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210. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Le chancelier d’Aguesseau plus calme, qui connaissait le travail de l’abbé Le Grand et qui s’était autrefois confié en ce docte et laborieux personnage pour le projet d’une nouvelle collection des Historiens de France, disait après avoir lu le livre de Duclos : « C’est un ouvrage écrit aujourd’hui avec l’érudition d’hier. » Le fait est qu’en lisant de suite ce récit de Duclos, on n’est point intéressé, on n’entre point avant dans le sujet, on n’y vit point, et il semble dès lors que l’auteur n’y a pas non plus habité suffisamment ni vécu. […] J’étais cadet, je tenais tête à mon frère, ils ont eu peur des suites, ils m’ont anéanti ; on ne m’a rien appris qu’à jouer et à chasser, et ils ont réussi à faire de moi un sot et une bête, incapable de tout. […] Duclos, dans la suite de son récit, ne quitte Saint-Simon, ou plutôt n’est abandonné de lui qu’à la date de 1723, à la mort du duc d’Orléans et à l’époque du ministère de M. le Duc. […] Ce qu’on vient de voir permet de conjecturer que, Saint-Simon lui manquant, Duclos a profité, dans la même mesure, des autres secours manuscrits qu’il aura trouvés pour la suite de sa narration.

211. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

M. de Meilhan était un grand ambitieux, un ambitieux incomplet, puisqu’il était paresseux et sans esprit de suite ; mais, comme les gens de beaucoup d’esprit que l’ambition soulève, il voyait bien de loin, et sa pensée s’offre souvent avec des sillons rapides et dans un jour lumineux. […] Dans un autre écrit, M. de Meilhan va même plus loin : il est persuadé que Louis XV, tout amolli et apathique qu’on le connaît, aurait eu plus que Louis XVI l’espèce d’énergie suffisante pour arrêter à temps cette suite d’entreprises et d’insubordinations qui ouvrirent la Révolution française. Il le montre jaloux de son autorité, sentant le danger de la laisser attaquer, et capable, à cette seule idée, de violents mouvements de colère qui avaient des suites ; il cite une lettre vigoureuse de ce roi au duc de Richelieu sur les envahissements de pouvoir du Parlement : Cette lettre, dit-il, doit prouver que Louis XV aurait employé la force pour arrêter, dès les premiers moments, les entreprises des révolutionnaires. […] Ce livre Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution est terminé par une suite de portraits historiques (Maurepas, Turgot, Saint-Germain, Pezay, Necker, Brienne), dans lesquels il y a des traits exacts et neufs, bien de l’esprit et même du talent29.

212. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Tant qu’il ne s’agissait que du renversement des fortunes, il en prenait son parti encore plus facilement, et il allait même par instants jusqu’à désirer quelque chose au-delà de ce qu’il voyait : Le bien-être terrestre, disait-il, m’a paru si bien un obstacle au progrès de l’homme, et la démolition de son royaume en ce monde un si grand avantage pour lui, qu’au milieu des gémissements qu’occasionnait le renversement des fortunes pendant la Révolution par une suite de la maladresse et de l’ignorance de nos législateurs, je me suis souvent trouvé tout prêt à prier que ce genre de désordres s’augmentât encore, afin de faire sentir à l’homme la nécessité de s’appuyer sur son véritable soutien dans tous les genres. […] Saint-Martin vit La Harpe depuis sa conversion ; il le trouva plus sincère qu’éclairé ; mais cette connaissance eut peu de suite. […] Mais ce que je désirerais vivement, c’est que le manuscrit que j’ai sous les yeux, Mon portrait historique et philosophique, qui n’a été imprimé que tronqué et très incomplet, s’imprimât dans toute sa suite (à part huit ou dix pensées qu’il faudrait absolument retrancher comme étant de trop mauvais goût) ; on aurait alors un Saint-Martin à l’usage de tout le monde, à l’usage de ceux qui hantent Gui Patin comme de ceux qui lisent Platon ; un peu singulier, un peu naïf, agréable, touchant, élevé, communicatif, parfois bien crédule, nullement dangereux : on aurait enfin ce qui plaît toujours dans un auteur et ce qu’on aime à y rencontrer, un homme et un homme simple. […] J’ai traversé en outre trois fois presque tout le royaume pendant ces temps de trouble, et la paix s’est trouvée partout où j’étais (excepté l’aventure du Champ-de-Mars de l’été de 1791, pendant laquelle j’étais à Paris) ; tout cela me fait croire que, sans oser me regarder comme un préservatif pour mon pays, il sera cependant garanti de grands maux et de désastres absolus tant que je l’habiterai ; non pas, comme je viens de le dire, que je me croie un préservatif, mais c’est parce que je crois que l’on me préserve moi-même, attendu que l’on sait combien la paix m’est chère, et combien je désire l’avancement du règne de mon Dieu… Vous croyez peut-être que la suite des événements va le détromper : pas le moins du monde.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

De près, quand on repasse, en étudiant l’histoire, par les mêmes traces exactement que les contemporains, quand on le fait avec un esprit de suite et de patiente impartialité, on est saisi d’effroi et de tremblement, on éprouve quelque chose de leurs anxiétés et de leurs angoisses ; on voit l’abîme et on le côtoie avec eux ; on est oppressé, on est soulagé à l’heure de la délivrance, on est reconnaissant. […] Poirson veut qu’on dise, dans les combats d’Arques ; car ce ne fut pas une seule journée ni une bataille, mais une suite d’actions et d’assauts « dirigés au moins sur six points différents depuis le 15 jusqu’au 27 septembre (1589), pendant douze jours36. » Henri, avec une armée trois fois moins nombreuse que celle de Mayenne, dut éviter une affaire générale, et réduisit habilement l’adversaire à une guerre de postes. […] Lorsqu’il en vient aux années de paix, à celles qui suivent la conclusion du traité de Vervins, il y concentre tous les travaux et les services civils ; il consacre une suite de chapitres nourris et solides à l’étude de la monarchie administrative de Henri IV et de son économie intérieure. […] Sur celle-ci en particulier, tout a été dit de ce qui pouvait l’être ; les défauts et les mérites du livre ont été mis en lumière avec une mesure parfaite, dans une suite d’opinions qu’il eût suffi de sténographier pour avoir un excellent modèle de discussion littéraire et historique : que d’instruction j’y ai recueillie moi-même sur un sujet que j’avais précédemment étudié !

214. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Mais on les a abrégés bien moins que chez nous ; on a laissé subsister le cadre, on a respecté la suite et la liaison, on n’a supprimé que des hors-d’œuvre ; on a resserré la trame, mais avec discrétion et insensiblement. […] Le recueil intitulé la Lyre et l’Épée le transporta ; il eut l’idée de s’enrôler à la suite dans le même genre, et il composa à son tour un petit poëme sur la vie de soldat. […] Entre nous régnait la plus profonde harmonie ; il me tendait sa main par-dessus la table, et je la pressais ; puis je saisissais un verre rempli, placé près de moi, et je le vidais en silence, et je lui faisais une secrète libation, les regards passant au-dessus de mon verre et reposant dans les siens. » Touchante et muette adoration qui relève cette suite d’esquisses familières ! […] Et c’est justement là l’avantage des petits sujets. » Tout se tient et se complète dans cette suite de recommandations poétiques : en conseillant la poésie naturelle, Gœthe ne dit pas de copier des scènes vulgaires ; en invitant le poëte à s’écouter lui-même, il ne dit pas non plus de roucouler des sentiments et des mélodies plus ou moins connus sur des thèmes et des sujets vagues : il veut un motif, un cadre et un dessin déterminés, et il demande que tout cela soit vu, observé, pris sur le fait, inspiré par la circonstance, dans les moyens et les données de celui qui chante et qui y met son accent, sa manière de comprendre et de sentir.

215. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Aux tendres soins qu’il prodigua au malade pendant toute la crise, personne n’eut pu deviner la suite, et un témoin oculaire disait à l’ambassadeur de Florence, quelques jours après, que « voir le prince dans son lit, la pâleur de la mort sur le visage, avait été certes un sujet de grande compassion, mais que voir le roi servir incessamment son fils, les yeux remplis de larmes, avait été un spectacle à faire pleurer les pierres. » Chacun, au reste, rivalisa de soins et de zèle ; à cette époque, il est bien clair que ni son père ni personne dans l’État ne désespérait encore du moral du jeune prince âgé de dix-sept ans, et ce fut, par toute l’Espagne, à qui ferait des vœux et des dévotions extraordinaires pour obtenir du Ciel sa guérison et son salut. […] Cet acte qu’on possède témoigne, de sa part, de sentiments honorables et meilleurs que ses actions : ce n’étaient pas les bons mouvements qui manquaient à ce malheureux prince, mais c’était la suite, la force de les régler, de tempérer ses impatiences et de réprimer ses penchants vicieux : il était en tout d’une organisation instable, défectueuse. […] Ilparle avec difficulté et lenteur, et ses paroles manquent de suite. […] Ce portrait, après tout, est celui d’un roi et d’un personnage politique qu’on peut haïr, mais qui se fait respecter et compter pour sa tenue, sa consistance et sa hauteur : le caractère de don Carlos est celui d’un pauvre enfant, gourmand, brutal, extravagant, incapable de rien avec suite et capable de tout dans un accès de fureur.

216. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

D’où je conclus que, puisqu’il en est ainsi, et que la littérature critique (car il s’agit d’elle surtout) se trouve en présence d’un monde nouveau et d’un public qui n’est plus dans les conditions d’autrefois, qui n’est plus un cercle d’amateurs studieux, vibrant aux impressions les plus fines et les plus fugitives ; puisqu’elle-même serait bien embarrassée à ressaisir cette légèreté et cette grâce fondues dans la magie unique du talent, il y a nécessité pour elle de se renouveler d’ailleurs, de se fortifier par d’autres côtés plus sûrs, de ceindre courageusement ses reins comme pour une suite de marches fermes et laborieuses. […] Deschanel et y lire un très bon chapitre sur Molière, une suite de chapitres sur Christophe Colomb, une belle page sur Voltaire. […] Deschanel a publiés pendant son séjour en Belgique, ce qui est resté très-amusant à parcourir, c’est cette suite de jolies anthologies dans la collection Hetzel : les Courtisanes grecques ; — l’Histoire de la Conversation ; — le Bien qu’on a dit des Femmes ; — le Mal qu’on a dit des Femmes ; — le Bien qu’on a dit de l’Amour ; — le Mal qu’on a dit de l’Amour ; — le Bien et le Mal qu’on a dits des Enfants. […] Un bon juge me signale comme une suite de pages charmantes le début du Bien et du Mal qu’on a dits des Enfants.

217. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Je lui ai répondu avec fermeté, qu’à mon âge on ne pouvait faire ombrage a un esprit bien fait ; que ma conduite, dont elle avait été témoin dix ans de suite, démentait tous ses soupçons ; que j’avais si peu songé au dessein qu’elle me prêtait, que je l’avais souvent priée de m’obtenir la permission de me retirer ; que je ne souffrirais plus désormais ses hauteurs, que ses inégalités abrégeaient mes jours par les chagrins qu’elles me causaient — Et qui vous retient ici ? […] À la fin de février, le roi partant pour aller au-devant de madame la dauphine, « il se trouva le matin dans la cour de Saint-Germain un très beau carrosse tout neuf, à huit chevaux, avec chiffres, plusieurs chariots et fourgons, quatorze mulets, beaucoup de gens autour habillés de gris ; et dans le fond de ce carrosse monte la plus belle personne de la cour, avec Des Adrets seulement, et des carrosses de suite pour les femmes135. » Le 6 mars, il y eut bal à Villers-Cotterets : « madame de Fontanges y parut brillante et parée des mains de madame de Montespan, qui lui rendit ainsi le secours qu’elle-même avait reçu de madame de La Vallière. […] Je reviens aux faits et j’en reprends la suite. […] Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance.

218. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Arago paraisse avoir eu connaissance, mais les écrits pamphlets du moment, ceux dans lesquels il distribuait à droite et à gauche ses petits coups de stylet empoisonné (comme le lui disait André Chénier) ; quand on vient de parcourir la suite d’articles qu’il a donnés à la Chronique de Paris, par exemple, depuis le 15 novembre 1791 jusqu’à la journée du 10 août 1792 et au-delà, on éprouve un sentiment de tristesse et presque de commisération. […] Cette vanité (la suite l’a fait voir) s’était toute concentrée dans un point chez Condorcet, dans la confiance absolue qu’il avait en l’excellence de ses idées et de son système relativement au perfectionnement de l’humanité. […] Nous tirons le rideau, écrit-il, sur les événements dont il serait trop difficile, en ce moment, d’apprécier le nombre et de calculer les suites. […] De telles orgies de rationalisme amènent à leur suite des réactions en sens contraire, et Condorcet donne beau jeu, le lendemain, aux Bonald et aux de Maistre.

219. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

S’emparant des innovations des romantiques allemands, il leur apprit une langue plus simple ou plus subtile que celle de la période classique ; il a profité de leurs tentatives d’introduire dans une littérature septentrionale, les poèmes à forme fixe de l’Orient et du Midi ; à leur suite, il mit en vers dans ses ballades les sombres incidents de l’histoire du moyen âge, et plaça souvent la scène de ses écrits dans les pays traditionnellement poétiques, en Italie, en Espagne, dans l’Inde. […] Quand on se rappelle que cette qualité est si rare en Allemagne, qu’il ne la partage qu’avec Lessing, que Goethe lui-même gâte ses romans par d’interminables suites, que le second Meister fait regretter la vérité sereine et profonde du premier, que Jean Paul est illisible, et Immermann incohérent, Hoffmann diffus et lâche, on aperçoit combien est rare et d’emprunt le mérite que s’est acquis Heine par la juste mesure de ses écrits. […] Il en a condensé les incidents et les émotions dans son Intermezzo, cette suite de petites pièces, chantantes comme des musiques, vagues comme un chuchotement, toutes pénétrées de larmes, de rayons de lune et de sourires. […] Ce qui est constitutionnel dans Heine, c’est l’instabilité des sentiments et des sensations, une instabilité qui rompt la suite de ses moindres poèmes, qui le fait terminer une pièce triste par une gambade, et une épigramme par un sanglot, qui le pousse dans tous les genres, dans toutes les opinions, dans toutes les liaisons, et du salon de Rahel Lewin dans le mariage d’une grisette à peu près nulle.

220. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Or, nous n’avons aucune expérience directe ni aucune connaissance de l’esprit isolé du corps : il ne nous a jamais été donné de voir un esprit agir indépendamment de son compagnon matériel, 2° Nous avons lieu de croire que nos actions mentales sont accompagnées d’une suite non interrompue d’actes matériels. […] Voici à quoi on le reconnaît. — Le fait physique est un fait objectif, simple, à une seule face ; le fait psychologique est un fait à deux faces et l’une de ces faces est une suite de sentiments, de pensées et d’autres éléments subjectifs.

221. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

On s’est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul, la liberté chez les modernes a été mise en péril. »7 D’un point de vue plus général, on pourrait aussi montrer que la Révolution française exprime un Bovarysme idéologique dont le mécanisme caché sera l’objet par la suite d’un complet examen, et qui, en la circonstance, a pour effet de substituer une réalité rationnelle à la réalité historique, de mettre le fait concret sous le gouvernement de l’idée abstraite. […] Suscitant le goût de la recherche et de l’érudition, cette curiosité passionnée aboutissait à la découverte de la beauté antique, et il est permis de penser que si cette trouvaille fut par la suite le moyen de l’un des bonds les plus prodigieux de l’esprit humain, elle fut elle-même la conséquence et l’un des effets d’une activité déjà formée et qui avait sa source en elle-même.

222. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Deux ans plus tard, juste, le « Mélologue » ou « Monodrame lyrique » Lelio ou le retour à la vie, fut exécuté comme suite et conclusion de la Fantastique. […] Notes sur la musique wagnérienne (suite)ba V Durant l’été de 1825, Beethoven s’était senti plus qu’à l’ordinaire souffrant : alors son âme, longuement accoutumée aux émotions, fut — sous l’influence encore de maints embarras matériels, — très saisie par des multiples émotions : le maître les recréa volontairement, les promut à la vie enfin réelle de l’art, en son dernier quatuor 64. […] C’est moins de minutie dans la suite des analyses, un emportement plus continu de la phrase musicale ; et des allegros furieusement vulgaires coupés de quelque gracieuse danse, ou d’un bref repos un peu triste. […] Cette année, au concours public ce piano du Conservatoire, le final de la sonate op. 27 fut joué dix-neuf fois de suite, par dix-neuf jeunes gens très distingués. […] Il marqueta de banales romances, pour les âmes très sensibles, et les dissémina parmi une suite de bruyances assourdissantes et creuses ; le tout seulement pour qu’on ne perdît pas de vue les gestes et mouvements de pantins démenant quelque scribeuse histoire.

223. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Il ressent la luxuriante abondance du style, la profusion des mots, des tournures, des périodes, la variété des figures, la richesse des terminologies, l’entassement de paragraphes sur paragraphes, les infinies suites de strophes. […] Pas une page et pas une suite de pages du poète, qui ne soit ainsi écrite par une série petite ou énorme de variations aisément séparables. […] Nous avons déjà noté qu’au cours d’une pareille ascension de périodes à sens identique, les mots propres rapidement épuisés auront pour suite des synonymes de plus en plus indirects, puis des allusions et des images. […] Une autre catégorie d’œuvres à laquelle ressortissent la plupart des Orientales, la Légende des siècles, une pièce comme les Burgrave s et un roman comme Notre-Dame de Paris, fait se demander par quelle prodigieuse disposition sentimentale, le poète parvient à se faire le porte-voix, presqu’ému, d’une suite de personnes étrangères et mortes, dont il épouse les causes et les passions avec une infatigable versatilité. […] Il semble donc qu’en lui, à une seule impulsion de l’âme, à une conception, à une émotion, à une vision intérieures, correspondent une multitude d’expressions, qui se présentent tumultueusement, s’ordonnent, se rangent et sont issues de suite, tandis que les facultés intellectuelles restent inactives, attendant que ce flux ait passé, pour reprendre leurs fonctions intermittentes.

224. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Le public qui outre tout, et qui n’entre jamais dans aucun détail, croit d’ordinaire que l’ouvrage qui lui plaît le plus dans un genre, est la perfection de ce genre-là, et il ne veut plus rien approuver dans la suite, que sur le modéle de ce qui a saisi une fois son admiration. […] J’aurai occasion dans la suite de parler plus au long de Pindare et d’Horace. […] Un enthousiasme trop dominant ressemble à ces yvresses qui mettent un homme hors de lui, qui l’égarent en mille images bizarres et sans suite, dont il ne se souvient point quand la raison a repris le dessus. […] J’entens par ce beau désordre, une suite de pensées liées entr’elles par un rapport commun à la même matiére, mais affranchies des liaisons grammaticales, et de ces transitions scrupuleuses qui énervent la poësie lyrique, et lui font perdre même toute sa grace. […] La paresse est une suite naturelle de ce principe ; ainsi Anacréon qui vivoit conséquemment, ne se fatiguoit pas à méditer ni à arranger de longs ouvrages ; il se contentoit de mettre en oeuvre quelques idées qui s’offroient d’elles-mêmes, et qui s’arrangeoient peut-être encore par sentiment plus que par réflexion.

225. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Où trouver, en France et en Allemagne maintenant, une telle suite dans les recherches, une aussi forte, une aussi persévérante analyse des problèmes, une aussi ingénieuse explication des phénomènes ? […] Réduits à l’expérience, nous ne savons que ceci : il y a fréquemment coexistence ou suite entre les phénomènes. […] N’atteignant pas directement les causes des phénomènes, il ne peut qu’en rechercher les lois, lesquelles ne se révèlent à lui qu’à la suite d’une laborieuse observation dont le Novum organum a décrit tous les procédés. […] « Reconnaissons dès à présent que toute la suite des procédés physiques et logiques d’observation ou de généralisation, quelque utile qu’elle soit au perfectionnement des sciences naturelles, ne fait pas avancer d’un seul pas dans la recherche ou la véritable science des causes. […] Les lois des phénomènes ne se laissent point observer directement, pas plus dans la vie morale que dans la vie physique ; elles ne se révèlent à la science humaine qu’à la suite d’opérations plus ou moins laborieuses ayant pour but de les dégager de la variété des accidents qui les enveloppent.

226. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Après la paix de Ryswick, le régiment de cavalerie dont il était mestre de camp, fut réformé, et il se trouva sans commandement et mis à la suite. […] Il y avait à profiter, selon lui, de l’erreur populaire qui attribuait à ce corps un grand pouvoir, et on pouvait favoriser cette erreur innocente sans en redouter les suites. […] Il ne fut point ministre parce qu’il ne le voulut pas ; il aurait pu l’être à un instant ou à un autre, mais il se pliait peu aux combinaisons diverses et n’en augurait rien de bon ; il ne trouvait point dans le duc d’Orléans l’homme qu’il aurait voulu et qu’il avait tant espéré et regretté dans le duc de Bourgogne ; il lui reprochait précisément d’être l’homme des transactions et des moyens termes, et le prince à son tour, disait, de son ardent et peu commode ami « qu’il était immuable comme Dieu et d’une suite enragée », c’est-à-dire, tout d’une pièce. […] Cette manière un peu machinale et brusque de considérer le remède religieux, sans en introduire la vertu et l’efficace dans la suite même de sa conduite et de sa vie, annonce une nature qui avait reçu par une foi robuste la tradition des croyances plutôt qu’elle ne s’en était pénétrée et imbue par des réflexions lumineuses. […] Cette grandeur qui, nonobstant tout accroc de détail, allait à revêtir d’une imposante majesté l’époque entière de Louis XIV, et qui était la première vérité du tableau, ne pouvait se dévoiler que par la considération des ensembles et dans la suite même de ce corps incomparable d’annales.

227. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

C’est là une noble tâche, et c’est peut-être le génie même de l’érudition de trouver ainsi les pièces justificatives à l’appui des jugements portés par une grande nation sur la suite de sa littérature. […] Des siècles s’écouleront avant que nous sachions l’art de porter la lumière dans les matières du raisonnement, et qu’à cette clarté du récit nous joignions la clarté toute spirituelle de la raison faisant voir l’enchaînement de pensées pures, comme le chroniqueur fait voir la suite d’événements historiques. […] Pour le tour, l’ordre et la suite des faits, le naturel du récit on n’y peut guère changer, même pour perfectionner, sans péril ; et le trait des gens du marquis, « qui commencèrent à laisser leur chef, quand ils virent qu’ils n’auroient nulle aide de lui », est une de ces vérités universelles qui trouvent même dans une langue au berceau des formes déjà parfaites, et qui ne changeront pas. […] A l’appel du roi de France, Joinville vendit tous ses biens, et équipa dix chevaliers, dont trois portaient bannière, luxe de suite considérable, mais non désintéressé. […] Depuis plus de cinq siècles que ces chroniques ont été écrites, l’esprit français se reconnaît aux qualités de ces charmants récits, à cette clarté, à cette suite, à cette proportion, à cette absence d’exagération, à ces couleurs déjà mêlées et variées d’une main habile, et dont aucune n’éblouit.

228. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

(Suite.) […] On a là toute une matière de drame, la suite et le mouvement des scènes ; les principaux caractères même sont assez bien esquissés, et il y a un personnage d’Othilie qui a de la grâce et de l’idéal. […] On ferait avec ces deux ouvrages de Ramond, et en laissant de côté les considérations purement scientifiques, une suite de Morceaux choisis dans le genre de ceux de Buffon, et qui mériteraient d’avoir place dans toutes les jeunes bibliothèques.

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