De ce que Romulus prit, dit-on, le bouclier des Sabins, qui était large, au lieu du petit bouclier argien dont il s’était servi jusqu’alors, Montesquieu en conclut déjà à un certain usage et à une certaine politique des Romains, qui consistait à emprunter successivement des vaincus ce que ceux-ci avaient de meilleur. […] Et le marquis d’Argenson, qui le juge très bien à cette date, disait : Comme il a infiniment d’esprit, il fait un usage charmant de ce qu’il sait ; mais il met plus d’esprit dans ses livres que dans sa conversation, parce qu’il ne cherche pas à briller et ne s’en donne pas la peine. […] L’Esprit des lois est un livre qui n’a plus guère d’autre usage que ce noble usage perpétuel de porter l’esprit dans la haute sphère historique et de faire naître une foule de belles discussions.
Preuss, historiographe de Brandebourg, il s’en publie une à l’usage du public, toute pareille quant au contenu, et qui n’est, à vrai dire, que la même édition moins magnifique et sous un format différent. […] Les occupations sérieuses ont cependant toujours la prérogative de passer devant les autres, et j’ose vous dire que nous ne faisons qu’un usage raisonnable des plaisirs. […] M. de Suhm s’était mis à traduire de l’allemand en français à l’usage de Frédéric, pour qui une lecture allemande était pénible, la Métaphysique de Wolff. […] 9º comment les habillements, les mœurs, les usages ont-ils changé ?
Ceux-ci en général (le grand Coray à part), se sentant après tout les fils de la vraie race, ont trop négligé l’érudition proprement dite ; ils se sont trop conduits comme les descendants d’une grande famille ruinée, mais qui, fiers de parler la langue de leur nourrice, la langue de leur maison, s’y tiennent et négligent les autres sources d’instruction et les autres moyens d’éclaircissement comme n’étant proprement qu’à l’usage des étrangers. […] Et à qui donc devrait-on l’introduction, la naturalisation de la langue grecque en Occident, sinon à ces savants des xive et xve siècles, aux Chrysoloras, aux Théodore Gaza, aux Chalcondyle, aux Lascaris, à ceux enfin qui arrivaient tout pleins, comme d’hier, des antiques trésors, qui les possédaient par héritage et par usage, en vertu d’une tradition bien prolongée sans doute, mais ininterrompue ?
Préface En 1849, ayant vingt et un ans, j’étais électeur et fort embarrassé ; car j’avais à nommer quinze ou vingt députés, et de plus, selon l’usage français, je devais non seulement choisir des hommes, mais opter entre des théories. […] Un peuple consulté peut à la rigueur dire la forme de gouvernement qui lui plaît, mais non celle dont il a besoin ; il ne le saura qu’à l’usage : il lui faut du temps pour vérifier si sa maison politique est commode, solide, capable de résister aux intempéries, appropriée à ses mœurs, à ses occupations, à son caractère, à ses singularités, à ses brusqueries.
La raison de ce « passer sous silence » vient-elle de ce que ce poète n’a pas, avant d’œuvrer, inscrit son dogmatique catéchisme en bons et dits statuts à l’usage des disciples fidèles et des assimilateurs habiles ? […] Kahn, sa « vaste ambition », il se risque, bien témérairement à notre sens, à interdire au poète de l’avenir l’usage de la symbolique gréco-latine ; il effleure là des questions bien délicates d’atavisme et de culture, et nous devons faire toutes réserves de nos droits à disposer selon nos goûts de l’héritage aryen.
Cela expie son égoïsme et sanctifie son bien souvent mal acquis et dont il fait mauvais usage. […] L’impôt est de notre temps ce qu’était, dans les anciens usages, la part que chacun faisait, « pour sa pauvre âme », à l’Église et aux œuvres pies.
C’est pourtant cet enthousiasme, ces ornemens, cette sublimité de pensées, ce faste d’expression, tous ces ressorts puissans dont Démosthène & Cicéron firent usage, que nos avocats ont cru, pendant plus de quatorze siècles, devoir imiter. […] Guéret condamnoit surtout le talent d’émouvoir les passions : il ne vouloit pas qu’on en fit usage au barreau.
Deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, « sans préjudice des autres jours, on dîne chez lui à deux heures, selon l’usage, usage significatif qui réserve pour l’entretien et la gaieté toute la force de l’homme et les meilleurs moments du jour. […] Si parfois le propriétaire les transporte à l’étage inférieur, il ne s’en sert qu’à demi ; des habitudes établies, des intérêts ou des instincts antérieurs et plus forts en restreignent l’usage. […] Le sacrifice est voté par acclamation ; ils viennent d’eux-mêmes l’offrir au Tiers-état et il faut voir dans les procès-verbaux manuscrits leur accent généreux et sympathique. « L’ordre de la noblesse du bailliage de Tours, dit le marquis de Lusignan545, considérant que ses membres sont hommes et citoyens avant que d’être nobles, ne peut se dédommager, d’une manière plus conforme à l’esprit de justice et de patriotisme qui l’anime, du long silence auquel l’abus du pouvoir ministériel l’avait condamné, qu’en déclarant à ses concitoyens qu’elle n’entend plus jouir à l’avenir d’aucun des privilèges pécuniaires que l’usage lui avait conservés, et qu’elle fait par acclamation le vœu solennel de supporter dans une parfaite égalité, et chacun en proportion de sa fortune, les impôts et contributions générales qui seront consenties par la nation. » — « Je vous le répète, dit le comte de Buzançais au Tiers-état du Berry, nous sommes tous frères, nous voulons partager vos charges… Nous désirons ne porter qu’un seul vœu aux états et, par là, montrer l’union et l’harmonie qui doivent y régner. […] Le marquis de Mirabeau établit dans son domaine du Limousin un bureau gratuit de conciliation pour arranger les procès, et chaque jour, à Fleury, fabrique neuf cents livres de pain économique à l’usage « du pauvre peuple qui se bat à qui en aura551 ». […] Granier de Cassagnac, II, 236 Au commencement du règne de Louis XVI, M. de Malesherbes visita, selon l’usage, les maisons qui contenaient des prisonniers d’État. « Il m’a dit à moi-même qu’il n’en avait fait sortir que deux.
Au milieu de ces travaux, chaque crise qui froissait son âme maladive met à nu la profondeur de sa foi janséniste : de là la Prière pour le bon usage des maladies (1648), et de là la Lettre sur la mort de M. […] Ce qui montre bien qu’elle n’intervient pas essentiellement pour relâcher la morale, c’est l’usage que les stoïciens en ont fait dans l’antiquité. […] Il est vrai aussi que ces lourds bouquins, scolastiques presque toujours de style et de langue, étaient plus à l’usage des directeurs que des fidèles, et servaient plus à absoudre l’irréparable passé qu’à autoriser les fautes à faire. […] Les raisons qui pouvaient atténuer en Espagne le relâchement de la morale religieuse n’existaient pas en France, et certains jésuites français avaient écrit déjà en notre langue, offrant à tous le libre usage de leur indulgence. […] Dans la première partie, Pascal établit seulement l’impuissance transcendantale et métaphysique de la raison, qui ne donne qu’une certitude imparfaite dans un domaine restreint ; dans la seconde partie, Pascal parle des causes multiples qui, dans son domaine même, font errer souvent la raison ; mais il sait le remède, et les règles par lesquelles on est assuré de faire un bon usage de sa raison.
Quand on écrit pour de purs savants et si près du Rhin, on ne se gêne guère, on emploie leur langage, leur phraséologie, les termes en usage dans les controverses engagées. […] Le morceau qu’il lui a consacré est de tout point excellent, et d’une langue qui est à l’usage de tous. […] On a beaucoup admiré les Paroles d’un croyant ; nous n’avons, pour notre part, jamais su goûter ce pastiche apocalyptique, ce genre emprunté à la Bible et qui consiste essentiellement dans le dépècement du discours en versets et dans l’usage de la conjonction et au commencement des phrases, cette prose soi-disant poétique enfin, qui trahit par son ambition même l’impuissance d’écrire un poème véritable.
Il en avait l’usage très familier ; il le parlait ; il disputait en latin dans l’école ; il écrivait couramment des lettres latines aux prélats étrangers avec qui il correspondait ; les notes dont il chargeait les marges de ses livres étaient le plus souvent en latin. C’est de cette connaissance approfondie du latin et de l’usage excellent qu’il en sut faire que découle chez Bossuet ce français neuf, plein, substantiel, dans le sens de la racine, et original : et ce n’est pas seulement dans le détail de l’expression, de la locution et du mot, que cette sève de littérature latine se fait sentir, c’est dans l’ampleur des tours, dans la forme des mouvements et des liaisons, dans le joint des phrases, et comme dans le geste. […] Il était le premier à sentir ce faible de son caractère ; et un jour qu’en quittant la supérieure d’une communauté de Meaux, il lui disait l’adieu d’usage : Priez Dieu pour moi, comme cette supérieure lui répondit : Que lui demanderai-je ?
Catherine de Médicis en avait introduit l’usage à la cour de France et inspiré le goût à ses enfants. […] C’était l’usage de choisir pour ces sortes de rôles les noms les plus retentissants. […] Quelle qu’ait été sa véritable connaissance de ce dernier idiome, il fut du moins l’un des premiers à faire usage du jargon qui devait plus tard en imposer si bien à M.
Dans le premier, on établit que la poësie est un des plus grands fléaux dont le genre humain puisse être affligé ; qu’elle est directement contraire aux bonnes mœurs, & à la tranquillité des états, à leur forme de gouvernement, aux sages loix, aux usages respectables, à la religion, au commerce, enfin à tous les arts utiles. […] Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices. […] Dans le fond, la mythologie est favorable à la poësie comme à la peinture, pourvu que l’usage en soit tempéré par le goût & le jugement.
Pourquoi sa politesse ne lui a-t-elle pas fourni une de ces subtilitez, dont son admiration pour Homere fait un si grand usage ? […] Que ferions-nous du peu de raison qui nous est échûë, si nous n’en faisions cet usage ? […] En vain prétendroit-on les justifier par les usages du temps. […] La seconde raison qu’on me donne par grace, car on croit la prémiere décisive : c’est l’usage des orateurs qui parlent à tout, et qui font tout parler. […] Nous ne jugeons point des expressions par analogie et par ressemblance, ce qui est très sujet à l’erreur ; car souvent ce qui paroîtroit se pouvoir dire, ne se dit pourtant pas : nous en jugeons par l’usage qui a ses caprices ; et c’est même par la connoissance délicate de cet usage, que nous distinguons ce qui est heureusement hazardé, des licences malheureuses et sans goût.
Qui osera faire un cours de morale unie au sentiment, à l’usage de ce bord peuple, de ce peuple sensible, qui ne mérite pas le dédain du philosophe ? […] Il falloit nous donner une traduction exacte de ces chef d’œuvres, ou n’y point toucher pour les plier mal-adroitement à nos mœurs & à nos usages. […] La plaisanterie s’est émoussée nécessairement avec la connoissance des usages diamétralement opposés aux nôtres. […] Il est un ton général dans les opinions, dans les usages, dans les vêtemens même qu’on ne sauroit enfreindre. […] Unités de lieu & de tems, observées selon toutes les règles sacrées ; conversations longues & froides, suivant l’usage du pays.
C’est le moment aussi où les premières livraisons de son Dictionnaire de la Langue française viennent mettre en lumière et répandre, à l’usage de tous, les trésors d’une érudition si longuement amassée. […] Littré : intelligence approfondie du grec, lecture des manuscrits, collation des textes et détermination du dialecte ; intelligence et reconstitution des doctrines au point de vue médical ancien, examen critique en tous sens, interprétation et traduction à notre usage, tellement que les traités hippocratiques, en définitive, « pussent être lus et compris désormais comme un livre contemporain. […] La dernière édition du Dictionnaire de l’usage est de 1835, et il serait grand temps de le revoir et d’y retoucher ; car, selon la remarque de M. […] Ce n’est qu’après avoir épuisé ces sens et acceptions de l’usage présent qu’il passe à l’historique du mot depuis les onzième ou douzième siècles jusqu’au seizième, et là il procède également par une série d’exemples incontestables et triés, ne mettant que le nécessaire ; ce n’est pas lui qui ferait un pas de plus pour aller cueillir la fleurette. […] Et surtout l’esprit d’un nouveau confrère, rigoureux, exact et plus savant (sans mentir), plus sûr de son fait en ces matières que nous ne le sommes généralement, eût pu nous être d’un usage et d’un recours journalier.
Aussi nos historiens en ont fait grand usage, et avec raison. […] Marié par sa mère à dix-neuf ans, il eut un fils ; il lui donna le nom de Ly, par allusion au nom d’un petit poisson que le roi lui envoya pour sa table, en le félicitant, suivant l’usage, sur la naissance d’un premier-né. […] Selon l’usage du pays à cette époque, il se démit de toutes ses dignités pour revêtir un deuil extérieur moins lugubre encore que celui de son âme. […] L’observation de ces lois, la conformité à ces usages, la pratique de ces cérémonies, font la troisième de ces vertus capitales, celle qui assigne à chacun ses devoirs particuliers, c’est-à-dire l’ordre. […] L’amour qu’il porte à tous les hommes le met en droit de n’en craindre aucun ; l’exactitude scrupuleuse avec laquelle il pratique les cérémonies, obéit aux lois et s’astreint à l’observation des usages reçus, fait sa sûreté, même sous les tyrans.
Dans une lettre du 10 mai 1732, adressée au roi son père, à propos des fortifications qu’on s’obstinait à faire dans le système ancien, malgré la quantité et la force du canon introduit depuis quelques années dans les sièges, il se déclare en disant : « Cependant on fortifie toujours et avec des dépenses énormes, tant les préjugés et les usages sont forts chez les hommes ! […] Ainsi, écrivant à sa sœur naturelle, la princesse de Holstein, qu’il fit dans un temps venir en France et qu’il pilota au début, il disait, non sans finesse, mais en exagérant un peu, je l’espère : « Comme il est d’usage en France que les femmes marchent comme les capucins, deux à deux, je ferai venir de Paris sur votre route une femme qui s’appelle Mme de Narbonne, qui est de fort bonne compagnie, et qui, ayant vécu toujours dans le grand monde français, en connaît parfaitement les usages ; elle a le bon ton, a été très riche, a de l’esprit, avec tout cela fort peu de cervelle ; mais c’est la chose du monde la plus rare dans ce pays-ci, et dont on fait le moins de cas. » Voilà pour le compte des femmes. […] Et ce n’était pas seulement en Saxe qu’il conseillait l’usage de ce procédé : on sait la lettre qu’il écrivit le 15 mai 1748 au comte de Maurepas avant la paix d’Aix-la-Chapelle, pour tâcher de garder à la France les provinces conquises et de ne rien lâcher du bon morceau qu’il tenait ; une lettre où sous prétexte de ne parler qu’en militaire, il faisait, comme on dit, le bec aux hommes d’État et leur souillait la leçon16.
Mais, dès ces premiers temps, il avait créé à son usage une forme de comédie, sobre, sérieuse, vraie, sur laquelle nous reviendrons. […] Des personnages secondaires Autour de ses héros, représentants de cette force infinie qui est en nous et dont la plupart de nous font si peu d’usage, Corneille place des âmes moyennes, telles que la vie en présente à chaque instant ; ces caractères de second plan sont souvent d’une observation curieuse, d’une vérité originale et fine. […] Cette coupe du dialogue qui se poursuit en ripostes du vers au vers, est la coupe originale de Corneille : il ne l’a pas inventée, il se l’est appropriée par l’usage qu’il en a fait. […] Il a usé (je dirais abusé, si l’usage déjà n’était abus), il a usé du jargon fade de la galanterie mondaine.