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597. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Levallois pourrait s’appeler un Bernardin l’Ermite, car il tient immensément de Bernardin. […] Il tient de Bernardin de Saint-Pierre l’humeur charmante, la sérénité platonicienne, la poésie naturelle, la science venue, pour eux deux, — ou la science à laquelle ils sont allés tous les deux de la même manière, — l’un avec son fraisier, l’autre avec ses fourmis ! […] La liberté morale, comme il dit, et à laquelle il tient comme un monsieur de ces derniers temps, sa liberté morale prend la force des chênes au pied des chênes, et le rend plus apte à servir les hommes et à se dévouer à leur bien-être et à leur grandeur.

598. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

« L’Empereur, qui nous a donné le salut, puis qui nous a donné la gloire, et à qui rien n’a manqué que le soleil », nous aura donné toutes les prospérités possibles en nous donnant la liberté de la tribune et de la presse, si agréables aux membres du Corps législatif qui tiennent à être vus par la fenêtre ! […] Il est des gens qui remuent toujours, qui ne savent pas se tenir tranquilles, qui gâtent, en se mêlant d’agir, toutes les bonnes grâces de la fortune, amoureuse parfois des endormis ! […] Se tenir à son rang, docilement et pratiquement, dans le second corps de l’État dont on a l’honneur de faire partie, n’appelle pas assez le regard.

599. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

on est bien tenu à quelque chose. […] Comment un tel esprit, rond et éveillé, qui se tient entre deux vins (le nom d’un de ses contes joyeux), et qui ne boit ni d’éther comme Hoffmann, le grêle et le pointu, ni d’opium comme ce frénétique, sombre et froid d’Edgar Poe ; comment ce peintre de genre littéraire, attendri souvent malgré sa gaîté, et qui pleure au fond de son sourire, comme dans cette chose émouvante et charmante : Les Fiancés de Grinderwald ; comment ce moraliste, qui dans dix ans sera bonhomme, la qualité la plus enviable très certainement pour un conteur, a-t-il pu se croire ou voulu être un fantastique, c’est-à-dire le peintre du sinistre, du mystérieux, du morbide et de l’incompréhensible humain ? […] C’est de l’horrible matériel qui tient de la place, et non pas de l’horrible subtil tel qu’on le rencontre dans les maîtres du fantastique, ce genre d’horrible impondérable qui vous donne la sensation, autour du cœur, d’un étau froid.

600. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Ces beaux projets, comme on le pense bien, ne tenaient pas. […] Cela ne se tient pas, ne se suit pas. […] Ils tiennent leur parole, et s’écrivent des lettres pleines d’âme, de vérité, d’effusion de cœur, sans sarcasmes, sans mauvaises plaisanteries. […] Son tort est de n’avoir pas su s’y tenir longtemps. […] Je tiens ce fait, qui l’honore, d’un témoin des mieux informés.

601. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Il était l’objet des railleries de ses meilleurs amis. » Ceci est bien dur, nous suffoque un peu, mais il y a là certainement une âme de vérité, comme dit Spencer, car vous voyez que c’est de son père et de ses sœurs surtout que Louis Racine tient ses renseignements. […] Nous le tenons ; le voilà ! […] car je tiens surtout à être précis. […] Nous allons voir si le sens de la passion amoureuse se trouve dans ce qui suit, qui est du reste charmant et que je tenais à vous lire, en somme, parce qu’un des plus beaux vers de La Fontaine, un des plus cités, se trouve contenu dans ce morceau. […] Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.

602. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Vous voyez qu’un génie indépendant et qui voulait l’être, ou qui l’était instinctivement et inconsciemment, qu’un génie indépendant et qui très probablement tenait à l’être, se sentait d’avance plus libre dans la fable, dont personne n’avait tracé les règles, que dans tout autre genre. […] Est-ce à la tienne à juger de la nôtre ? […] Il tenait cela des Indiens, chez qui c’est une idée religieuse, une idée très ancienne que l’on trouve dans leurs plus vieux poèmes, que les animaux font des sociétés les uns avec les autres même lorsqu’ils sont d’espèces différentes. […] Cunisset-Carnot qui le démontre) ; ils ont trouvé un arbre creux où il y avait en bas une légion de souris avec du blé, et, en haut, un hibou, et ils ont conclu que le hibou avait porté ces souris dans le trou de la partie inférieure de l’arbre où lui se tenait, en grand seigneur, dans la partie supérieure. […] Chaque castor agit ; commune en est la tâche : Le vieux y fait marcher le jeune sans relâche ; Maint maître d’oeuvre y court et tient haut le bâton.

603. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Nous tenons l’important : les certitudes. […] Tenez ! […] On est un héros dès qu’on est très brave… Il y a les héros et les saints du Démon comme il y a les héros et les saints de Dieu, dans ce monde où le mystérieux Surnaturel tient tête, avec une invincible opiniâtreté, aux efforts de ceux qui ne veulent admettre que les vérités à démontrer et qui tombent directement sous la coupe rigoureuse de la raison. […] Sans la puissance de s’affirmer, le style manque de solidité et de mouvement ; la phrase ne sait ni se tenir debout, — ce qui est la force, — ni se lancer en haut, — ce qui est le mouvement et l’emportement vers l’idéal ! […] car comment un grand artiste pourrait-il être jamais inconscient d’une chose qui tient autant de place en lui que son art ?

604. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Tout ce qui s’offre directement aux sens ou à la conscience, tout ce qui est objet d’expérience, soit extérieure soit interne, doit être tenu pour réel tant qu’on n’a pas démontré que c’est une simple apparence. […] Mais le métaphysicien ne descend pas facilement des hauteurs où il aime à se tenir. […] Quand on ne connaît pas la limite de son droit, on le suppose d’abord sans limite ; il sera toujours temps d’en rabattre. » Voilà ce que s’est dit le savant ; et il s’en serait tenu là s’il avait pu se passer de philosophie. […] J’accepterai cependant si vous y tenez, mais en la prenant dans un sens purement métaphorique, l’idée d’un contenant où les souvenirs seraient logés, et je dirai alors tout bonnement qu’ils sont dans l’esprit. Je ne fais pas d’hypothèse, je n’évoque pas une entité mystérieuse, je m’en tiens à l’observation, car il n’y a rien de plus immédiatement donné, rien de plus évidemment réel que la conscience, et l’esprit humain est la conscience même.

605. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

On aperçut qu’il n’y a pas lieu de tenir rigueur à un pouvoir qui nous fait concevoir les choses autres qu’elles ne sont si, à vrai dire, les choses ne comportent pas une réalité fixe, et, dans la troisième partie de cette étude on reprit avec complaisance l’examen des diverses conceptions au moyen desquelles l’esprit, par la vertu de ce pouvoir de déformation, nous ouvre sur les choses les perspectives où nous les saisissons. […] Du point de vue auquel on se tient actuellement, le pouvoir de concevoir les choses autres qu’elles ne sont ne doit plus apparaître que comme une expression mythologique du pouvoir pur et simple de connaître, ce que l’on nommait le pouvoir de déformation de l’esprit doit apparaître ainsi qu’un pouvoir créateur.

606. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

je le tiendrais quitte pour cette année. […] … S’il la tenait de ma main ! […] — Tiens ! […] c’est le veau d’or que vous tenez ! […] J’ai pensé : — « Tiens !

607. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Pourquoi les tiendraient-ils ? Ils promettent de bonne foi, et ils sont plus de bonne foi encore à ne pas tenir, d’autant que le sentiment qui les pousse à ne pas tenir est plus fort que celui qui les pousse à promettre. […] Toute sa vertu tenait à son prosélytisme antireligieux. […] Ou plutôt ils ne tiennent à aucune liberté. […] Il en tient trop peu de compte.

608. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Le beau portrait du cousin Pons tient quatre pages, il aurait pu être fait en dix lignes. […] Tu m’as si bien attrapé, tu m’as tenu si ferme ! […] Les enfants tiennent une grande place dans cette histoire. […] tenir la bride, la tenir ferme pour ne pas se laisser entraîner par inexpérience dans des fondrières dont on ne pourrait plus sortir ! […] Il n’aura pas retrouvé le signe maçonnique qu’on est probablement tenu d’y mettre pour se faire reconnaître.

609. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Ce scalpel qu’il tient si bien, qu’il dirige si sûrement le long des moindres nervures du cœur ou du front, il l’a pris tard, après l’épée, après la harpe ; il a tenté d’être, entre tous ceux de son âge, poëte antique, barde biblique, chevalier-trouvère. […] Le pouvoir qu’il avait servi avec dévouement, auquel il tenait par ses opinions de famille et par ses affections, négligea toujours de le distinguer en rien, et M. de Vigny ne fit jamais rien de son côté pour se rappeler aux hommes de ce pouvoir. […] Le défaut le plus capital de Stello, qu’on retrouve également dans Cinq-Mars et dans tous les ouvrages en prose de M. de Vigny, c’est un certain manque de réalité, une certaine apparence de poétique chimère, qui tient moins encore à l’arrangement et à la symétrie qu’à un jour mystique, glissant on ne sait d’où, au milieu même des plus vrais et des plus étudiés tableaux. […] (Nous n’avons rien à ajouter au précédent portrait ; le poëte s’est tenu depuis lors dans un silence à peine interrompu par de rares productions. […] C’est spirituel, mais interminable : il ne fait pas grâce à une pensée dès qu’il la tient.

610. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Elle tenait sur toute chose à faire paraître ce qu’elle en avait de plus fin, à se détacher du commun, à briller dans l’élite. […] Il a près de quarante ans : la goutte le tient déjà, et le voilà presque aveugle. […] L’étude de la nature humaine est infinie : au moment où l’on croit la tenir et se pouvoir reposer un peu, elle échappe, et c’est à recommencer. […] Une grande partie des qualités du style, chez tel auteur brillant, tient à un défaut du caractère. […] Ce mot d’humiliant ne semblera pas trop fort à ceux qui ont lu sur son compte les Mémoires de la duchesse de Nemours, le récit surtout de cette triste scène au Parlement, où il tint Retz entre deux portes, et les propos qu’il y lâcha et qu’il essuya.

611. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Je ne pus pas y tenir, ma tante, et je collai mes lèvres sur ses doigts qui me cachaient son visage. […] Jure-lui, par ton salut éternel, que, sans cette charité de sa part, il sera responsable à Dieu de la perdition de nos deux âmes, de la tienne par la vengeance que tu emporteras dans l’éternité contre nos ennemis les sbires ; de la mienne, par le désespoir qui me fera maudire à jamais la Providence à laquelle je ne croirais plus après toi ! […] Tiens la fenêtre de ta lucarne ouverte, et prie Dieu pour notre salut, contre les vitres ; si tu ne vois rien venir avant la nuit sur le bord de la tour, c’est qu’il n’y aura point d’espoir pour nous, et que je n’aurai point pu fléchir le frère ; mais, si je suis parvenu à le fléchir ou à l’incliner seulement à notre union avant la mort, je lâcherai la colombe, et elle ira, comme celle de l’arche, te porter la bonne nouvelle avant la nuit : une paille de ma couche, attachée à sa patte, sera le signe auquel tu reconnaîtras qu’il y a une terre ou un paradis devant nous. […] Hyeronimo nous confessa que son bonheur, s’il devait vivre, et son salut éternel, s’il devait mourir, tenait au refus ou au consentement que nous lui donnerions de laisser consacrer avant son dernier jour son union avec sa cousine (sorella, comme nous disons, nous) ; sachant combien sa sorella le chérissait de tous les amours et n’ayant pas nous-mêmes de plus cher désir que ce mariage, comment aurions-nous pu refuser au pauvre mourant ? […] Dès demain, il faut achever de scier un barreau de fer de la lucarne derrière l’autel de la chapelle des prisonniers, de manière à ce qu’il ne tienne plus en place que par un fil, et laisser la lime à côté, pour qu’un coup ou deux de lime lui permette de le faire tomber en dehors dans le verger de la prison, et qu’à l’aide de l’égout qui ouvre dans ce verger, au pied de la lucarne, et qui traverse les fortifications de la ville, Hyeronimo se trouve hors des murs, libre dans la campagne… Et toi, pourquoi ne le suivrais-tu pas ?

612. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

qu’ils se tiennent si orgueilleusement au-dessus de ce qu’ils racontent où décrivent ? […] Brunetière, au temps où il goûtait peu Flaubert, n’a pu se tenir de citer comme un chef-d’œuvre cette page extraordinaire. […] L’œuvre de chair tient assez peu de place dans leurs œuvres, et certes je les en loue. […] Tantôt, nous avons emprunté aux autres peuples, et nous avons imprimé à ce que nous tenions d’eux un caractère européen : tels les emprunts de Corneille ou de Lesage aux Espagnols. […] et n’y reconnaissons-nous pas à la fois l’enthousiasme de la science et l’enthousiasme de la beauté morale et, déjà, comment ces deux religions se tiennent et s’engendrent ?

613. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Il n’en aurait peut-être pas voulu convenir ; mais le classique Daunou le tenait pour tel et le savait bien. […] Alfred de Vigny et à qui il a, le premier, donné d’en haut le signal, cherchaient, un peu systématiquement eux-mêmes, à relever l’esprit pur, les tendances spiritualistes, à traduire les symboles naturels, à satisfaire les vagues élancements de l’être humain vers un idéal rêvé, de l’autre côté on s’est trop tenu sans doute à ce qui se voit, à ce qui se touche, à ce qui brille, palpite et végète sous le soleil. […] ici est l’erreur et la méconnaissance du fait moral que je tiens à revendiquer. […] Et pour ce qui est de l’inspiration, et du programme poétique lyrique de ces années primitives, à nous en tenir à celui-là, il y avait bien lieu en effet de s’éprendre et de s’enflammer.

614. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Quoi qu’il en soit, l’honnête lecteur doit se tenir pour bien averti. […] Pour qu’il fût plus aisé à Bettine de tenir le jeune Casanova propre, on avait coupé à celui-ci ses cheveux noirs, et on l’avait affublé d’une perruque blonde. […] Durant l’une de ces promenades délicieuses, où ils avaient perdu exprès tous les deux la compagnie, Lucrezia lui tenait ce langage : « Comment ! […] — Oui, nos génies nous gardent, ajouta-t-elle ; tiens, vois le petit démon.

615. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Je crois qu’il y a dans les âmes du XIXe siècle tout autant de besoins intellectuels que dans celles d’aucune autre époque, et je tiens pour certain qu’il n’y a jamais eu autant d’esprits ouverts, à la critique. […] Car l’humanité sera toujours sérieuse, croyante, religieuse ; jamais la légèreté qui ne croit à rien ne tiendra la première place dans les affaires humaines. […] Ils sentent bien que tout cela se tient, et qu’un pas fait dans cette voie entraîne tous les autres. […] Mais n’importe ; il tient le dépôt sacré, il porte l’avenir, il est homme dans le grand et large sens.

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