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1198. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

S’il est si rare aujourd’hui de voir un tableau composé d’un certain nombre de figures sans y retrouver par-ci par-là quelques-unes de ces figures, positions, actions, attitudes académiques qui déplaisent à la mort à un homme de goût, et qui ne peuvent en imposer qu’à ceux à qui la vérité est étrangère, accusez-en l’éternelle étude du modèle de l’école.

1199. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

N’était-il pas aisé de pressentir que Labutte, dont l’érudition est toute matérielle et s’adosse à la philosophie négative du xviiie  siècle, qui traîne encore en un si grand nombre d’esprits, verrait moins dans l’histoire des ducs de Normandie un vigoureux tableau à peindre qu’une petite embrasure à ouvrir par laquelle il pût tirer de son côté, non seulement sur le xe  siècle, mais sur l’ensemble du Moyen Âge qu’il ne comprend pas ?

1200. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Il y a un passage dans son livre où l’auteur des Français de la décadence se moque, comme il sait se moquer (à tort ou à raison, ce n’est pas la question), des percements de rue qui ont lieu à Paris en ce moment ; et, pour exprimer les ironiques inquiétudes que lui causent tous ces percements de rues nouvelles (pages 290 et suivantes), non seulement il parle avec effroi d’une rue qui traverserait les tableaux du Titien et de Raphaël : Les Noces de Cana et La Belle Jardinière, lesquels sont actuellement au Louvre, mais encore d’une « autre rue, qui traverserait à son tour, d’outre en outre, les deux pots de réséda posés sur sa fenêtre, et qui continuerait jusqu’à son lit de plumes, en passant sur sa table de nuit ».

1201. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

. — L’immoralité des tableaux est une fière chance de succès, sans doute, mais la déclamation rend tout insupportable, même le vice, pour les vicieux qui l’aiment.

1202. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Le monde réparé, la terre réconciliée avec le ciel, un pacificateur entre Dieu et l’homme, un nouvel ordre de justice, une vie à venir et de grandes espérances, ou de grandes craintes au-delà des temps, tel était le tableau que cette éloquence présentait aux hommes.

1203. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Voltaire vainement nous répète vingt fois Que, sur ses douze chants, on peut en lire trois ; Que le reste est absurde et plein d’extravagances, Grossier, bizarre, obscur, chargé d’invraisemblances ; C’est par là qu’il nous plaît \ l’ombre sert aux tableaux ; Verrait-on ses beautés, s’il n’avait des défauts ?

1204. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Taine, un tableau général exact et complet de cette littérature. […] Les tableaux qui s’étaient déroulés sous ses yeux durant son enfance n’étaient pas faits pour lui donner le goût des armes et de la guerre. . […] La description de la nature vierge et de la vie sauvage est ici le cadre et non le tableau, le décor et non le drame. […] Nos oreilles recueillent avec avidité les paroles que nos voisins échangent entre eux, les exclamations de surprise, d’admiration ou de mécontentement que leur arrachent les tableaux qui leur sont présentés. […] Telle est à peu près l’impression que laisse le tableau du monde tracé par le ministre gallois.

1205. (1905) Propos littéraires. Troisième série

On y trouvera aussi tout un tableau de l’Italie vers 1820, qui intéressera beaucoup et étonnera un peu. […] Est-il fait, le tableau ? […] C’est un modèle de tableau dans le plus pur genre classique. […] Devant un tableau, ou un roman, ou une femme, on demande à M.  […] Un sonnet pareil vaut non pas un poème, mais un tableau de maître.

1206. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

On conçoit un tableau que le peintre peindrait pour soi. […] Étant par nature action, si l’auteur n’a pas fait l’épreuve de ses vertus actives à la scène et sur le public, elle demeure virtuelle et rien de plus que l’idée d’un tableau ou d’une statue par rapport à la statue et au tableau. […] Nous n’avons pas affaire à une œuvre réglée, construite, mais à une succession de tableaux souvent disparates, plus ou moins habilement reliés entre eux, sans préparation ou trop préparés, sans progression aucune, sans crise et résolution de la crise, sans graduation des effets. […] Si son effort fut bienfaisant — nous dirons en quoi — il n’en a pas moins activé la décomposition dont je viens de tracer le sombre tableau, en aiguillant la production dramatique sur la voie du « naturalisme ». […] Ou bien, enfermons-nous à tout jamais dans un salon bourgeois, un cabaret, une mansarde, exactement figurés, éclairés, meublés ; si nous avons du goût nous obtiendrons d’agréables tableaux de genre ; ils n’ajouteront rien au drame et ils ne l’exprimeront pas.

1207. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Il n’y a sans doute pas aujourd’hui en France un autre poète capable d’évoquer un tableau aussi clair et aussi vrai avec des mots aussi simples, avec une phrase qui semble celle d’une causerie distraite et qui pourtant, comme par hasard, forme des vers charmants, purs et définitifs. […] Cette faculté de se représenter la vie, et non seulement comme un tableau, mais comme un tableau animé où les personnages marchent, s’agitent selon les mille petits gestes, il l’a utilisée de la façon la plus curieuse en un roman qui semble en littérature la transposition anticipée du cinématographe. […] Barrès de produire une œuvre en trois volumes appelée le Roman de l’énergie nationale, avec les titres de « tableaux » tels que la Justice ! […] Quand le sujet de son poème est vraiment riche d’images et d’idées, il les rassemble toutes, avec la fièvre du botteleur que presse l’orage, et il nous les jette tout odorantes encore de la terre dont elles sont nées ; il s’agit du livre III du Vœu de Vivre, tableau tourmenté d’une nature ivre et en sueur : Oh ! […] Une œuvre d’art, tableau, statue, poème, roman ou drame, ne doit jamais avoir une signification trop précise, ni vouloir démontrer quelque vérité morale ou psychologique, ni être un enseignement, ni contenir une théorie.

1208. (1925) Proses datées

Je tâcherai de tracer, une fois, un tableau exact de ces réunions dont des récits, plus ou moins bien intentionnés ont quelque peu dénaturé le caractère. […] Son principal ornement était un Bouddha doré ; aux murs quelques tableaux dont le portrait de Leconte de Lisle, par Benjamin Constant. […] Dans toutes deux était apendu au mur un tableau noir, souvent couvert de formules chiffrées et de figures géométriques. […] Elle en a tracé un tableau vrai et amusant. […] Il y a de fort bons tableaux à Venise et vous sûtes les distinguer.

1209. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Le jeune auteur cherche donc évidemment ce qu’on nomme aujourd’hui l’actualité : il retrace les scènes ordinaires les tableaux quotidiens de cette Galerie, les conversations des marchands et des passants ; c’est une veine neuve et heureuse, un essai ou une intention de ce qu’on nomme à présent réalisme, mais sans les excès du genre. […] Cette scène encore, posée tout d’abord en tableau, est à la fois très théâtrale et très dramatique. […] Ici, par exemple, dans Guillem de Castro, deuxième journée, scène V, nous avons un rapide tableau de guerre dans les montagnes : un roi maure, traînant après lui son butin et ses captifs, est arrêté et fait prisonnier par Rodrigue, qui reçoit son hommage, puis se met à la poursuite de quatre autres rois. […] Et, à propos de cette parole piquante, nous pourrions comparer au récit du Cid le tableau de cette bataille, tel que l’a donné Bossuet dans l’oraison funèbre du Prince. […] A Madrid, elle présente, selon les besoins de l’action, six tableaux divers ; à Paris elle est, au premier acte, dans le jardin des Tuileries ; aux actes suivants, à la Place Royale, d’abord dans la maison de Clarice, puis dans la Place elle-même.

1210. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Priscus, qui fit partie de l’ambassade envoyée par Théodose au roi barbare, nous a transmis le tableau de cette cour presque fabuleuse. […] Malgré tout, l’art l’emportera sur l’histoire, les marbres prévaudront sur les textes, les tableaux recouvriront la réalité. […] Les têtes même des chérubins qui jonchent le ciel du tableau, font des grimaces d’enfants colériques. […] Le tableau de genre explique souvent le tableau d’histoire. […] Tel fut le XIVe siècle, qui créa le drame aux mille tableaux de la Danse Macabre.

1211. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La moralité qu’il tirait de ces tableaux était toute de soumission, de. devoir et de sacrifice, de clémence et d’espoir à travers les pleurs. […] Orphée est un singulier poëme où le chant, émané d’une muse antique, a été commenté avec science par un néoplatonicien ou un éclectique alexandrin ; mais le copiste, par mégarde, a fait confusion ; le commentaire est entré dans le texte, Servius a passé dans Virgile et l’interrompt ça et là ; les bordures du cadre sont bigarrées et blasonnées de triangles, de chiffres, de racines en toutes langues, bien que le milieu du tableau se maintienne aimable et pur autant que profond15. C’est ce milieu du tableau que j’aime et que j’admire dans l’Orphée ; c’est là que circule le sentiment des temps incertains, cette musique du passé dont M.

1212. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Celles-ci, lassées de leur travail continu, résolurent d’étrangler le coq, car elles croyaient qu’il causait leurs maux en éveillant la nuit leur maîtresse. »162 A proprement parler, ce n’est pas là un tableau, mais le sujet d’un tableau. […] Celle-ci est naïve, touchante et mesurée comme un petit tableau de Téniers.

1213. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ce sont de vives ébauches qu’il reprendra plus tard et dont il fera des tableaux. […] Dans les pièces de sa seconde manière, les portraits de ce grand peintre, comme les tableaux qui veulent être vus de loin, sont çà et là empâtés. […] Génie inépuisable, il a fait la part de tout le monde avec une libéralité sans exemple, écrivant pour la cour et la ville, pour les gens capables de tirer profit des plaisirs du théâtre comme pour ceux qui ne veulent que s’y divertir : composant les bouffonneries pour la foule, les chefs-d’œuvre pour les lettrés sévères et pour les hommes de génie, ses égaux ; défrayant de ses pièces le présent et l’avenir, la France et le monde ; le plus grand nom de notre théâtre par la fécondité et par cette plénitude de génie propre à lui seul, qui fut sans commencement et sans déclin, et qui anima de la même vie les premiers croquis où il s’essayait dans son art, et les immortels tableaux où il en atteignit la perfection.

1214. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Nous préférons, dans le Bonheur, ce tableau enthousiaste de la philosophie grecque, où semble passer le grand souffle des Heraclite, des Empédocle, des Parménide : Par-dessus tout la Grèce aimait la vérité ! […] Dans les Danaides, rien de plus poétique et de plus philosophique tout ensemble que le tableau de la jeune Espérance : « Mes sœurs, si nous recommencions. » Aux poètes ou aux philosophes qui croient que tout est épuisé en fait de sentiments et d’idées inspiratives, on peut dire avec Sully-Prudhomme : Vous n’avez pas sondé tout l’océan de l’âme, Ô vous qui prétendez en dénombrer les flots… Qui de vous a tâté tous les coins de l’abîme Pour dire : « C’en est fait, l’homme nous est connu ; Nous savons sa douleur et sa pensée intime, Et pour nous, les blasés, tout son être est à nu ?  […] … J’avais bien remarqué que son humble regard Tremblait d’être heurté par un regard qui brille, Qu’elle n’allait jamais près d’une jeune fille, Et ne levait les yeux que devant un vieillard242… Seulement Coppée a trop souvent pensé que, pour trouver le vrai, — à notre époque on le cherche beaucoup, — il suffisait de découvrir et de reproduire le fond effacé et journalier de la vie, en un mot sa banalité ; c’est un peu comme un musicien qui ne donnerait guère d’un air que l’accompagnement, ou un peintre qui s’appliquerait à n’éclairer son tableau que d’une lumière partout unie.

1215. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer, presque chaque jour, en offrit le tableau. […] De même que, dans ce passage qu’on n’a pas oublié, il a énergiquement rendu cette puissance d’organisation fatale qui semblait faite pour engendrer les tyrannies multiples, pour perpétuer l’hydre aux mille têtes et éterniser le chaos, de même ici il rend avec une précision inaccoutumée un idéal d’ordre, d’unité, de lumière, dont il avait sous les yeux l’exemplaire vivant ; en un mot, c’est le tableau de 1802, le contraire de 1792 ; c’est le monde jeune, renaissant merveilleusement après la ruine : Une commission est formée, dit-il, pour la composition d’un Code criminel, une autre pour un Code de commerce.

1216. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Quoi qu’il en soit de sa théorie, la curiosité de M. de Lescure a voulu suppléer spirituellement au silence d’un grave historien moderne, qui n’avait rien oublié, dans le tableau du règne de Henri IV, que de parler de la belle Gabrielle ; l’omission était piquante2. […] Mais ces imaginations trop confinées au seuil domestique, rétrécies d’horizon, qui n’avaient quasi rien vu qu’à travers les vitres d’une étude et en sortant des dossiers, prenaient aisément le change sur les couleurs, sur les tableaux, sur la matière et l’exécution de la poésie.

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