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590. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste. […] La force ou la volonté fit défaut pour l’achèvement : la cathédrale des rois, au sein de la capitale et jusque dans sa grandeur, est restée découronnée.

591. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites. […] On m’assure que par suite d’une volonté dernière ils ne seront publiés que dans dix ans.

592. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Par l’art seul, l’intelligence et la volonté saisissent leurs objets qui, partout ailleurs, leur échappent : dans l’art seulement, l’homme peut connaître et créer ; hors de l’art, il n’y a qu’illusion et impuissance. […] Ce sont des corps, mais aussi des esprits et des âmes dont il parle : il ne se prononce pas sur la cause des phénomènes, mais il lui suffit que tout le monde s’entende sur les ordres de faits désignés par les noms d’idées, désirs, affections, volontés.

593. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

France, de savoir s’associer mieux que par instinct aux modes logiques de l’esprit, de participer nettement au surmoulage du créé imaginaire, d’être aussi coopérant qu’efficace en aidant la volonté à sanctionner les suggestions despotiques de l’un, à laisser s’opérer sans violence le transformisme normal de l’autre. […] Mais il est évident que l’esprit a sa manière, opportune et logique, alors que l’habitude et un certain pouvoir de concentration l’arment de la volonté et du goût de l’entreprise idéale, — et qu’il a dès lors ses maîtrises.

594. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Il exhortait et fortifiait de son mieux la pauvre âme en peine, que Bossuet soutenait et excitait de son côté : J’ai vu M. de Condom (Bossuet), et lui ai ouvert mon cœur, écrivait Mme de La Vallière au maréchal (21 novembre 1673) : il admire la grande miséricorde de Dieu sur moi, et me presse d’exécuter sur-le-champ sa sainte volonté ; il est même persuadé que je le ferai plus tôt que je ne crois. […] En entrant, elle se jeta aux genoux de la supérieure, en lui disant : « Ma mère, j’ai toujours fait un si mauvais usage de ma volonté, que je viens la remettre entre vos mains. » Sans attendre la fin de son noviciat, et le jour même de son entrée dans le cloître, elle fit couper ses cheveux, « autrefois l’admiration de tous ceux qui ont parlé de sa personne ».

595. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Lorsque nous sommes dans sa main, et que notre volonté est soumise à la sienne, nos inquiétudes cessent… Il n’y a point d’asile plus sûr pour l’homme, que l’amour et la crainte de Dieu. […] La voici, telle qu’on la trouve à la fin de la Vie de l’abbé de Rancé, par Marsollier : « Les choses sont en repos lorsqu’elles sont dans leur place et dans leur situation naturelle ; celle de notre cœur est le cœur de Dieu, et lorsque nous sommes dans sa main et que notre volonté est soumise à la sienne, il faut par nécessité que nos inquiétudes cessent, que ses agitations soient fixées, et qu’elle se trouve dans une paix entière et dans une tranquillité parfaite. » 27.

596. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

La nature ayant formé cette âme et ce personnage héroïque du Grand Condé, il semble qu’il ne lui était pas resté assez d’étoffe pour faire un grand homme ni même un bel homme : il en était résulté ce prince chétif, rachitique, spirituel, muable de volonté, capricieux avec violence, qui n’avait que des éclairs en tout, en amour, en valeur, en religion, et qui fut toujours dominé par ses entours. À l’époque où Cosnac le connut d’abord, Mme de Longueville disposait de son frère à sa volonté ; elle excitait ou apaisait d’un mot sa colère et réveillait son affection, qui n’était pas celle d’un frère pour une sœur, mais bien d’un amant jaloux et soumis pour une impérieuse maîtresse.

597. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Seule, elle dira le pourquoi et le comment de cette œuvre, de cette volonté devenue fait. […] Le livre qui racontera l’histoire de ces femmes montrera comment la maîtresse, sortie du haut, du milieu ou du bas de la société, comment la femme avec son sexe et sa nature, ses vanités, ses illusions, ses engouements, ses faiblesses, ses petitesses, ses fragilités, ses tyrannies et ses caprices, a tué la royauté en compromettant la volonté ou en avilissant la personne du Roi.

598. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

— B…, toujours traité en enfant gâté, dont la volonté et les caprices sont des ordres, ne quittait guère le foyer paternel, où il prenait des habitudes d’oisiveté et de paresse. — N’ayant eu pour le soutenir ni l’affection, ni les conseils de sa mère ; mal surveillé, mal dirigé par un père trop faible qui, toujours en admiration devant son fils, lui passait tous ses caprices, excusait toutes ses fantaisies, à dix-huit ans B… était sceptique et frondeur, ne croyant ni à Dieu ni à diable. — Il était homme à ne reculer devant rien, à n’être arrêté par aucun scrupule. — Aveuglé par son amour paternel, C… ne suivit pas les progrès incessants du mal, cette gangrène morale qui s’empare du cerveau d’abord pour descendre ensuite au cœur. — Il faut que jeunesse se passe. » Voilà le genre. […] Cette méthode est difficile à concilier avec la sensibilité esthétique, et nul, qui aime l’art, ne peut répondre qu’il n’en déviera jamais, l’ayant adoptée : on en laisse le choix aux volontés, selon leurs tendances.

599. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Il pourra prendre l’un pour l’autre à sa volonté, justifier ses passions par ses opinions, et lorsqu’on voudra le condamner au nom d’une règle reconnue par tous, il pourra toujours répondre que chacun est maître de sa manière de voir. […] A n’en pas douter, il y a là tous les caractères d’un fait inévitable que les impies peuvent considérer comme le résultat des lois implacables du destin, mais où l’on peut tout aussi bien voir le signe d’une volonté providentielle.

600. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Hugo, l’Immortel de volonté poétique sur la tombe de la poésie morte, — personne n’a conduit la langue française et la langue poétique aussi loin que M.  […] Seulement c’est assez comme cela de volonté, d’énergie appliquée, de matérialité brillante !

601. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Mais il est aussi évident que cet obscurcissement de la conscience suprême et de sa volonté n’est que purement transitoire, sa durée correspondant à la violence et à la fréquence du coïtus. […] Il y a des volontés d’une telle puissance qu’elles semblent parfois plier l’individu à de véritables tours de force ; mais lorsque la tension est trop violente, l’être mental se brise soudain, et c’est le spectacle auquel nous assistons parfois.

602. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Ainsi, si nous soumettons notre volonté à celle de Dieu, c’est par un effet de la miséricorde de Dieu, c’est-à-dire encore par la volonté de Dieu. Et cependant, nous restons, paraît-il, maîtres de notre volonté. […] Tandis qu’il paraît douter de la liberté humaine, le janséniste n’en montre pas moins une volonté indomptable. […] Il me semble que nous touchons le fond de l’âme de Port-Royal dans cette volonté de communiquer directement avec Dieu. […] Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant sa volonté ne consent au crime.

603. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Monstruosité qu’avait su éviter la sage monarchie française, dans sa volonté de « toujours raison garder ». […] Je ne dis pas de la volonté publique, parce que, pour vouloir, il faut concevoir. […] La volonté est la seconde phase, et la plus intéressante, de l’intelligence. […] Il est encore le poison le plus subtil de la volonté, de l’énergie en général, et de la résistance aux passions, destructrices du bonheur ici-bas. […] La volonté peut modifier les phénomènes héréditaires, en agissant sur les images intérieures.

604. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

N’allons donc pas à l’encontre de sa sainte volonté. […] Visage et volonté d’outre-mer. […] On l’autorisa, le 29 janvier 1876, à ouvrir ces cartons du quai d’Orsay où dorment, dans un calme rarement troublé, tant de desseins conçus par des volontés hardies. […] Fréquenter Richelieu, c’est prendre des leçons de volonté. […] On verra que le mérite et le bonheur ne suffisent pas ; mais qu’il faut aussi, et par-dessus tout, une énorme dépense de volonté et de persévérance.

605. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté existe en nous comme le principe de la vie, sans être l’effet de notre propre volonté ; elle semble un don du ciel comme toutes les facultés, elle agit sans se connaître, et ce n’est que par la comparaison qu’elle apprend sa propre valeur.

606. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Je ne nommerai que Gresset, chez qui point déjà un air de rêverie mélancolique étouffé sous la volonté de rire, et Piron, l’intarissable, gaillard et drolatique Piron, qui n’a jamais rien dit de plus plaisant que les mots de bonne foi où il se mettait sans rire au-dessus de Voltaire.

607. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Et aussi : — Donne-moi le loisir de converser avec Dieu et je te ferai connaître plus en détail sa volonté, qui est que tu sois grand.

608. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.

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