/ 2577
498. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Il ne manque là qu’une vieille. […] Au centre de la toile et du tableau, une vieille, le dos courbé, le visage allumé de colère, les poings sur les côtés, gourmandant sa fille étendue sur une botte de paille qu’elle partage avec un jeune paysan, pauvre lit que je troquerais bien pour le mien, car la fille est jolie ; elle n’y gagnerait pas. […] Je suis révolté de la bassesse de cette vieille, de ces bottes de paille, de cette écurie et de cette élégante et de cet élégant qui la caresse.

499. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Avisée comme un vieux diplomate et prudente comme un vieux médecin, l’Académie ne se compromettait point par un démenti direct donné aux idées contemporaines qu’elle eût fait affoler davantage, et elle n’en mettait pas moins tout doucement les compresses de glace de l’Histoire sur la tête de la Philosophie, pour la guérir de la fièvre cérébrale qui la dévorait. […] Secouée un moment de sa torpeur héréditaire par les événements de 1848 et 1849, cette vieille éclectique, qui avait compris qu’avec de l’éclectisme, aux jours de péril, on ne défendait pas grand-chose, a senti son éclectisme lui revenir à l’esprit et lui énerver le cœur dès que le péril a cessé.

500. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

En attendant qu’il entre de plain-pied chez eux, il écrit pour eux, et si ces vieux Jacobs avaient des entrailles il devrait être leur Benjamin… Dans son respect superstitieux pour ces vénérables, il avait publié avant son Être social un livre du Mariage, auquel les Pères conscrits de l’Académie des sciences morales et politiques avaient accordé une mention honorable et dont il s’honore. […] Armand Hayem, sans cesser d’être lui-même, et avec une habileté volontaire ou involontaire, avait étamé un miroir de la plus belle eau dans lequel messieurs des Sciences morales et politiques auraient pu se reconnaître, et dans lequel pourtant ces vieux Narcisses, à la vue trop basse, ne se sont pas reconnus. […] L’Asie même, cette vieille momie égyptienne de l’Asie, pourrait se réveiller, nous dit-il (page 166 de son livre).

501. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Poulet-Malassis, connu déjà, du reste, comme éditeur, débute dans l’édition de fantaisie, vaut-il littérairement la distinction qui en est faite et mérite-t-il vraiment cette remise en honneur d’un genre pimpant et hardi, que les vieux routiers de la vulgarité appelleront peut-être une témérité de jeune homme ? […] nous aimions mieux les vieux concetti ! […] C’est cette école qui, pour faire plus spectacle, a mis la poésie lyrique sur le théâtre et le théâtre dans la poésie lyrique, et a développé depuis vingt-cinq ans en nous tous, gens de vieille société ennuyée, cet amour que les peuples de civilisation excessive, à la veille de leurs décadences, ont toujours eu pour leurs histrions.

502. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

………………………………………… Et encore : Notre jeunesse est enterrée Au fond du vieux calendrier, Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre Des beaux jours qu’il a contenus Qu’un souvenir pourra noua rendre La clef des paradis perdus. Un souvenir qui fouille la cendre d’un vieux calendrier pour y retrouver la clef des paradis, dans ce vieux calendrier !

503. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Excepté l’enjambement renouvelé de Ronsard, des vieux tours duquel on avait tiré une poétique, on ne trouvait pas dans le livre de M.  […] Fille du Moyen Age, la Ballade, comme la Légende dont elle est la seconde épreuve, ne peut être abordée que par un poète qui a encore de l’esprit du Moyen Age dans la pensée et de sa vieille foi dans la poitrine. […] Le poète légendaire doit tenir de la nourrice, de la vieille fileuse, du mendiant, ces trois immenses poètes sans le savoir, venus en pleine terre de toute civilisation imparfaite.

504. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Levallois a été froid comme un vieux juge de sa province. […] Et quand on y réfléchit, tant mieux peut-être, après tout, que le vieux portrait ait gardé sa fumée et que M.  […] Levallois n’est point de ressusciter un phénix tiré d’un autre phénix qui a brillé et qui brille encore aux yeux des hommes, mais de nous ramener au vieux Corneille, à ce phénix dont la jalousie de Voltaire avait coupé les ailes, et de nous en faire admirer les beautés depuis longtemps inaperçues.

505. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Un jour la tempête, l’avalanche, l’orage, toutes ces vieilles choses classiques décrites vingt fois, et que M.  […] C’est du détritus littéraire tel qu’il en tombe depuis trente ans de cette littérature qui s’écaille comme un vieux tableau, et dont il ne restera pas dans vingt ans un atome que le vent ait la peine d’enlever. […] C’est plus vieux, cela, que l’émigration polonaise.

506. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Et toi, si éclairée sur tout autre point, tu croirais vraiment à ce vieux préjugé ? […] J’admets que le père Moriceau tourne subitement comme une vieille girouette. […] Survient heureusement son ami, le vieux régisseur, qui lui épargne la peine de se rater. […] C’est ensuite un monsieur qui présente à un vieux général son fils, élève de Saint-Cyr. Le vieux brave promet de recommander le jeune homme. « Tu vois ?

507. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

« Toujours la vieille même histoire ! dit-il ; toujours le vieux sol marin ! […] Tout cela passe, et s’en va, car moi aussi je ne suis plus aujourd’hui celui que j’étais alors ; mais pour cette vieille terre, elle tient bon, et l’air, l’eau, le sol, tout cela est resté comme autrefois ! […] Pendant une demi-journée, je me donnai avec lui beaucoup de peine, mais il ne voulut rien prendre de moi ; je le mis alors avec un vieux linot, bon chanteur, que j’avais déjà en cage depuis des années, et qui était suspendu à ma fenêtre, en dehors. Je me disais : En voyant manger son compagnon, le petit l’imitera. » Ce n’est pas là ce qu’il fit ; il tourna son bec ouvert vers le vieux linot, l’implorant par de petits cris et battant des ailes ; le vieux linot eut alors pitié de lui, et il lui donna la becquée comme à son propre enfant. — Une autre fois on m’apporta une fauvette déjà grise et trois jeunes ; je les mis ensemble dans une grande cage ; la vieille nourrissait les jeunes.

508. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Défié par le formidable génie saxon, qui l’attirait et faisait pétiller son vieux sang normand, il prit corps à corps le terrible texte de Shakespeare, et il y trouva un Hastings… en sens inverse. […] C’est peut-être quand il fut vieux. […] J’aime mieux le mien, le vieux Shakespeare. […] Eh bien, encore cela, je ne l’accepte pas pour le compte du vrai et du vieux Shakespeare ! […] C’est toujours le compagnon joyeux, familier et taquin du vieux Falstaff !

509. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Mme de Créqui, née au commencement du xviiie  siècle, pouvait-elle, en parlant de je ne sais quelle cérémonie monastique dont elle avait été témoin dans son enfance, ajouter ce trait classique plus convenable chez une lectrice de La Gazette : « Je n’ai rien vu dans les nouveaux romans qui fut aussi romantique que cette scène nocturne et qui fût aussi pittoresque surtout. » Pouvait-elle, en citant une complainte du vieux temps qui se serait chantée au berceau de son petits-fils, dire à ce dernier : « Vous vous rappellerez peut-être, en lisant ceci, que Mlle Dupont, votre berceuse, vous chantait précisément la même complainte, et qu’elle en usait toujours de la sorte, en guise de somnifère et pour le service de votre clinique. » On rencontre à chaque pas de ces anachronismes évidents de couleur et de langage, et qui donneraient droit de conclure avec certitude que, quand même il y aurait eu un fonds primitif d’anciens papiers, d’anciens récits, l’éditeur les avait retouchés et arrangés à la moderne. […] Je ferai une Contemporaine, mais royaliste et de qualité, la contemporaine de l’ancien grand monde. » Il aimait les coiffes ; il avait reçu les confidences de quantité de vieilles dames d’autrefois, et savait à ravir le menu de ce haut commérage. Il avait par devers lui sans doute des correspondances, des journaux manuscrits peut-être, des malles remplies de vieux papiers, mais surtout des, souvenirs de conversations à n’en plus finir. […] Ce n’était qu’un jeu de le porter, pour quelqu’un qui aimait avant tout s’habiller et à babiller en vieille femme. […] Mme de Créqui est de ces personnes qui ne nous apparaissent que vieilles et qu’on ne saurait se figurer autrement.

510. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

D’une familledistinguée, sans être très-noble, et appartenant au vieux fonds moscovite, elle montra de bonne heure un goût marqué pour l’étude, pour les lectures les plus sérieuses et les plus approfondies ; et ressentit de l’attrait pour la France, pour sa société et sa littérature. […] Un salon pour moi, c’est un cercle présidé par une femme, vieille ou jeune, peu importe, et le mieux peut-être est qu’elle ne soit pas trop jeune en effet ; car ainsi elle n’éteint pas ce qui l’entoure. […] J’ai dit que son salon s’était renouvelé et comme rajeuni ; elle avait compris que « quand on est vieille, c’est encore aux vieux qu’on plaît le moins. » Or, plusieurs des jeunes amis de Mme Swetchine étaient de l’Assemblée, prenaient une part active et brillante aux luttes de la Constituante et à ses déterminations ; ils venaient là en sortant des séances et continuaient d’y agiter toutes les questions qui semblaient alors pour la société des questions devie et de mort. […] Elle partit seule, alla plaider auprès du czar la cause deson vieux mari, traversa le Nord par la saison la plusrigoureuse, et dans un état de santé déplorable, sans un murmure, sans une plainte : une lettre d’elle, admirable de sentiment (tome I, page 377), témoigne de ses dispositions morales, de sa résignation au devoir, de sa soumission prête à se laisser conduire jusqu’aux dernières conséquences : elle eût tout quitté, Paris et son monde, s’il l’avait fallu et si le czar avait maintenu son arrêt, pour aller habiter dans quelque ville obscure de la Russie, à côté du triste et taciturne exilé.

511. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Ce jeune célibataire a, sur elles, les opinions d’un vieux turc. […] C’est à madame Leverdet, la femme d’un vieux savant endormi, que M. de Ryons débite ces théories plus glaciales que les réfrigératifs de la pharmacie monastique. […] Ce des Targettes est un vieux garçon qui supplée, depuis vingt ans, auprès de sa femme, le savant plongé dans ses alambics. Il a soixante ans ; sa vieille maîtresse frise la cinquantaine. […] Restée seule avec une vieille mère, qui attendait d’elle le bien-être, elle s’est trouvée connaître le fils du propriétaire de la maison dont elles occupaient une mansarde.

512. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Ces forgerons cultivateurs étaient des protestants de vieille roche ; ils étaient restés fidèles au dogme anglican, même sous le règne persécuteur de la reine Marie. […] Vieux, ayant passé une journée, à Auteuil, à dire des folies avec Mme Helvétius, à lui conter qu’il voulait l’épouser et qu’elle était bien dupe de vouloir être fidèle à feu son mari le philosophe Helvétius, Franklin écrit le lendemain matin de Passy, à sa voisine, une très jolie lettre, dans laquelle il suppose qu’il a été transporté en songe dans les champs Élysées ; il y a trouvé Helvétius en personne, qui s’y est remarié, et qui paraît très étonné que son ancienne compagne prétende lui être fidèle sur la terre. […] Dans un petit journal de voyage écrit à l’âge de vingt ans (1726), pendant son retour de Londres à Philadelphie, parlant de je ne sais quelle peinture atroce qu’on lui fait d’un ancien gouverneur de l’île de Wight : Ce qui me surprit, dit-il, ce fut que le vieux bonhomme de concierge qui me parlait de ce gouverneur eût une si parfaite notion de son caractère. […] Il y en a quelques-uns qui, écrits, peuvent sembler un peu enfantins ; il y en a d’autres agréables ; mais la plupart perdent à ne plus être sur sa lèvre à demi souriante. — En voici un, entre les deux, qui peut donner idée des autres : La dernière fois que je vis votre père, écrivait-il, vieux, à l’un de ses amis de Boston (le docteur Mather), c’était au commencement de 1724, dans une visite que je lui fis après ma première tournée en Pennsylvanie. […] C’est une nouvelle preuve de la vérité d’une vieille maxime que j’avais apprise, et qui dit : Celui qui vous a une fois rendu un service sera plus disposé à vous en rendre un autre, que celui que vous avez obligé vous-même.

513. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] C’était un vieux. » L’on pourrait citer de ces portraits par dizaines. […] Il affectionne les taudis enfumés des paysans, à peine percés de fenêtres, avec près du poêle quelque malade geignant ; les intérieurs ternes où l’ombre de quelque humble infortune semble accroître le froid des pièces ; les petites maisons louches de la banlieue, repaires de filous et de recéleurs ; ces châteaux désolés et sales où la vie s’écoule si morne, jour après jour, entre les boues du dehors, et le confort assoupissant des vieilles salles. […] Dans son Pères et Enfants, la jeunesse russe et la vieille aristocratie se sont reconnues et se sont irritées du portrait. […] Nejdanoff jeta autour de lui un regard scrutateur et méfiant, puis il marcha droit à un vieux pommier… Le tronc de ce pommier était couvert de mousse desséchée ; ses branches rugueuses et dénudées, avec quelques petites feuilles vertes et rouges accrochées çà et là, s’élevaient tordues vers le ciel, semblables à des bras de vieillard suppliant, les coudes repliés.

514. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Cela dut être quelque chose d’implacable, car on ne touche pas pour la première fois au Passé, sans que ce vieux lion, qui a ses ongles enfoncés dans le sol, ne rugisse et ne se défende. […] Il ne cédait pas à une tempête de sédition ; il restait lui-même, et ce que la constitution de l’État l’obligeait d’être, car la loi salique n’était plus qu’un vieux texte invoqué par le pédantisme des Parlements. […] Il plaçait un livre faux, sur une époque dont l’énergie répugne à notre vieille société, entre le 1572 de M.  […] … Les matérialistes des vieilles civilisations les magnifient parce qu’elles filent des suaires brodés d’or et de pourpre aux nations sur le bord de leur tombe ; — mais la moindre vertu morale les empêcherait de s’y coucher ! […] La littérature des vieilles civilisations est naturellement baladine.

515. (1903) La renaissance classique pp. -

Il s’est acquis une expérience chagrine ; il lui a servi à quelque chose d’avoir vécu si vieux ! […] Ce serait de la démence que de nous suicider pour notre vieille chimère romantique de fraternité, alors que tous nos voisins s’en moquent ou se préparent à partager nos dépouilles. […] En dépit de toutes ses erreurs et de ses flatteries démocratiques, l’auteur des Misérables reste le Fils de la Maison, le rejeton d’une vieille souche laborieuse et obstinée à vaincre. […] L’Église elle-même, la vieille aristocratie, tous ceux qui se piquent encore de conserver la tradition nationale sont atteints du même ramollissement que la bourgeoisie dégénérée. […] Il est encore aux frontières de vieilles races résistantes et dures dont aucune invasion n’a pu entamer ni la vigueur ni les âmes.

516. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Ce doit être un vieux garçon, mauvais sujet et méthodique, libertin et sermonneur, comme tant de vieux garçons. […] Elle ne sera vieille qu’au lendemain de la réparation. Aujourd’hui elle est si peu vieille, qu’elle est inachevée. […] Le vieux publiciste rougit, balbutie, et se tait.) […] Cette vieille femme avait été jeune, chose étonnante.

/ 2577