comprendrait, le chrétien qui sait à quel prix sanglant s’achète cette lente et magnifique Assomption de l’Amour ! […] Non, elle était encore, la femme puissamment rassise dans la raison, telle que les hommes conçoivent la raison, quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé, dans les airs, la lâchait et la mettait par terre.

145. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

L’abîme n’est qu’un peu d’eau bitumineuse ; les montagnes sont des protubérances de pierres calcaires ou vitrescibles ; et le ciel, où le jour prépare une immense solitude, comme pour servir de camp à l’armée des astres que la nuit y amène en silence ; le ciel, disons-nous, n’est plus qu’une étroite voûte momentanément suspendue par la main capricieuse du Hasard. […] Il donne la main à ses pères et à ses enfants ; il est planté dans le sol natal, comme le chêne qui voit au-dessous de lui ses vieilles racines s’enfoncer dans la terre, et à son sommet des boutons naissants qui aspirent vers le ciel.

146. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Je suis enivré de Sona. — Je suis plus grand que le ciel, que cette terre que l’on dit grande. […] Je suis enivré de Soma. — Une de mes ailes touche au ciel, l’autre traîne en bas. […] Ses cheveux de vierge flottent en longues boucles ; une peau de faon tachetée, emblème du ciel étoilé, glisse sur sa nudité juvénile ; ses pieds sont chaussés de splendides cothurnes. […] Les rameurs sentent leurs rames glisser et serpenter dans leurs mains ; les cordages sifflent et dressent vers le ciel des têtes d’hydres. […] Il mourait, mais ressuscitait sous le ciel doux de l’automne, lorsque son sang grossissant les fleuves avait fertilisé le sol desséché.

147. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Un ciel pâlement vert ou filent des vents étésiens. […] Et sous le clair ciel d’été un flamboi de gaz. […] Et les ciels familiers lisérés de folie. […] Les moirures scintillantes du fleuve bercent le pers du ciel. […] … Ce pâle et ardent ciel estival de M. 

148. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Devenir l’épouse de l’auteur de Paul et Virginie lui paraissait un don du ciel, supérieur à tous les dons de la terre. […] Non que j’y croie, au fond, l’honnêteté blessée : Me préserve le ciel d’en avoir la pensée ! […] Enfin le ciel chez moi me le fit retirer, Et depuis ce temps-là tout semble y prospérer. […] C’est une occasion qu’au ciel j’ai demandée, Sans que, jusqu’à cette heure, il me l’ait accordée. […] Pour moi, je crois qu’au ciel tendent tous vos soupirs37 Et que rien ici-bas n’arrête vos désirs.

149. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Chez les Grecs, le ciel finissait au sommet de l’Olympe, et leurs dieux ne s’élevaient pas plus haut que les vapeurs de la terre. […] En vain les télescopes fouillent tous les coins du ciel, en vain ils poursuivent la comète au-delà de notre système, la comète enfin leur échappe ; mais elle n’échappe pas à l’Archange qui la roule à son pôle inconnu, et qui, au siècle marqué, la ramènera par des voies mystérieuses jusque dans le foyer de notre soleil.

150. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

l’esprit humain n’a-t-il pas pénétré même dans le ciel ? […] C’est Scipion qui parle, et qui, après avoir professé la politique de la vertu, chante les récompenses que le ciel réserve aux vrais politiques : lisez toujours. Saint Augustin, qui a commenté le livre de la République de Cicéron, n’est pas plus spiritualiste ; le ciel théologique de Fénelon ne s’ouvre pas plus avant aux pas des bienfaiteurs des peuples ; la foi des deux grands évêques n’est pas plus ferme ni plus tendre dans l’immortalité de l’âme. […] C’est du ciel que descendent ceux qui conduisent et qui conservent les nations, c’est au ciel qu’ils retournent…… « Ce discours de l’Africain avait jeté la terreur en mon âme. […] De tous les corps, le plus petit, qui est situé aux derniers confins du ciel, et le plus près de la terre, brillait d’une lumière empruntée.

151. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

C’est ainsi que le saint homme servait en conscience un amour naissant, en croyant servir le ciel ; c’est la première fois sans doute que la piété la plus sincère sonnait à des profanes l’heure des rencontres. […] À cette hauteur, les voiles qui glissent sur cette surface d’un bleu vif, comme un second ciel, ressemblent à des ailes de colombes blanches qui volent en silence, d’arbre en arbre, parmi les oliviers. […] Mieux vaut la paix du ciel, où nous nous retrouverons tous, consolés, les uns d’être morts, les autres d’avoir vécu ! […] Mon deuil en effet, à moi, fut immense et ne se consola jamais de cette étoile éteinte dans le ciel de la poésie de notre siècle. […] « Le ciel avec amour tourne sur toi les yeux ; Quelque chose de saint sur les tombeaux respire, La Foi sur tes débris a fondé son empire !

152. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Accordant aux puissants de la terre, pour lui représentants de la force, un respect plein d’ironie, il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur. Ce nom de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel 218 » fut le terme favori de Jésus pour exprimer la révolution qu’il apportait en ce monde 219. […] Cette haute notion des rapports de l’homme avec Dieu, dont si peu d’âmes, même après lui, devaient être capables, se résumait en une prière, qu’il enseignait dès lors à ses disciples 255 : « Notre Père qui es au ciel, que ton nom soit sanctifié ; que ton règne arrive ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. […] Le mot « ciel », dans la langue rabbinique de ce temps, est synonyme du nom de « Dieu », qu’on évitait de prononcer.

153. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

M. de Lamartine, dans de fort belles méditations et dans sou dernier chant de Childe-Harold, avait point à merveille les grands traits des horizons et des paysages, l’idéal en quelque sorte élyséen de ce ciel, de cette mer de Naples, de cette éternelle enchanteresse au sein de laquelle l’auteur des Martyrs nous avait déjà introduits un moment avec saint Augustin, Jérôme et Eudore ; mais dans ces harmonieux tableaux de M. de Lamartine, les hommes avec leurs variétés et leurs contrastes, les monuments avec leurs caractères, n’étaient pas touchés : la nature envahissait tout, et encore la nature dans sa plus vague plénitude, sans contours arrêtés, sans détails curieux et distincts, telle en un mot qu’elle se réfléchit dans un cœur que remplit l’amour ; ce n’étaient que chauds soleils, aubes blanchissantes, comme dans Claude Lorrain, firmaments étoilés, murmures, vapeurs et ombrages. Le poëme de M. de Lamartine nous rendait la pure lumière du ciel d’Italie ; mais les autres points plus solides de la réalité, tout ce qui était marbre, figures peintes ou hommes vivants, nous ne l’avions pas. […] Le poëte, en des vers pleins de tendresse, conjure cette belle contrée, alors qu’elle pourra renaître, de ne s’adresser jamais qu’à ses enfants : Dans tes fils réunis cherche ton Roméo, et il repousse d’elle avec effroi toute intervention de l’étranger, du barbare, comme il dit, dans cette délivrance sacrée : Car ce qui n’est pas toi ni la Grèce ta mère, Ce qui ne parle pas ton langage sur terre, Et tout ce qui vit loin de ton ciel enchanteur, Tout le teste est barbare et marqué de laideur.

154. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Hugo ne s’élève pas jusqu’aux hauteurs de l’ode, il se délasse souvent dans les rêveries les plus suaves, dont nul souffle étranger n’altère la fraîcheur : il se plaira, par exemple, à montrer à son amie le nuage doré qui traverse le ciel, à le suivre de la pensée, à y lire ses destinées de gloire ou d’amour, puis tout à coup à le voir s’évanouir en brouillard ou éclater en tonnerre. […] Qu’on imagine à plaisir tout ce qu’il y a de plus pur dans l’amour, de plus chaste dans l’hymen, de plus sacré dans l’union des âmes sous l’œil de Dieu ; qu’on rêve, en un mot, la volupté ravie au ciel sur l’aile de la prière, et l’on n’aura rien imaginé que ne réalise et n’efface encore M.  […] Souvent, des vents jaloux jouet involontaire, L’aiglon suspend son vol à peine déployé ; Souvent d’un trait de feu, cherchant en vain la terre, L’éclair remonte au ciel, sans avoir foudroyé.

155. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

vous avez bien des années de moins que moi, vous êtes dans la force de l’âge ; les succès vous abondent ; l’air qui nourrit l’imagination n’est pas dans un fromage, au fond d’une cave : c’est à ciel ouvert, et parmi les hommes, qu’on respire. […] La sérénité de son ciel se voilait, les ombres avançaient et se projetaient devant lui, mais c’était par degrés qu’elles se faisaient, et elles laissaient place encore à quelques belles et bonnes heures. […] Une fois, devant un tableau de bataille de deux peintres amis, dont l’un avait fait le paysage et l’autre les personnages (c’était une bataille où figuraient les Autrichiens), il remarquait que le ciel était un peu trop pommelé : « Je trouve, disait-il, qu’il y a un peu trop d’Autrichiens dans ce ciel-là. » Il avait des observations originales qu’il exprimait d’un mot. […] Fortifie toi sans doute, orne toi, s’il se peut, des dons qui te manquent ; aspire à toute l’imagination que tu n’as pas ; acquiers, acquiers ; fais-toi des seconds ciels, des ciels d’Homère ou des ciels de Dante, des lueurs étranges à l’horizon, des visions et des visées plus hautes, des profondeurs en tout sens : si tu peux y atteindre, tant mieux !

156. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Mais les nouvelles impressions de magnifiques tableaux de la nature se renchérirent à l’approche des îles que l’on voyait s’élever à l’horizon, par une mer tranquille et un ciel pur. […] Mais la pensée humaine fait aussi valoir ses droits, dans un voyage à travers le vaste océan ; partout où l’œil se porte, il voit les flots, les nuages, ou la clarté du ciel, et cette contemplation le reporte aux événements familiers d’autrefois. […] Était-ce cette même étoile que les navigateurs du quinzième siècle, lorsqu’ils voyaient s’abaisser dans le nord l’étoile du ciel de la patrie, saluaient comme un signe d’heureux augure pour continuer joyeusement leur route ? […] “Rien, disait-il, n’est comparable à l’impression de calme profond que produit la contemplation d’un ciel étoile dans ces solitudes.” — Là, quand, à l’approche de la nuit, il jetait les yeux sur la vallée qui bornait l’horizon, sur ce plateau couvert de gazon et doucement ondulé, il croyait voir la voûte étoilée du ciel supportée par la plaine de l’Océan. […] Le ciel semblait ravi de voir ses étincelles. — Ô pays désert et désolé du Nord, vous ne verrez jamais l’éclat de cette brillante lumière ! 

157. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

La gloire des hommes, s’élevât-elle jusqu’au ciel, tombe flétrie contre terre à ma noire approche, et je l’écrase sous mes trépignements. […] Le ciel s’étant incarné en Zeus, c’était de sa tête qu’elle avait surgi comme une inspiration héroïque, revêtue d’armes éclatantes, dans sa pureté de vierge et sa vigueur de guerrière. […] La colline où il s’assemblait, dans une enceinte à ciel ouvert, était celle où les Douze Grands Dieux avaient, disait-on, siégé pour juger Arès accusé du meurtre d’un fils de Poséidon. […] Comme Eschyle, il attendrit la face courroucée du ciel, il brise comme lui l’implacable épée de ses Anges Exterminateurs. […] Il en était de lui comme de ces vieilles idoles, rudement sculptées en bois d’olivier, qui passaient pour tombées du ciel.

158. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Le soleil vêt de magnificence le ciel bleu pâle. […] Ses yeux sont pleins de ciel. […] Des nuages noirs encombrent le ciel nocturne. […] Et les premières étoiles apparaissent dans le ciel qui se fonce. […] Grymalkin élève les mains vers le ciel.

159. (1940) Quatre études pp. -154

Il connaissait chaque plante par son nom, et il était familier avec l’histoire et avec la manière d’être de chaque production de la terre ; il était capable d’interpréter sans erreur tout ce qui apparaissait dans le ciel ; les phénomènes variés du ciel et de la terre le remplissaient d’une émotion profonde. […] Au fond d’un ardent ciel de cuivre, on voit le soleil tout sanglant. […] Au fond du ciel brûlant se distingue un point qui grandit ; une voile s’approche, amenant l’espoir. […] Elle n’aspire plus aux félicités du ciel ; elle ne croit plus aux peines de l’enfer : le bonheur se trouve sur la terre et il suffit de le saisir. […] Il serait obligé de se commander, de se refréner, de réserver ses effusions et ses joies pour la fin du voyage, après qu’il aurait franchi les portes du ciel.

160. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] Un air nouveau moins froid vous souffle aux joues ; le ciel change et le sol aussi. […] L’air et les aliments font le corps à la longue ; le climat, son degré et ses contrastes produisent les sensations habituelles, et à la fin la sensibilité définitive : c’est là tout l’homme, esprit et corps, en sorte que tout l’homme prend et garde l’empreinte du sol et du ciel ; on s’en aperçoit en regardant les autres animaux, qui changent en même temps que lui, et par les mêmes causes ; un cheval de Hollande est aussi peu semblable à un cheval de Provence qu’un homme d’Amsterdam à un homme de Marseille. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant.

161. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Trois sortes de journaux, qui ne paraissaient pas destinés par leur nature à se faire écho l’un à l’autre, se signalent par plus d’acharnement contre ce qui porte mon nom : Un journal d’exagération religieuse, qui donnerait la tentation d’être impie si l’on ne respectait pas la piété jusque dans les aberrations du zèle ; Les revues et les journaux des partis de 1830, qui ne pardonnent pas leurs revers à ceux qui ont préservé la France et eux-mêmes des contrecoups de leur catastrophe ; Enfin un journal de sarcasme spirituel, à qui tout est bon de ce qui fait rire, même ce qui ferait pleurer les anges dans le ciel : la dérision pour ce qui est à terre. […] Je crois te voir encore, À l’heure où sur Paris montait la rouge aurore, Quand ma lampe jetait sa dernière lueur, Et qu’un bain de ma veille étanchait la sueur ; Tu t’asseyais tranquille au bord de ma baignoire, Le front pâle et pourtant illuminé d’histoire ; Tu me parlais de Rome un Tacite à la main, Des victoires d’hier, des dangers de demain, Des citoyens tremblants, de l’aube prête à naître, Des excès, des dégoûts et de la soif d’un maître, Du défilé terrible à passer sans clarté, Pont sur le feu qui mène au ciel de Liberté ! […] Son beau cap, ses jardins, sa mer, ses bois, ses cieux, Lui prêtèrent la place et l’heure des adieux ; Ses oiseaux familiers, voletant dans la nue, Lui chantèrent au ciel sa libre bienvenue ! […] Il n’est plus de Fulvie et plus de Cicéron ; Notre Fulvie, à nous, c’est quelque amer Fréron Dont la haine terrestre au feu du ciel s’allume Et qui nous percera la langue avec sa plume !

162. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement ; mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient ; car la Prière a fait Térèse, plus que sa mère elle-même : « Je suis en tout de la plus grande faiblesse, — dit-elle, — mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et, sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères : quatorze d’hommes et seize de filles. […] Tarissez ces larmes dans ces yeux pâmés vers le ciel, et qui, fermes et attentifs, redescendent tout à coup sur la terre, et vous avez la seconde grandeur de sainte Térèse, vous avez la Térèse des Fondations ! […] Dire que c’est la vie d’une âme éprise de Dieu et de perfection, qui a monté pendant quarante ans, chaque jour, une marche du ciel, le chrétien seul nous comprendrait, le chrétien qui sait à quel prix sanglant s’achète cette lente et magnifique Assomption de l’Amour ! […] elle était encore la femme puissamment rassise dans la raison telle que les hommes conçoivent la raison quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé dans les airs, la lâchait et la mettait par terre.

163. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

C’est l’anonyme de l’humilité… On dirait un de ces Anges qui font la cuisine du couvent dans le beau tableau de Murillo, et qui, après l’avoir faite, se renvoient au ciel ! […] Bonhomme n’a garde d’oublier qu’elle appelait sans se gêner Madame Louise : « Une folle, qui n’entrait au couvent que pour tracasser toute la cour au nom du ciel. » Mais Honoré Bonhomme, qui n’est pas duc, se contente seulement de regretter, dans sa petite condition de Bonhomme, que l’amazone et la sybarite « n’aient pas été mieux conseillées et qu’elles ne se soient pas dirigées elles-mêmes ». […] Même le feu du ciel de l’amour de Dieu, ne put pas absorber cette flamme de l’esprit dans sa flamme ! […] Elle a raconté les intrigues de cette intrigante pour le ciel !

164. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

La race humaine, qui veut tout surmonter par son audace, se précipite dans l’impossible ; la race intrépide de Japet, Prométhée, par un coupable larcin, ravit le feu du ciel pour l’apporter à la terre. […] ce qu’il est interdit de prévoir et coupable de sonder, quel terme a fixé le ciel à tes jours ou aux miens ! […] Soit que le ciel nous destine de nombreuses saisons, soit que cet hiver tempétueux, qui épuise en ce moment contre ses écueils la fureur des flots de la mer tyrrhénienne, doive être pour nous le dernier de nos hivers, sois en paix ; clarifie tes vins, et au court espace de temps qui nous est mesuré mesure tes courtes espérances. […] « Quoique Calaïs soit plus beau qu’un astre du ciel, toi plus léger que la feuille et plus perfide que la mer d’Adria, avec toi j’aimerais à vivre, avec toi je voudrais mourir. » A-t-on jamais chanté l’influence d’un premier sentiment et le retour des cœurs sur leurs traces en pareilles strophes ? […] Admirez comme cette béatitude est la même pour tous ceux qui ont le bonheur d’avoir un toit ou un verger à eux sous un ciel clément.

165. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

que le beau, cette rosée du ciel qui tombe en plein sur cette terre, coule à pleine séve de tes recherches classiques dans tes souvenirs, et de tes souvenirs dans tes vers, et de tes vers ou de ta prose dans l’âme charmée de tes lecteurs ! […] Mais tout monte vers le ciel, et, dans les régions terrestres, il n’y a ni dilatation ni épanouissement ; ce n’est qu’une échappée dans l’altitude. […] — Qu’est-ce que ce cap de marbre sur lequel viennent écumer et bleuir là-bas les rayons du soleil et l’azur du ciel ? […] Après nous être un moment rafraîchis dans cet humble asile d’une simple et cordiale hospitalité, si douce à rencontrer sous un ciel brûlant, à huit cents lieues de son pays, à la fin d’une journée de tempête, de soleil et de poussière, M.  […] Ce sont de ces révélations que le ciel ne donne pas deux fois à la terre : c’est comme le poème de Job ou le Cantique des Cantiques ; comme le poème d’Homère ou la musique de Mozart !

166. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

La terre voit et parcourt le ciel ; elle le connaît sous ses deux aspects, obscurité et azur, doute et espérance. […] Ne l’entends pas, Duncan ; c’est la cloche mortuaire qui t’appelle au ciel ou aux enfers. […] — Éveille Duncan à force de frapper. — Plût au ciel vraiment que tu le pusses ! […] le ciel l’a vu et n’a pas pris leur défense ! […] Que le ciel maintenant leur donne la paix !

167. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Bientôt je voyais se dessiner en sombre sur le ciel bleu la redingote noire d’un beau jeune homme qui, sous l’habit d’un ecclésiastique, avait la taille, la stature et la contenance mâle d’un militaire. […] XX Je me souviens surtout d’un soir d’été où M. de Vaudran, ayant apporté par hasard avec lui un Platon en grec, le lut en le traduisant à ses deux amis, jusqu’au moment où le crépuscule manqua sur la dernière page du Phédon, et où les premières étoiles scintillèrent dans le ciel autour du rocher, comme pour assister du ciel à la mort de Socrate. […] Ces livres, ainsi feuilletés et commentés en plein ciel, avec une ardeur continue d’intérêts divers par ces trois solitaires, me parurent renfermer je ne sais quels oracles mystérieux que ces sages venaient consulter dans le recueillement de l’âme et des sens sur ces hautes cimes. […] Et où voulaient-ils donc qu’il les récitât, si ce n’est dans le chemin, lui qui n’avait pas d’autre publicité que la voûte du ciel ? La presse est pour l’écrivain aujourd’hui ce qu’était la voûte du ciel pour Homère.

168. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Le mobilier du vieux monde périt avec les édifices sacrés publics ou privés ; l’art de la peinture périt tout entier dans cette métamorphose de la terre et du ciel. […] Ces architectes convoquaient le peuple sous des forêts ou sous des feuillages de pierre ; leurs masses s’élevaient de terre vers le ciel comme des montagnes de marbre pour y faire descendre un Dieu. […] Toute la paix des steppes où elles vivent est dans leurs yeux ; ils sont bleus comme le ciel, limpides comme la goutte d’eau que la rosée du matin a laissée au fond de la pervenche qu’elles foulent aux pieds ; leur profondeur n’a point d’abîmes comme les yeux humains. […] La Fornarina n’a pas un ovale plus parfait et plus déprimé, un regard à pleine paupière où entre plus de ciel et d’où sorte plus de pensée secrète, une lèvre plus dédaigneuse, une fossette dans la joue plus prête à sourire et à pardonner à l’excès d’ivresse de son fiancé. […] Le ciel pour dôme, la mer vide pour fond, un rocher nu pour y asseoir son poète, quelques pierres roulées du rocher pour y grouper ses auditeurs, voilà tout ; les deux éléments de l’imagination et l’infini, le ciel et la mer, se présentent seuls à l’esprit quand on aperçoit ce tableau : l’âme se concentre sur le groupe.

169. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Les yeux alors voient le ciel ouvert, le cœur nage dans la félicité. […] Le ciel est rouge comme du sang, et cette lueur de pourpre n’est pas celle du jour. […] Malheur à ceux qui prêtent à cet aveugle éternel la torche, la lumière du ciel ! […] Élevée au-dessus de la vie terrestre, elle planera sous la voûte du ciel azuré. […] Sa beauté portait l’empreinte du climat, son esprit avait la flamme de son ciel.

170. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Le ciel m’est témoin que les miens n’ont jamais manqué d’être pleins d’eau15, toutes les fois que je parle de vous. […] Mais enfin ils ont bien renié le Dieu qui a fait le ciel et la terre, pourquoi ne renieraient-ils pas les hommes en qui ils voient reluire, comme en vous, les plus beaux attributs de cet Être puissant ? Tâchez de me rendre service touchant l’ouvrage en question, mais, au nom du ciel, ne vous exposez pas ! […] Adieu : que toutes les bénédictions du ciel soient sur vous ! […] Le ciel en eut pitié, il lui rendit ses tièdes rosées ; puis la bise souffla de nouveau.

171. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Le ciel de l’art et de la poésie se dépeuple. […] Contre la puissance et le Vaisseau de l’Angleterre, par exemple, en 1808, le disciple et l’héritier de Malherbe s’écriait énergiquement Je vois, aux plaines de Neptune, Un vaisseau brillant de beauté, Qui, dans sa superbe fortune, Va d’un pôle à l’autre porté : De voiles au loin ondoyantes, De banderoles éclatantes, Il se couronne dans les airs, Et seul sur l’humide domaine, Avec orgueil il se promène, Et dit : « Je suis le roi des mers. » Mais voici la belle strophe, celle de l’invective et de la menace, tout à fait à la Malherbe, et un peu dans son style légèrement vieilli : Il n’a pas lu dans les étoiles Les malheurs qui vont advenir ; Il n’aperçoit pas que ses voiles Ne savent plus quels airs tenir ; Que le ciel est devenu sombre, Que des vents s’est accru le nombre, Que la mer gronde sourdement, Et que, messager de tempête, L’alcyon passe sur sa tête Avec un long gémissement. […] … À chaque rappel d’un souvenir, il lui dit comme Juliette à Roméo : « Ne pars pas ; non, ce n’est pas l’aurore… » Et dans une suite de couplets, réitérant sa supplication tendre, il lui nomme tour à tour, en manière de refrain, les constellations qui tiennent encore leur place nocturne dans le ciel : « Non, ce n’est, pas l’aurore, l’étoile de Vénus est encore loin. — Non, ce n’est pas l’aurore, près du Cygne rayonne encore Jupiter. — Non, ce n’est pas l’aurore, la constellation de la Lyre est encore au zénith. » Tout ce motif est poétique et charmant. […] Des habitants muets des souterraines rues Les familles, dans l’ombre incessamment accrues, Comme nous s’agitaient sous les rayons du jour, Et ceux qui sous le ciel s’agitent à cette heure Dans la même demeure Prendront place à leur tour. […] Il y a sur ses bords tantôt le paysage sec et aride, tantôt et tout à coup le frais bosquet et l’ombrage comme pour l’Eurotas : et c’est le même ciel bleu.

172. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Son talent semble créé tout exprès pour décrire les lieux, les cités, les monuments, les tableaux, les ciels divers et les paysages. […] Un vrai couplet à mettre en musique par Mozart. — Théophile Gautier a dû à Grenade et à son ciel enchanté des heures de mélancolie, — « d’une mélancolie sereine bien différente de celle du nord. » Le poète plastique, tout occupé de « donner une fête à ses yeux », et leur recommandant de bien saisir chaque forme, chaque contour des tableaux qui se développaient devant eux et qu’ils ne reverraient peut-être plus, s’y révèle avec une vivacité de sentiment et d’émotion qui témoigne d’une organisation particulière. […] Ses belles fleurs jaillissaient avec toute l’ardeur du désir vers la pure lumière du ciel ; ses nobles feuilles, taillées tout exprès par la nature pour couronner la gloire, lavées par la bruine des jets d’eau, étincelaient comme des émeraudes au soleil. […] C’est alors, dans une de ces heures de satisfaction et de naturel orgueil, qu’il put écrire ces vers qu’il a intitulés spirituellement Fatuité (le propre du poète est d’exprimer au vif chaque sentiment qui le traverse et qui fut vrai, ne fut-ce qu’un moment) : Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu. […] Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J’aime, et parfois un ange avec un corps de femme, Le soir, descend du ciel pour dormir sur mon cœur.

173. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. Sur les sommets sublimes, ils se sentent trop près du ciel pour être écrasés par sa grandeur ; baignés dans l’éther calme, nourris de la fraîche rosée des montagnes, entourés de nuages d’or, ils vivent avec les Dieux. […] Sous un ciel clair où les nuages blancs semblent des éclats de marbre, au milieu d’une mer semée d’îles, s’étend ce petit pays, hérissé de montagnes et de rochers sculptés, coupé de ruisseaux, pénétré de golfes sinueux, bordé de côtes anguleuses, de promontoires aux arêtes vives. […] Les problèmes en art, en science, en industrie, en tout ce qui est de la guerre ou de la paix, se posent pour nous tout autrement : nous avons l’étendue, la multitude, l’océan, tous les océans devant nous, des nations vastes, le genre humain tout entier : nous sondons l’infini du ciel ; nous avons la clef des choses, nous avons Descartes, et Newton, et Laplace ; nous avons nos calculs et nos méthodes, nos instruments en tout genre, poudre à canon, lunettes, vapeur, analyse chimique, électricité : Prométhée n’a cessé de marcher et de dérober les dieux.

174. (1890) L’avenir de la science « V »

» Pour nous, quand le temple s’écroule, au lieu de pleurer sur ses ruines, songeons aux temples qui, plus vastes et plus magnifiques, s’élèveront dans l’avenir, jusqu’au jour où, l’idée, enfonçant à tout jamais ces étroites murailles, n’aura plus qu’un seul temple, dont le toit sera le ciel ! […] » Au nom du ciel, si vous possédez le vrai, adressez-vous donc à l’humanité tout entière. […] Anaxagore croit que la voûte du ciel est de pierre et conçoit le soleil et les astres comme des pierres enflammées. Cosmas Indicopleuste imagine le monde comme un coffre oblong ; la terre forme le fond ; aux quatre côtés s’élèvent de fortes murailles, et le ciel forme le couvercle cintré. Les Hébreux supposaient le ciel semblable à un miroir d’airain (Job, XXXVII, 18), soutenu par des colonnes (Job, XXVI, 11); au-dessus sont les eaux supérieures, qui en tombent par des soupapes ou fenêtres munies de barreaux, pour former la pluie (Ps., LXXVIII, 23 ; Gen.

175. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

Les comparaisons avec le passage d’une journée aigre, variable et désagréable de mars à une tiède et chaude matinée de vrai printemps, ou encore d’un ciel gris, froid, où le bleu paraît à peine, à un vrai ciel pur, serein et tout éthéré du Midi, ne rendraient que faiblement l’effet poétique et moral de cette poésie si neuve sur les âmes qu’elle venait charmer et baigner de ses rayons.

176. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Dans les ordres grecs, les voûtes et les cintres suivent parallèlement les arcs du ciel ; de sorte que, sur la tenture grise des nuages ou sur un paysage obscur, ils se perdent dans les fonds ; dans l’ordre gothique, au contraire, les pointes contrastent avec les arrondissements des cieux et les courbures de l’horizon. […] Il n’est aucune ruine d’un effet plus pittoresque que ces débris : sous un ciel nébuleux, au milieu des vents et des tempêtes, au bord de cette mer dont Ossian a chanté les orages, leur architecture gothique a quelque chose de grand et de sombre, comme le Dieu de Sinaï, dont elle perpétue le souvenir.

177. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Ses tempêtes600 sont d’un rendu étonnant : tel sifflement du vent, tel craquement du mât, tel aspect, telle hauteur, telle écume des vagues, telles formations ou fuites de nuages, telle rougeur ou noirceur du ciel, tout est relevé, évalué, déterminé. […] Rousseau voyait le ciel bleu, comme tout le monde : Bernardin de Saint-Pierre y a trouvé du vert, même « sur l’horizon de Paris », par une « belle soirée de l’été ». […] Deux ou trois paysages de l’île Bourbon, deux ou trois états du ciel : rien de plus, et cela suffit.

178. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Je l’aimai de l’amitié qu’on a pour un beau ciel. […] Il se retira « dans sa tour d’ivoire », et là, sur le plus haut degré, l’œil baigné de ciel, il continuait son œuvre ; il écrivait les Destinées, poèmes philosophiques plus graves peut-être encore, plus sévères que les Poèmes antiques et modernes. […] L’occasion est bonne à la critique pour revenir une fois encore sur l’auteur de Moïse , d’Éloa, de la Maison du Berger, de la Mort du Loup et de la Colère de Samson, — poèmes d’une beauté inaltérée, et qui brillent, sous notre ciel littéraire d’aujourd’hui, avec une douce clarté de lointaines étoiles.

179. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Parce que tu apportes, avec un pan du grand ciel bleu, l’âme des bois fleuris et sonores, parce que tu sens trop bon l’air libre dans ces lourdes salles gorgées de parfums artificiels et qu’éclaire uniquement la morte clarté des lampes, tes Maîtres te prendront en haine ; ils t’enseveliront à jamais au plus profond de la cave sans espoir. […] C’est un pays étrange, où règnent le rêve, l’aurore boréale et le ciel étoilé. […] « C’est peut-être traduire à miracle les aspirations d’un cœur néo-chrétien transporté parce que, las du ciel d’or, un vol gris de cigognes s’abattait sur une coupole assez laide. — Mais ce n’est pas un vers.

180. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Ainsi, nous voyons par l’histoire que c’est surtout dans le temps des épidémies et des guerres, lorsque de grandes batailles étaient perdues, lorsque la peste faisait périr les citoyens par milliers, lorsque le peuple croyait voir pendant la nuit un spectre pâle et terrible répandre la désolation sur ses murs ; c’était alors que les prêtres dans les temples et aux pieds des autels, entourés d’un peuple nombreux, élevant tous ensemble leurs mains vers le ciel, composaient et chantaient de nouvelles hymnes. […] Et à l’autre extrémité du globe, l’Indien chante sous son beau ciel : Je te loue, ô toi qui fais croître des moissons de riz dans mes plaines, et qui fais fleurir le citronnier et l’oranger au bord de mes ruisseaux ; tandis que vers les bords de la Russie orientale, un autre peuple sauvage chante auprès de ses volcans : Je t’adore et te loue, ô être puissant et terrible qui habites ces souterrains enflammés, et qui, de là, roules tes feux parmi nos neiges et nos glaces. […] Dans nos climats d’occident, et surtout dans une grande partie de notre Europe moderne, nous avons commencé presque tous par être des espèces de sauvages, enfermés dans des forêts et sous un ciel triste ; ensuite nous avons été tout à la fois corrompus et barbares par des circonstances singulières et des mélanges de nations ; enfin, nous avons fini par être corrompus et polis.

181. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

L’Éternel le nomme Elu, et le ciel Eloa. […] Lorsqu’il naquit, tout un ciel de nuages flottait autour de lui ; Dieu lui-même le souleva dans ses bras, et lui dit en le bénissant : Créature, me voici.

182. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

En approchant de la demeure de mon père, un de mes amis me montra sur la montagne des nuages qui ressemblaient à une grande figure d’homme qui disparaîtrait vers le soir, et il me sembla que le ciel m’offrait ainsi le symbole de la perte que je venais de faire. […] Le style est un reflet brûlant du ciel d’Italie, aperçu par-dessus les cimes des Alpes. […] Les bosquets, les fleurs et les ruisseaux aux poëtes du paganisme ; la solitude des forêts, l’Océan sans bornes, le ciel étoilé peuvent à peine exprimer l’Éternel et l’infini dont l’âme des chrétiens est remplie. […] Aimable et vertueux enfant, que la bénédiction de Dieu t’accompagne sur la terre et dans le ciel. […] Mais bientôt, réprimant mes larmes, j’élèverai vers le ciel mes mains suppliantes, et je me prosternerai devant la volonté de Dieu qui commande à la femme de quitter sa mère et son père pour suivre son époux.

183. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Jadis, dans le tumulte des cités noires et batailleuses, haute en le ciel se tenait l’église cathédrale, lieu mystique et d’asile : là ce sera ce site, cathédral entre les nations, où l’idée aura son culte et son hospitalité. […] Richard Wagner, après une jeunesse adonnée aux erreurs des recherches incertaines, après une maturité féconde d’un progrès continu, entrant dans la sérénité d’une vieillesse vive de conscience, alors tout en le resplendissement des triomphes assurés et en l’expérience des efforts aboutis, parmi le calme d’un élargissement prodigieux de ciel, sous le ciel calme de son Bayreuth, avec la placidité grandiloquente de son âme fortifiée, instituait l’œuvre de longtemps songée ; dès les temps obscurs de ses erreurs, l’apparence était née en lui de cette œuvre du Parsifal, et pendant qu’il peinait en les ambitions de sa Tétralogie, de son Tristan, il suivait lointainement la grandissante image de son œuvre parfaite, enrichie chaque fois et muettement des trésors spirituels nouvellement acquis. […] Puis, le Verwandlungsmusik, une marche longuement graduée d’instruments et d’instruments et de voix, une progression mêlée de placidités et d’efforts souffrants, tantôt d’un calme, tantôt de mystérieuses répulsions prêtes à éclater, une progression tour à tour tranquille et douloureuse vers un auguste et terrible lieu ; et c’est la sérénité argentée des trompettes qui sonnent l’ouverture d’un rite, lorsqu’enfin libérés de contraintes retentissent des cris de renégations ; alors, l’âme souffrante, liée dans le temps et vers le futur sollicitée, l’âme gémit dans l’attache des charnalités vers le pur ciel ; et tandis que s’entraperçoit le ciel, elle gémit encore, sous l’inexpugnable charnalité ; âme religieuse et concupiscente ! […] » Mais dans la concupiscence toujours geint l’âme ; désespérée du ciel, elle appelle un quoi que ce soit qui l’assouvisse : « Lui… lui… le bel idéal de ciel… je l’ai vu, lui… et… j’ai ri… je l’ai dédaigné. […] Klingsor : Je suis le Parsifal de l’autre ciel ; celui que n’a pas entendu la grâce du seigneur d’en-haut, l’entende Onan-et-Lucifer !

184. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Le crime de liberté de pensée n’était plus seulement un crime contre le ciel, c’était un crime contre l’État. […] Les jésuites appropriaient, avec un art consommé, la religion au temps, au pays, aux usages, aux vices même tolérés du prince et du peuple ; ils négociaient, comme des diplomates accrédités à la fois au ciel et sur la terre, entre le Christ et le monde. […] Le paysage, le lieu, le ciel, les réflexions, les peintures, n’existent pas et ne peuvent pas exister pour lui ; ses tableaux ne peuvent avoir ni horizon, ni premier plan ; le spectacle de la nature et les analogies de cette nature avec l’homme lui sont à peu près interdits. […] Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement Le ciel a-t-il conduit ce grand événement ? […] Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble ; Il voit comme un néant tout l’univers ensemble ; Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s’ils n’étaient pas.

185. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Souvent l’âme, fortifiée par la contemplation des choses divines, voudrait déployer ses ailes vers le ciel. […] Jadis tes paroles, tes regards appelaient sur moi tout le ciel ! […] ciel ! […] Des voix du ciel s’écrient Elle est sauvée. […] Le ciel étoilé nous apparaît comme les parois de la divinité ; mais tous les maux et tous les vices des hommes obscurcissent ces feux célestes.

186. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Lancez vos regards plus loin : voyez cette longue chaîne de montagnes du Forez et du Vivarais qui serpente sous un beau ciel bleu vers le midi, chassant sur ses flancs, à mesure qu’elle se déroule, les vapeurs nocturnes comme la proue d’un navire l’écume de l’océan. […] Et, pour te rendre à luy, quand faudroit d’ung prodige, L’attends du ciel en ce commun desroy. […] Rayne, ay comme eulx esté jeunet en guerre ; Et pleust au ciel qu’eust terminé mes jours ! […] Cuydai mes yeulx qu’en plours iroient fondant ; Contre le ciel me surprenoy grondant, Qui m’alleschoit d’ugne perfide amorce : Sentis le cœur jà que m’alloit fendant. […] Ne vous auroit le ciel confié sa vengeance, Si de vos devanciers portant vaine semblance, Vous ne sçaviez jouster qu’en spacieulx tournoys… Aux mains !

187. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Là, il avait pour maîtresse, une grande fille, nommée Esperanza qui l’aimait beaucoup, et qui dans les récréations, s’asseyait sur les marches de l’escalier, lui renversant la tête sur ses genoux, et lui caressant les cheveux, pendant que le petit fouillait de son regard amoureux le bleu profond du ciel. Nittis a eu, dès l’enfance, une sorte de passion pour les ciels, il me parlait un autre jour, des longs temps qu’il passait à regarder les gros nuages blancs de son pays, qui ne sont pas informes, comme ceux de chez nous, mais qui se modèlent dans le ciel, sous d’innombrables facettes. Et aujourd’hui encore, dans le parc Monceaux, il me faisait remarquer, dans une espèce d’ivresse d’admiration, le ton cendré du ciel, ce ton unique et distingué entre tous, et que l’on ne rencontre pas en Italie. […] Le ciel de Paris avec ses bleus délavés, la pierre grise des maisons, l’affiche en ses coloriages, tirant l’œil dans le camaïeu général, c’est merveilleux ; et dans ce tableau encore les figures ont le format qu’il faut au talent du peintre napolitain, le format de grandes taches spirituelles. […] L’on pense les hécatombes de Prussiens, que je faisais du haut du ciel, et dans des circonstances toujours nouvelles.

188. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Plaise au ciel que l’ambition ne trame pas après lui des projets qu’elle n’aurait pas osé concevoir pendant qu’il vivait !  […] Il donna des consolations à Pierre, l’un de ses fils, car ses autres frères n’étaient pas là ; il l’exhorta à supporter avec égalité d’âme la violence de la nécessité ; il lui dit que la protection du ciel, qui n’avait jamais fait défaut au père dans la bonne et la mauvaise fortune, ne manquerait pas à son fils ; qu’il s’évertuât seulement à être un homme de bien et un bon esprit ; que les choses mûries par la réflexion produisaient, dans la pratique, des fruits excellents. […] Par le mouvement de ses lèvres, par ses yeux vers le ciel, par l’agitation de ses doigts, il montrait qu’il en savait par cœur toutes les pensées et tous les mots. […] » Ajouterai-je qu’à la première veille, des nuages ayant tout à coup assombri le ciel, le dôme de cette magnifique basilique, dont la coupole, par son admirable travail, surpasse la plus belle du monde entier, fut frappé d’un tel coup de foudre, que de grandes portions s’en détachèrent, et que des marbres énormes furent ébranlés par une force et un choc horribles, et principalement dans cette partie qui est en vue du palais des Médicis ! […] Ce qu’il ne faut pas oublier non plus, c’est qu’après l’explosion, le ciel reprit aussitôt sa sérénité.

189. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

» L’azur du ciel aussi n’est qu’un trompe-l’œil, cela ne gâte en rien l’allégresse qu’on en reçoit ! […] Il reste toujours à expliquer l’existence, sous la forme d’un dieu comme sous celle du monde. » Albert Samain n’a pas mis son espoir dans le ciel vide. […] Goethe, ouvrant les bras au ciel, attend que l’infini l’aspire. […] C’est le monstre éclos, comme dit Albert Samain : Au ciel supérieur des formes plus subtiles. […] C’est le messager du mystère, l’Archange impénétrable et scellé, entrevu aux bords du ciel ouvert.

190. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

admettre l’avènement miraculeux de l’homme, le produire sans enfance, avec tous les dons de l’âge viril en naissant, pour n’essayer sur lui qu’une leçon de physiologie, développer sa vie matérielle, sans ouvrir son âme et l’inonder de lumière et de joie, sans un rayon du ciel ni un retour vers Dieu ? […] Seulement, sous le ciel de l’Inde, cet hymne antique s’adressait aux forces matérielles de la nature : Agni, ou le dieu du feu ; Siva, ou la puissance destructive. […] Si je monte au ciel, tu es là ; si je me couche dans les abîmes, je t’y trouve près de moi. […] « Je connais tous les oiseaux du ciel ; et tout ce qui rampe sur la terre m’appartient. […] Elle a passé vite sur cette terre, parce qu’elle était du ciel et qu’elle avait hâte d’y revenir.

191. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ainsi, dans une vallée sauvage après Gèdres : À l’occident, un môle perpendiculaire, fendillé comme une vieille ruine, se dresse à pic vers le ciel. […] Les tons menaçants dont il s’habille conviennent au ciel libre, au paysage nu, à la chaleur puissante qui l’environne ; il est vivant comme une plante ; seulement il est d’un autre âge plus sévère et plus fort que celui où nous végétons. […] On n’aperçoit qu’un peuple de montagnes assises sous la coupole embrasée du ciel : elles sont rangées en amphithéâtre, comme un conseil d’êtres immobiles et éternels. […] Les arêtes sont tranchantes et dentelées comme les crêtes des flots soulevés ; ils arrivent de tous côtés, ils se croisent, ils s’entassent, hérissés, innombrables, et la houle de granit monte haut dans le ciel aux quatre coins de l’horizon. […] Mais son monument est sublime, digne du ciel qu’il a pour voûte, et du soleil qu’il a pour flambeau.

192. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Mais, si nous en jugeons par les monuments écrasants de masse et imposants de solidité, par les montagnes des Troglodytes trouées comme des alvéoles de ruches humaines, par les temples de granit d’un seul bloc, par les pyramides, ces Alpes du désert élancées au ciel d’un seul jet, par les canaux creusés à main d’homme comme des lits au plus débordant des fleuves, par ces bassins intérieurs que tout le sable de l’Éthiopie ne suffirait pas à boire et que le percement de l’isthme de Suez s’efforce aujourd’hui de surpasser pour déverser trois mers en une et pour placer trois continents sous la main de l’Europe ; si nous en jugeons, dis-je, par ces gigantesques alphabets de pierre qui couvrent le sol de l’Égypte, sa littérature dut être aussi puissante que son architecture, car tous les arts prennent en général leur niveau dans une civilisation. […] Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Enfin il doit être un homme pieux et rempli de la présence des dieux et du culte de la Providence, car il parle du ciel autant que de la terre. […] Les hautes montagnes du Taurus qui meurent derrière Smyrne, la mer étincelante qui écume dans toutes ses anses, le ciel serein qui encadre les flots, les cimes, les îles, les tièdes haleines qui soufflent de tous les golfes, font de ce beau lieu l’Éden d’une imagination poétique. […] Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin !

193. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Ton Olympe, tu vas le voir du haut du ciel, Tu vas, du haut du vrai, voir l’humaine chimère, Même celle de Job, même celle d’ […] Tu leur prodiguais tes odes nouvelles, Embaumant l’Avril et couleur du ciel. […] Et de la chair vivante à la splendeur du ciel, Dors en paix dans la nuit qui scelle la paupière ! […] Swinburne Pour mettre une couronne au front d’une chanson, Il semblait qu’en passant son pied semât des roses, Et que sa main cueillît comme des fleurs écloses Les étoiles au fond du ciel en floraison.

194. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

C’était le ciel rouvert sur la poésie, la flamme rallumée sur les autels de l’Amour ; la source des larmes si longtemps glacée se remettait à jaillir. […] Peu lui importait que les vents vinssent du sud ou du nord, de l’est ou de l’occident, pourvu qu’ils la fissent vibrer ; peu lui importait qu’ils apportassent l’orage ou qu’ils balayassent le ciel de ses nuages. […] Doué de tous les dons souverains, — beauté, poésie, éloquence, courage, sens profond de l’avenir, et, au-dessus du génie, la bonté, ce génie du cœur, — Lamartine est un des plus nobles êtres qui aient paru sous le ciel de France. […] Ferdinand Brunetière Lorsqu’on reprend ses trois grands recueils : Les Premières et les Nouvelles méditations, puis les Harmonies, on demeure étonné de ce flot ininterrompu de vers grandioses, qui vont, qui passent, avec la facilité, avec l’amplitude, avec la puissance d’un vaste fleuve répandu dans une large plaine, et tour à tour coloré de tous les reflets du ciel, rosé avec l’aurore, bleu avec le midi, pourpre avec le soir, ténébreux sous la taciturne nuit.

195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Il gesticule sous un ciel d’orage, se macérant de souffrance par effroi des splendeurs de la chair, et dans l’œuvre entière du grand Verhaeren, nulle strophe ne déforme ce Faust sculpté grandiose au regard du lecteur. […] Que ce soit dans la campagne flamande ou à Londres, sous le ciel de gel ou sous le ciel empli de cloches, par les plaines ou par les rues, ces soirs propagent leur énigme autoritaire ; ils attardent une ombre perfide où quelque chose qu’on ne sait pas, qu’on n’entend pas, enlace et rampe.

196. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Quand Midi parut, cette pièce, dans laquelle le poète a sonné ses douze coups comme talent et de même que Midi, ne sonnera pas un coup de plus, on s’en allait, citant ses vers trop connus pour qu’on ait besoin de les citer tous : Midi, roi des Étés, épandu dans la plaine, Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu. […] …..Tu sièges auprès de tes ÉGAUX ANTIQUES, Sous tes longs cheveux roux, dans ton ciel chaste et bleu… Voilà ce qu’il est comme chrétien et il n’est pas plus comme philosophe. […] On juge, à le voir rouler en se débattant dans cette vacuité de pensées, dans ce vortex du rien où il meurt, de la solidité d’articulations qui était en lui et qui eût pu l’élever dans l’éther du ciel poétique, s’il avait eu seulement un peu d’âme, — un peu d’âme qui est l’haleine du poète et qui lui permet de monter haut !

197. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

— Oh ciel ! […] Est-ce donc lui, ce pauvre être vaniteux et vantard, qui a fait le ciel et les soleils ? […] Il était absous par la croyance catholique ; il était marqué par elle pour le ciel. […] Il put être vain, il dut être orgueilleux, cet homme si favorisé du ciel ! […] oublie-moi dans le ciel !

198. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Le ciel qui veut ma mort, et qui l’a suspendue, Mon père, en ce moment, m’amène à votre vue. […] Le ciel venge la terre : il est juste, et ma vie Ne peut payer le sang dont ma main s’est rougie.

199. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

Parti des murailles du ciel, un rayon pousse au loin, dans le sein des ombres, une douteuse et tremblante aurore : ici la nature commence, et le chaos se retire. […] Enfin, il aperçoit au loin une haute structure, dont les marches magnifiques s’élèvent jusqu’aux remparts du ciel… Perpendiculairement au pied des degrés mystiques, s’ouvre un passage vers la terre… Satan s’élance sur la dernière marche, et plongeant tout à coup ses regards dans les profondeurs au-dessous de lui, il découvre, avec un immense étonnement, tout l’univers à la fois.

200. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Le Fouzi-yama, en la coloration rouge d’une brique, avec quelques lézardes de neige à l’extrémité de son pic, et se détachant sur un ciel d’un bleu intense tout rayé de nuages blancs stratifiés qui donnent au ciel le caractère d’une plage dont la mer vient de se retirer. […] Des scieurs de bois débitant une énorme solive s’élevant dans le ciel portée sur quatre poutres. […] Un paysage couvert de neige où un poète chinois, monté sur un cheval rouge, se détache sur le blanc de la terre, sur le bleu pâle du ciel. […] Deux grues dans la neige où le pourpre de la tête et le rose des ailes se détachent du triste neutralteinte d’un ciel neigeux. […] Ce serait la mise en scène de la légende de Komati réclamant du ciel la pluie.

201. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Celle-là n’a jamais craint d’escalader les hauteurs difficiles de la religion ; le ciel lui appartient, comme l’enfer, comme la guerre, comme l’Olympe, comme la volupté. […] L’œuvre de Delacroix a été mis en poudre et jeté aux quatre vents du ciel. […] Ainsi ils ouvrent une fenêtre, et tout l’espace compris dans le carré de la fenêtre, arbres, ciel et maison, prend pour eux la valeur d’un poème tout fait. […] Ils ne se nourrissent pas volontiers des ruines, et, sauf un petit nombre d’hommes tels que Fromentin, le ciel et le désert les épouvantent. […] Les uns montrent le ciel, où ils ont sans cesse aspiré ; les autres désignent le sol d’où ils se sont élancés.

202. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Le ciel qui l’aimait lui réserva une femme jeune, charmante et belle pour ses vieux jours, et un ami fidèle après sa mort. […] L’azur du ciel est moins beau que le bleu de tes yeux ; le chant des bengalis moins doux que le son de ta voix. […] Une teinte sombre se répand sur les cœurs, les maisons, le ciel et la terre de l’île. […] L’horizon offrait tous les signes d’une longue tempête ; la mer y paraissait confondue avec le ciel. […] Quand elle recouvrait la connaissance, elle tournait des regards fixes et mornes vers le ciel.

203. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Je suis jeune ; la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu. […] Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J'aime, et parfois un ange avec un corps de femme Le soir descend du ciel pour dormir sur mon cœur.

204. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Le bon larron regarde le ciel avec une confiance fondée sur les paroles de Jesus-Christ, et qui se fait remarquer à travers les douleurs du supplice. […] Dans l’un des côtez du tableau l’on voit des hommes saisis d’une peur mêlée d’étonnement à l’aspect du desordre nouveau, où paroît le ciel, sur lequel leurs regards sont attachez.

205. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Que le ciel soit loué de vous avoir décidé pour aujourd’hui ! […] — Oui, le ciel nous a conservé la santé, monsieur Kobus. […] Le ciel, à droite, vers Hunebourg, était rouge comme une braise, tandis que les coteaux en face, à l’autre bout de l’horizon, passaient des teintes d’azur au violet sombre, et finissaient par disparaître dans l’abîme. […] Fritz, la face épanouie et les yeux au ciel, rêvait à Sûzel. […] Ils n’étaient plus sur la terre, ils se berçaient dans le ciel ; cette musique qui chantait, qui riait, qui célébrait le bonheur, l’enthousiasme, l’amour, semblait avoir été faite pour eux : toute la salle les contemplait, et eux ne voyaient plus qu’eux-mêmes.

206. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

rien n’y manque, m’écriai-je en montrant le ciel et l’astre si doux. » — -« Oh ! […] Ce soir, 31 mai, en descendant du Vésuve à cinq heures et demie, admirable vue du golfe : fines projections des îles sur une mer blanche, sous un ciel un peu voilé ; ineffable beauté ! […] Une vie sobre, un ciel voilé, quelque mortification dans les désirs, une habitude recueillie et solitaire, tout cela me pénètre, m’attendrit et m’incline insensiblement à croire.

207. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

… Eloa, née d’une larme de Jésus-Christ, qui pleura Lazare, est l’ange de la Pitié dans le ciel et elle a compassion du Démon, de ce grand malheureux qui souffre, et elle le préfère, dans son Enfer, par ce qu’il souffre, au Paradis où elle est heureuse et à la splendeur de son Dieu ! […] et sa descente du ciel vers les fascinantes vallées de misère qui l’attirent du fond de la béatitude, et ce Satan, que la fierté du génie de Milton n’a pas fait si terrible que la tendresse de M. de Vigny, car la séduction est plus redoutable pour les cœurs purs que la révolte, ce Satan qui a en lui la beauté attristée, la suavité du mal et de la nuit, l’attrait des coupables mystères : Je suis celui qu’on aime et qu’on ne connaît pas ! […] — toute la perfection et toute la rondeur d’un génie, qui se soutint dans l’outre-mer de son ciel, mais dont l’orbe pur s’échancra… Nulle part, en Europe, ni en Angleterre, où ils avaient Coleridge, ni en Allemagne, où ils avaient eu Klopstock, le peintre aussi de la Pitié chrétienne, il n’y avait un poète de ce rayon de lune sur le gazon bleuâtre, un poète de la tristesse et la chaste langueur du poète d’Eloa.

208. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Je demande au ciel et au monde : Dites, dites, qui l’a réduite ainsi ? […] moi seul je combattrai, je tomberai seul ; et fasse le ciel que pour les cœurs italiens mon sang devienne flamme ! […] Ainsi, dans ce chant à Dante, il peint en traits sanglants la perte des légions italiennes durant la campagne de Russie, ces hommes du Midi ensevelis sous les glaces et, dans leur dernier regard vers leur mère adorée, se disant : « Plût au ciel que ce ne fussent ni les vents, ni les tempêtes, mais le fer qui nous moissonnât, et pour ton bien, ô notre patrie ! […] Le monde ni le ciel n’ont vu choses si belles : De l’un naît tout le bien aux natures mortelles, Et le plus grand plaisir, ici-bas départi, Sur ce vaste océan d’où chaque être est sorti. […] Le monde en rit, n’y voit que démence ou faiblesse, Le monde à qui le ciel fasse paix et vieillesse !

209. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Mais entendons-nous : du ciel considéré au point de vue industriel et sérieux. […] Par une rencontre assez bizarre, il y a, au ciel et dans les livres d’astronomie, une étoile qui porte ce nom. […] Alors, certainement, en levant les bras au ciel, l’étranger s’écriera : « Oh ! […] Né sous le ciel chaud de Cuba, ce qui lui plaît et ce qu’il vous offre, ce sont de farouches floraisons de couleurs. […] C’est par un ciel pareil, tout blanc du vol des cygnes.

210. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Si le ciel m’avait favorisée davantage, au lieu de conseiller seulement, j’eusse pu servir d’exemple. […] Les psaumes de David ne s’élèvent pas jusqu’au ciel dans la traduction de Clément Marot. […] Il en avait déjà donné plusieurs fragments dans sa Bergerie, par la bouche d’un pêcheur regardant le ciel se couvrir de nuages. […] Tu les avois du ciel, ils y ont repris place. […] Quels chants sur ces coteaux d’un ciel ardent brûlés !

211. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse dans l’impression des choses terrestres l’humanité. […] VI Ainsi, prenez pour exemple la nature inanimée, le paysage : voilà une plaine immense cultivée, fertile, couverte d’épis ou de prairie, grenier de l’homme, mais qui n’est ni sillonnée par un fleuve, ni bordée par des collines, ni penchée vers la mer, et dont les horizons monotones se confondent avec le ciel bas et terne qui l’enveloppe. […] Il n’y a peut-être d’autre poésie à recueillir sur cette immense étendue de choses utiles que la plus inutile de toutes ces choses, le vol soudain et effarouché d’une alouette, fouettée du vent, qui s’élève tout à coup de cet océan d’épis jaunes, pour aller chanter on ne sait quel petit hymne de vie dans le ciel et qui redescend après avoir donné cette joie à l’oreille de ses petits, cachés dans le chaume ; le cri strident du grillon qui cuit au soleil sur la terre aride, ou le bruissement sec et métallique des pailles d’épis frôlées par la brise vague les unes contre les autres, et qui interrompent de temps en temps par un ondoiement de mer le silence mélancolique de l’étendue. […] Quand, jeune et déjà mère, autour de mon foyer, J’assemblais tous les biens que le ciel nous prodigue, Qu’à ma porte un figuier laissait tomber sa figue Aux mains de mes garçons qui le faisaient ployer, Une voix s’élevait de mon sein, tendre et vague. […] On l’envoya chez un autre de ses oncles, évêque de Sarlat, qui lui défendit, au nom du ciel, de poursuivre ce dessein téméraire, et le fit rentrer au séminaire de Saint-Sulpice.

212. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Je ne veux qu’y prendre çà et là quelques mots pour donner l’idée de ce qui est partout à l’état de lave et de torrent : Mon ami, je vous aime comme il faut aimer, avec excès, avec folie, transport et désespoir… Mon ami, je n’ai plus d’opium dans la tête ni dans le sang, j’y ai pis que cela, j’y ai ce qui ferait bénir le ciel, chérir la vie, si ce qu’on aime était animé du même mouvement. […] Vous n’êtes pas mon ami, vous ne pouvez pas le devenir : je n’ai aucune sorte de confiance en vous ; vous m’avez fait le mal le plus profond et le plus aigu qui puisse affliger et déchirer une âme honnête : vous me privez, peut-être pour jamais, dans ce moment-ci, de la seule consolation que le ciel accordait aux jours qui me restent à vivre : enfin, que vous dirai-je ? […] « Aimer et souffrir, s’écrie-t-elle en effet, le ciel ou l’enfer, voilà à quoi je me dévouerais, voilà ce que je voudrais sentir ; voilà le climat que je voudrais habiter. » Et elle prend en pitié le climat tempéré où l’on vit, où l’on végète, où l’on agite l’éventail autour d’elle : « Je n’ai connu que le climat de l’enfer, quelquefois celui du ciel. » — « Ah ! […] Tout en admirant une nature capable d’une si forte manière de sentir, on est tenté, en lisant, de supplier le ciel de détourner de nous, et de ce que nous aimons, une telle fatalité invincible, un tel coup de tonnerre.

213. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Dans une telle position, c’est pour moi un grand soulagement d’avoir quelqu’un dans le ciel à qui je puisse adresser mes gémissements pendant la nuit, après que ma femme est couchée. […] Il y avait bien plus loin de l’athéisme de Hegel au déisme, à ce quelqu’un dans le ciel auquel on adresse ses gémissements pendant la nuit, que du déisme au Dieu compatissant de la croix ! […] supérieur peut-être aux martyrs de Dieu par la souffrance ; car les martyrs de Dieu ont l’extase qui les arrache à leurs bourreaux, en leur entr’ouvrant le ciel sur la tête, et qui peut miraculeusement changer leurs brasiers en des lits de roses, tandis que pour ces simples Déchirés de la vie à l’inspiration éternelle, des roses, de la masse de roses qui fleurissent dans leurs esprits et qu’ils sèment pour nous dans leurs œuvres, pas une seule ne tombe sur leur lit de douleur pour en atténuer la flamme, et il reste pour eux impitoyablement un lit de feu… Oui ! […] Henri Heine fut l’oiseau qui chante sur ces ruines, mais du haut du ciel ou du fond de son cœur amoureux et blessé, — ce qui est plus beau que le ciel !

214. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Le torrent des Camaldules grondait dans le fond de son ravin, comme un mouvement convulsif de la terre qui fait mieux goûter l’immobile sérénité du ciel ; les aigles jetaient des cris sur leurs rochers au lever de la lune et de chaque grande étoile qu’ils prenaient pour l’aurore. […] XVIII C’est l’été ; le ciel est pur ; on ne le voit qu’à sa clarté ; il revêt tout de sa lumière, dans laquelle il se noie et se confond lui-même ; l’air, on ne le voit pas non plus, mais on le sent : il est chaud, mais déjà trempé de ces premières moiteurs d’un beau soir qui se mêlent, sur le front, avec la sueur de la journée de l’homme, pour la rafraîchir et pour l’embaumer ; on distingue l’heure, non seulement aux lourdes ombres qui s’allongent derrière les roues du char et derrière les épaules des jeunes filles, mais on la discerne plus visiblement encore aux deux ou trois légers nuages qui flottent très loin dans le ciel et qui se teignent, seulement par le haut, des lueurs répercutées du soleil. […] Le ciel bas et brumeux de Venise en automne, le silence des grèves interrompu seulement par le bruit des pierres de ses quais qui tombent une à une dans l’eau morte de ses lagunes, étaient un site et un séjour admirablement choisis d’instinct pour la conception et pour l’exécution d’une telle œuvre. […] Le mât se dresse dans le ciel ; la vergue, lourde de voile à demi déroulée, se hisse sur le mât ; un matelot, chargé d’un paquet de filets, passe sur la planche et jette son fardeau sur le pont. Au-delà du navire on voit se dérouler une mer terne et indécise entre le calme et la tempête ; le ciel est gris ; un gros nuage noir à gauche renferme des grains sinistres dans ses flancs ; de légers flocons de nuages, détachés et effilés en charpie sur la droite, annoncent que le vent souffle déjà impétueux dans les hautes régions de l’atmosphère, quoiqu’on ne le sente pas encore en bas.

215. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Pour que le souhait du poète fût tout à fait justifié, il faudrait qu’au moment où les feuilles tombent, le ciel fût le plus clair, le plus serein ; mais c’est au contraire quand les feuilles poussent et qu’elles sont le plus épaisses, que le ciel est le plus pur, le plus éclatant, et, quand elles tombent, le ciel est gris, brumeux et rabaissé, un ciel d’hiver, peu bon à voir.

216. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il n’est pas de ceux qui, blessés du trait sacré, jettent au ciel la poussière mêlée dans leur sang, et qui versent avec clameur, comme dit Ballanche, leurs entrailles sur la terre. […] Le Bonheur domestique, la Chaîne d’or, l’élégie du conscrit Daniel qui vient à Paris, et j’en pourrais citer bien d’autres, unissent à une forme parfaite et limpide une sensibilité douce, élevée, saine, qui émeut sans troubler, et qui fait mieux luire le ciel dans une larme. […] Ta jeunesse aima les plus belles choses : L’art, la liberté, fleurs au ciel écloses ! […] dirons-nous devant l’astre d’or : L’esprit monte au ciel et l’âme décline.

217. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Après tout, ôtez le ciel d’Italie et le costume de Procida, ce n’est qu’une aventure de grisette, embellie et idéalisée par l’artiste, élevée après coup aux proportions de la beauté, mais une de ces aventures qui ne laissent que trop peu de traces dans la vie, et qui ne se retrouvent que plus tard dans les lointains de la pensée, quand le poète ou le peintre sent le besoin d’y chercher des sujets d’élégie ou de tableau. […] Jamais Elvire, en montrant le soleil couchant à son ami, a-t-elle pu lui dire : « Vois-tu le disque à moitié plongé derrière ces sapins qui ressemblent à des cils de la paupière du ciel ?  […] Et encore : Il y avait dans nos âmes assez de vie et assez d’amour pour animer toute cette nature, eaux, ciel, terre, rochers, arbres, cèdre et hysope, et pour leur faire rendre des soupirs, des ardeurs, des étreintes, des voix, des cris, des parfums, des flammes, etc., etc. […] À défaut de nom, je l’appelais en moi-même mystère : je lui rendais sous ce nom un culte qui tenait de la terre par la tendresse, de l’extase par l’enthousiasme, de la réalité par la présence, et du ciel par l’adoration.

218. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

L’hôtellerie est loin, et le ciel est chargé. […] Tels qu’un rayon de mai, tous ces trésors ont fui ; Les heures de santé sont rares aujourd’hui ;     Il a neigé sur la montagne ; Mais j’ai, pour me charmer, ma lyre, don du ciel ; J’ai l’amitié, ce vase aux flots d’or et de miel ;     Mais j’ai la mer et ma Bretagne.

219. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

Or rien n’est moins étonnant que le châtiment d’un homme qui par ses crimes irrite le ciel et la terre. […] Il ne lui arrive rien dans la catastrophe que nous ne lui aïons souhaité plusieurs fois durant le cours de la piece, et nous applaudissons alors au ciel qui justifie enfin sa lenteur à punir.

220. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Première journée (1865). Les soucis du pouvoir » pp. 215-224

Ils peuvent contempler, vingt-quatre heures par jour, les blancs minarets qui se découpent splendidement sur l’azur d’un ciel de lapis, sans que nulle préoccupation dérange leurs contemplations… Et ils ne sont pas contents ! […] Soit lointaine, soit voisine, Espagnole ou sarrasine, Il n’est pas une cité Qui se vante sans berlue D’tomber Molinchard l’Élue Pour le chic et la beauté, Et qui, gracieuse, amasse Plus d’enchanteresse crasse Sous un ciel plus enchanté !

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