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914. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Non, un homme l’a maintenue, et si fortement, et si rudement que son art aujourd’hui touche encore le plus bas peuple, tout autant qu’il touche l’élite, peut-être plus. […] Pour toucher le public, on le dépayse ; avec un recul calculé dans le temps ou l’espace, on lui propose des exemples particuliers de la plus grande généralité humaine, mais selon l’esprit de son temps. […] S’ils désespèrent de toucher le public, en même temps, de la même manière au point sensible — esthétique, moral, intellectuel ou religieux — ils viseront plus bas, certains de l’atteindre à coup sûr dans sa sensualité élémentaire. […] Mais le passé d’hier, que nous touchons encore de la main, comment le résumer, le caractériser sans injustice ? […] Oui, en principe : un auteur touchera la foule à proportion de l’humanité de son art.

915. (1886) Le roman russe pp. -351

Les créateurs du romantisme ne touchèrent qu’incidemment à la fiction en prose. […] Elle fournit une pierre de touche qui décèle de prime abord l’intelligence et le caractère de chacun. […] C’est bien là le son que rendait cette âme harmonieuse quand une pensée la touchait. […] C’est peut-être le lieu de toucher un point délicat que je ne veux pas éviter. […] Tourguénef n’y a touché qu’incidemment, dans ses dernières œuvres, par des esquisses sommaires, toutes dans la manière noire.

916. (1901) Figures et caractères

On la touche et on la respire. […] Certaines touchent au fond du dissentiment. […] On la touche et on l’entend. […] Il touche à tout. […] La flamme a touché Pontchartrain et failli l’anéantir.

917. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Du moment que vous touchez la veine, n’enfoncez pas trop, vous arriverez mieux.

918. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Partout nous trouverons le même sentiment, parlant en rythmes graves et amples, d’un ton pénétré, qui sait être solennel sans emphase, parce qu’il s’inspire du plus profond de la conviction humaine, à ce point où le cœur touche à la raison, où la foi du chrétien se confond avec la dialectique du philosophe.

919. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Léon Daudet n’a fait qu’effleurer ou a touché à côté.

920. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Il faut donc que son génie ait été doué d’une touche bien dominante, pour enlever ainsi l’universalité des suffrages !

921. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

— Un esclave de la chimie, un homme de lettres aux ordres d’essences et de sucs colorants, qui a, pour toucher les oreilles de l’âme, du bitume et du blanc d’argent, de l’outremer et du vermillon.

922. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Sa draperie blanche est d’une touche légère.

923. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Les têtes sont nobles et grandement touchées.

924. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Ils les touchent, sinon avec delicatesse, du moins avec assez de justesse ; c’est ce qui s’appelle improviser.

925. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Personne n’en est touché autant qu’il le faudroit.

926. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Un poëme dont la versification seroit absolument mauvaise, dont chaque vers nous choqueroit, ne parviendroit jamais à nous toucher.

927. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Que penser de l’art qui suppose hardiment qu’on ne puisse pas si bien contrefaire la touche de Raphaël et du Poussin qu’il y puisse être trompé ?

928. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

D’un autre côté, que madame de la Fayette fût de l’hôtel de Rambouillet et portât des jupons musqués de peau d’Espagne, la quintessence du goût dans une si délicate créature ne pouvait aller jusqu’au faux et au violent, et l’aurait, à ce qu’il nous semble, empêchée d’écrire l’épisode de la chemise, au madrigal sanglant, qui touche à l’impudeur, et qui est bien plus une idée du temps d’Henri IV qu’une idée du temps de Louis XIV.

929. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

À ses yeux, en ce moment, l’Église et la constitution sont choses saintes : gardez-vous d’y toucher, si vous ne voulez point devenir ennemi public ! […] les gens quelquefois touchent près de la vérité, mais jamais toute la vérité. […] Quelque objet qu’il touchât, il le faisait palpiter et vivre ; c’est qu’en le regardant il avait palpité et vécu. Lui-même, un peu plus tard, laissant le masque d’Harold, reprenait son récit en son propre nom, et qui n’eût été touché d’aveux si passionnés et si entiers ? […] Comme la bête est orgueilleuse et de plus imaginative, elle prétend qu’elle marche de son propre gré, qu’il n’y a pas de fouet, qu’en tout cas ce fouet touche rarement sur les côtes, que du moins son échine stoïcienne peut faire comme si elle ne le sentait pas.

930. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

En voici une qui touchera peut-être quelques démocrates. […] Spronck, puisqu’il touchait à la question, et pour la poser comme elle doit être posée, la renversât. […] Spronck pourra répondre qu’en fait de questions difficiles il en a déjà trop touchées dans son livre, et qu’il en a surtout trop tranchées. […] Il ne s’adresse point à des curieux, mais à la foule, et ce qu’il faut qu’il touche, qu’il intéresse et qu’il remue, c’est l’âme commune des foules. […] En matérialisant ce qui ne se voit ni ne se touche, la rhétorique en fait des motifs actuels, ou, pour mieux dire encore, des mobiles d’action.

931. (1896) Études et portraits littéraires

Non, la réalité ne les touchait guère. […] S’ils essayent d’y toucher, ils gâtent cette œuvre pour ainsi dire instinctive. […] Il en est plus beau ; et combien doux au toucher, souple, moelleusement écrasé et poli ! […] Un vilain Chateaubriand touche ces élégances perverses. […] Je voulus lui toucher un mot de Voltaire.

932. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

A certains moments joyeux, comme quand Sganarelle touche le sein de la nourrice, il se rapproche du rond Gorgibus, lequel ramène au bonhomme Chrysale, cet autre comique cordial et à plein ventre. […] Mais une distinction essentielle est à faire, et l’on ne saurait trop la méditer parce qu’elle touche au fond même du génie dramatique. […] Lorsque Louis XIV encore, pour fermer la bouche aux calomnies, était parrain avec la duchesse d’Orléans du premier enfant de Molière, et couvrait ainsi le mariage du comédien de son manteau fleurdelisé ; lorsqu’en une autre circonstance il le faisait asseoir à sa table, et disait tout haut, en lui servant une aile de son en-cas-de-nuit  : « Me voilà occupé de faire manger Molière, que mes officiers ne trouvent pas assez bonne compagnie pour eux », le fier offensé était-il et demeurait-il aussi touché de la réparation que de l’injure ? […] Cependant je sens bien que je finis. —  La Molière et Baron furent vivement touchés du discours de M. de Molière, auquel ils ne s’attendoient pas, quelque incommodé qu’il fût. […] Mais, ajouta-t-il, vous me paraissez plus mal que tantôt. — Cela est vrai, lui répondit Molière, j’ai un froid qui me tue. —  Baron, après lui avoir touché les mains qu’il trouva glacées, les lui mit dans son manchon pour les réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui, et il ne quitta point sa chaise, de peur qu’il ne lui arrivât quelque accident du Palais-Royal dans la rue Richelieu, où il logeoit.

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