Ils se sont plaints, ils ont réclamé, on a leurs lettres ; l’auteur seul n’aurait pas tout dit : Préparé à tout ce que l’on pourrait alléguer contre Werther, a dit Goethe en ses mémoires, je ne me fâchai pas de toutes les contradictions ; mais je n’avais pas pensé qu’une souffrance insupportable me serait réservée par des âmes bienveillantes et sympathiques : car au lieu de me dire d’abord sur mon petit livre quelque chose de non désobligeant, on voulait savoir avant tout ce qu’il y avait de réel dans les faits ; ce que je ne me souciais pas du tout de dire, et je m’en expliquai hautement d’une manière très peu aimable : car pour répondre à cette question, il m’aurait fallu remettre en pièces l’opuscule auquel j’avais si longtemps pensé pour donner à ses nombreux éléments une unité poétique, et j’aurais dû en détruire la forme de telle sorte que les véritables éléments constitutifs eux-mêmes, là où ils n’auraient pas été complètement anéantis, eussent été au moins défaits et dissous. […] Il n’est pas exact non plus que, dans le jeu innocent, improvisé pendant l’orage, Charlotte ait donné si lestement des soufflets à ceux qui ne devinaient pas juste ; ces soufflets sont un enjolivement et un ressouvenir de quelque autre scène arrivée ailleurs et avec une autre, et ils ne s’accordent point avec le caractère de gaieté sans doute, mais non de folâtrerie, de la véritable Charlotte. […] La fin de Werther laissait en vue et livrait aux regards du public un faux Goethe au lieu du vrai, un fantôme creux et trompeur après lequel la foule allait courir, comme Turnus dans le combat s’acharne à poursuivre le fantôme d’Énée qui l’égare, tandis que le véritable héros est ailleurs et dans le lieu de l’action. […] Puis, les années s’écoulant et la mort achevant d’épurer et de consacrer les souvenirs, le quatrième de ses douze enfants à qui elle avait transmis plus particulièrement sans doute une étincelle de son imagination et de sa douce flamme, s’aperçut qu’après tout il y avait là, mêlé à de l’affection véritable, un de ces rayons immortels de l’art que le devoir permettait ou disait de dégager, que c’était un titre de noblesse domestique, même pour son père, de l’avoir emporté sur Goethe, et que de la connaissance plus intime des personnes il allait rejaillir sur les plus modestes un reflet touchant de la meilleure gloire.
. — Lorsque seul, dans le silence, demi-couché dans un fauteuil, je me laisse aller à la rêverie, et que, par l’effacement des sensations ordinaires, la fantasmagorie interne devient intense, si le sommeil approche, mes images précises finissent par provoquer des hallucinations véritables. […] Mais si elle est provoquée autrement, elle naîtra sans l’intermédiaire des nerfs, et nous aurons une sensation véritable, celle d’une table verte, celle d’un trait de violon, sans qu’aucune table ni aucun violon aient agi sur nos yeux ou sur nos oreilles. […] De même que, dans la perception extérieure, nous avons vu de simples fantômes internes être pris pour des objets externes, mais, par une adaptation admirable, correspondre à la présence de véritables objets externes ; de même, dans la mémoire, nous voyons de simples images actuelles être prises pour des sensations passées, mais, par un mécanisme aussi beau, correspondre à la présence antérieure de sensations véritables. — Ainsi, la première répression que subit l’image et qui enraye l’hallucination complète à laquelle naturellement cette image eût abouti, nous ouvre un nouveau monde, celui du temps et de la durée.
Le véritable contrat social n’a pas pour but seulement le corps de l’homme, il a pour but aussi et surtout l’âme humaine, il est spiritualiste plus que matériel ; car le corps ne vit qu’un jour de pain, et l’esprit vit éternellement de vérité, de devoir et de vertu. […] XI Devoir d’adoration envers le Créateur, qui a daigné tirer l’être du néant pour sa gloire ; devoir qui oblige l’homme à se conformer en tout aux volontés du souverain législateur, volontés manifestées à l’homme par ses instincts ; organe de la véritable souveraineté de la nature ; devoir facile, satisfait par son accomplissement, même quand il est douloureux aux sens ; devoir qui donne à l’homme obéissant à son souverain Maître cette joie lyrique de la vie et de la conscience, joie de la vie et de la conscience qui éclate dans tout être vivant comme un cantique de la terre, et que tous les êtres vivants, depuis l’insecte, l’oiseau, jusqu’à l’homme, entonnent en chœur au soleil levant comme une respiration en Dieu ! […] Voyez comme le spiritualisme social se dégage déjà de la matière, et comme le véritable contrat social de la nature se spiritualise et se divinise en découvrant, non pas dans le corps humain, mais dans l’âme humaine, l’origine, le titre, l’objet, et la fin de la société politique ! […] Combien le véritable contrat social est supérieur, en vérités et en dignité morale, à ce pacte de la chair avec les sens !
Malheur au personnage, qui tué sur la scène, ne sera pas mort comme elle prescrit d’expirer : à l’instant elle fera pleuvoir sur lui tant de pommes et de monnaies de cuivre qu’on aura quelquefois lieu de craindre qu’il ne s’ensuive un plus véritable trépas. […] Disons plus, une tragédie est assez historique quand elle peint à grands traits les véritables mœurs d’un peuple et d’un siècle. […] Par hasard resterait-il dans l’esprit des spectateurs romantiques assez de traces de ces superstitions surannées, pour que le drame diabolique de Faust et ceux qui lui ressemblent, produisent encore de véritables émotions ? […] Ce véritable et terrible amour est celui de Roxane, près de laquelle on n’aperçoit plus Bajazet ; celui d’Hermione devant qui disparaissent Pyrrhus, Oreste et ses furies elles-mêmes.
C’est donc dans la philosophie qu’il faut chercher la véritable valeur de la philologie. […] Les textes originaux d’une littérature en sont le tableau véritable et complet. […] La traduction classique au XIVe siècle ressemblait à l’antiquité, comme l’Aristote et le Galien des facultés, pour lesquels on renvoyait les élèves et les professeurs aux cahiers traditionnels, ressemblaient au véritable Aristote, au véritable Galien, comme la culture grecque ressemble aux bribes insignifiantes recueillies d’après d’autres compilateurs par Martien Capella ou Isidore de Séville.
Le cours des simples images est un véritable flux, tandis que les choses perçues ont une stabilité relative, surtout par leur rapport à l’espace. […] Mais ce caractère n’est qu’apparent, et la « ligne » de nos états intérieurs n’est pas plus une ligne véritable que toute autre ligne visible et concrète. […] Nous croyons plutôt qu’il y a là un phénomène maladif d’écho et de répétition intérieure, analogue à celui qui a lieu dans le souvenir véritable : toutes les sensations nouvelles se trouvent avoir un retentissement et sont ainsi associées à des images consécutives qui les répètent ; par une sorte de mirage, ces représentations consécutives sont projetées dans le passé. […] En tout cas, si la mémoire a une véritable certitude quand elle est « fraîche », elle se perd parfois dans le lointain du temps et vient se fondre avec le rêve comme la mer à l’horizon se fond avec le ciel.
On se plaint que dans beaucoup de chapitres cette histoire est plûtôt une compilation des rêveries rabbiniques qu’une véritable histoire. […] Il donne les Actes des Martyrs, qu’il a cru les plus véritables. […] Ce n’est que dans le dernier siécle qu’on a connu la véritable manière de rendre cette partie de l’Histoire Ecclésiastique aussi agréable qu’instructive, & c’est à M. l’Abbé du Pin qu’on en eut l’obligation. […] Le traducteur l’a chargée de notes, dans lesquelles il s’offre d’établir un systême qui tend à justifier toutes les Religions, & à ravir à la seule véritable les caractères qui la distinguent.
J’ajoute qu’il n’existe que dans une âme déjà formée, et qu’on ne peut écrire un roman véritable avant la trentaine, parce que, sauf exception, l’expérience est courte, et que la philosophie de la peine n’est pas née en nous. […] Il ne sait pas que l’absence véritable est dans la volonté de l’âme. […] Il est écrit à la veille de la mort de Fromentin, et il fait beaucoup plus que nous montrer un talent fortifié par douze années de méditation et d’étude : il nous révèle la véritable voie de l’auteur ; il nous apprend que celui qu’on savait être déjà un peintre délicat, un voyageur intéressant, un romancier pénétrant et émouvant, était avant tout un critique d’art original et novateur. […] Il est enfin chez lui, dans le véritable domaine de sa pensée et de ses yeux.
Tout ce qu’on peut en estimer, ce sont les notes vraiment instructives, genre de mérite toujours à la portée des Ecrivains laborieux ; mais qui facilite le travail des Traducteurs modernes, qui savent si bien s’approprier tout ce qui peut leur donner un air d’érudition, & leur épargner les recherches qu’exige la véritable.
Les poètes de ce temps cachaient le plus souvent leur véritable nom, ou ne l’indiquaient que dans quelque endroit de leurs ouvrages, par des espèces d’acrostiches ; c’est-à-dire, par les lettres initiales d’un certain nombre de vers, lesquelles répondaient à celles dont était formé leur nom, ou un autre que souvent ils adoptaient et qui pouvait les faire connaître.
Souvent les antécédents et les conséquents sont ce que nous appelons causes et effets : dans la rigueur du langage scientifique, la véritable causalité échappe à notre prise ; nous ne pouvons que lier des phénomènes par un rapport de succession constante et nécessaire. […] Michelet réduit toute la question au bulletin de leur santé : cause véritable, je le veux bien, mais non pas cause unique ni même cause dominante. — L’eau, pour le poisson, est une condition de l’existence : ce n’est pas la cause. — La biche que tue Ascagne au VIIe livre de l’Énéide est l’occasion, non la cause de la guerre entre les Troyens et les Rutules. — Enfin on connaît les abus fameux qu’on a faits des causes finales : Pourquoi l’homme a-t-il un nez ?
Des exclamations froides & préméditées, des apostrophes parasites, des chutes préparées de longue main, y tiennent lieu de ces grands mouvemens, de ces élans impétueux & inopinés, qui caractérisent la véritable éloquence. […] Thomas a trop confondu la fausse dignité avec la véritable.
Jusque-là, je crois, il n’avait été mis en vue que par lui-même, que par des projets plus ou moins brillants ou ingénieux, et surtout par cette Revue de l’Architecture qui est, elle aussi, un véritable monument ! […] Un jour César Daly perdra-t-il, sur la toute-puissance de cet art qui est une véritable religion pour sa pensée, les illusions de tous ceux qui pensent que l’absolu peut se réaliser sur la terre ?
Seulement, j’ose affirmer que de telles rubriques, employées bien plus pour accrocher le public qui passe que pour satisfaire le public qui s’assied, un véritable historien, si jamais on les suggérait à sa pensée, les rejetterait avec le mépris qui convient. Ceci donc équivaudrait à dire, dès les premières lignes, que ce pauvre Léouzon-Leduc n’est point un véritable historien, et que l’emploi de ses procédés donne juste (ce qui serait bien dur) l’idée exacte de sa manière.
C’est dans cette source que la plupart de nos Auteurs didactiques d’aujourd’hui ont puisé les bons préceptes qu’ils ont donnés, & c’est d’après ces préceptes que les jeunes Littérateurs doivent travailler pour obtenir de véritables succès.
Tel est le véritable aspect sous lequel on doit envisager la Réforme. […] Elle allait précisément surgir des efforts de la libre pensée ; mais elle n’avait encore ni base arrêtée, ni véritable substance. […] Certains chapitres sont de véritables amphigouris, d’autres un recueil d’ordures à soulever le cœur. […] Ses discours se recommandent encore par la grande sagesse pratique, la prudence d’un véritable homme d’État. […] Il décrit le rôle qu’elles jouaient alors dans la société, hors de leur véritable sphère.
L’art véritable est, selon nous, celui qui nous donne le sentiment immédiat de la vie la plus intense et la plus expansive tout ensemble, la plus individuelle et la plus sociale. […] Le matérialisme trop exclusif dans l’art peut être un signe d’impuissance, mais un idéalisme trop vague et trop conventionnel est pire qu’une impuissance : c’est un arrêt à moitié chemin, c’est une erreur de direction, un contresens, une véritable trahison à la beauté ! […] Mais si c’est pour faire une énumération vide de sens, de laquelle ne doit se dégager aucune impression véritable, si c’est le fastidieux plaisir de voir pour voir, non pour comprendre et sentir, mieux vaut laisser dans l’ombre ce qui ne mérite pas d’en être tiré ou peut-être ce qu’on n’a pas su en faire sortir. […] Zola veut opposer, nous dit-il, le « ventre » au « cerveau », ajoutons : « au cœur » ; il a fait dans plusieurs de ses œuvres une véritable épopée, et cette épopée s’est trouvée être celle du « ventre ». […] En premier lieu, un entraînement a déjà été nécessaire pour faire accepter l’animation trop complète de la nature ; or, rien que pour soutenir cet entraînement, l’effort lyrique du poète devra aller grandissant, et il se heurtera bientôt à cette idée qu’il y a une contradiction véritable entre la réalité et la fiction poétique.
À ce point de vue, les organes rudimentaires sont d’une aussi grande utilité que d’autres organes parfaitement développés, et, quelquefois même, ils fournissent des signes plus sûrs des véritables affinités qui relient entre eux les différents êtres. […] Car des animaux appartenant à deux lignées d’ancêtres très distinctes peuvent parfaitement s’adapter à des conditions semblables, et assumer ainsi des ressemblances extérieures ; mais de telles ressemblances, au lieu de révéler leurs véritables rapports de consanguinité, tendraient plutôt à les dissimuler. Ainsi s’explique encore ce principe, paradoxal en apparence, que les mêmes caractères sont analogiques, quand on compare une classe ou un ordre avec un autre ordre ou une autre classe, mais qu’ils révèlent les affinités véritables qui existent entre les membres de la même classe ou du même ordre. […] Les véritables organes rudimentaires sont complétement inutiles ; et telles sont les dents qui ne percent jamais les gencives. […] On pourrait peut-être regarder les glandes mammaires de l’Ornithorynque comme à l’état naissant en comparaison de la mamelle de nos Vaches ; et les freins ovigères de certains Cirripèdes, qui ne sont que peu développés, et qui ont cessé de servir à retenir les œufs, sont de véritables branchies naissantes.
Ces directions deviennent ainsi des choses, de véritables chemins auxquels aboutirait la grande route de la conscience, et où il ne tiendrait qu’au moi de s’engager indifféremment. […] Il ne faut pas oublier en effet que cette figure, véritable dédoublement de notre activité psychique dans l’espace, est purement symbolique, et, comme telle, ne pourra être construite que si l’on se place dans l’hypothèse d’une délibération achevée et d’une résolution prise. […] Toute l’obscurité vient de ce que les uns et les autres se représentent la délibération sous forme d’oscillation dans l’espace, alors qu’elle consiste en un progrès dynamique où le moi et les motifs eux-mêmes sont dans un continuel devenir, comme de véritables êtres vivants. […] Même, nous n’avons aucune raison de lui conserver son ancien nom, sauf qu’il correspond à la même cause extérieure ou se traduit au dehors par des signes analogues : on commettrait donc une véritable pétition de principe en déduisant de la prétendue similitude des deux états que la même cause produit le même effet. […] Les qualités des choses deviendront ainsi de véritables états, assez analogues à ceux de notre moi ; on attribuera à l’univers matériel une personnalité vague, diffuse à travers l’espace, et qui, sans être précisément douée d’une volonté consciente, passe d’un état à l’autre en vertu d’une poussée interne, en vertu d’un effort.