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788. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

On peut observer depuis quelque temps par toute la France un fait général, et qui est caractéristique de notre époque. […] Prévost de Courmières, lieutenant-colonel de dragons et chevalier de Saint-Louis, né en 1747 et mort en 1838, se trouvait auprès de l’abbé dans le temps même de sa mort. […] La feuille d’impression était payée à Prévost un louis d’or, somme honnête pour le temps. […] On l’y verrait tel qu’il était, ni plus ni moins, avec ses gaietés familières et ses échappées spirituelles, même en ses moments de retraite et de demi-repentir : car, de tous les hommes célèbres de son temps, il est, avec Lesage, celui qui certainement a le moins songé à poser. […] S’il y manquait encore quelque chose, au moins du côté du public, je suis prêt à me retirer pour quelque temps dans une communauté de Paris, ou dans ma famille qui demeure au pays d’Artois, et je m’y occuperai à composer quelque livre utile qui puisse être regardé comme un surcroît de satisfaction.

789. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Ne croyez pas qu’il fut divin de son temps, ni qu’il fut prophète chez lui. […] Il ne serait pas juste de ne point compter parmi les puissants stimulants que reçut l’opinion française sur liante, et dans un temps où Fauriel ne travaillait encore que dans l’ombre, les leçons éloquentes de M.  […] Les beautés de La Divine Comédie, les difficultés qu’elle continue d’offrir, les disparates qui nous y frappent, ses rapports avec l’histoire, ce qui est du temps et ce qui semble en avant du temps, tout cela était touché, parcouru, soulevé avec ce talent unique qui caractérisait le professeur en M.  […] Le poème de Dante, c’est l’expression de l’histoire de son temps prise au sens le plus étendu, l’expression non seulement des passions, des haines politiques, des luttes, mais encore de la science, des croyances et des imaginations d’alors. […] Il serait temps, dit Fauriel, d’en finir une bonne foi avec ce préjugé.

790. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps Par M.  […] Son éloquence n’était pas, à beaucoup près, dans ces premiers temps, ce qu’on l’a vue depuis. […] Il a gardé pourtant de sa secte originelle (je parle du temps où il était au pouvoir et avant la mode des fusions) quelque chose de très marqué : c’est la faculté ou la disposition que j’appellerai exclusive. […] Il est vrai que, vers le même temps, on évacuait Ancône et qu’on adhérait au traité des vingt-quatre articles pour les limites territoriales de la Belgique. […] J’en ai les principaux moments très présents et, en le voulant bien, je crois que je retrouverais, notées par moi avec curiosité et sur le temps même, ces diverses phases de sa parole publique.

791. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Cette musique de Pygmalion paraît avoir occupé quelque temps l’imagination d’Halévy. […] L’Académie des Beaux-Arts n’a eu jusqu’à présent que quatre secrétaires perpétuels : le premier de tous, qui date de l’origine et du temps du Consulat, Le Breton ; Quatremère de Quincy, depuis 1816 jusqu’en 1839 ; Raoul-Rochette jusqu’en 1854 ; et Halévy. […] Cet esprit supérieur, que la France n’apprécia pas assez de son vivant, que la jeunesse vers la fin insultait à plaisir, qui ne s’appliquait point en effet à plaire, et qui ne craignait point du tout de choquer ou même de braver son public et son temps ; espèce de Royer-Collard dans sa sphère, ennemi aussi de la démocratie dans l’art, mais non point respecté comme l’autre, et qui semblait même jouir de son impopularité, M.  […] On n’avait plus la mesure du temps. […] Je ne sais rien, pour mon compte, de plus instructif que les deux volumes où sont recueillies ses Notices historiques, à la fois exactes, simples (sauf quelques périphrases et tours solennels qui tiennent au goût du temps), mais d’une grande hauteur de principes, et avec des remarques morales d’une juste finesse.

792. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Nous savons tous que Gustave Planche, dans les derniers temps et en ses moments les plus tristes, trouvait affection et asile au foyer de M.  […] Le temps, en s’enfuyant, souffre et permet bien des choses. […] Sans remonter bien haut, et sans sortir de notre temps, je conçois M.  […] Ou bien encore, car son cas pathologique est curieux et appelle les comparaisons médicales, il est comme un homme qui aurait avalé un cent d’épingles ou plutôt de fines aiguilles, et toutes les aiguilles lui sortent après un certain temps par mainte issue et mainte voie douloureuse. […] Paris, Paris de tous les temps, Paris ancien et nouveau, toujours maudit, toujours regretté et toujours le même, oh !

793. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Mais j’en reviens aux premiers temps, à ceux dont j’ai pu juger comme témoin et assistant, parfois comme pèlerin aussi de ces bons et vieux arts. […] Les Ramey, les Didron datent de ce temps où l’ardeur menait vite à l’érudition. […] On ne saurait trop y insister ; car de loin on est porté à confondre les deux influences, et en littérature comme en architecture, ce n’est que depuis quelque temps qu’on est arrivé à les bien distinguer. […] Et c’est aussi ce qui rend plus merveilleux de voir que les ouvrages de Périclès aient été faits pour un si long temps et si vite : car, en ce qui est de la beauté, chacun était dès lors et tout d’abord comme antique, et, pour la fleur, aujourd’hui encore ils sont aussi frais et paraissent aussi jeunes que jamais : tellement il y fleurit je ne sais quel éclat de nouveauté qui en préserve la vue des atteintes du temps, ces ouvrages ayant en eux-mêmes un souffle d’éternelle fraîcheur et une âme secrète qui ne vieillit pas ! […] Viollet-Le-Duc, après avoir fait son devoir pendant le temps voulu, a quitté la partie trop inégale et a très bien fait.

794. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Bien des années après ce coup du Ciel et dans le temps même dont nous parlons (1698-1699), il se passait, disait-on, des choses miraculeuses au tombeau de M.  […] On dresse des procès-verbaux de tout, et grande exactitude pour l’authenticité y est observée. » Racine acceptait et rapportait ces faits favorables aux amis sans concevoir ni admettre l’ombre d’un doute ; il ne manquait pas de se redire tout bas à lui-même : Et quel temps fut jamais si fertile en miracles ? […] Elle est ici, Monsieur, d’une très-bonne odeur comme les vingt dernières années de sa vie : car c’est depuis tout ce temps-là qu’il avait renoncé si absolument à ce qu’il avait fait pour le théâtre dans sa jeunesse, que nulle puissance de la terre n’avait été capable de l’y faire retourner, quelque pressantes sollicitations qu’on lui en ait faites. […] Il y ajouta quelques mots sur la tempête qui s’était élevée contre la maison et qui avait obligé des personnes qui s’y étaient retirées à s’en séparer ; que, pour le défunt, les ronces et les épines avaient étouffé pendant un temps ces précieuses semences que son cœur y avait reçues ; mais que, comme on avait lieu d’avoir une humble créance qu’il était une de ces heureuses plantes que le Père céleste a plantées lui-même pour ne souffrir jamais qu’elles fassent entièrement déracinées 108, elle avait repris vigueur et avait porté son fruit en son temps. […] Peut-être que le temps et la distraction que lui cause son changement de demeure auront calmé l’émotion où je le vis, et peut-être plus encore les prières de son incomparable ami M. 

795. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Quinet qui, jusque-là, voyageur panthéiste et rêveur, s’était un peu abîmé en présence de la nature, transporta dans la vue des temps et de l’histoire sa pensée amie des interprétations et des symboles. En abordant aujourd’hui Napoléon, c’est-à-dire le plus grand des individus de ce temps-ci, il cherche, par une éclatante et courageuse épreuve, à confirmer et à continuer l’idée métaphysique qu’il a conçue du développement historique de l’humanité. […] Mais le temps n’est pas venu évidemment pour qu’une œuvre définitive de ce genre ait pu surgir. […] Cet élément, c’est le temps qui nous sépare de lui. […] Les formes sous lesquelles le passé apparaît aux hommes de notre temps, voilà pour le poëte la vraie réalité. » Il semblerait, d’après ce passage, que nous soyons autre chose que les très-proches contemporains de Napoléon.

796. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Jésus paraît avoir fait quelque temps sa résidence en ce lieu. […] L’esprit du temps était aux petites églises ; c’était le moment des Esséniens ou Thérapeutes. […] L’inattention des hommes veut du temps pour être forcée. […] Le mot « ciel », dans la langue rabbinique de ce temps, est synonyme du nom de « Dieu », qu’on évitait de prononcer. […] Les sentences des docteurs juifs du temps sont recueillies dans le petit livre intitulé : Pirké Aboth.

797. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Ma critique n’est point fondée sur ce qu’il n’y eut jamais de sirenes et de néreïdes, mais sur ce qu’il n’y en avoit plus, pour ainsi dire, dans les tems où arriva l’évenement qui donne lieu à cette discussion. […] Le spectateur se prête sans peine à la croïance qui avoit cours dans les tems où l’évenement que le peintre et le poëte répresentent est arrivé. […] Nous sommes en habitude de nous prêter à la supposition que ces divinitez aïent existé veritablement dans ces tems-là, parce que les hommes croïoient alors leur existence. […] L’un s’arrête sur les habits du tems qui ne déplaisent jamais lorsqu’ils sont traitez par un artisan, qui a sçu les accommoder à l’air comme à la taille de ses personnages, et leur donner en les drappant la grace dont leur tournure les rendoit susceptibles. […] Ce grand poëte y exprime trop ingenieusement, par une composition allegorique, le merite de l’intercession des saints, dont les prieres procurent souvent aux pecheurs le tems et les moïens de se repentir.

798. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

C’est un jeune écrivain ayant les idées jeunes de ce temps, qui sont des sensations plus ou moins raffinées, et un scepticisme plus ou moins spirituel. […] Et cet écrivain de ce temps, ce sceptique, ce brillant oseur de La Vie parisienne, — cette brillante osée !  […] Deux fameuses originalités, par ce lâche temps de femmes perdues et de prêtres corrompus ! […] pas d’adultère, qui est la borne contre laquelle vont se cogner bêtement, les uns après les autres, tous les romanciers de ce temps ingénieux. […] Il est noble de force physique comme un Croisé des premiers temps.

799. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

On vit là ce qu’on a revu eu d’autres temps, un peu de sagesse sortir de la confusion, et une société en détresse se réorganiser petit à petit au sein du désordre. […] Il est certain que cette grande ville soutint le siège de 1590 contre Henri IV, et l’extrême famine à laquelle elle fut réduite, avec une constance qu’on n’aurait jamais pu attendre d’une population qui faisait une émeute du temps des rois « quand seulement les marchés se trouvaient deux fois sans blé ». […] Ses maximes habituelles sont, en effet, que « c’est grande prudence aussi de céder quelquefois au temps et aux occasions qui se présentent, car par ce moyen l’on évite souvent de grands périls, lesquels passés, l’on recouvre après facilement, voire au double, ce que l’on y a mis ». […] Villeroi était à la veille de redevenir ministre : Jeannin ne songeait pas à sa soumission, et il rendait à son duc, qui guerroyait encore et qui n’avait pas su faire sa paix à temps, tous les bons offices d’un serviteur loyal et d’un ami. […] Une pareille supposition calomnie le président, attaché de tout temps à l’intégrité de la France.

800. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Le temps ne sait encor de quel nom te nommer ; Un long frémissement circule dans les mondes, Quand l’un d’eux a trouvé dans ses veines profondes Quelques lettres pour le former ! […] Mordre l’inconnu est dur ; le goût, ce je ne sais quoi d’indéfinissable qui devrait être de tous les temps et de toutes les écoles, rejette de pareilles expressions. […] Musset, en son temps, a apostrophé Lamartine et s’est mis à l’aise avec lui, le traitant d’emblée et sans façon d’égal à égal, d’Alfred à Alphonse ; eu égard à la différence des âges, à celle des réputations au moment où cette épître parut, eu égard aussi, j’ose le dire, à l’étoffe et à la portée non comparables des génies, c’était légèrement fat et quelque peu impertinent : M.  […] —  Le quadrige est vaincu : nous tenons un génie Qui fume, haletant d’un utile courroux, Et, dans l’oppression d’une ardente agonie, Attache au vol du temps l’homme pensif et doux. […] Ç’a été de tout temps l’office de la poésie d’enregistrer un à un chaque bienfait social universel.

801. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

L’élection fut cassée, et on dut recommencer le scrutin : dans l’intervalle, Frochot avait atteint ses trente ans, et cet humble honneur, dû à la confiance populaire, combla pour un temps les désirs de ce cœur honnête qui était volontiers crédule au bien. […] Une affaire forestière l’y avait amené, et, comme elle traînait en longueur, il eut le temps de renouer ses relations de 1790 et 1791, de rafraîchir ses amitiés. […] C’était d’une crédulité et d’une facilité qui trahissait et dénonçait aux yeux de tous le fonctionnaire, entier peut-être encore par les talents et l’aptitude, mais usé par le caractère et qui avait fait son temps. […] L’intérêt que tu as la générosité de me conserver te fait sur cela illusion ; mais moi qui, à la fin, ai eu le temps, depuis que je suis à terre, de me remettre de l’étourdissement que la chute m’a causé, je sens toutes mes contusions. […] Puisses-tu réaliser, d’ici à ce temps, l’espérance que tu me donnes ! 

802. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

., bagatelle fort à la mode de son temps, et dans laquelle le beau-frère de Bouchotte égalait peut-être le célèbre ingénieur Carnot ? […] Les bonnes qualités, chez la femme-poëte surtout, sont comme des mères tendres et prévoyantes qui retiennent à temps l’enfant prodigue près de s’échapper, et cet enfant prodigue s’en irait sans cela par le monde, accroissant son renom et gagnant la gloire. […] On n’y releva pas assez les belles émotions lyriques du Prologue, la fervente et sérieuse Introduction aux Temps modernes, et la fin du chant de Waterloo. […] ô Temps ! […] Combien d’autres pour moi le temps aura changés !

803. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les Grecs ont été d’abord, dans les temps reculés de leur histoire connue, illustrés par leurs poètes. […] Les faits, les caractères, les superstitions, les coutumes des temps héroïques étaient singulièrement propres aux images poétiques. […] Le plus rare génie est toujours en rapport avec les lumières de ses contemporains, et l’on doit calculer, à peu près, de combien la pensée d’un homme peut dépasser les connaissances de son temps. […] Mais, à l’époque d’Homère et d’Hésiode, et quelque temps encore après, lorsque dans l’âge le plus remarquable par les chefs-d’œuvre de la poésie, Pindare a composé ses odes, les idées de morale étaient très incertaines. […] L’incertitude de la morale, dans ces temps reculés, n’est point une preuve de corruption ; elle indique seulement combien les hommes avaient alors peu d’idées philosophiques ; tout les détournait de la méditation, rien ne les y ramenait.

804. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Françoise perdit sa tante ; quelque temps après, elle perdit sa mère. […] Il paraît qu’après y être restée quelque temps, elle prit un petit logement rue Saint-Jacques, et qu’elle y fut meublée par ses amis. […] Dans ce temps-là aussi, le cardinal d’Estrées, célèbre par ses galantes magnificences, lui avait déclaré de tendres sentiments, auxquels elle refusa toute attention. […] Elle offre des dons sans mesure aux plus longues distances de temps et de lieux, dans des pays où vous n’irez jamais, dans des temps que vous ne verrez point, et ne vous assure pas un verre d’eau pour le moment où vous aurez soif : et cependant on a foi dans ses promesses. […] Il leur impose la durée malgré le temps qui hâte toujours leur fin.

805. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Le temps est devenu descriptif, et n’est plus autre chose. […] Ils tendent à se multiplier chaque jour davantage, comme des sauterelles par un temps chaud. […] Ce que l’homme fait si aisément en se jouant, le temps doit s’en jouer à son tour. […] Il l’est à la façon d’un homme qui a eu, dans l’ordre du temps, l’héroïque initiative d’écrire l’histoire qu’il a écrite, — le premier de tous et à la première heure, les pieds et la main encore dans les flammes de cette histoire qui, désormais, dans le souvenir des hommes, ne s’éteindra plus ! […] Mais ce qui ne sera pas perdu pour l’historien de la Commune, c’est, dans un récit nécessaire dont l’humanité ne pouvait se passer, d’être arrivé à temps, comme on arrive à temps dans la bataille, et du même coup dans la victoire et l’immortalité !

806. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Mais il n’était pas homme à attendre le fruit du temps et le cours des saisons. […] Mais, à relire ainsi et à reprendre, maintenant qu’il n’est plus, bon nombre des pièces et des personnages d’Alfred de Musset, on arriverait à découvrir en cet enfant de génie le contraire de Gœthe, de ce Gœthe qui se détachait à temps de ses créations, même les plus intimes à l’origine, qui ne pratiquait que jusqu’à un certain point l’œuvre de ses personnages, qui coupait à temps le lien, les abandonnait au monde, en étant déjà lui-même partout ailleurs, et pour qui « poésie était délivrance ». Gœthe, dès sa jeunesse et dès le temps de Werther, s’apprêtait à vivre plus de quatre-vingts ans. […] On s’était aperçu depuis quelque temps que plus d’un de ces jolis proverbes qui composaient le Spectacle dans un fauteuil pouvait, bien compris et bien rendu par des acteurs et des actrices de société, procurer une heure de très agréable délassement. […] Il était d’une génération dont le mot secret, le premier vœu inscrit au fond du cœur, avait été la poésie en elle-même, la poésie avant tout. « Dans tout le temps de ma belle jeunesse, a dit l’un des poètes de cette même époque, j’ai toujours été ne désirant, n’appelant rien tant de mes vœux, n’adorant que la passion sacrée », la passion, c’est-à-dire la matière vive de la poésie.

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