Ce sentiment plus vif de la solidarité a réagi en particulier sur les études historiques et sur la manière dont on appréciait le passé. […] Pour l’auteur de la Palingénésie, cette idée était l’objet des plus anciennes préoccupations et des plus vives espérances. […] L’esprit de l’artiste, malgré le sentiment très vif des plus minces particularités de la forme, est un esprit essentiellement généralisateur. […] Dans ce travail intellectuel qui consiste à façonner et à joindre ensemble l’élément rationnel et la forme sensible, l’artiste doit appeler à son aide, à la fois, une raison active et fortement éveillée et une sensibilité vive et profonde. […] Toutes les images sont vives, tous les contours sont harmonieux et purs.
Encore est-il bon de sentir et de penser avant d’écrire ; il faut une source pleine d’idées vives et de passions franches pour faire un vrai poëte, et à le voir de près on trouve qu’en lui, jusqu’à la personne, tout est étriqué ou artificiel ; c’est un nabot, haut de quatre pieds, tortu, bossu, maigre, valétudinaire, et qui arrivé à l’âge mûr ne semble plus capable de vivre. […] Dans ma politique, ma grande préoccupation est de conserver la paix de ma vie sous quelque gouvernement que je vive ; dans ma religion, de conserver la paix de ma conscience, quelle que soit l’Église dont je fasse partie1104. » De pareilles convictions ne tourmentent pas un homme. […] Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, — sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, — le vert si vif que déploie son plumage luisant, — ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, — et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, — voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; — formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, — corps fluides à demi dissous dans la lumière, — vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, — légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, — trempés dans les plus riches teintes du ciel, — où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, — où chaque rayon jette des couleurs passagères, — couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] Un vif sentiment du paysage écossais, si grand, si froid, si morne, la pluie sur la colline, le bouleau qui tremble au vent, la brume au ciel et le vague de l’âme, en sorte que chaque rêveur retrouvait là les émotions de ses promenades solitaires et de ses tristesses philosophiques ; des exploits et des générosités chevaleresques, des héros qui vont seuls combattre une armée, des vierges fidèles qui meurent sur la tombe de leur fiancé, un style passionné, coloré, qui affecte d’être abrupt, et qui pourtant est poli, capable de charmer un disciple de Rousseau par sa chaleur et son élégance : il y avait de quoi transporter les jeunes enthousiastes du temps, barbares civilisés, amateurs lettrés de la nature, qui rêvaient aux délices de la vie sauvage en secouant la poudre que le perruquier avait laissée sur leur habit.
À ce discours, André Cellini se mit en colère, car il était un peu vif ; mais, fort peu de jours après, il consentit au mariage. […] La querelle fut assez vive, car Firenzola était un ferrailleur ; mais j’avais pour moi la justice, appuyée par mon courage. […] Sur-le-champ tout le monde se mit à crier en éclatant de rire, et le fier Michel-Ange demanda la permission de me donner une pénitence ; ce qui lui étant accordé, il dit à haute voix : Vive Benvenuto ! vive Benvenuto !
« Ensuite, la tragédie peut paraître supérieure en ce qu’elle a tout ce qu’a l’épopée, dont elle emprunte même le vers, si elle le veut, et qu’elle a en outre, ce qui n’est pas un petit avantage, la musique et le spectacle, qui contribuent manifestement à procurer de vifs plaisirs. […] Si l’âme est le principe des êtres vivants, il faut l’étudier dans les êtres vivants ; l’homme apparemment n’est pas le seul être qui vive, le seul être animé et organisé. […] — « Ce que je vous ai toujours recommandé, Criton ; rien de plus ; ayez soin de vous ; ainsi, vous me rendrez service à moi, à ma famille, à vous-même, alors même que vous ne me promettriez rien présentement ; au lieu que si vous vous négligez vous-même, et si vous ne voulez pas suivre, comme à la trace, ce que nous venons de dire, ce que nous avons dit il y a longtemps, me fissiez-vous aujourd’hui les promesses les plus vives, tout cela ne servira pas à grand-chose. […] Il faut avoir plus de courage, et dire que c’est mon corps que tu enterres ; et enterre-le comme il te plaira, et de la manière qui te paraîtra la plus conforme aux lois7. » Sous l’impression d’exemples si frappants, devant de si vives leçons, dont la vérité d’ailleurs pouvait être à tout instant contrôlée par l’observation même des faits, on comprend sans peine que la distinction de l’âme et du corps dut apparaître à Platon comme une sorte d’axiome incontestable.
Il était aujourd’hui très vif et très bien portant. […] Nous devons, suivant nos talents, nos penchants, notre situation, développer chez nous, fortifier, rendre plus générale la civilisation, former les esprits, et surtout dans les classes élevées, pour que notre nation, bien loin de rester en arrière, précède tous les autres peuples, pour que son âme ne languisse pas, mais reste toujours vive et active, pour que notre race ne tombe pas dans l’abattement et dans le découragement, et soit capable de toutes les grandes actions quand brillera le jour de la gloire. — Mais, pour le moment, il ne s’agit ni de l’avenir, ni de nos vœux, ni de nos espérances, ni de notre foi, ni des destinées réservées à notre patrie ; nous parlons du présent, et des circonstances au milieu desquelles paraît votre journal. […] « Ce ne sont que des souffrances, dit-il ; il n’y a pas de danger. » Le matin, ces souffrances, toujours plus vives, le chassèrent de son lit ; il se mit sur un fauteuil ; ses dents claquaient de froid. […] La paix se fait ; il profite de ses loisirs pour voyager en Suisse et en Italie, sur cette terre où les orangers fleurissent ; il y enrichit son cœur et son imagination des plus chères et des plus vives images.
Et je vous prie, en finissant, d’être persuadés que j’ai la plus vive affection pour cette grosse mère-la-joie qui fut à certaines minutes, je le crois, une mère de douleur. […] Ce fut là une de ses plaies vives. […] C’est dans ses récits en prose non rimée que je goûte avec le plus de sécurité la sensibilité vive et franche de M. […] Mais, au surplus, le conciliant félin nous a appris que le mysticisme se pouvait allier, très naturellement, à la plus vive gaillardise et à la sensualité la plus grecque.
Déjà une brûlure vive dans mon pied, qui provoque par action réflexe une contraction énergique de la jambe, est beaucoup plus féconde pratiquement et, par cela même, plus cognitive. […] Ce n’est pas tout ; ce qui achève le concept général, c’est le sentiment de la similitude qui relie l’image vive et actuelle à toutes les images faibles, semi-virtuelles, de telle sorte que l’image d’homme ou le mot d’homme peut être pris comme signe représentatif de toute cette multitude. […] Ce sentiment n’est autre, en dernière analyse, que le sentiment de la similitude, lié à une exertion de mouvements semblables qui, avant d’être exécutés et réalisés pleinement, sont sentis à l’état naissant et comme dans leur source vive. […] Binet lui répond qu’il est deux heures de l’après-midi, quoiqu’il soit en réalité neuf heures du matin ; aussitôt la malade ressent la faim la plus vive.
Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?) […] Le Paris de la fin du règne de Louis XV y est peint d’une couleur très vive. […] Paul Féval n’a point l’épique de Walter Scott, qui est épique jusque dans sa gaîté ; mais il a, dans la sienne, des soudainetés, des jaillissements, des étincelles, du vif argent et du phosphore que n’a point le vieux Walter Scott, dont le comique est profond et rassis. […] Vous trouverez que l’auteur de cette introduction, d’une verve si étonnante, a aussi la gaîté qui vibrait en Beaumarchais avec de si vives résonnances, avec de si prestes éclairs !
Je ne sais pourquoi l’on a dit que ces Mémoires de Sully en eux-mêmes « n’avaient aucune valeur littéraire » ; il ne s’agit, pour en saisir les parties vives et qui peignent, que d’en écarter un peu l’attirail, le manteau des scribes et leurs génuflexions. […] Il y a des moments, dès les premières années, où il est en altercation assez vive avec Henri, et où la colère du prince qui est prompte rencontre l’humeur de Rosny qui n’est pas endurante.
Il eut là un moment de pureté encore, d’enthousiasme, mais aussi d’effort sur lui-même, qui lui laissa un vif et parfait souvenir : Je restai donc enthousiaste, dit-il. […] Il a confessé ce sentiment avec une vive énergie ; c’est au moment où, ses études de droit terminées, et se sentant homme déjà, il rentre dans sa famille et s’y retrouve traité un peu en enfant : Sans existence propre, dit-il, je vis que, quelle que fût la tendresse de mon père pour moi, je ne paraîtrais jamais, ou du moins de longtemps, dans les sociétés qui pouvaient un peu fixer mon ambition, que sous l’ombre de ce même père qui m’y présentait.
Le christianisme, en effet (c’est là son innovation morale), a inculqué aux hommes un sentiment plus vif et plus absolu de la vérité. […] Malgré ce léger apprêt, toute cette correspondance ne laisse pas d’être d’un doux et assez vif agrément.
jamais je n’aurai eu un plaisir plus vif que de m’entendre réciter mot pour mot. […] Tant de talents soutenus ou plutôt rendus utiles par des qualités plus précieuses encore, par la douceur de vos mœurs, par la sûreté de votre commerce, par la conciliation que vous apportez aux affaires, par la pénétration aussi vive que réfléchie dont vous les démêlez, par l’attention que vous avez et qui est si nécessaire, en persuadant les autres, de leur laisser croire que vous ne pensez que d’après eux ; enfin par tout ce qui réconcilie les hommes de mérite avec ceux qui pourraient en être jaloux : voilà ce qui fait souhaiter de vous avoir pour confrère, et, si j’ose parler de moi, voilà ce qui rend votre amitié si désirable.
Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant. […] Mais La Beaumelle prétend faire bien autre chose : il ne corrige pas seulement les phrases de Frédéric, il ne leur donne pas seulement (chaque fois que l’envie lui en prend) un tour plus vif, une frisure, un coup de peigne ; il y intercale du sien, il y mêle ses idées, il y fait entrer, sous le pavillon du roi, ses propres commentaires.
C’est précisément tout ce que la France de la Révolution, la France de 89 avait à abattre, en dégageant et achevant les parties nettes et vives de l’Ancien Régime, et en y versant l’esprit d’égalité, l’esprit de bon sens et de droit commun opposé au principe monarchique du droit divin : et c’est ce qu’elle a fait à l’Assemblée constituante avec grandeur et quelque inexpérience, ce qu’avertie et mûrie elle a refait ensuite sous le Consulat avec précision et perfection, sous l’œil d’un génie, mais à l’aide des hommes modernes issus de l’ancien régime. […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas.
Son esprit vif, aiguisé, subtil, sa fermeté et son élévation de caractère, un certain art suivi de serrer les liens et de rattacher sans cesse les relations de société à des convictions et à des espérances d’un ordre supérieur, créèrent son ascendant sur tout ce qui l’entourait et l’approchait : son influence peu à peu s’organisa. […] Aucuns des grands sujets n’y sont interdits, mais la liberté sur tous est entière, car si une fois la conclusion était commandée, s’il y avait d’avance une orthodoxie politique ou religieuse, un Credo ou un veto, un nec plus ultra, c’en serait fait de la libre et charmante variété de la parole, qui va comme elle peut et qui trouve dans le feu de la contradiction ses plus vives saillies, son ivresse involontaire.
Horace Walpole, dans la description des fêtes qu’il donna à sa résidence de Strawberry-Hill en l’honneur de Mme de Boufflers, nous la montre fort agréable, mais arrivant fatiguée, excédée de tout ce qu’elle avait eu à voir et à faire la veille : « Elle est arrivée ici aujourd’hui (17 mai 1763) à un grand déjeuner que j’offrais pour elle, avec les yeux enfoncés d’un pied dans la tête, les bras ballants, et ayant à peine la force de porter son sac à ouvrage. » En fait de Français, Duclos était de la fête, lui « plus brusque que vif, plus impétueux qu’agréable », et M. et Mme d’Usson, cette dernière solidement bâtie à la hollandaise et ayant les muscles plus à l’épreuve des plaisirs que Mme de Boufflers, mais ne sachant pas un mot d’anglais. […] Sa mort plongea Mme de Boufflers dans la plus vive et la plus profonde affliction.
Et, sans aller si loin chercher des exemples, vous tous qui avez connu des gens gais qui ne sont plus, vous le savez bien, que le plus vif et le plus fin de la gaîté ne se transmet pas et s’évapore : comment donner idée de Désaugiers à ceux qui ne l’ont qu’entrevu ? […] Très-bourgeois en tout, Collé s’était pris, sur le tard, d’une vive amitié pour un petit cousin qui était surnuméraire dans les fermes, et c’est à ce jeune homme, pour le former au monde et aussi le pousser dans sa carrière, qu’il adresse, au nom de sa femme et au sien, de longs et minutieux conseils.
Il vous est impossible de lutter de vive force contre vos ennemis ; il vous est impossible d’être secourus ! […] Camille Rousset explique fort bien sans doute les hésitations de Catinat par une erreur de plume et un malentendu de rédaction dans l’une des dépêches qu’il reçut ; mais un autre que Catinat, saisissant plus hardiment l’esprit de son rôle et s’en pénétrant plus au vif, serait allé de l’avant sans tant marchander.
Autant les lettres de Tessé racontant ses visites clandestines à Turin, ses conversations avec le duc et avec son ministre, sont gaies, vives, amusantes, cachant le sérieux sous le badin85, autant la correspondance de Catinat qui prêche misère, qui ne parle que vivres, rations, farines, mulets, caissons et charrettes, est sèche, ingrate, toute spéciale et monotone. […] Saint-Simon enfin, le grand peintre, — et aussi grand par là qu’il est hasardé en ses anecdotes, — a achevé de le fixer au vif dans la mémoire, quand il a dit à l’occasion de sa mort (22 février 1712) : « J’ai si souvent parlé du maréchal Catinat, de sa vertu, de sa sagesse, de sa modestie, de son désintéressement, de la supériorité si rare de ses sentiments, de ses grandes parties de capitaine, qu’il ne me reste plus à dire que sa mort dans un âge très-avancé [74 ans], sans avoir été marié, ni avoir acquis aucunes richesses, dans sa petite maison de Saint-Gratien, près Saint-Denis, où il s’était retiré, d’où il ne sortait plus depuis quelques années, et où il ne voulait presque plus recevoir personne.