Les adjectifs qui n’ont pas de forme spéciale pour le féminin sont en train d’en acquérir une : mais l’ancien usage subsiste à côté du nouveau, et Oresme dit avec assez d’incohérence : « science moral » et « vertus morales ». […] Tous ces mots n’ont pas été consacrés par l’usage : nos érudits, dès lors, comme plus tard au xvie siècle, les jetaient dans la langue avec une facilité un peu téméraire, effrayés et comme étourdis qu’ils étaient de la disproportion qu’ils apercevaient entre la pensée antique, si riche, si complexe, si élevée, et notre pauvre vulgaire, bornée jusque-là aux usages de la vie physique et des intérêts matériels. […] Les harangues, les plaidoyers, sont des sermons, avec texte et divisions, tout à fait selon l’usage des prédicateurs. […] Les 84 sermons de saint Bernard111 ont été prêchés devant des clercs, et mis en français sans doute à l’usage des frères lais, qui n’entendaient pas le latin. […] Aimez-vous mieux la poésie profane, le galant Ovide et ses Métamorphoses, prenez Ovide moralisé à l’usage de la chaire.
Vers la fin de ce repas, il demande du vin à sa femme, qui, suivant les usages de ces temps, est à la fois la dame et la ménagère du château. […] Les Allemands font un grand usage de ces moyens. […] Toutes les fois que les tragiques français ont voulu transporter sur notre théâtre des moyens empruntés des théâtres étrangers, ils ont été plus prodigues de ces moyens, plus bizarres, plus exagérés dans leur usage, que les étrangers qu’ils imitaient. […] L’unité de temps et de lieu, que j’ai voulu observer, quoique Schiller s’en fût écarté, suivant l’usage de son pays, m’a forcé à tout-bouleverser et à tout refondre. […] Il n’y a que les choses qu’il a façonnées pour son usage qui soient muettes, parce qu’elles sont mortes.
Quel était l’objet le plus ordinaire des conversations de l’hôtel de Rambouillet, quel en était le ton, quel en était l’usage ? […] La politesse passa du sénat aux ordres inférieurs, voire au plus bas étage du menu peuple ; et si en leur cause, on doit croire leur témoignage, ils ont effacé ensuite toutes les grâces et toutes ces vertus de la Grèce, et ont laissé son atticisme bien loin derrière leur urbanité. » Ici Balzac nous apprend que de son temps ce mot d’urbanité n’était pas encore reçu en France : il pense que quand l’usage l’aura mûri, et aura corrigé l’amertume de la nouveauté, nous nous y accoutumerons , comme à d’autres que nous avons empruntés de la même langue. Il croit que ce mot, chez les Romains, s’entendait principalement de la science de la conversation et du don de plaire en bonne compagnie ; que les Grecs ont abusé de cette connaissance, et que les seuls Romains, même en Italie, en ont connu le vrai et le légitime usage.
Ces sons imitatifs auront été mis en usage principalement quand il aura fallu donner des noms aux soupirs, au rire, aux gemissemens, et à toutes les expressions inarticulées de nos sentimens et de nos passions. […] Il s’ensuit donc que les mots qui dans leur prononciation imitent le bruit qu’ils signifient, ou le bruit que nous ferions naturellement pour exprimer la chose dont ils sont un signe institué, ou qui ont quelque autre rapport avec la chose signifiée, sont plus énergiques que les mots qui n’ont d’autre rapport avec la chose signifiée que celui que l’usage y a mis. […] Lorsque la langue latine étoit une langue vivante, ceux qui vouloient faire des vers en cette langue connoissoient déja par l’usage la quantité : c’est-à-dire, la longueur ou la brieveté des syllabes. […] Ceux qui ont élevez des enfans sçavent combien il faut de soin pour les corriger du penchant qu’ils ont à se servir de ces sons inarticulez dont nous regardons l’usage comme une mauvaise habitude. […] Mais revenons à l’usage de mettre en oeuvre la combinaison des syllabes bréves et des syllabes longues pour rendre les phrases nombreuses et cadencées.
Les règles ne sont destinées qu’à être le frein du génie qui s’égare, et non le flambeau du génie qui prend l’essor ; leur unique usage est d’empêcher que les traits vraiment éloquents ne soient défigurés par d’autres, ouvrages de la négligence ou du mauvais goût. […] Qu’il soit néanmoins sobre et circonspect dans l’usage de cette finesse même ; surtout qu’il se l’interdise sévèrement dans les sujets susceptibles d’élévation ou de véhémence, qui n’exigent qu’un coloris mâle et des traits forts et marqués ; la finesse d’expression dans ces sortes de sujets en bannirait la noblesse, et ne servirait qu’à les énerver sans les embellir. […] Aucune langue sans exception n’est plus sujette à l’obscurité (lue la nôtre, et ne demande dans ceux qui en font usage pins de précautions minutieuses pour être entendus. […] C’est à l’usage et à l’oreille à procurer d’eux-mêmes cet avantage sans qu’on le cherche avec fatigue. […] L’habitude et l’usage d’écrire en vers produit souvent dans la prose cette empreinte d’affectation et de travail que l’orateur doit avoir tant de soin d’éviter.
En effet, il serait, je crois difficile de trouver chez nous un philologue qui n’appartienne de quelque manière à l’enseignement et un livre philologique qui ne se rapporte à l’usage des classes ou à tout autre but universitaire. […] Il faut s’accoutumer à chercher le prix du savoir en lui-même, et non dans l’usage qu’on en peut faire pour l’instruction de l’enfance ou de la jeunesse. […] -B Winer défraya une douzaine de solennités académiques avec une série de dissertations sur l’usage des verbes composés d’une préposition dans le Nouveau Testament.
Selon l’usage juif, on offrit à boire aux patients un vin fortement aromatisé, boisson enivrante, que par un sentiment de pitié on donnait au condamné pour l’étourdir 1164. […] L’idée mère de ce cruel supplice n’était pas de tuer directement le condamné par des lésions déterminées, mais d’exposer l’esclave, cloué par les mains dont il n’avait pas su faire bon usage, et de le laisser pourrir sur le bois. […] Adrien limita cet usage.
Les peuples civilisez, ont toûjours fait usage de la musique instrumentale dans leur culte religieux. […] On a touché ces instrumens differemment, suivant l’effet qu’on vouloit qu’ils fissent, et on a cherché à rendre leur bruit convenable à l’usage auquel on le destinoit. […] Faut-il s’étonner, c’est le sens de ses paroles, que notre musique ne fasse point les effets que celle des anciens sçavoit faire, puisque les chants les plus variez et l’harmonie la plus riche ne sont que des fadaises sonores et des niaiseries harmonieuses, quand le musicien ne sçait pas faire un usage sensé de ces chants et de cette harmonie, pour bien exprimer son sujet, et quand il ne sçait pas animer encore sa composition par un rithme convenable à ce sujet, de maniere que cette composition exprime quelque chose, et qu’elle l’exprime bien.
L’usage est toujours le maître des mots, mais il l’est rarement des regles de la syntaxe. […] Ainsi, soit que le stile dans lequel nos bons auteurs du temps de Louis XIV ont écrit, demeure toujours le stile à la mode, je veux dire le stile dans lequel nos poetes et nos orateurs tâchent de composer, soit que ce stile ait le sort du stile en usage sous le regne des deux premiers Cesars qui commença de se corrompre dès le regne de Claudius, sous qui les beaux esprits se donnerent la liberté d’introduire l’excès des figures en voulant suppléer par le brillant de l’expression à la force du sens et à l’élegance simple où leur génie ne pouvoit pas atteindre ; je tiens que les poetes illustres du siecle de Louis XIV seront comme Virgile et comme l’Arioste, immortels sans vieillir. […] Les allemands et les hollandois disent que l’usage que font leurs concitoïens des mots, et principalement des verbes françois, en parlant hollandois et allemand, corrompt leurs langues comme Ronsard corrompoit le françois par les mots et par les locutions des langues sçavantes qu’il introduisoit dans ses vers.
Le bon usage que plusieurs poëtes ont fait dans tous les tems de l’invention et des imitations de la poësie, montre assez qu’elle n’est pas un art inutile dans la societé. Comme il est aussi propre par sa nature à peindre les actions qui peuvent porter les hommes aux pensées vertueuses, que les actions qui peuvent fortifier les inclinations corrompuës : il ne s’agit que d’en faire un bon usage.
Après que l’usage de ne plus chanter toutes les poësies eut été introduit, et qu’on eut commencé à reciter simplement quelques especes de vers, on ne laissa pas de continuer à nommer toujours chant la récitation de toute sorte de poësie. […] Cet usage d’emploïer dans ces deux accompagnemens des instrumens differens prouve quelque chose.
Le mode d’expiation des Lydiens est à peu près semblable à celui qui est en usage chez les Grecs. […] Ces prêtres ne font usage que de vêtements de lin et de souliers de papyrus, et ne peuvent porter ni d’autres habits ni d’autre chaussure. […] « Les Thraces, qui habitent le pays au-dessus de Crestone, ont aussi quelques usages particuliers. […] Vous, qui nous recevez avec tant d’amitié, qui nous traitez avec tant de magnificence, et qui, enfin, n’avez point refusé la terre et l’eau au roi Darius, pourquoi ne suivez-vous pas aujourd’hui les usages des Perses ? […] On voit donc que, déjà dans ce temps, les Méliens firent mauvais usage de leur découverte.
L’infiniment petit étoit marqué, dans Léibnitz, par un caractère plus commode & d’un plus grand usage que le caractère employé par Newton. […] M. d’Alembert voudroit qu’on fit de la musique Italienne un plus noble usage ; qu’on déployât autrement ses richesses. […] Le décret fut, selon l’usage, publié dans toutes les écoles. […] Divisés dans leurs opinions, dans leurs usages, dans leurs méthode d’enseigner, ils ne sont occupés qu’à s’abbaisser l’un l’autre. […] Il y fit usage de ses talens pour accréditer l’Augustin de l’évêque d’Ypres.
Cultivé dans la première période par la religion, par la poésie et les arts, il accumule les faits dont la philosophie doit un jour faire usage. […] La sagesse consiste alors dans un usage habile des paroles, dans l’application précise, dans l’appropriation du langage à un but d’intérêt. […] Cette sagesse ne nous force pas par des lois positives, mais elle se sert pour nous gouverner des usages que nous suivons librement. […] À sa mort, les professeurs de l’université s’étaient rassemblés chez lui, selon l’usage, pour accompagner leur collègue à sa dernière demeure. […] Rousseau), 1764. — Logique à l’usage des jeunes gens, 1766 (divisée en cinq parties : emendatrice, inventrice, giudicatrice, ragionatrice, ordonatrice.
Il ne serait même pas impossible de faire un jour, de tous ces morceaux dispersés, un petit recueil d’aménités littéraires philologiques à l’usage des simples amateurs de l’Antiquité, des humanistes curieux et non asservis à la routine. […] Lorsqu’il apprit que mes Mélanges de Littérature grecque allaient être imprimés, il me pria de lui permettre de revoir les épreuves avec moi et d’en extraire au fur et à mesure, pour son usage particulier, tous les fragments nouveaux de poètes. […] Laissant à d’autres l’honneur d’une culture méthodique et raisonnée, il ne se donnait que comme un ouvrier helléniste qui s’ôtait formé à force de pratique et d’usage.
La nature et son impulsion primitive sont beaucoup, j’admettrai même qu’elles sont tout en commençant ; mais l’usage qu’on en fait et le ménagement de la vie deviennent plus importants à mesure qu’on avance vers la maturité, et, dans ce second âge, le caractère définitif du talent, sa forme dernière se ressent profondément de l’arriéré qu’on porte avec soi et qui pèse, même quand on s’en aperçoit peu. […] Ce qui est plus rare et plus méritoire, c’est la bonté dans la seconde moitié de la vie, une bonté active, éclairée, le cœur qui se perfectionne en vieillissant : cela prouve qu’on a fait bon usage de la première part et qu’on n’a pas mésusé du premier fonds. […] De même, pour le talent de l’artiste et du poëte, je dirai qu’il y a une certaine générosité inhérente qui lui est assez ordinaire dans la jeunesse ; mais le développement ultérieur qu’il prendra dépend étroitement de l’usage du premier fonds.
c’est que les grands mots, qui étonnent et détonnent, forcent les imaginations endormies et grossières, et y suscitent des images que les mots simples, employés aux usages domestiques, sont devenus par là même incapables d’y évoquer. […] Quand un long usage l’a accouplé à un autre mot, ou enchaîné dans une phrase, il tend toujours à tirer après lui sa compagnie. […] Ils ne sont pas seulement à l’usage du philosophe ou du savant, qui, n’exprimant que de pures idées, ne cherchent à évoquer aussi que des séries d’idées pures.
Il rapporte que Livius Andronicus, qui, suivant l’usage de ce temps-là, jouoit lui même dans ses pièces, s’étant enroué à force de répéter un morceau qu’on redemandoit, obtint la permission de faire chanter ses paroles par un jeune comédien, & qu’il se contenta de les accompagner du geste. […] De-là, cet usage de partager, entre différens acteurs, la partie du chant & celle de la danse. […] Il prétend que, si l’usage des notes déclamatoires a eu lieu, quelquefois, chez les anciens, ce n’a jamais été qu’en faveur de certains acteurs qui parloient mal leur langue & dont la prononciation étoit vicieuse.
L’usage des vrais biens réparerait ces maux ; Je le sais, et je cours encore à des biens faux. […] vous pouvez nous l’apprendre ; Votre réponse est prête, il me semble l’entendre : C’est jouir des vrais biens avec tranquillité, Faire usage du temps et de l’oisiveté, S’acquitter des honneurs dus à l’Être suprême, Renoncer aux Phyllis en faveur de soi-même, Bannir le fol amour et les vœux impuissants, Comme Hydres dans nos cœurs sans cesse renaissants. […] Je doute qu’il y ait du philtre amoureux pour La Fontaine, il n’a guère aimé de femmes qui en eussent pu faire la dépense. » La tête de La Fontaine ne baissait pas comme le croyait Ninon ; mais ce qu’elle dit du philtre amoureux et des sales amours n’est que trop vrai : il touchait souvent de l’abbé de Chaulieu des gratifications dont il faisait un singulier et triste usage. […] J’en reviens volontiers et je m’en tiens sur lui à ce jugement de La Bruyère dans son Discours de réception à l’Académie : « Un autre, plus égal que Marot et plus poëte que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire, toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au-delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter. » — Voir aussi le joli thème latin de Fénelon à l’usage du duc de Bourgogne sur la mort de La Fontaine, in Fontani mortem.