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2259. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

La liberté des opinions a commencé, en France, par des attaques contre la religion catholique ; d’abord, parce que c’étaient les seules hardiesses sans conséquence pour l’auteur, et, en second lieu, parce que Voltaire, le premier homme qui ait popularisé la philosophie en France, trouvait dans ce sujet un fonds inépuisable de plaisanteries, toutes dans l’esprit français, toutes dans l’esprit même des hommes de la cour. […] L’homme sans talent littéraire aurait trouvé ces expressions que nous admirons, si le malheur avait profondément agité son âme. […] Il trouvera des idées, des expressions que l’ambition du bien peut seule faire découvrir ; il sentira son génie battre dans son sein, il pourra s’écrier un jour avec transport, en relisant ce qu’il aura écrit, ce qu’il aura dit dans un tel moment, comme Voltaire en entendant déclamer ses vers : « Non, ce n’est pas moi qui ai fait cela. » Ce n’est pas, en effet, l’homme isolé, l’homme armé seulement de ses facultés individuelles, qui atteint de son propre essor à ces pensées d’éloquence dont l’irrésistible autorité dispose de tout notre être moral : c’est l’homme alors qu’il peut sauver l’innocence, c’est l’homme alors qu’il peut renverser le despotisme, c’est l’homme enfin lorsqu’il se consacre au bonheur de l’humanité : il se croit, il éprouve une inspiration surnaturelle.

2260. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

J’en trouve dans le journal un très remarquable exemple. […] Le lecteur me trouvera mauvais fils, il aura raison. » En supposant même que tous les griefs de Stendhal aient été fondés, on se dit qu’il y a des sentiments qu’on peut sans doute éprouver malgré soi, mais qu’il est odieux de s’y complaire, de les développer par écrit, parce qu’ils offensent, tout au moins, des conventions trop anciennes, trop nécessaires à la vie des sociétés, et vénérables par là même. […] Il dit, en regrettant de n’avoir pas eu de maîtresse à dix-huit ans : « Elle eût trouvé en moi une âme romaine pour les choses étrangères à l’amour. » Or, il passe toute sa vie dans d’assez médiocres emplois.

2261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Je voudrais y voir aussi une petite amende honorable au public qui n’a pas fait aux beaux poèmes de la Mer, très mêlés, je sais bien, mais où l’on trouve des choses exquises, de véritables petits chefs-d’œuvre, un accueil aussi empressé qu’ils le méritaient. […] Respectons les joies simples des simples et ne médisons pas des albums d’Épinal en qui leurs âmes trouvent, malgré tout, des motifs de rêve et de désintéressement. […] Mais je serais bien étonné s’ils ne trouvaient pas de quoi s’y plaire… Il est délicieux, il est exquis, ce premier acte ; tout parfumé de l’odeur des blés qu’on coupe, tout égayé des chansons qui voltigent dans l’air, tout illuminé de poésie.

2262. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Voilà une objection à quoi je n’ai pas trouvé de réplique. […] Premier tableau ; décor très intime ; il est cinq heures (Personnages : un monsieur, une dame) : la dame, simplement : « Quelle bonne idée tu as eue d’acheter un second peigne. » Deuxième tableau (personnages : la même Dame, un autre Monsieur ; on est à table) : la dame, toujours simplement : « Figure-toi, mon chéri, que j’ai retourné le Louvre, le Printemps, et le Bon Marché sans trouver la nuance de doublure que je voulais. Demain j’y retournerai. » La phrase a trop servi, et maintenant la jeune femme répond à son seigneur inquiet de ses yeux fatigués : « Je n’ai pas cessé de courir de Faguet à la Sorbonne, à du Bled chez la duchesse, et à Vanor chez Bodinier, sans trouver la nuance d’âme que je cherchais ; je recommencerai demain. » Je remercie les auditrices, loyales celles-là ou momentanément inoccupées, qui aujourd’hui sont venues en personne entendre moquer leur prétendu passe-temps favori.

2263. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Par cela seul que je reste attaché à cette forme religieuse, c’est que j’y trouve quelque chose que je ne trouverais ni dans une autre religion ni dans une école de philosophie, par exemple un type vivant de piété, de pureté, de charité, qui me sert de modèle pour me conduire ici-bas et d’intermédiaire pour m’élever jusqu’à Dieu. […] Les chrétiens libéraux trouvent beaucoup plus simple, et ils ont raison, de prendre pour point de départ le christianisme lui-même en le dépouillant de tout ce qui lui aliène les esprits indépendants.

2264. (1757) Réflexions sur le goût

Si la sage timidité de la physique moderne a trouvé des contradicteurs, est-il surprenant que la hardiesse des nouveaux littérateurs ait eu le même sort ? […] En effet la source de notre plaisir et de notre ennui est uniquement et entièrement en nous ; nous trouverons donc au dedans de nous-mêmes, en y portant une vue attentive, des règles générales et invariables de goût, qui seront comme la pierre de touche à l’épreuve de laquelle toutes les productions du talent pourront être soumises. […] En quelque matière que ce soit, nous devons désespérer de remonter jamais aux premiers principes, qui sont toujours pour nous derrière un nuage : vouloir trouver la cause métaphysique de nos plaisirs, serait un projet aussi chimérique que d’entreprendre d’expliquer l’action des objets sur nos sens.

2265. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Le Mot de l’énigme qu’on cherchera, sans le trouver, car il n’y a dans le livre de Mme Craven ni énigme, ni mot (il n’y a que des mots, à moins que ce mot de l’énigme ne soit pourtant de se faire dévote, lorsque votre mari vous trompe), le Mot de l’énigme est un roman de la même pauvre inspiration ou du même parti pris que Fleurange. […] Les romans de Mme Craven ne sont point destinés à vivre, tandis que le Récit d’une sœur est destiné à ne pas périr… La vérité, qu’elle n’a pas faite, est plus puissante et plus durable que les pauvres fictions qu’elle a inventées… Mme Craven a trouvé presque la gloire sans la chercher, le jour où elle a rassemblé des souvenirs qui méritaient d’être immortels ; mais à présent qu’elle la cherche opiniâtrement et dans des voies où la vanité littéraire la promène, elle ne la trouvera plus.

2266. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Quand on lit Tallemant et quand on est, comme lui, un homme de lettres, on se coule dans sa peau par la pensée et on trouve le xviie  siècle un bien grand siècle, parce que les plus nobles compagnies voient l’homme de lettres à côté des seigneurs et des hommes les plus élégants de la cour. […] Est-ce que madame de Sévigné n’avait pas trouvé Louis XIV un très grand roi parce qu’il avait dansé avec elle ? […] Grâce à cet homme, qui pêche des anecdotes comme on pêche des anguilles, jusque dans la vase, un esprit politique n’aurait-il pas, au moins, indiqué le mal de ce temps qu’on prend pour une époque de force et de virilité, et qui n’offre aux yeux fascinés que la ruine suspendue d’une société dont la tête va tout à l’heure porter contre le fond de l’abîme, mais qui, jusque-là, trouve doux de tomber ?

2267. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

N’est-on pas surpris d’y trouver que le roi mettait à la loterie ? […] Dans son journal, les chasses figurent comme les fastes de sa vie ; le jour où le roi n’avait pas chassé s’y trouve noté avec le mot : Rien. […] Il y a la reine en pied et de face, éclairée comme elle ne l’avait jamais été jusque-là, la reine, éblouissante et suave, restituée à ce fond d’éther qu’on avait trouvé le moyen affreux de salir, et sur la lumière bleue duquel ressort bien sa pure et grande physionomie.

2268. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Les hommes qui ne voient jamais le xviiie  siècle qu’à travers un microscope peuvent trouver que Chamfort n’est pas par trop nain entre La Rochefoucauld et La Bruyère, et lui mettre son temps sous les pieds pour le hausser jusqu’à eux, en l’appelant le moraliste du xviiie  siècle. […] Fait, comme tout homme qui vient en ce monde, de mémoire, d’intelligence et de volonté, le bâtard, si loin qu’il recule en lui, trouve dans sa mémoire l’événement qui lui a retranché toute légitimité naturelle et sociale ; car le séducteur dont il est sorti n’est pas père. […] L’avortement, l’infanticide et l’abandon ont cent fois levé le poignard sur sa tête, cherché des oubliettes mystérieuses, consulté des scélérats et rêvé bien des espèces de crimes avant de le déposer dans son berceau et de l’y laisser, — pour la religion peut-être, qui l’y a trouvé et qui l’y a pris !

2269. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Voici les paroles que l’on trouve presque en tête du livre qu’il publie sous le titre un peu gascon de l’Esprit dans l’histoire : « Je me donne là, — dit-il avec un joli mouvement de faon dans les bois, — je me donne là, je le sais, un labeur rude et téméraire ; et cependant, tant est vif mon désir de démolir le faux et d’arriver au vrai, tant est grande ma haine pour les banalités rebattues, pour les raisons non prouvées, pour le scandale et pour les crimes sans authenticité, je voulais étendre mon travail au-delà des limites que je me suis assignées ; mais j’ai reculé devant cet effort après l’avoir mesuré. […] … Pour ma part, je n’ai pas très bien vu ce que l’information pure et simple a gagné au livre de Fournier ; je n’ai pas vu quelles modifications importantes en sont résultées dans l’ordre des connaissances, ordinaires ou vulgaires, — et, excepté le divertissement qui vient de toute nouveauté pour la masse des esprits ennuyés et superficiels, heureux et surpris de trouver un passe-temps dans des études qui devraient toujours rester sévères, excepté le divertissement des enfants et des femmes qui a fait son succès, je ne vois rien en l’Esprit dans l’histoire qui le recommande aux esprits seulement curieux. […] Nous trouverons peut-être qu’il l’a répété dans le prochain ouvrage de Fournier, qui va continuer ses publications érudites, et va, je l’espère bien, continuer à râper son sucre toujours aussi fin, dans ces sucriers recherchés des dames et qui s’appellent de ces agréables noms : le Vieux-neuf 21 (j’aimerais mieux du Vieux-Sèvres !)

2270. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Les jugements qu’on y trouve, ces jugements qui doivent couronner tous les faits quand l’historien sait penser sur ce qu’il raconte, manquent généralement du grand caractère qui, toujours dans la vérité, et quelquefois, hélas ! […] , laisse l’esprit à peu près tel qu’elle l’a trouvé, sans modifications intérieures, — les seuls enseignements que les hommes subissent et que les livres puissent donner. […] L’auteur des Quinze ans du règne de Louis XIV rencontrera-t-il plus tard, sur l’homme et le règne dont il a commencé de raconter le déclin, une idée qui dépasse toutes celles qu’on trouve dans la majorité des esprits ?

2271. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Et voici Alexandre Weill, qui n’est pas Allemand, mais qui ne doit pas être né très loin de l’Allemagne si j’en crois certains reflets gardés sur sa pensée, qui pense à son tour qu’en disant sans biaiser à mademoiselle sa fille ses idées, à lui, sur les femmes et sur le gendre qui doit lui agréer, il trouvera ce merle blanc, comme il l’appelle, qui n’est blanc souvent que parce qu’il s’est fourré de la poudre de riz quand il allait faire la cour à sa femme, mais qui finit toujours par redevenir l’autre merle que nous connaissons. […] L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps ! […] Je n’en ai trouvé qu’un.

2272. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Après l’avoir trouvée sèche, il la déclare morose : « Elle fait — écrit-il — un assommoir de l’éternité, avec lequel elle écrase tout. […] nous pouvons nous trouver heureux de ce que Madame de Créqui n’a pas accompli un tel précepte ; nous y avons gagné les lettres piquantes publiées par Sainte-Beuve. […] La grâce et le bon sens, précieux et trop rare alliage absent de tant d’œuvres et qu’on trouve ici dans quelques lettres et quelques billets !

2273. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

, laquelle a trouvé que lui, Byron, l’auteur du Corsaire, de Lara, du Giaour, de Don Juan, et de tant d’autres chefs-d’œuvre, était, en termes de cette École : horriblement poncif ; que ses Turcs et ses Grecs ressemblaient à des sujets de pendule ; que tout cela était vieux et passé comme le turban de madame de Staël, comme le Malek-Adel de madame Cottin… Ah ! […] Pour qu’il naquît, il fallait que son génie rencontrât le génie grec qu’il n’avait pas trouvé à Harrow, où il n’étudia point, par cet esprit de contradiction et de paresse qui est souvent l’esprit des gens de génie. […] Le vrai sens de Byron est aussi difficile à trouver que le sens de Lara, dont on ignore les crimes et la vie.

2274. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Il a trouvé son maître. […] Renan (mais je la trouve rude) est d’avoir engendré M.  […] Voltaire lui-même, dans son temps, qui était le bon, n’avait pas trouvé cela.

2275. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

il avait fait trouver doux enfin ce pain si amer à la bouche de l’homme. Et il commençait ainsi sa journée, sa moisson de cœurs repentants, bien avant l’aurore î Et ces foules qui venaient à lui, sans qu’il eût besoin d’aller à elles, se sont tellement renouvelées, pendant toute sa vie, qu’en prenant la moyenne de ses confessions on a trouvé plus d’un million d’âmes converties puisqu’il les avait confessées. […] Je n’en aurais pas pour garants les promesses divines et les expériences de la vie, déposant toutes de l’efficacité de l’aveu pour ce cœur de l’homme qui étouffe toujours, que je n’en douterais plus après avoir lu les toutes-puissantes choses que je trouve dans le livre de l’abbé Monnin, et qui me consacreraient le Curé d’Ars comme un génie, si je n’avais pas bien plus que du génie pour l’expliquer !

2276. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Il admet, comme une loi du monde, cette démence de l’orgueil qu’on ne trouvait autrefois que dans les maisons de fous, et qui trône maintenant dans les Philosophies et dans les Poèmes. […] C’est ainsi que pourrait l’être, et que l’a été à plusieurs places de son poème, l’auteur du Poème humain,  qui nous invente une mythologie de l’avenir tout aussi fausse que les mythologies du passé, mais moins facile à trouver, car, ainsi que l’auteur des Métamorphoses, il ne l’avait pas sous la main et il l’a cherchée dans sa tête. […] « Je trouve le moment venu — dit ce jeune Spartacus de la prosodie — de se séparer de la routine, et c’est pourquoi j’ai modifié le nombre ordinaire de syllabes… Mon idée — ajoute-t-il — est même que le poète a le droit de compter les mots en variant, au besoin, selon le hasard du vers… » Au hasard du vers !

2277. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

On n’y trouve qu’une notice assez sèche sur les différentes éditions des œuvres de La Fontaine, mais sur La Fontaine lui-même, rien ! […] Et plus nous avons grandi, plus il a grandi avec nous ; plus nous avons avancé dans la vie, plus nous avons trouvé de charme et de solidité dans ces Fables qui sont la vérité, dans ces drames dont les bêtes sont les personnages et qui racontent si délicieusement et si puissamment la vie humaine, tout en la métamorphosant. […] Il y a eu de son talent et de sa personne beaucoup d’appréciations intéressantes, parce que la supériorité de La Fontaine est si incontestable et si grande que quoi qu’on dise à son éloge on trouve toujours juste, et dans le vrai quelque chose ; de plus.

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