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697. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dans son tourment, sur son lit de pierres, il l’a contemplée, et le tendre et touchant regard de la divine étoile a calmé, par sa sérénité mystique, l’angoisse de son esprit et de son corps. « J’ai vu plus clair, dit-il, et ma prière de mourant a été que les hommes puissent seulement se rapprocher un peu plus les uns des autres, que lorsque moi, pauvre homme, j’étais avec eux. —  Ils le soulevèrent, et il fut ravi de voir qu’ils allaient l’emporter du côté où l’étoile semblait les conduire. […] Si vous lui donnez le goût de l’eau-de-vie, ce sera gratuitement ; dans le tempérament que vous lui prêtez, rien ne l’exige : il est si enfoncé dans la tartuferie, dans la douceur, dans le beau style, dans les phrases littéraires, dans la moralité tendre, que le reste de sa nature a disparu : c’est un masque et ce n’est plus un homme. […] Il est tendre, il est bon, il s’abandonne aux effusions de famille. […] La dignité roide, l’empire sur soi, le besoin de commander, la dureté dans le commandement, la morale stricte sans ménagement ni pitié, le goût des chiffres et du raisonnement sec, l’aversion pour les faits qui ne sont pas palpables et pour les idées qui ne sont pas utiles, l’ignorance du monde invisible, le mépris des faiblesses et des tendresses du cœur, telles sont les dispositions que le courant des faits et l’ascendant des institutions tendent à établir dans les âmes. […] Cette enveloppe glacée, cette morgue insociable, cette attitude rigide, couvrent souvent un être bon et tendre.

698. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il eût composé de merveilleux évangiles de l’avenir tout bouillonnants de la plus redoutable éloquence et pénétrés de la plus tendre poésie. […] Bon et tendre comme il était, il parle à l’occasion et sans vergogne de l’enfer, sur qui les prêtres « éclairés » glissent volontiers. […] Au fond, c’est à une conception toute matérialiste de la société que tend la bourgeoisie incrédule. […] Vous penserez que celui-là fut un vaillant et un tendre. […] Sa pente était au rêve mélancolique et tendre.

699. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Donnay, Maurice (1859-1945) »

Ils sont tous ensemble gais ou tendres ; et ce mélange de sensualité et de raillerie légère est on ne peut plus voluptueux.

700. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

Leurs souhaits d’air fleuri tendus vers les dimanches… Leurs fronts lourds et pâles se penchent, Et leurs regards, résignés, poursuivent Leur jeunesse qui s’effiloque Avec les Orients découpés par leurs doigts.

701. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

C’est là qu’on admire à la fois tout ce que le sentiment a de plus vif, tout ce que la piété a de plus noble & de plus tendre, tout ce que la Langue Latine a de plus énergique & de plus mélodieux, tout ce que la Religion peut ajouter à l’enthousiasme, en lui fournissant des sujets vraiment propres à l’échauffer.

702. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Ces énergies d’un peuple entier tendues vers le même but, dans un même esprit, sont l’affirmation solennelle du génie français ; cet effort assure à la France une suprématie intellectuelle séculaire qui est aujourd’hui encore une avance ; il donne sa direction durable et logique à l’action française dans l’œuvre humaine. […] Puis la farce tend à s’introduire dans la comédie, comme le roman dans la tragédie ; on donne souvent l’appellation plus noble de « comédie » à ce qui n’est qu’une farce, une sotie, à ce que nous appellerions une revue, une pochade, un simple tableau de mœurs. […] La poésie des Parnassiens, même quand elle est lyrique, tend par principe à l’objectivité qui analyse et qui décrit, à l’impassibilité qui serait la négation du lyrisme…, si elle se réalisait ; mais le sentiment persiste ; uni à la science, il nous vaut chez Sully Prudhomme une œuvre extraordinaire, où le penseur a concentré, comme en un élixir, toutes les douleurs et toutes les espérances humaines. […] Quand l’expression littéraire est générale, parce que conforme à l’esprit du peuple, qu’elle s’inspire surtout de logique, et que, sociable, elle tend à l’universel, comme c’est le cas en France, la littérature devient une démonstration lumineuse, qui éclaire toute l’histoire. […] Il s’aperçoit que tous les efforts de sa vie ont tendu à réaliser une destinée, logique sans doute mais imprévue.

703. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

. — Helleu : des pastels où l’on sent un œil de peintre, amoureux de douces étoffes, de tendres nuances passées, de soieries harmonieusement déteintes. — Duez : des fleurs au beau et large dessin, dans leur mollesse et leur rocaille fripée. — Lhermitte : de vieilles rues normandes, au puissant écrasis de pastel, balafrées en leur ombre bleuâtre, de coups de soleil dorés. […] Il se montre très tendre, me parle de l’affection de sa femme pour moi, qui serait tout à fait une affection comme pour un membre de sa famille, et me donne l’assurance, qu’en dépit de tout ce qui a été dit, fait, inventé, par les jaloux de notre amitié, cette affection n’a pas été entamée, une minute. […] Un balcon tournant le long des murs ferait un premier étage, tapissé de dessins sur trois rangs, et un autre balcon ferait un second étage, tout tendu jusqu’à la voûte, de tapisseries claires du xviiie  siècle. […] Jamais tant d’œils tendres de femmes, ne m’ont demandé un dîner, jamais tant de voix mourantes d’hommes, ne m’ont demandé un sou. […] Et le plafond s’éclaire sous un grand foukousa, du rose d’un soleil couchant à Tokio, dans lequel s’élancent des bambous verts, au vert tendre d’une pousse arborescente dans le mois de mai, et coupés par un nuage, où volent de blanches grues.

704. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Ceux même qui revenaient au passé y tendaient par des sentiers imprévus, s’y lançaient avec feu, avec éclairs, et comme on irait à la conquête de l’avenir. […] Sa tendre amitié et son admiration sincère pour Manzoni lui suggérèrent l’idée de le faire connaître à la France. […] Manzoni, jeune, tenait à honneur de se dire non-seulement son plus tendre ami, mais son disciple. […] Si ce dernier s’essaya jamais à toucher au sein de l’autre un coin de cette chose, à ses yeux la plus importante, ce dut être avec une discrétion bien tendre. […] Et qu’on ne dise pas que l’idéal ait souffert au milieu de cette application patiente ; le personnage d’Hermangarde a toute sa pureté et son exaltation tendre, les chœurs ont leur pathétique ou leur éclat.

705. (1886) Le naturalisme

L’Espagne, lasse de poètes subtils et académiques, tendit volontiers ses bras au Carthaginois qui venait à elle les mains pleines de trésors. […] Ce qui tend uniquement à produire une impression de réalité, Victor Hugo ne sait ou ne veut pas l’observer. En juste châtiment de ce défaut, ses romans tendent à devenir sinon aussi fanés que ceux de Chateaubriand et de Lamartine, du moins un peu anémiques. […] Par suite de cet empire des femmes, le roman anglais tend à enseigner et à prêcher beaucoup plus qu’à réaliser la beauté. […] Peut-être, l’auteur tendre et sympathique de la Gaviota posséda-t-il le talent le plus original et le plus indépendant de tous ceux qui se signalèrent dans la renaissance de notre roman.

706. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Entrait Toinette, Toinette brisait la tête du pauvre malade, et cependant Molière, entendant rire Toinette, regrettait tout bas les soins touchants et les tendres prévenances de la bonne Laforêt, sa servante. […] Et pendant que Bartholo livre son menton au rasoir, pendant que le barbier couvre d’écume et de quolibets cette tête grotesque, les deux amants, espionnés de si près, peuvent à peine échanger un tendre regard. […] J’en atteste ces plaintes si tendres et si remplies de résignation que vous pouvez lire dans les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier. […] Noble et tendre faiblesse ! […] L’innocente fille était occupée à se regarder dans un miroir, et elle s’y représentait elle-même, à elle-même ; parlant et souriant à sa personne, dans les mêmes postures tendres et naïves qu’elle avait tout à l’heure avec son amant.

707. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Pourtant il nous semble que, dans ce genre de roman austère, comme elle l’appelle, je crois, madame Allart se pourrait créer une véritable originalité ; mais il lui faudrait se souvenir que si, dans le genre tendre et aventureux, il est permis, en composant, de laisser courir sa plume, qui va d’elle-même alors aux digressions faciles, aux grâces variées et abondantes, il devient indispensable, en abordant un ordre de sentiments plus contenu et plus réservé, de nourrir son expression et de marquer ses effets.

708. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Pierre Louÿs ces poèmes à la fois luxurieux et tendres ; et si, les donnant comme traduits du grec, il les attribua dédaigneusement à Bilitis tant aimée et qui, pourtant, n’exista jamais, ce ne fut guère que par amusement de lettré, ou peut-être parce que ce nom aux syllabes chantantes l’emplissait de douceur.

709. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

Quoi-qu’il eût reçu de la nature une imagination vive & brillante, un caractere tendre & enjoué, & un génie véritablement poétique, nous doutons qu’il eût également réussi, s’il avoit écrit en François, Langue pauvre & timide en comparaison de celle qu’on parle en Languedoc.

710. (1888) La critique scientifique « Avant-propos »

Tandis que les écrits de la première sorte s’attachent, en effet, à critiquer, à juger, à prononcer catégoriquement sur la valeur de tel ou tel ouvrage, livre, drame, tableau, symphonie, ceux de la seconde poursuivent, comme on sait, un tout autre but, tendent à déduire des caractères particuliers de l’œuvre, soit certains principes d’esthétique, soit l’existence chez son auteur d’un certain mécanisme cérébral, soit une condition définie de l’ensemble social dans lequel elle est née, à expliquer par des lois organiques ou historiques les émotions qu’elle suscite et les idées qu’elle exprime.

711. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Un meurtrier tient suspendu par un pied l’enfant d’une mère, et cette femme tend son tablier pour le recevoir précisément comme un chou qu’on lui mettrait dans son giron.

712. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Je te tends les deux mains, mon brave Salis. […] Pie IX lui-même, bonhomme tendre et timide qui ne regarda jamais que le ciel, l’appelait : Mon cher enfant ! […] Pour cette raison, il n’y eut jamais de moine mendiant à qui l’action de tendre la main ait moins coûté. […] Émile Goudeau, qui est pourtant un caractère, pense que c’est une très bonne politique que de vautrer sa main dans la main de tout le monde et qu’il faut être extrêmement tendre pour les individus les plus dégoûtants, tels que M.  […] En 1869, il publia, dans des vues philanthropiques à peu près aussi désintéressées que celles de la sublime Maréchale Booth, une tendre brochure intitulée les Madeleines repenties.

713. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Et je m’apercevais qu’elle lui tendait le mouchoir de la nuit, plein de sang, et que ses maigres mains cherchaient à cacher. […] Et un cabriolet tendu de bleu, qu’elle connaissait bien, longea l’extrémité de la petite place, lentement. […] L’animal, naturellement tendre, se trouva cuit à point. […] Vous sçavez que vous tendez le cou : cela ne donne pont l’air spirituel, bien au contraire, et le deffaut est encor plus choquant dans un militaire. […] Quand l’arc a été tendu un certain tems, on le détend pour conserver son élasticité.

714. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Les objets vers lesquels tend notre activité ne valent pas l’effort qu’ils nous coûtent. […] Hervieu n’est ni pitoyable ni tendre. […] Au fond un timide, un tendre et un emballé. […] Une ombre morbide, tendre, pareille à la fusion de deux teintes diaphanes, d’un violet et d’un azur idéalement tendres, environnait ses yeux, où s’épanouissait un iris fauve d’ange brun. […] Ils tendent volontiers la main à qui les approche.

715. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

On peut donc affirmer, sans crainte de se tromper, que l’abus et l’excès de la mise en scène tendent à la décadence de l’art dramatique. […] L’esprit achève le mouvement de la victime, qui, les yeux bandés tend la main vers le billot, tandis que le bourreau se tient à côté, appuyé sur sa hache. […] Cela se fait surtout sentir dans les pièces modernes, et cela tient à l’hétérogénéité des rôles qui tend et tendra à s’accuser de plus en plus. […] Malheureusement, le naturalisme tend à remplacer l’étude psychologique par la description du phénomène physiologique qui en est l’antécédent. […] — Le naturalisme imposerait des conditions nouvelles à l’architecture théâtrale. — L’école réaliste devra tendre à redevenir une école idéaliste.

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