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1985. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

… Tout est singulier dans ces représentations, et, vraiment, l’historien des mœurs cosmopolites, — un Henry James ou un Tourguénief, — trouverait là matière aux remarques les plus piquantes. […] On trouverait que le culte du génie n’entre que pour une part minime dans la réunion de suiveurs de mode et de badauds qui grossissent le cortège. […] … Dans quelques pages de Parsifal, l’auteur a trouvé moyen de se surpasser lui-même ! […] il faut l’avouer, je n’ai pas encore la moindre idée de ce que l’auteur a voulu faire. » Au contraire, il trouvait admirable en tout point le prélude de Lohengrin. […] En laissant de côté plusieurs exemples moins importants, nous trouvons dans les dernières mesures du cycle A l’amante absente de Beethoven et dans la merveilleuse Marguerite au rouet de Schubert des retours pleins de signification poétique.

1986. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Que trouverait-on de commun entre une grimace de pitre, un jeu de mots, un quiproquo de vaudeville, une scène de fine comédie ? […] Et peut-être trouverons-nous aussi que nous avons fait, sans le vouloir, une connaissance utile. […] Ce qu’il y a de risible dans un cas comme dans l’autre, c’est une certaine raideur de mécanique là où l’on voudrait trouver la souplesse attentive et la vivante flexibilité d’une personne. […] Il y a une loi générale dont nous venons de trouver une première application et que nous formulerons ainsi : quand un certain effet comique dérive d’une certaine cause, l’effet nous paraît d’autant plus comique que nous jugeons plus naturelle la cause. […] Nous voulons dire que le dessinateur peut se doubler d’un auteur satirique, voire d’un vaudevilliste, et qu’on rit bien moins alors des dessins eux-mêmes que de la satire ou de la scène de comédie qu’on y trouve représentée.

1987. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

En effet, si l’on excepte Béranger et Alfred de Musset, on trouvera qu’ils s’en sont passés en général et qu’ils ont tous négligé le sourire. […] Ce brave homme n’avait pu résister à l’intérêt qu’un talent si naturel et si expansif lui inspira : il lui offrit sur-le-champ le passage gratis à son bord, et lui garantit qu’il trouverait sur le continent prochain à donner autant de leçons qu’il voudrait. […] Nous y trouvons tout d’abord Désaugiers. […] On y trouve tout entier le chantre original et populaire de cette époque, dont nous avons défini l’esprit au dedans. […] On trouvera dans la notice de M.

1988. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

C’est qu’il offre à ses dévots des œuvres parfaites, où les gens du métier trouvent un plaisir sans mélange : presque jamais un sentiment personnel au poète n’y éclate dont la sincérité, l’originalité ou l’expression puisse être contestée, qui semble, suivant les jours, insuffisant ou démesuré, ni qui détourne l’attention des mystères savants de la forme. […] Des élèves du maître, de jeunes et habiles ouvriers se sont donné ce plaisir, et l’on aura beau chercher, on ne trouvera guère sous leurs vers éclatants d’autre passion que celle des contours rares et des belles rimes. […] Par-delà l’épaisseur de ce sépulcre (mot illisible) Sur qui gronde le bruit sinistre de ton pas, Je ferai bouillonner les mondes dans leur gloire ; Et qui t’y cherchera ne t’y trouvera pas ! […] Toute splendeur et toute horreur s’y trouvent réunies. […] Qui expliquera l’étrange plaisir qu’on prend parfois à désirer l’absorption du moi dans l’être, c’est-à-dire à désirer le néant ou à croire qu’on le désire   La perfection de la forme et la curiosité du fond suffiraient à faire goûter le poème de Baghavat ; mais voulez-vous y trouver un charme poignant ?

1989. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Il ne fait pas même grâce à l’épître, qu’il ne trouve pas assez noble à cause de Marot, qui y avait excellé. […] On s’attendrait à trouver, parmi tant d’idées heureuses, quelques principes de goût sur la manière dont l’imitation pouvait enrichir, et, selon l’expression de Du Bellay, amplifier notre langue. […] Au reste, le droit à cet égard paraissait si clair, que, parmi ses critiques, quelques-uns trouvaient qu’il y avait mis trop de scrupule, et lui reprochaient de préférer trop souvent ses conceptions à celles des anciens. […] Telle était la superstition pour les anciens, qu’il suffisait, pour que des vers fussent trouvés beaux, qu’il y parût quelque lambeau de leurs dépouilles. […] Enfin, c’est encore par des moyens matériels qu’il pensait rendre harmonieuse cette langue que les cicéroniens et les Italiens trouvaient barbare.

1990. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

On trouva la chose toute simple. […] En nous retournant, nous lui trouvions l’air cruel et irrité. […] Il revint de bonne heure, trouva sa vieille maison, que personne n’avait voulu occuper, dans l’état où il l’avait laissée. […] Elle trouvait ainsi un repos relatif. […] Elle trompait ainsi sa passion et y trouvait des moments de volupté qui la rassasiaient pour des journées.

1991. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Elle s’est mise à enluminer des portraits au stéréoscope, et Peterson trouve qu’elle réussit assez bien dans cette partie. […] Mars Je trouve aujourd’hui Janin, contre son habitude, extrêmement affecté des attaques de la petite presse. […] » * * * — « Une nuit, c’était au bal masqué de la Renaissance : je me trouvais avec ma s… bougresse. […] Dans l’après-midi on trouvait presque toujours, tenant compagnie à Valentin, le peintre Hafner, le naturiste coloriste, le maître des champs de choux violets, l’original artiste à l’aspect de caporal prussien, et déjà ivre depuis le déjeuner, et qui, le menton calé sur sa canne, en la pose que j’ai vue à l’oncle Shandy, dans une vieille illustration du roman de Sterne, regardait vaguement travailler son ami jusqu’à l’heure du dîner. […] Jadis la religion, c’était là un magnifique dada… mais c’est empaillé maintenant… ou encore le dada du père Corot qui cherche des tons fins et qui les trouve et à qui ça suffit… Tenez, ces gros bourgeois qui viennent le dimanche ici, et qui rient si fort… je les envie. » « Et pour l’amour, mon Dieu, ce que nous exigeons de la créature humaine !

1992. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

II, chap. 6] Outre les projets de réforme et d’amélioration qui sont venus à la connaissance du public, on prétend que l’on a trouvé depuis la révolution, dans les anciens papiers du ministère, une foule de projets proposés dans le conseil de Louis XIV, entre autres celui de reculer les frontières de la France jusqu’au Rhin, et de s’emparer de l’Égypte. […] Il ne trouva de ressource que dans la pieuse générosité de saint Jean Chrysostome, qu’il avait souvent maltraité, et dans l’asile sacré des autels, qu’il s’était efforcé d’abolir par diverses lois, et où il se réfugia dans son malheur. […] Un fat trouve toujours un plus fat qui l’admire ; mais les militaires souffrent-ils les injures tranquillement ? […] IV, chap. 5] Voici ce que Montesquieu écrivait en 1752 à l’abbé de Guasco : « Huart veut faire une nouvelle édition des Lettres Persanes ; mais il y a quelques Juvenilia que je voudrais auparavant retoucher. » Sous ce passage on trouve cette note de l’éditeur : « Il a dit à quelques amis que s’il avait eu à donner actuellement ces Lettres, il en aurait omis quelques-unes dans lesquelles le feu de la jeunesse l’avait transporté ; qu’obligé par son père de passer toute la journée sur le Code, il s’en trouvait le soir si excédé, que pour s’amuser il se mettait à composer une Lettre Persane, et que cela coulait de sa plume sans étude. » (Œuvres de Montesquieu, tom.  […] V, chap. 4] On trouve dans un poème de M. 

1993. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Messieurs, Si vous avez eu le désir amical, dont j’ai été plus d’une fois informé, de me voir commencer ce cours, croyez bien que, de mon côté, il ne me tardait pas moins de me trouver au milieu de vous pour remplir l’honorable et cher devoir qui m’est confié, et auquel j’appartiens désormais sans réserve. […] Je me trouve naturellement conduit à traiter de ce qui me frappe avant tout, dans cette carrière qui nous est désormais commune, et de ce qu’il nous importe le plus de bien fixer. […] Quelque chose de court, de simple (ou de grossier) et de tout trouvé, d’informe et de vague, de tout voisin de la terre ou de trop voisin du nuage. […] Le jugement, ainsi retrempé à sa source, dût-il rester inférieur quelquefois à ce qu’on avait trouvé précédemment, y reprend du moins de la vie et de la fraîcheur. […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.

1994. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un esprit merveilleux, brillant, en train de toute science et de toute diversion, cherchant jusqu’au miel des poëtes ; une parole éloquente et suave, un cœur généreux et magnifique, une âme ardente, impatiente, immodérée, épuisant la fatigue sans jamais trouver le repos, que rien ne pouvait combler, ressaisie d’une mélancolie infinie au sein des succès et des plaisirs ; que revenait obséder par accès l’idée de la mort, l’image de l’éternité, et qui, à un certain moment, rejetant ce qui n’était plus qu’incomplet pour elle, l’immolant au pied de la Croix, entra, comme dit son biographe, dans la haine passionnée de la vie. […] On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. […] Lui remarquant un air qui me parut extraordinaire et un visage qui me faisoit voir que la paix et la sérénité de son cœur étoient grandes (il avoit soixante ans), je lui demandai s’il prenoit plaisir à l’occupation dans laquelle il passoit ses jours : il me répondit qu’il y trouvoit un repos profond, que ce lui étoit une si sensible consolation de conduire ces animaux simples et innocents, que les journées ne lui sembloient que des moments ; qu’il trouvoit tant de douceur dans sa condition qu’il la préféroit à toutes les choses du monde, que les rois n’étoient ni si heureux ni si contents que lui, que rien ne manquoit à son bonheur, et qu’il ne voudroit pas quitter la terre pour aller au ciel s’il ne croyoit y trouver des campagnes et des troupeaux à conduire.  […] Le Roi trouvait excessive et que Rancé favorisait ; la seconde au sujet des études monastiques que Rancé voulait trop restreindre, et dans laquelle Nicole prit naturellement parti pour Mabillon ; la troisième enfin avec l’humble M. de Tillemont au sujet de diverses circonstances et paroles qui semblaient également empreintes de quelque dureté. […] » En vain, au début du livre, par manière de prélude, il se disait en une de ces paroles, telles que seul il les sut trouver : « La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel. » À deux pas de là, il oubliait cette vieillesse que les dieux de la Grèce ne connaissaient pas, ou il ne s’en souvenait que pour s’écrier : « Ô Rome !

1995. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Racine va trouver sa voie, et La Fontaine se découvrir. […] Mais comme il dit en cinq mots la vérité que le roman dilue en un volume, notre amour-propre trouve le breuvage amer. […] Ce témoin, cet acteur des brillants drames de l’amour et de l’ambition, une fois qu’il a quitté la scène, nous dit ce qu’il a trouvé, en lui, autour de lui ; toujours, partout, une base d’égoïsme et de calcul. […] Esquisses ou profils rapides, portraits en pied curieusement étudiés, on en trouve de toutes les sortes chez lui, et qui ne sont jamais insignifiants. […] Mais n’eussent-ils pas écrit de lettres, il n’en faudrait pas moins indiquer ici qu’ils vécurent et travaillèrent : car leur œuvre, étrangère à la littérature, et même souvent à la langue française, a préparé le merveilleux développement de la critique, de l’histoire, de l’archéologie, de toutes ces sciences où la littérature de notre siècle a trouvé quelques-uns de ses plus certains chefs-d’œuvre.

1996. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Tout écrivain qui a quelque chose à dire peut trouver son public, et, selon l’heureuse formule de Gaëtan Bernoville, le directeur-fondateur de ces peu frivoles Lettres dont le public en deux ans s’est tant accru : « on fait son propre public ». […] Mais jamais un nouveau Sainte-Beuve ne trouverait maintenant à publier sans réductions, sa copie, à moins d’être propriétaire du journal où il voudrait la voir paraître. […] Les critiques littéraires peuvent être nombreux et divers : le public les écoute toujours, il est agréable d’être guidé dans ses choix et de trouver, sur les œuvres qu’il n’a ni le temps, ni le goût de lire, une opinion bien motivée et digne d’être produite en société. […] C’est ainsi qu’on trouve le moyen de se faire de la réclame gratuite, à soi et à ses petits camarades. […] Le critique compétent (et honnête) on le trouverait ; nous l’avons sous la main.

1997. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Rousseau sont si foibles, qu'elles n'ont pas trouvé de Lecteurs ; & ce qui a déjà paru de son Ouvrage, intitulé l'Accord de la Philosophie avec la Religion, nous semble plus propre à augmenter qu'à diminuer le nombre des Incrédules. […] Ce qu’on trouve de mieux dans leurs Ouvrages, n’est qu’une esquisse grossiere, que le crépuscule du jour vivifiant, que la Religion Chrétienne devoit répandre sur l’esprit humain. […] Mais qu’un esprit impartial & non prévenu parcoure tous les préceptes de notre Religion, il n’y trouvera au contraire que ce qui peut adoucir l’ame, la fortifier contre les miseres, l’ennoblir & la diriger vers le bien. […] Qu’ils se taisent, pour l’honneur de la raison humaine, outragée par le délire de leurs raisonnemens, & par les dangers qui résultent de leurs conséquences ; qu’ils écoutent, afin de s’instruire, de se connoître, & d’abjurer leurs erreurs & leurs motifs ; qu’ils se soumettent, &, bien loin de trouver dans la Religion un joug austere & nuisible, ils y trouveront, au contraire, la gêne des passions, remplacée par le regne de la vertu ; les sacrifices de l’amour-propre, payés par les douceurs de la modération ; l’assujettissement des goûts & des caprices, accompagné de la paix de l’ame ; les combats de la sensibilité, couronnés par le calme ; les agitations de la révolte, dissipées par la supériorité des sentimens ; les transports de l’animosité, désavoués par la sagesse, & étouffés par la soumission. […] J'ai consulté les Philosophes, j'ai feuilleté leurs livres, j'ai examiné leurs diverses opinions : je les trouve tous fiers, affirmatifs, dogmatiques, même dans leur septicisme prétendu, n'ignorant rien, ne pouvant rien, se moquant les uns des autres ; & ce point commun m'a paru le seul sur lequel ils ont tous raison : triomphans quand ils attaquent, ils sont sans vigueur en se défendant.

1998. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

À défaut de preuves plus intimes et que tout homme, accoutumé à s’apprécier sous le jour de la morale traditionnelle, trouvera dans sa conscience, les pénalités de toutes sortes en font foi. […] Il suffit donc de noter ici que l’on trouvera, dans le troisième volume du Monde comme volonté et comme représentation, au chapitre sur la Métaphysique de l’amour, les développements fournis par ce philosophe en ce qui touche à cette forme du Bovarysme. […] Il faut reconnaître en effet que le besoin d’assurer à la vie humaine une survie a trouvé dans les religions les plus primitives et les plus grossières un assouvissement plus immédiat et plus sûr que dans les religions les dernières venues. […] La nouveauté seule d’une jouissance nous touche : se tourne-t-elle en habitude, nous cessons de la ressentir et nos sens affinés y découvrent des nuances où le pouvoir de souffrir trouve à se satisfaire. […] Car elle ne demande à un remède que de guérir le mal immédiat, et lorsqu’elle a trouvé ce topique, elle ne se préoccupe pas des modifications profondes que peut déterminer dans l’organisme, l’ingérence d’une substance étrangère.

1999. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Leur voix n’a trouvé que peu d’échos dans le monde, parce que le monde n’a pas encore frissonné du même désir qu’eux. […] II J’ai choisi parmi des œuvres récentes cinq textes où nous allons trouver des traces plus précises encore de cette nouvelle conception.‌ […] Rends ma vision saine et claire Que je puisse voir quelle beauté s’attache ‌ Aux formes communes et trouver l’âme Des choses non regardées ? […] Dans la vie journalière comme dans la vie politique, partout où nous la trouvons en face de nous, nous la combattons en lui disant ce qu’elle représente désormais pour nous : un hideux cauchemar, une odieuse tromperie de l’existence. […] De l’autorité politique à l’autorité divine, nous trouverons le même changement radical, la même révolution dans la pensée — dans la pensée, hélas !

2000. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

L’Université, dirigée par des chefs illustres, peuplée de maîtres habiles, ne laissait rien à désirer pour la solidité et l’éclat des études littéraires classiques ; les hautes sciences trouvaient aussi toute satisfaction en elle. […] Toutefois, je confesse ma crainte : si Franklin et son système s’étaient trouvés nettement en face de Rollin et de sa religion des anciens, s’il y avait eu guerre ouverte et déclarée entre eux, je ne sais comment le bon recteur se serait défendu en définitive ; comment il aurait maintenu l’utilité sociale et perpétuelle de sa méthode, comment il aurait fait pour persuader qu’il avait suffisamment de quoi pourvoir à toutes les nécessités du monde réel et de la vie moderne. […] Des juges, d’ailleurs équitables, ont cru trouver trop de régularité et de mécanisme dans l’indication stricte des heures, des minutes consacrées à chaque portion des devoirs dans les classes ; mais il semble qu’en se représentant avec une précision si parfaite les exercices de chaque groupe successivement, le ministre ait voulu ne pas s’en tenir à une idée prise de loin et de haut, comme cela est trop ordinaire ; qu’il ait voulu communiquer aux maîtres le sentiment de l’importance qu’il met à un parfait accord entre les facultés diverses. […] Il acquiert pour toute la vie l’habitude de raisonner en chimiste, au lieu de se borner à savoir par cœur, pour quelques mois, le texte de son cours… Aussi, pour la parfaite exécution du nouveau plan d’études, les professeurs trouveront-ils bien plus de profit à préparer leur leçon dans le laboratoire même, au milieu des appareils, en prenant part à la disposition matérielle des expériences, qu’à l’étudier dans leur cabinet, abstraction faite des objets qu’ils vont avoir à manier et à faire passer sous les yeux des élèves. […] Mises à leur place, ces notions entrent sans fatigue dans l’esprit des élèves, trouvent plus tard dans la vie leurs applications, et contribuent au plus haut degré à donner à l’enseignement de la chimie son véritable caractère.

2001. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

J’aime les lettres, j’honore ceux qui les professent, mais je ne veux de société avec eux que dans leurs livres, et je ne les trouve bons à voir qu’en portrait. […] Non pas qu’on ne puisse trouver aujourd’hui ses descriptions bien souvent longues et tirées, ses grandes chroniques de Chanteloup fades et traînantes, ses plaisanteries froides et compassées : il faudrait une magie de plume qu’il n’a pas pour nous faire repasser avec plaisir sur la monotonie de ces journées heureuses. Disons-nous, pour être justes, que ce n’est pas pour nous qu’il écrivait, c’était pour les personnes de sa coterie qui trouvaient tout cela fort bon, fort doux et très amusant. […] Elle disait d’elle encore, se comparant à Mme de Sévigné et s’humiliant dans la comparaison (cette fois c’est à Horace Walpole qu’elle s’adressait) : Vous trouvez, dites-vous, mes lettres fort courtes. […] Pasquier l’allant voir la trouva fort émue.

2002. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

. — Après une longue série de jours éclatants, j’aime assez à trouver un beau matin le ciel tendu de gris, et toute la nature se reposant en quelque sorte de ses jours de fête dans un calme mélancolique. […] j’ai rêvé que je me trouvais seul dans une vaste cathédrale. […] Ce calme continuel, cette douce monotonie de la vie familière, en se prolongeant comme une note suave mais toujours la même, avaient fini par l’énerver, par l’exalter et le jeter hors de lui ou le noyer trop avant au-dedans de lui ; le trop de paix lui était une nouvelle espèce d’orage ; son âme était en proie, et il y avait danger, de ce côté, à je ne sais quelle ivresse de langueur, s’il n’eût trouvé un contrepoids, une puissante diversion dans la contemplation de la nature, de même qu’à d’autres moments il y avait eu danger que l’attraction souveraine, la puissante voix de cette nature ne l’absorbât et ne le dominât uniquement. […] Il y avait une véritable contradiction en lui : par tout un côté de lui-même il sentait la nature extérieure passionnément, éperdument, il était capable de s’y plonger avec hardiesse, avec une frénésie superbe, d’y réaliser par l’imagination l’existence fabuleuse des antiques demi-dieux : par tout un autre côté, il se repliait sur lui, il s’analysait, il se rapetissait et se diminuait à plaisir ; il se dérobait avec une humilité désespérante ; il était de ces âmes, pour ainsi dire, nées chrétiennes, qui ont besoin de s’accuser, de se repentir, de trouver hors d’elles un amour de pitié, de compassion ; qui se sont confessées de bonne heure, et qui auront besoin de se confesser toujours. […] Guérin donc avait cherché jusqu’alors sa forme et ne l’avait pas trouvée : elle se révéla tout d’un coup à lui et se personnifia sous la figure du centaure.

2003. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

On a bientôt dit, avec l’abbé de Choisy : Esprit audacieux, insatiable de crédit  ; — ou avec Duclos : Puissant génie, âme féroce  : « C’était sans doute, ajoutait ce dernier, un ministre supérieur pour conduire une guerre ; mais, si on le considère comme citoyen, c’était un monstre. » Cette expression de monstre d’égoïsme , appliquée à Louvois, a fait fortune et a trouvé des échos. […] Trouvez donc bon, s’il vous plaît, qu’avec le respect que je vous dois, je vous dise librement mes sentiments dans cette matière. […] Ne craignez point d’abîmer Mongivrault et Voilant (deux ingénieurs sous ses ordres), s’ils sont trouvés coupables. […] Quant à moi, qui ne suis pas moins accusé qu’eux, et qui, peut-être, suis encore plus coupable, je vous supplie et vous conjure, Monseigneur, si vous avez quelque bonté pour moi, d’écouter tout ce que l’on vous dira contre, et d’approfondir, afin d’en découvrir la vérité ; et si je suis trouvé coupable, comme j’ai l’honneur de vous approcher de plus près que les autres, et que vous m’honorez d’une confidence plus particulière, j’en mérite une bien plus sévère punition. […] Il voudrait faire mentir ceux qui disent « que les Français commencent tout et n’achèvent jamais rien. » Il voudrait les désabuser de ce faux point d’honneur qui, dans les sièges, quand il est tout préoccupé, par ses inventions savantes, de ménager la vie des hommes, leur fait prodiguer la leur, sans utilité, sans aucune raison et par pure bravade ; « Mais ceci, disait-il, est un péché originel dont les Français ne se corrigeront jamais, si Dieu, qui est tout-puissant, n’en réforme toute l’espèce. » Hormis ce pur et irréprochable Vauban, tous ceux qui figurent dans cette histoire, y paraissent avec leurs qualités et leurs défauts ou avec leurs vices : Condé, avec ses réveils d’ardeur, ses lumières d’esprit, mais aussi avec des lenteurs imprévues, des indécisions de volonté (premier signe d’affaiblissement), et avec ses obséquiosités de courtisan envers le maître et même envers les ministres ; Turenne, avec son expérience, sa prudence moins accrue qu’enhardie en vieillissant, et son habileté consommée, mais avec ses sécheresses d’humeur et ses obscurités de discours ; Luxembourg, avec ses talents, ses ardeurs à la Condé, sa verve railleuse, mais avec sa corruption flagrante et son absence de tout scrupule ; Louvois, avec sa dureté et sa hauteur qui font comme partie de son génie et qui sont des instruments de sa capacité même, avec plus de modération toutefois et d’empire sur ses passions qu’on ne s’attendait à lui en trouver.

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