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2058. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Ils furent composés en différens temps, & repandus aussi d’une manière différente. […] que le cri public ait été contre lui, dans le temps des Couplets ? […] Quelque temps avant que de l’être, il avoit fait une retraite au noviciat des jésuites, sous la direction du P.   […] Il étoit à Londres peu de temps après la querelle des couplets.

2059. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Mme de Girardin voulut être et elle fut réellement une des femmes de lettres les plus comptées de ce temps, qui croit aux femmes de lettres. […] Une femme seule dans ce temps épais, dans cette littérature sans élégance, pouvait être le svelte vicomte de Launay. […] immortelle, comme on le croyait, il fallait une femme qui eût l’audace d’être légère dans ce temps alourdi et qui tient à sa lourdeur comme à une conquête. […] Seulement, nous l’avouons, nous, avec franchise, la femme de cette politique, de cette histoire et de toute cette littérature, quoiqu’elle soit protégée et même éclairée par la merveilleuse distinction de son être, par la formidable finesse de femme qui n’est jamais dupe des grosses choses du temps ; et quoiqu’elle sache très bien plonger toujours sa longue épingle au point juste où il faut la plonger, la femme nous plaît moins alors en ces sujets, et nous paraît beaucoup moins elle !

2060. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

C’est une dilution des journaux du temps dans un verre d’eau, incolore, insipide et gonflant comme tous les verres d’eau du monde. […] Par ce temps de publicité effrénée, les masques ne masquent plus rien. […] Ainsi, en critique, depuis quelque temps et de plus en plus, le vent est aux femmes, et peut-être, ici, trouveront-elles qu’il n’est pas très doux… J’en suis désespéré pour ces dames, mais aussi pourquoi publient-elles… Pourquoi viennent-elles presque fièrement se placer sous le tranchant de la Critique, si c’est pour lui crier dès qu’elle les effleure : « On ne touche pas à la reine !  […] Je me trompais donc et je m’en aperçois à temps, lorsque je disais plus haut qu’il n’y avait pas, en ces deux volumes publiés sur Byron, une seule idée nouvelle.

2061. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Ses succès du monde, plus chers à sa vanité que ses succès littéraires, ne voilèrent de leur éclat ni pour les autres ni pour lui la plaie secrète, cette suppuration d’orgueil et d’envie qu’on sent en lui malgré les soins de sa double toilette, — malgré le musc et les opinions de son temps. […] Les hommes qui ne voient jamais le xviiie  siècle qu’à travers un microscope peuvent trouver que Chamfort n’est pas par trop nain entre La Rochefoucauld et La Bruyère, et lui mettre son temps sous les pieds pour le hausser jusqu’à eux, en l’appelant le moraliste du xviiie  siècle. […] C’est là toujours ce qu’il faut dire quand on parle de ce malheureux temps ! […] Reçu par les hautes classes de son temps, comme elles recevaient, ces folles, à la veille de périr, tous ces hommes qui allaient devenir leurs bourreaux, il dut porter jusque parmi elles ces rages de déclassé vexé qu’on retrouve encore dans son livre.

2062. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Et comme nous nous serions moqués de Dangeau dans un autre temps ! […] condamna pendant quelque temps au bonnet rouge, à la carmagnole et aux pataquès, cette société toute de soie et de beau langage, mais où l’homme manquait par-dessous ! […] Il était plus cultivé qu’on ne l’était parmi les seigneurs de son temps. […] Sainte-Beuve trouve dans le duc de Luynes la complète certitude qu’il fut un temps où l’on dînait le chapeau sur la tête.

2063. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Balzac, en effet, Balzac est tout entier, de pied en cap, de fond et de surface, dans cette Correspondance, publiée, avec raison, comme le dernier volume de ses Œuvres, — les éclairant par sa personne, — les closant par l’homme, — et démontrant la chose la plus oubliée dans ce temps où le talent voile si souvent la personne de son rayon et lui fait malheureusement tout pardonner, c’est que l’homme égalant l’artiste le rend plus grand et en explique mieux la grandeur. […] Une preuve de plus de cette vérité qu’en tout temps j’ai infatigablement proclamée : c’est que s’il est possible encore qu’une âme basse ait quelque talent, il est impossible qu’elle ait du génie ! […] Il n’a pas laissé éteindre le feu sacré… Chevaleresque, en ces temps modernes et corrompus, ce chevalier de l’amour dans le mariage a, comme les Chevaliers du Moyen-âge, fait une veillée d’armes, mais la sienne a duré toute sa vie… Cœur aussi mâle qu’il était un esprit robuste, il a aimé comme il a pensé. Il fut, d’intellect et de cœur, une équation sublime… Pour avoir la femme qu’il aimait, pour se dégager des dettes qui auraient pu peser sur elle, pour lui offrir une main rachetée, une main royale de pureté, il travailla deux fois plus de temps que Jacob pour avoir Rachel.

2064. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Je ne suis pas de ceux qui pensent que le temps ne fait rien à l’affaire. […] Une fois qu’il fut bien sûr de son génie, Lord Byron ne tira plus que douze coups de pistolet par jour et sut, à un pas près, le nombre de temps de galop qu’il exigeait de son cheval le long de la mer de Venise. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que le high life est la vie des classes supérieures, qui valent mieux que les autres de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Guy Livingstone est un Anglais de ce temps, que le romancier prend à l’Université et suit jusqu’à sa mort, laquelle arrive de bonne heure et en pleine jeunesse.

2065. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Dans un temps où l’inétanchable besoin de merveilleux fait accepter à la pauvre imagination publique, qui semble tombée en enfance, les abjectes et les bêtes inventions des Esprits frappeurs et des tables tournantes, Swedenborg, l’illuminé Swedenborg est-il donc un sujet trop élevé pour elle ? […] Il a ses racines dans son temps. […] Comme aux gens de son temps, le rationalisme ne cessa pas d’être sa marotte. […] Swedenborg nous dit qu’il a connu la femme et que dans sa jeunesse il avait eu une maîtresse… Philosophe et naturaliste avant tout, n’admettant, comme les plus religieux de son temps, qu’une espèce de morale évangélique, Swedenborg (voici où commence l’extraordinaire et l’inconséquent) n’en avait pas moins l’habitude de méditer sur les choses spirituelles.

2066. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

I Il y a peut-être en ce moment plus de vingt éditions en Allemagne de ce livre de Feuchtersleben ; car il a bien fallu le temps de le traduire, et M. le docteur Schlesinger-Rahier l’a traduit sur la vingtième édition… Il a même plaqué ce glorieux numéro — vingt !  […] Certainement, cela n’eût pas été plus vrai que toutes les autres applications de l’hégelianisme dont la fausseté déborde autour de nous, mais cela eût été curieux, et, d’ailleurs, cela eût fait contre cette philosophie, qui est la possession intellectuelle de notre temps, une de ces fières preuves par l’absurde qui jettent bas une doctrine dans le mépris. […] Il est vrai que Henri Heine se soucie peu de la précision scientifique, tandis que le baron de Feuchtersleben, qui s’en préoccupe, nous donne une idée de la sienne en écrivant sur Salvandy cette bonne phrase, par laquelle je veux finir : « Ce fut l’homme le plus moral des temps modernes. » Certes ! ce fut un galant homme que Salvandy, et il avait même, dit-on, une petite pente à augmenter son personnage ; mais « l’homme le plus moral des temps modernes ?? 

2067. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

La filiation terrible que je vois entre les Jacqueries protestantes et les Jacqueries des temps futurs (et pas si futurs), Guizot ne l’a pas vue du traversin sur lequel dormait sa vieillesse fortunée, mais la logique des principes posés étrangle, un jour ou l’autre, les subtilités des sophistes, et l’invention des deux Églises ne le sauvera pas ! […] Tout peut se croire du pêle-mêle littéraire de ce temps, dans lequel roule ce livre encore trop ignoré, mais qui surgira du flot quand tant d’autres livres, portés par le flot, sombreront ! […] le temps a fait de Guizot, jadis historien, un copiste ; seulement on reconnaît toujours le protestant au choix de la copie, et malgré le faste de protestantisme qui s’étale dans son livre, on y reconnaît le philosophe, l’éclectique, le rationaliste, plus que le protestant encore. […] J’ai été dupe une fois de plus de ce nom de Guizot, qui papillote encore à l’œil dans la lumière de ce temps, et qui en est, je crois bien, à son dernier papillotage.

2068. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Il y a eu, de par le monde de ce temps, un Rousselot qui fut, je crois, économiste. […] Cela donne à penser que dans ce pauvre temps de débilitation universelle la race des poètes n’est pas encore perdue, et que Gustave Rousselot est peut-être du bois dont se font ces flûtes enchantées. […] — le sol crevassé de ce temps ; enivré par les sciences modernes qui l’ont frappé de leurs vertiges ; optimiste furieux qui mord l’histoire du passé comme un tigre, — du passé dont, malgré la noblesse de son espèce, il s’abaisse à être le chacal, — orgueilleux comme Nabuchodonosor lui-même, ce petit ! […] Ces qualités — et c’est leur gloire — ne sont pas du tout celles de la poésie de ce temps dévasté de poésie.

2069. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

S’il y a encore de l’originalité quelque part pour nos esprits aplatis, frottés et usés les uns contre les autres, dans ce temps où l’égalité veut être partout, c’est en province qu’on trouve cette aristocratique originalité. […] On m’a dit — et si ce n’est pas son histoire il faut le regretter — que, descendant de Montesquieu, lequel faisait des vers aussi, mais qui, après L’Esprit des lois et La Décadence des Romains, avait le droit de n’en pas faire de si bons que Gères, il avait été obligé, ce noble homme, qui l’est deux fois, par le talent et par la naissance, d’entrer, par suite des ignobles fortunes que les révolutions nous ont faites, dans une étude de notaire dont il aurait été le modeste clerc pendant quelque temps. […] Seulement, par un privilège de ces adorables natures poétiques quelquefois délicieusement fondues, de temps à autre le muscle de la Force peut saillir tout à coup dans le doux contour de la Grâce, et créer alors cet hermaphrodisme divin dont les Grecs, moins prudes que nous et plus connaisseurs, faisaient deux beautés réunies, et non pas une monstruosité ! […] J’ai toujours protesté contre la popularité actuelle de cette forme poétique, aimée des asthmatiques de cet imbécille temps de décadence, où les larges poitrines et les longueurs de souffle deviennent plus rares de plus en plus.

2070. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

dans un temps comme le nôtre, si fièrement hostile à toute espèce de dynasties, que la vie à écrire d’un homme de génie ou de talent appartienne spécialement à ses hoirs mâles ou femelles et soit un droit de succession !! […] écrivait La Fontaine à un ministre de son temps, qui ne sourcillait pas du reproche. […] Comme tous les jeunes gens qui vécurent sous Louis-Philippe, ce triste Napoléon de la paix à tout prix, en se dévorant d’activité étouffée, Musset, qui n’avait ni les millions ni la pairie de lord Byron, devint homme du monde du temps, avec l’âme la moins faite pour le monde. […] … Fatalement, l’atmosphère du temps saturée de poésie byronienne dut pénétrer jusqu’au fond de cette jeune poitrine.

2071. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

José-Maria de Heredia58 I Cette Histoire d’une conquête 59 en est une sur l’imagination… Cette antique chronique d’un vieux chroniqueur oublié et à peu près inconnu en France, traduite par la fantaisie éprise d’un écrivain qui a du sang espagnol et conquérant dans les veines et la plus profonde culture de la langue française, ce récit, si différent, par les sentiments et par le ton, du ton et des sentiments de l’histoire moderne, a fait son chemin en deux temps, comme les Dieux d’Homère. […] José-Maria de Heredia a placé à la tête de sa traduction deux tableaux historiques qui lui appartiennent en propre : le tableau de l’Espagne de 1513 à 1514, et celui de la jeunesse de Cortez ; et ces deux tableaux introduisent et classent très haut leur auteur dans la littérature historique de ce temps. […] Nous avions eu, en ces derniers temps, Saint-Simon, Chateaubriand, Michelet, ces Titiens ou ces Tintorets de l’Histoire ; mais ils étaient les seuls. […] et tout est fresque de cette beauté dans cette longue description, dans cette empreinte levée si ardemment de l’Espagne du xvie  siècle… L’évocateur de cette Espagne perdue et retrouvée ajoute encore, quelques pages plus bas : « Les danseuses d’Andalousie n’avaient point dégénéré depuis le temps de Martial et de Pline où elles emplissaient de leur folie lascive les festins consulaires et les voies impures de Suburra.

2072. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Mais, elle, échappée à la petite toilette de la biographie, comme on échappe aux modes de son temps, si vieilles le lendemain du jour où elles se fanent, elle gagnera de ne nous apparaître que comme la Muse, la Grâce, la Souffrance, dans leurs costumes éternels ! […] Je sais bien qu’il est une École qui conteste assez hautainement la supériorité de cette poésie spirituelle, une École puissante et qui mérite de l’être, _ car elle a rendu de grands services à la langue poétique de ce temps. […] L’Ému ou le Rêveur, car la rêverie, c’est de l’émotion encore au temps passé ou au temps futur, l’Ému ou le Rêveur, voilà le vrai poète !

2073. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Il y a quelque temps, le hasard, qui n’est pas toujours un imbécile, jeta dans nos mains un recueil de vers dont on a parlé bien sobrement, — l’auteur n’était pas de Paris, — et c’est ce recueil, très-inconnu en raison du peu qu’en ont dit les hospitaliers généreux de cette ville charmante, c’est ce recueil d’un luxe typographique qui est une poésie à lui seul que nous voulons signaler à l’attention de ceux-là qui aiment la poésie, et on ne peut l’aimer maintenant qu’avec désespoir. […] Ils coulèrent leur pensée dans ce moule parce que ce moule était à la mode de leurs temps, mais ils l’y ont étriquée, étranglée ; c’étaient des aigles pris à la sauterolle ! […] Si chez nous on les vit renaître après 1830, c’est que nous voulions ressusciter la Renaissance, mais les plus grands poètes de ce temps, Lamartine et Hugo, échappèrent au Sonnet. […] Singulier poète, ou, pour mieux parler, singulière spécialité poétique, qui s’est liée volontairement dans de pareils esclavages, qui a renfermé sa pensée dans la forme étroite au lieu de dilater cette forme autour de sa pensée, je ne le confondrai pas pourtant avec les Vides de ce temps, les poètes de la forme pure, avec les écorces sculptées, qui ne renferment rien, comme les sarcophages des Anciens, qui ne contenaient pas même de cendres, car lui, lui, il a la pensée, il a cette perle malade, mais cette perle de la pensée, dont les feux du diamant de l’art, de la langue et du rythme, ne valent pas le plus pâle rayon !

2074. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Rasetti28 I Quelques personnes ont prétendu que sans les Misérables, qui ont, tout ce temps, absorbé l’attention publique, ce livre d’Antoine Quérard aurait recommencé le succès de Madame Bovary. […] Ils appartiennent tous les deux à cette École de la peinture, fausse même en peinture, en littérature, exécrable, que l’on appelle le Réalisme, et que la littérature enivrée, ces derniers temps, d’art plastique, n’a pas eu le cœur de renvoyer aux ateliers d’où elle est sortie pour venir insolemment se planter chez nous ! […] Je crois l’avoir dit, dans le temps, à M.  […] C’est, selon moi, une des choses les plus tristes de ce temps, que de voir M. 

2075. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Je ne suis pas de ceux qui pensent que le temps ne fait rien à l’affaire. […] Une fois qu’il fut bien sûr de son génie, lord Byron ne tira plus que douze coups de pistolet par jour et sut, à un pas près, le nombre de temps de galop qu’il exigeait de son cheval le long de la mer de Venise. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal, parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que la high life est la vie des classes supérieures qui valent mieux que les autres, de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Guy Livingstone est un Anglais de ce temps, que le romancier prend à l’Université et suit jusqu’à sa mort, laquelle arrive de bonne heure et en pleine jeunesse.

2076. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Non pas l’exactitude qui arrive à temps dans ce qu’elle fait, — qui donne, par exemple, son feuilleton à heure fixe (sur mon âme, je l’ai cru un moment !)  […] III Rien de pareil ne s’était encore vu, même dans Feydeau, et il a si bien senti lui-même la puanteur de son sujet, choisi probablement par fanatisme d’exactitude, que lui, l’homme de la réalité exacte, et qui persifle si joliment les moralistes dans sa préface, a cru devoir se faire provisoirement moraliste contre l’épouvantable drôle, son héros, et le timbrer, pendant tout le temps que dure son récit, des épithètes de misérable, d’homme affreux, de coquin, comme s’il était, Feydeau, un des vertueux dont il se moque ! […] Les abonnés, dont dépend le journal, n’auraient peut-être pas accepté la monstrueuse et basse immoralité du monsieur dont Feydeau a distillé les infamies dans son roman, si, de temps à autre, l’auteur n’eût montré une indignation honnête, et allongé, pour l’acquit de la conscience publique, un coup de fouet à l’indigne animal qu’il conduit l’espace de trois volumes dans le brancard de son feuilleton. […] Feydeau a trouvé le moyen de nous faire regretter Feydeau… On nous a accusé, dans le temps, d’avoir été trop sévère pour l’auteur de Fanny, de Daniel, de Catherine d’Overmeire, parce que nous ne trouvions pas que son talent fût du génie ; mais, franchement, si nous le jugions rétrospectivement à la lumière de ses nouveaux livres, nous pourrions croire qu’il en avait.

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